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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_39/2020  
 
 
Arrêt du 3 août 2022  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, 
Beusch, Hartmann et Ryter. 
Greffier : M. Jeannerat. 
 
Participants à la procédure 
Diffulivre SA, 
rue des Jordils 40, 1025 St-Sulpice VD, 
représentée par Me Pascal Favre et 
Me Jérôme Levrat, avocats, 
CMS von Erlach Poncet SA, 
case postale 5824, 1211 Genève 11, 
recourante, 
 
contre  
 
Commission de la concurrence COMCO, Hallwylstrasse 4, 3003 Berne, 
intimée. 
 
Objet 
Cartels - sanction; marché du livre en français, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour II, du 30 octobre 2019 (B-3962/2013). 
 
 
Faits :  
 
A.  
La société Diffulivre SA (ci-après: Diffulivre), dont le siège se situe dans le canton de Vaud, est une filiale de la société française Hachette Livre SA (ci-après: Hachette Livre), qui détient 100 % de son capital-actions. Son activité consiste dans la diffusion et la distribution de livres en français en Suisse. En tant que diffuseur, elle définit le plan commercial et promotionnel des livres concernés et les fait connaître aux divers points de vente. En tant que distributeur, elle organise les flux physiques, logistiques et financiers entre les éditeurs et les revendeurs de livres et assure notamment la gestion des ouvrages retournés par ceux-ci (cf. art. 105 al. 2 LTF). 
Les fournisseurs de Diffulivre peuvent être classés en quatre catégories: 
 
- premièrement, les éditeurs qui, comme elle, font partie du groupe Hachette;  
- deuxièmement, les éditeurs qui ne font pas partie du groupe Hachette, mais qui ont conclu un contrat de diffusion-distribution avec celui-ci, par l'intermédiaire de la société Hachette Livre; 
- les éditeurs qui ne font pas partie du groupe Hachette, mais qui sont néanmoins diffusés et/ou distribués en Suisse par Diffulivre, sans passer par le canal de Hachette Livre; 
- et, enfin, l'éditeur A.________, qui est apparenté à un autre éditeur contrôlé conjointement par Hachette Livre et un groupe canadien. 
Entre 2005 et 2011, la diffusion et la distribution des deux premiers types d'éditeurs précités (éditeurs appartenant au groupe Hachette ou ayant conclu un contrat de diffusion-distribution avec celui-ci) ont représenté presque 92 % du chiffre d'affaires annuel moyen de Diffulivre. Cette activité principale repose sur un contrat que l'intéressée a conclu en 1986 avec la société Hachette Livre, avant son acquisition par celle-ci. L'activité de diffusion et/ou de distribution fournie par Diffulivre au troisième type d'éditeurs (éditeurs ayant confié leurs diffusion et/ou distribution à Diffulivre sans passer par le canal Hachette Livre) se fonde pour sa part sur des contrats conclus directement par la société avec les éditeurs concernés. Enfin, la diffusion-distribution de l'éditeur A.________ en Suisse a fait l'objet d'un contrat tripartite entre l'éditeur précité, Diffulivre et la société Hachette Livre. 
Tous ces contrats contiennent une clause d'exclusivité territoriale en faveur de Diffulivre, dont la formulation peut néanmoins diverger d'un accord à l'autre. 
 
B.  
 
B.a. Du 12 juillet 2007 au 13 mars 2008, le secrétariat de la Commission de la concurrence (ci-après: la COMCO) a mené une enquête préalable sur le marché du livre écrit en français. Les informations obtenues auprès des diffuseurs-distributeurs et des revendeurs actifs en Suisse ont fait apparaître que les premiers occupaient une position forte sur le marché en cause et que le niveau des prix y était élevé.  
 
B.b. D'entente avec le Président de la COMCO, le secrétariat a ouvert, le 13 mars 2008, une enquête visant à examiner l'existence d'un éventuel abus de position dominante au sens de la loi sur les cartels. Le 2 mars 2011, de concert avec son Président, le secrétariat de la COMCO a élargi son enquête à l'examen d'un potentiel accord illicite affectant la concurrence au sens de la loi précitée.  
 
B.c. Le 18 mars 2011, le Parlement a adopté la loi fédérale sur la réglementation du prix du livre, contre laquelle un référendum a été lancé. L'adoption de cette loi et la perspective d'une votation populaire ont amené le secrétariat de la COMCO à suspendre l'enquête par décision incidente du 6 juin 2011, en application du principe de l'économie de la procédure. Le référendum ayant abouti, le peuple suisse s'est prononcé en votation le 11 mars 2012 et a rejeté la loi sur le prix du livre.  
La COMCO a repris son enquête le 22 mars 2012. 
 
B.d. Le 14 août 2012, le secrétariat de la COMCO a communiqué aux parties sa proposition de décision et la liste des pièces versées au dossier. Il retenait notamment que Diffulivre avait participé à un accord horizontal de répartition géographique conclu au sein de l'Association suisse des Diffuseurs, Editeurs et Libraires (ci-après: l'ASDEL), ainsi qu'à un accord vertical de fixation des prix de revente sur la base de ses tabelles. Selon le secrétariat, la société avait aussi participé à un accord vertical attribuant des territoires dans la distribution. Il considérait que l'ensemble de ces relations était illicite au sens de l'art. 5 de la loi sur les cartels et proposait d'interdire aux diffuseurs-distributeurs de fixer les prix de revente, notamment au moyen de tabelles, et de s'entendre avec les libraires sur un taux de remise fondé sur un prix public final pour la Suisse. De même, il envisageait de défendre aux diffuseurs-distributeurs d'opérer une répartition géographique du marché de la diffusion et distribution du livre en français en Suisse, de s'entendre sur une entrave aux importations parallèles ou d'empêcher celles-ci par des contrats de distribution exclusive. Finalement, il a proposé de sanctionner Diffulivre et de mettre à sa charge une part des frais de procédure. Il n'a, pour le reste, pas retenu l'existence d'un abus de position dominante.  
 
B.e. En date du 27 mai 2013, après déterminations des parties sur la proposition de décision ainsi que divers actes d'instruction et auditions, la COMCO a rendu une décision à l'encontre de la société Diffulivre et de neuf autres diffuseurs-distributeurs de livres. Elle a condamné en particulier la société précitée au paiement d'une sanction de 5'436'814 fr. en application de l'art. 49a al. 1 LCart en raison de sa participation à des accords illicites au sens de l'art. 5 al. 4 et 1 LCart (ch. 1.3 du dispositif). Elle lui a par ailleurs interdit - comme aux neuf autres diffuseurs-distributeurs concernés par sa décision - d'entraver par des contrats de distribution et/ou de diffusion les importations parallèles de livres écrits en français par tout détaillant actif en Suisse (ch. 2 du dispositif). Enfin, elle l'a condamnée au paiement, à titre solidaire, des frais de procédure, lesquels se montaient à 760'150 fr. (ch. 4 du dispositif).  
 
B.f. Le 11 juillet 2013, Diffulivre a interjeté recours auprès du Tribunal administratif fédéral contre la décision précitée. La société concluait principalement à son annulation et à sa réforme en ce sens qu'il soit constaté qu'elle n'a pas manqué aux dispositions de la loi sur les cartels et à ce que la procédure soit classée sans suite à son égard. Subsidiairement, elle demandait que l'amende qu'elle s'était vu infliger soit réduite à un montant qui ne soit pas supérieur à 4'822'568 fr. 94 et que toute injonction ou interdiction soit supprimée du dispositif de la décision de la COMCO.  
Par arrêt du 30 octobre 2019, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours de Diffulivre. 
 
C.  
Le 13 janvier 2020, Diffulivre (ci-après: la recourante) dépose un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral. La société, qui sollicite à titre provisionnel l'octroi de l'effet suspensif à son recours, demande sur le fond l'annulation de l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 30 octobre 2019, de même qu'à celle des chiffres 1.3, 2 et 4 du dispositif de la décision de la COMCO du 27 mai 2013. Elle conclut en outre à ce qu'il soit constaté qu'elle n'a pas violé l'art. 5 de la loi sur les cartels. Subsidiairement, elle requiert le renvoi de la cause au Tribunal administratif fédéral pour complément d'instruction et nouvelle décision. 
Par ordonnance du 31 janvier 2020, le Président de la Cour de céans a octroyé l'effet suspensif au recours. 
Le Tribunal administratif fédéral a renoncé à prendre position sur le recours, renvoyant aux considérants de l'arrêt attaqué. La COMCO a répondu au recours, concluant à son rejet. 
La recourante et la COMCO ont répliqué, respectivement dupliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
I. Recevabilité et pouvoir d'examen  
 
1.  
 
1.1. Le litige porte sur le bien-fondé d'un arrêt du Tribunal administratif fédéral confirmant une décision prononcée par la COMCO qui a notamment pour effet de condamner la recourante au paiement d'une sanction financière en application de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les cartels et autres restrictions à la concurrence (loi sur les cartels, LCart; RS 251). Il s'agit d'une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant sous le coup d'aucune des exceptions figurant à l'art. 83 LTF, de sorte que la voie du recours en matière de droit public au Tribunal fédéral est en principe ouverte.  
 
1.2. Le recours a par ailleurs été interjeté dans les formes requises (art. 42 LTF) et en temps utile compte tenu des féries hivernales (art. 100 al. 1 en lien avec l'art. 46 al. 1 let. c LTF) par la société destinataire de l'arrêt attaqué qui a, sous cet angle, manifestement qualité pour recourir (cf. art. 89 al. 1 LTF). Le recours est partant recevable, sous réserve de ses conclusions tendant à faire constater le respect de la LCart et demandant l'annulation de la décision de la COMCO du 27 mai 2013. La première conclusion mentionnée, de nature constatatoire, n'a en effet aucune portée propre par rapport à celle que la recourante a prise en annulation de l'arrêt attaqué (cf. ATF 137 II 199 consid. 6; 135 II 60 consid. 3.3; aussi 141 II 113 consid. 1.7). Quant à la seconde, elle est irrecevable en raison de l'effet dévolutif complet du recours déposé auprès du Tribunal administratif fédéral (cf. ATF 136 II 101 consid. 1.2), dont la décision peut seule être attaquée devant le Tribunal fédéral (cf. art. 86 al. 1 let. a LTF).  
 
2.  
 
2.1. Sous réserve des droits constitutionnels (cf. art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique en principe d'office le droit fédéral (art. 106 al. 1 LTF). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins qu'une violation du droit ne soit manifeste (cf. ATF 140 III 115 consid. 2; 140 III 86 consid. 2; 133 III 545 consid. 2.2; arrêt 4A_399/2008 du 12 novembre 2008 consid. 2.1, non publié in ATF 135 III 112).  
 
2.2. L'examen du Tribunal fédéral se fonde sur les faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF; ATF 142 I 155 consid. 4.4.3), sous réserve des cas prévus par l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours peut critiquer les constatations de fait de l'arrêt attaqué à la double condition qu'elles aient été établies de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. ATF 142 I 135 consid. 1.6), ce que la partie recourante doit rendre vraisemblable par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF. La notion de "manifestement inexact" figurant à l'art. 97 al. 1 LTF correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (cf. ATF 140 III 264 consid. 2.3).  
 
II. Dispositions légales topiques et positions des autorités précédentes  
 
3.  
Le litige porte principalement sur le point de savoir si le Tribunal administratif fédéral a violé le droit en considérant que la recourante avait participé à des accords illicites en matière de concurrence - et présumés supprimer toute concurrence efficace au sens de l'art. 5 al. 1 et 4 LCart - et en la condamnant pour cette raison au paiement d'une sanction financière de 5'436'814 fr. 
Avant de présenter le raisonnement suivi par les différentes autorités précédentes sur ces points, un bref survol des dispositions topiques s'impose. 
 
4.  
 
4.1. La LCart a pour but d'empêcher les conséquences nuisibles d'ordre économique ou social imputables aux cartels et aux autres restrictions à la concurrence et de promouvoir ainsi la concurrence dans l'intérêt d'une économie de marché fondée sur un régime libéral (art. 1 LCart). Elle s'applique, entre autres situations, aux entreprises de droit privé ou de droit public qui sont parties à des cartels ou à d'autres accords en matière de concurrence (art. 2 al. 1 LCart), c'est-à-dire à des conventions avec ou sans force obligatoire ou à des pratiques concertées d'entreprises occupant des échelons du marché identiques ou différents, dans la mesure où ils visent ou entraînent une restriction à la concurrence (art. 4 al. 1 LCart).  
 
4.2. L'art. 5 LCart dispose à son al. 1 que les accords qui affectent de manière notable la concurrence sur le marché de certains biens ou services et qui ne sont pas justifiés par des motifs d'efficacité économique, ainsi que tous ceux qui conduisent à la suppression d'une concurrence efficace, sont illicites. L'art. 5 LCart précise ensuite à son al. 2 la notion de "motifs d'efficacité économique", avant d'énumérer à ses al. 3 et 4 plusieurs types d'accords qui sont présumés entraîner la suppression d'une concurrence efficace et qui réunissent tantôt des entreprises effectivement ou potentiellement concurrentes (accords horizontaux), tantôt des entreprises occupant différents échelons sur un marché (accords verticaux). L'art. 5 al. 4 LCart, qui porte sur les accords verticaux et qui se trouve au centre du présent litige, prévoit en l'occurrence ce qui suit:  
 
3 Sont [...] présumés entraîner la suppression d'une concurrence efficace les accords passés entre des entreprises occupant différents échelons du marché, qui imposent un prix de vente minimum ou un prix de vente fixe, ainsi que les contrats de distribution attribuant des territoires, lorsque les ventes par d'autres fournisseurs agréés sont exclues. 
 
4.3. Les sanctions administratives encourues en cas d'accords illicites sont réglées aux art. 49a ss LCart. L'art. 49a al. 1 LCart prévoit ainsi que l'entreprise qui participe à un accord illicite aux termes de l'art. 5 al. 3 et 4 LCart est tenue au paiement d'un montant pouvant aller jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires réalisé en Suisse au cours des trois derniers exercices. L'art. 50 LCart dispose pour sa part qu'une sanction identique peut être infligée à une entreprise qui contrevient à son profit à un accord amiable, à une décision exécutoire prononcée par les autorités en matière de concurrence ou à une décision rendue par une instance de recours. Il découle de ces dispositions qu'une entreprise ne peut être sanctionnée de manière immédiate en raison d'un accord illicite en matière de concurrence que si elle participe à ce que l'on appelle communément un "cartel dur" ou un "accord rigide" (" hartes Kartell " ou " harte Abrede "), c'est-à-dire à l'un des accords présumés supprimer toute concurrence et exhaustivement énumérés à l'art. 5 al. 3 et 4 LCart (cf. ATF 147 II 72 consid. 6.2; arrêt 2C_113/2017 du 12 février 2020 consid. 10.2; aussi Message du Conseil fédéral du 7 novembre 2001 relatif à la révision de la loi sur les cartels, FF 2002 1920). Dans les autres cas, soit lorsqu'une entreprise prend part à un accord qui, sans être visé par l'art. 5 al. 3 et 4 LCart, restreint néanmoins notablement la concurrence sans motif d'efficacité économique (p. ex. un accord fixant un prix maximal), seul le prononcé d'une mesure administrative entre en ligne de compte (p. ex. une interdiction d'entrave à la concurrence; cf. ATF 143 II 297 consid. 9.4.6); ce n'est qu'en cas de récidive - à savoir en cas de non-respect de la mesure prononcée - que l'entreprise peut éventuellement se voir infliger une sanction, en application de l'art. 50 LCart (cf. arrêts 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 4.3, non publié in ATF 148 II 25; 2C_113/2017 du 12 février 2020 consid. 10.2).  
 
4.4. La problématique des accords verticaux en matière de concurrence est appréhendée de manière pratiquement identique, quoique dans des systèmes différents, par le droit suisse et le droit européen, qui se sont rapprochés au fil du temps (ATF 143 II 297 consid. 5.3.4). Les débats parlementaires laissent d'ailleurs transparaître sans équivoque que le législateur a souhaité que la réglementation des accords verticaux soit similaire à celle de l'Union européenne et s'avère aussi stricte qu'elle, sans l'être davantage (cf. BO 2003 CE 329 s., 331 et 330 s.; voir aussi BO 2002 CN 1435 s., 1438), afin de ne pas conduire à une insécurité juridique (cf. BO 2003 CE 330). Le parallélisme des deux réglementations fait qu'il est possible de se référer à ce que l'Union européenne a exclu ou permis dans sa directive sur les accords verticaux (BO 2003 CE 330), sous réserve d'éventuels changements fondamentaux en droit européen de la concurrence et des différences pouvant exister entre les marchés suisse et européen, qui ne sont pas économiquement comparables (cf. ATF 143 II 297 consid. 6.2.3 et les références citées). Les règles de l'Union européenne ne doivent le cas échéant pas être considérées comme de simples éléments de comparaison et d'interprétation parmi d'autres. Sur le fond, le législateur fédéral désirait une véritable identité de régimes entre le droit suisse et les règles européennes sur les accords verticaux, même s'il n'a pas inséré de renvoi dynamique à ces règles dans la loi ni légiféré de manière techniquement identique (ATF 143 II 297 consid. 6.2.3; arrêt 2C_43/2021 du 21 décembre 2020 consid. 4.4, non publié in ATF 148 II 25; cf. aussi BO 2003 CE 331).  
 
4.5. On précisera cependant ici que l'analyse juridique de la présente cause, qui concerne d'éventuelles ententes cartellaires sur le marché suisse du livre en français entre 2005 et 2011, s'orientera avant tout sur les normes européennes prévalant durant la période concernée, sans tenir compte des modifications intervenues depuis lors, notamment l'adoption du nouveau règlement européen 2022/720 du 10 mai 2022 d'exemption des accords verticaux entré en vigueur en juin 2022 (JOUE L 134 du 11 mai 2022, p. 4 ss), à moins que ces modifications n'apportent un éclairage sur la manière dont il convenait d'appliquer le droit européen de la concurrence entre 2005 et 2011, soit durant la période sous enquête.  
 
5.  
 
5.1. En l'occurrence, dans sa décision de première instance du 27 mai 2013, la COMCO a retenu, en substance, que, durant la période sous enquête, soit entre 2005 et 2011, la recourante avait pris part à des accords verticaux instituant des systèmes de diffusion-distribution ayant pour objectif et effet de restreindre la concurrence efficace sur le marché de la distribution dite "wholesale" du livre en français en Suisse, c'est-à-dire sur le marché suisse de la distribution de livres "en gros" aux librairies et autres revendeurs de livres. Elle a par ailleurs estimé que la présomption de suppression de la concurrence efficace posée à l'art. 5 al. 4 LCart s'appliquait même à toutes les relations commerciales que la recourante avait entretenues durant cette période en vue de la diffusion et/ou de la distribution de livres en français en Suisse, peu importe en cela que les ouvrages en question aient été édités ou non à l'interne du groupe Hachette (cf. supra consid. A) : le système mis en place cloisonnait à chaque fois la distribution des livres concernés en empêchant toute importation parallèle vers la Suisse par les revendeurs helvétiques. Il n'existait par ailleurs aucune concurrence restante sur les plans "intermarques" et "intra-marque" susceptible de renverser la présomption de suppression de la concurrence efficace découlant de l'art. 5 al. 4 LCart. Quand bien même l'on admettrait le contraire, il faudrait considérer que le système de distribution mis en place par la recourante avait en tout cas eu pour effet de restreindre notablement la concurrence en Suisse, sans qu'aucun motif d'efficacité économique ne le justifie au sens de l'art. 5 al. 1 et 2 LCart. La COMCO a dès lors infligé à la recourante une sanction de 5'436'814 fr. pour participation à des accords illicites, en application combinée des art. 5, al. 1 et 4, et 49a al. 1 LCart. Elle lui a en outre interdit de continuer à conclure des contrats de distribution et/ou de diffusion exclusives empêchant toute importation parallèle de livres en français par des détaillants actifs en Suisse.  
 
5.2. Statuant sur recours par arrêt du 30 octobre 2019, le Tribunal administratif fédéral s'est rallié à la décision de la COMCO, qu'il a du reste entièrement confirmée. Il a en l'occurrence jugé qu'entre 2005 et 2011, la recourante avait entretenu des relations commerciales en vue de la diffusion et/ou de la distribution de livres en français qui avaient systématiquement impliqué la conclusion d'accords en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart, accords qui lui étaient du reste toujours imputables d'une manière ou d'une autre. Le Tribunal administratif fédéral a en outre estimé que le système de diffusion-distribution mis en place par ces accords avait eu pour but et effet d'empêcher d'autres fournisseurs actifs sur le marché du livre à l'étranger de vendre en Suisse les mêmes ouvrages que la recourante. Il fallait donc présumer, conformément à l'art. 5 al. 4 LCart, que, durant la période sous enquête, la concurrence efficace avait été supprimée sur le marché suisse de la distribution du livre en français s'agissant des ouvrages diffusés et/ou distribués par la recourante. Subsidiairement, les juges précédents ont estimé, à l'instar de la COMCO, que même si l'on considérait que le système mis en place par la recourante ne supprimait pas toute concurrence efficace, il constituait à tout le moins une atteinte notable à celle-ci, non justifiée par un motif d'efficacité économique, de sorte qu'il s'avérait en tous les cas illicite au sens de l'art. 5 al. 1 LCart. Sur cette base, le Tribunal administratif fédéral a confirmé qu'il y avait lieu de sanctionner l'intéressée en application de l'art. 49a LCart, exactement comme l'avait fait la COMCO, et de lui interdire en sus d'entraver à l'avenir les importations parallèles que voudraient opérer les revendeurs de livres installés en Suisse.  
III. Existence d'accords en matière de concurrence au sens des art. 2 al. 1 et 4 al. 1 LCart 
 
6.  
La première question à examiner sur le fond est celle de savoir si, entre 2005 et 2011, la recourante a véritablement participé à des "accords en matière de concurrence" au sens des art. 2 al. 1 et 4 al. 1 LCart en jouissant du droit contractuel de diffuser et de distribuer différents éditeurs de livres en français à titre exclusif en Suisse. Il s'agit en effet d'une condition de base indispensable à la reconnaissance d'un accord illicite selon l'art. 5 al. 1 LCart et, a fortiori, à une éventuelle condamnation en application de l'art. 49a LCart (cf. supra consid. 4.3).  
 
6.1. La recourante admet en l'occurrence dans ses écritures que les contrats de diffusion et/ou de distribution qu'elle a directement conclus avec certains éditeurs externes au groupe Hachette constituent bel et bien des accords en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart, y compris celui qu'elle a passé avec l'éditeur A.________ conjointement avec sa société mère. Elle soutient en revanche qu'il ne peut lui être reproché d'avoir participé à de tels accords en ce qui concerne la diffusion et la distribution des autres éditeurs - internes ou externes au groupe Hachette - avec lesquels elle n'a jamais entretenu aucune relation contractuelle directe durant la période sous enquête et qui avaient en réalité confié la diffusion et la distribution de leurs ouvrages en premier lieu à sa société mère, Hachette livre, avant que celle-ci ne lui sous-délègue l'exécution de ces deux tâches pour le territoire suisse. Elle affirme que le contrat-cadre qu'elle a conclu avec sa société mère en vue de la réalisation de ces deux tâches - qui représentent, selon l'arrêt attaqué, plus de 90% de son chiffre d'affaires annuel moyen entre 2005 et 2011 - ne peut pas être qualifié d'accord en matière de concurrence, car il lierait deux sociétés appartenant à un même groupe commercial et formant, de ce fait, une seule et même entreprise au sens de la LCart. La recourante ajoute enfin n'avoir jamais été mêlée aux accords que Hachette Livre passait en amont avec les éditeurs qu'elle devait distribuer pour le compte de son groupe, ni aux contrats de ventes que sa société mère pouvait parfois conclure avec certains grossistes français qui souhaitaient acquérir des ouvrages distribués par le groupe Hachette en vue de leur revente. Selon elle, le Tribunal administratif fédéral ne pouvait dès lors pas retenir qu'elle avait participé à des accords en matière de concurrence avec des entreprises externes à son groupe. Il ne pouvait pas lui imputer la responsabilité de tels contrats, d'autant moins qu'il n'en avait même pas établi le contenu exact, ni même requis la production durant la procédure.  
 
6.2. Aux termes de l'art. 4 al. 1 LCart, par accords en matière de concurrence, on entend "les conventions avec ou sans force obligatoire ainsi que les pratiques concertées d'entreprises occupant des échelons du marché identiques ou différents, dans la mesure où elles visent ou entraînent une restriction à la concurrence". Cela signifie que, pour être en présence d'un accord en matière de concurrence au sens de la LCart, deux conditions doivent être réunies: il faut (1) se trouver face à une convention ou une pratique concertée entre (au moins) deux entreprises et (2) que cette convention ou cette pratique vise ou entraîne une restriction à la concurrence (ATF 144 II 246 consid. 6.4; aussi 147 II 72 consid. 3.1), laquelle consiste en une limitation de la liberté dans le jeu de l'offre et de la demande en lien avec des paramètres déterminants du point de vue de la concurrence efficace (arrêt 4C.353/2002 du 3 mars 2003 consid. 3.1).  
 
6.2.1. Plusieurs formes d'accords sont ainsi mentionnées à l'art. 4 al. 1 LCart, à savoir les conventions, avec ou sans force obligatoire, et les pratiques concertées. Ces deux formes d'accords en matière de concurrence, qui supposent toutes deux une action collective, consciente et voulue de la part des entreprises participantes (Message du Conseil fédéral du 23 novembre 1994 concernant la loi fédérale sur les cartels et autres restrictions de la concurrence [Loi sur les cartels, LCart], FF 1995 I 472 ss, spéc. p. 544; cf. ATF 147 II 72 consid. 3.2; 129 II 18 consid. 6.3; 124 III 495 consid. 2a), sont alternatives du point de vue de l'art. 4 al. 1 LCart. L'existence d'une convention obligatoire restreignant un paramètre de la concurrence suffit donc pour conclure à l'existence d'un accord en matière de concurrence. Il n'est alors pas nécessaire de se demander si cet accord remplit en plus les conditions d'une pratique concertée (ATF 144 II 246 consid. 6.4.1).  
 
6.2.2. Pour déterminer si l'on a affaire à une convention au sens de l'art. 4 al. 1 LCart, il convient en principe d'appliquer en premier lieu les règles générales figurant aux art. 1 ss du Code des obligations (CO; RS 220) et d'établir la volonté réciproque et concordante des parties, étant précisé que celle-ci peut être expresse ou tacite (cf. ATF 147 II 72 consid. 3.3). Les manifestations de volonté tacites comprennent les actes concluants, c'est-à-dire ceux dont l'accomplissement laisse transparaître une certaine volonté des parties (ATF 147 II 72 consid. 3.3; 144 II 246 consid. 6.4.1). Il faut cependant que l'on puisse discerner de tels actes une collaboration voulue et consciente de deux ou plusieurs entreprises, ce qui fait défaut en cas de restrictions à la concurrence purement unilatérales (cf. ATF 144 II 246 consid. 6.4.1; 124 III 495 consid. 2a). Ainsi les recommandations contenues dans des accords verticaux, dans la mesure où elles consistent en des déclarations unilatérales non contraignantes, ne sont pas, sous réserve d'une pratique concertée, des accords au sens de l'art. 4 al. 1 LCart, puisqu'elles ne sont pas de nature à limiter l'autonomie décisionnelle des parties. En revanche, une déclaration unilatérale peut constituer une convention et, plus largement, un accord au sens de l'art. 4 al. 1 LCart si la volonté de l'auteur de la déclaration en question est reconnaissable pour l'autre partie et que cette dernière l'accepte expressément ou par acte concluant (ATF 144 II 246 consid. 6.4.1). Cela étant, il convient de garder à l'esprit que la notion de "convention" au sens de la LCart va au-delà de celle de "contrat" au sens de droit des obligations; elle couvre également les accords non contraignants sur le plan juridique, mais dont il ressort malgré tout une volonté de s'engager des parties, comme les gentlemen's agreements ou les Frühstückskartelle, ainsi que l'indique clairement l'art. 4 al. 1 LCart (ATF 147 II 72 consid. 3.3). A cet égard, les exigences liées à la preuve ne doivent pas être exagérées, du moins lorsque les faits, par leur nature, sont difficilement démontrables (cf. ATF 139 I 72 consid. 8.3.2). Les preuves directes de l'existence d'un accord en matière de concurrence sont très rares en pratique, de sorte que l'appréciation des faits doit régulièrement se faire sur la base d'indices (ATF 144 II 246 consid. 6.4.4).  
 
6.2.3. Les notions de conventions et de pratiques concertées inscrites à l'art. 4 al. 1 LCart correspondent à celles d'"accords entre entreprises" ou de "pratiques concertées" consacrées par le droit européen de la concurrence (cf. art. 101 al. 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne [TFUE; JOUE C 326 du 26 octobre 2012, p. 47 ss]; aussi art. 81 al. 1 de l'ancien Traité de Rome instituant la Communauté européenne). Il y a donc lieu de les interpréter et de les appliquer en tenant compte de la jurisprudence et de la pratique européennes (ATF 147 II 72 consid. 3.1; cf. aussi supra consid. 4.4). En l'occurrence, celles-ci admettent aussi qu'un simple comportement convergent adopté par plusieurs entreprises peut représenter un accord relevant du droit de la concurrence, dès lors que les entreprises concernées ont exprimé de cette manière leur intention commune de se comporter d'une manière particulière sur le marché. Elles refusent en revanche de reconnaître l'existence d'un tel accord du seul fait qu'une entreprise ait exprimé son désir d'imposer une politique ou une stratégie commerciale déterminée sur le marché où elle est active, s'il n'est pas prouvé que cette politique ou stratégie a reçu l'acquiescement d'une ou de plusieurs autres entreprises partenaires (cf. en particulier arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes [ci-après: CJCE] C-2/01 P et C-3/01 P du 6 janvier 2004, Bayer AG, ch. 100 s.; Communications de la Commission européenne du 10 mai 2010, Lignes directrices sur les restrictions verticales, JOUE C 130/1 du 19 mai 2010 [ci-après: Lignes directrices UE], no 24).  
 
6.2.4. Appliquant ces principes, la Cour de justice des Communautés européennes - dénommée aujourd'hui Cour de justice de l'Union européenne - a considéré, par exemple, que l'envoi systématique par un fournisseur à ses clients de factures comportant la mention "exportation interdite" constituait un accord interdit à l'aune du droit européen de la concurrence. Elle est partie de l'idée que les clients concernés, qui entretenaient des relations commerciales durables avec le fournisseur en question, acceptaient tacitement cette condition en renouvelant leurs commandes auprès de ce dernier (cf. arrêt de la CJCE C-277/87 du 11 janvier 1990, Sandoz prodotti farmaceutici, Rec. p. I-45, ch. 161 ss). En revanche, la Cour de justice a estimé, comme la Commission européenne, que le simple fait qu'un groupe commercial ait exprimé son intention d'empêcher les importations parallèles vers un Etat de l'Union européenne ne suffisait pas à lui seul à établir l'existence d'un accord interdit entre plusieurs entreprises, au risque sinon de confondre la notion d'"accords entre entreprises" avec celle de "pratiques abusives" imputables à une entreprise dominante. D'après ces deux autorités européennes, pour qu'un accord vertical destiné à cloisonner un marché national puisse être réputé conclu au sens du droit de la concurrence, il est à tout le moins nécessaire que la volonté du fournisseur de mettre en place un système de distribution anticoncurrentiel se concrétise par une invitation - expresse ou implicite - aux partenaires de distribution de réaliser ensemble un tel but, tout particulièrement lorsqu'un potentiel accord sur ce point n'est de prime abord pas dans l'intérêt de ces derniers (cf. arrêt précité de la CJCE, Bayer, ch. 101 s.; aussi Lignes directrices UE, no 24).  
 
6.2.5. La doctrine helvétique est généralement d'avis que l'approche de droit européen qui vient d'être présentée doit également prévaloir en droit suisse (cf. J ÜRG BORER, Wettbewerbsrecht I Kommentar, 3e éd., 2011, no 8 ad art. 4 LCart; ROGER ZÄCH, Schweizerisches Kartellrecht, 2005, nos 371 ss; AMSTUTZ/REINERT, Vertikale Preis- und Gebietsabreden - eine kritische Analyse von Art. 5 Abs. 4 KG, in: Stoffel/Zäch [édit.], Kartellgesetzrevision 2003, 2004, p. 85 ss, spéc. 98; DANIEL KRAUS, Précision de la notion d'entente au sens de l'article 81 du traité CE: Remarques concernant l'arrêt Adalat rendu par la Cour de Justice des Communautés européennes, sic! 2008, p. 515 ss).  
 
6.2.6. Tels qu'ils viennent d'être décrits, des accords en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart peuvent exister non seulement entre entreprises de même rang (accords horizontaux), mais aussi entre entreprises de différents échelons du marché (accords verticaux; ATF 144 II 246 consid. 6.4.1; 129 II 18 consid. 4). En revanche, les conventions passées entre des sociétés appartenant à un même groupe et sur lesquelles une société mère exerce un contrôle effectif ne sont pas soumises à la LCart, dès lors que toutes ces entités, en l'absence d'indépendance, constituent une seule et même entreprise et bénéficient de ce que l'on appelle un "privilège de groupe" (ATF 145 III 303 consid. 7.2.2; cf. aussi arrêt 2C_484/2010 du 29 juin 2012 consid. 3, non publié in ATF 139 I 72). Cela signifie notamment que, lorsqu'elles sont passées entre deux sociétés appartenant au même groupe et ne se comportant pas de manière indépendante l'une de l'autre, les ententes verticales sur les prix ou sur une protection territoriale ne constituent pas des accords en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart, ni, a fortiori, des accords illicites au sens de l'art. 5 al. 1 LCart. Ce n'est qu'indirectement - par effet réflexe - qu'elles peuvent éventuellement tomber sous le coup de ces dispositions, s'il n'existe aucun doute quant au fait que les clauses anticoncurrentielles qu'elles contiennent sont destinées à être reprises dans les accords que le groupe est appelé à conclure avec des entreprises tierces, accords ne bénéficiant, eux, d'aucun privilège de groupe (cf. Note explicative de la Commission de la concurrence du 12 juin 2017 relative à la CommVert [état le 9 avril 2018; ci-après: Note explicative CommVert], ch. 9, 2e point, renvoyant à la décision de la COMCO du 21 octobre 2013, Kosmetikprodukte, DPC 2014/1, p. 190 et 197, nos 61 ss et 130 ss; aussi MANI REINERT, in Basler Kommentar, Kartellgesetz, 2e éd. 2021, nos 358 ss ad art. 4 al. 1 LCart). Il en va exactement de même en droit européen (cf. notamment arrêt de la CJCE C-73/95 du 24 octobre 1996, Viho Europe BV, RJ 1996 I-05457, ch. 16 ss; décision de la Commission européenne 70/332 du 30 juin 1970, Kodak, JO n° L 147, p. 24-27). Il en résulte que la pratique de certains groupes commerciaux consistant à refuser d'approvisionner les clients et entreprises suisses aux prix et aux conditions commerciales en vigueur à l'étranger et à les renvoyer vers les sociétés de distribution correspondantes en Suisse (souvent des sociétés du groupe) - pour qu'ils achètent aux conditions et au prix (plus élevés) pratiqués dans ce pays - ne relève pas nécessairement d'un accord en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart, prohibé par l'art. 5 al. 1 et 4 LCart et pouvant faire l'objet d'une sanction à ce titre au sens de l'art. 49a LCart, ce en raison du privilège de groupe (cf. arrêt 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 7.3, non publié in ATF 148 II 25; Note explicative CommVert, ch. 9, 2e point; STÄUBLE/SCHRANER, in KG - Kommentar zum Bundesgesetz über Kartelle und andere Wettbewerbsbeschränkungen, 2018, no 275 ad art. 7 LCart).  
 
6.2.7. Cela ne veut toutefois pas dire que la loi ne proscrit pas une telle manière de faire. L'art. 7 LCart prévoit en particulier, depuis le 1er janvier 2022, que les entreprises jouissant d'un pouvoir de marché relatif en Suisse ont l'interdiction d'empêcher les acheteurs suisses de se procurer à l'étranger des biens ou des services aux prix du marché et aux conditions usuelles de la branche (RO 2021 576). La nouvelle disposition doit faciliter la lutte contre les discriminations de prix en permettant aux autorités de la concurrence, ainsi qu'aux entreprises acheteuses, d'engager plus facilement des procédures contre certains grands groupes commerciaux, qui peuvent cloisonner le marché suisse en échappant aux règles de l'art. 5 LCart en raison du privilège de groupe (Message du Conseil fédéral du 29 mai 2019 relatif à l'initiative populaire "Stop à l'îlot de cherté - pour des prix équitables [initiative pour des prix équitables]" et au contre-projet indirect, FF 2019 4665, p. 4690 et 4727). Avant cette révision, on admettait déjà que le refus d'une entreprise étrangère de livrer un client suisse aux prix et conditions prévalant à l'étranger pouvait constituer un comportement entrepreneurial abusif et, partant, inadmissible au sens de l'art. 7 al. 1 et 2 LCart: il fallait cependant démontrer que l'entreprise en question disposait d'une position dominante sur le marché considéré, ce qui n'était pas forcément aisé (STÄUBLE/SCHRANER, op. cit., nos 276 s. ad art. 7 LCart). On remarquera d'ailleurs que la procédure ouverte par la COMCO contre la recourante en mars 2008 avait à l'origine précisément pour but de démontrer que cette dernière détenait une telle position sur le marché suisse de la distribution du livre en français et qu'elle en abusait. Ce n'est qu'en mars 2011, que la COMCO a étendu son analyse à la présence potentielle d'accords illicites supprimant la concurrence sur ce marché au sens des art. 4 et 5 al. 1 et 4 LCart, avant de la concentrer sur ce point exclusivement au stade de sa proposition de décision (cf. supra consid. B.d), abandonnant ainsi l'idée d'un examen de la cause sous l'angle de l'art. 7 LCart, ce que le Tribunal administratif fédéral n'a pas envisagé non plus dans l'arrêt attaqué. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral de revenir d'office sur ce choix, que les parties ne remettent du reste pas en question et qui n'appartient pas à l'objet du litige, lequel consiste uniquement à déterminer si la recourante a participé à des accords en matière de concurrence non seulement illicites, mais également sanctionnables en application des art. 4, 5 et 49a LCart (cf. dans le même sens arrêt 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 7.4, non publié in ATF 148 II 25).  
 
6.3. En l'occurrence, le Tribunal administratif fédéral a établi que la recourante était détenue à 100 % par la société française Hachette Livre et qu'elle appartenait de ce fait au groupe éponyme Hachette, lequel est actif non seulement dans le domaine de l'édition de livres, mais également dans celui de leurs diffusion et distribution aux revendeurs. Il ressort ainsi de l'arrêt attaqué que le groupe précité diffuse et distribue généralement lui-même la production de ses éditeurs auprès des librairies et autres revendeurs de livres, tout en acceptant cependant aussi de livrer certains grossistes externes au groupe. Il a enfin été constaté que le groupe consentait également à mettre son réseau de diffusion-distribution à disposition d'autres entreprises et, partant, à diffuser et distribuer certains éditeurs indépendants. La diffusion et la distribution de l'ensemble de ces livres - qui peuvent donc être édités ou non par le groupe Hachette - sont en principe assurées par la société Hachette Livre. Ces deux tâches sont néanmoins déléguées à la recourante en tant qu'elles se rapportent au territoire suisse, conformément à une convention que cette dernière a signée avec sa société mère. Cette convention, par laquelle Hachette Livre s'est obligée à "ne pas vendre" elle-même les ouvrages diffusés par le groupe en Suisse, ainsi qu'à "ne pas laisser vendre" ces mêmes produits sur ce territoire par d'autres sociétés que la recourante, accorde à celle-ci un droit exclusif de diffusion et de distribution dans le pays.  
 
6.4. Il n'est pas contesté qu'apprécié pour lui-même, l'ultime arrangement mentionné ci-devant, passé entre la recourante et sa société mère, ne peut pas être qualifié d'accord en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart, quand bien même la clause d'exclusivité qu'il contient constitue une restriction à la concurrence, car, ainsi qu'on l'a vu, la LCart ne s'applique généralement pas aux conventions passées entre sociétés d'un même groupe commercial, ce en raison du "privilège de groupe" (cf. supra consid. 6.2.6 et suivant). Il n'en demeure pas moins que l'on peut se demander si la recourante n'a pas, malgré tout, participé à des accords en matière de concurrence en considération des contrats de diffusion-distribution, respectivement des contrats de ventes que sa société mère a conclus tant en amont qu'en aval avec certains éditeurs ou grossistes externes au groupe Hachette. Il est vrai que ces contrats, passés avec des entreprises indépendantes du groupe Hachette, sont assurément susceptibles de tomber dans le champ d'application de la LCart dans la mesure où il serait établi qu'ils instituent également des restrictions à la concurrence sur le marché suisse de la distribution du livre. Par ailleurs, comme le Tribunal fédéral l'a déjà relevé dans plusieurs arrêts récents relatifs à ce marché, les contrats de diffusion-distribution qu'un groupe d'édition, de diffusion et de distribution de livres peut conclure avec des éditeurs indépendants n'échappent pas au droit suisse de la concurrence du simple fait que leur exécution sur le territoire national ait été déléguée à une filiale suisse par le biais d'un contrat bénéficiant d'une convention bénéficiant du "privilège de groupe". Quant à cette filiale, elle ne peut logiquement pas se dédouaner d'un comportement anticoncurrentiel qui a certes été convenu entre sa société mère et des entreprises tierces, mais qui lui est néanmoins profitable et sert ses intérêts, en alléguant simplement qu'elle n'en est pas formellement responsable; la faculté d'imputer, à certaines conditions, le comportement d'une société mère à sa filiale et vice versa ne constitue finalement rien d'autre qu'un corollaire du privilège de groupe (cf. arrêts 2C_44/2020 du 3 mars 2022 consid. 8, destiné à la publication; aussi 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 7.5, non publié in ATF 148 II 25).  
 
6.5. Le problème est que l'arrêt attaqué n'établit pas le contenu des contrats que la société mère de la recourante, à savoir Hachette Livre, a pu passer avec d'autres acteurs du marché du livre externes au groupe Hachette. Un tel constat ne vaut pas seulement à l'égard des contrats de diffusion-distribution que Hachette Livre a pu signer avec certains éditeurs indépendants et que la recourante a exécutés en Suisse sur mandat de sa société mère entre 2005 et 2011 (cf. infra consid. 6.5.1). Il s'impose également à l'égard des contrats de vente que le groupe a pu conclure avec certains grossistes indépendants, avec lesquels la recourante aurait théoriquement pu, durant cette même période, se retrouver en concurrence sur le marché suisse de la distribution de livres (cf. infra consid. 6.5.2 et suivants).  
 
6.5.1. S'agissant des liens contractuels que le groupe Hachette a entretenus avec des éditeurs indépendants durant la période sous enquête, l'arrêt attaqué se contente simplement d'en constater l'existence. Il établit seulement que certaines entreprises éditrices de livres en français ont chargé la société Hachette Livre de diffuser et de distribuer leurs ouvrages, a priori dans le monde entier. Une lecture de l'arrêt attaqué ne permet pas de savoir, par exemple, si ces tâches de diffusion et de distribution ont été confiées à titre exclusif au groupe Hachette, ni si les éditeurs concernés se sont engagés à renoncer à toute vente directe et indirecte de leurs produits à destination du marché suisse. Il n'est pas possible de déterminer non plus si la recourante a été impliquée d'une quelconque manière dans l'élaboration de tels accords. Relevons que la Cour de céans ne peut pas combler cet établissement lacunaire des faits en consultant le dossier (cf. art. 105 al. 2 LTF; aussi supra consid. 2.2), puisque les contrats que le groupe Hachette a passés avec les éditeurs indépendants qu'il a accepté de diffuser et distribuer n'y figurent pas, comme le Tribunal administratif fédéral le souligne lui-même (cf. arrêt attaqué, consid. 6.4.2). Faute de constatations de fait suffisantes dans l'arrêt attaqué, il est ainsi impossible de retenir que les contrats de diffusion-distribution conclus en amont de la chaîne de distribution par Hachette Livre avec certains éditeurs indépendants ont visé ou entraîné une quelconque restriction à la concurrence sur le marché du livre en français durant la période sous enquête, ni, a fortiori, de déterminer si, en se voyant chargée de leur exécution sur le territoire suisse par Hachette Livre, la recourante a participé indirectement à des accords en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart. La Cour de céans est parvenue à une conclusion similaire dans un arrêt récent concernant un autre diffuseur-distributeur de livres ayant aussi fait l'objet d'une sanction prononcée par la COMCO et confirmée dans son principe par le Tribunal administratif fédéral (cf. arrêt 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 7.6, non publié in ATF 148 II 25).  
 
6.5.2. L'arrêt attaqué ne contient guère plus d'informations sur les liens contractuels que le groupe Hachette a entretenus en aval de la chaîne de distribution avec certains grossistes indépendants durant la période sous enquête. En effet, le Tribunal administratif fédéral n'a nullement établi le contenu concret des accords qui ont pu être passés entre ces acteurs particuliers du marché du livre entre 2005 et 2011. Le dossier ne contient à nouveau aucun contrat de ce type susceptible d'en révéler la teneur; les autorités inférieures n'ont en effet jamais enjoint à la recourante ou au groupe Hachette de leur en fournir des exemplaires (cf. art. 105 al. 2 LTF). Dans l'arrêt attaqué, l'autorité précédente s'est ainsi limitée à exposer les conditions générales de vente que la société Hachette Livre impose aux différentes entreprises souhaitant lui acheter des livres en vue de leur revente. Elle n'y a cependant décelé l'existence d'aucune clause qui aurait eu pour objet ou pour effet une restriction de la concurrence. Au terme d'un examen détaillé desdites conditions générales, le Tribunal administratif fédéral a reconnu que celles-ci " ne plaid[ai]ent (...) ni en faveur ni en défaveur d'une exclusion [contractuelle] des ventes passives " à destination du territoire suisse pour les grossistes (cf. arrêt attaqué consid. 9.2.5.3). Il s'ensuit que l'arrêt attaqué ne fait état d'aucune convention conclue entre le groupe Hachette et des grossistes indépendants ayant visé ou entraîné des restrictions à la concurrence sur le marché suisse de la distribution du livre et pouvant constituer un accord en matière de concurrence imputable à la recourante au sens de l'art. 4 al. 1 LCart.  
 
6.5.3. Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif fédéral semble estimer qu'il peut être reproché à la recourante d'avoir participé à des accords en matière de concurrence en considération du fait que sa société mère s'était engagée auprès d'elle à "ne pas laisser" d'autres entreprises qu'elle vendre sur le marché suisse les ouvrages édités et/ou diffusés par le groupe Hachette, ce qui aurait forcément impliqué d'empêcher les partenaires de distribution actifs à l'étranger et indépendants du groupe - y compris les grossistes français avec lesquels celui-ci traitait - de (re) vendre à destination de la Suisse les produits qui leur étaient livrés. L'autorité précédente voit dans cet engagement interne au groupe Hachette une sorte de "preuve par indices" que la recourante aurait participé, par le truchement de sa société mère, à des accords en matière de concurrence visant à cloisonner le marché suisse. Elle a ce faisant perdu de vue que la participation d'une entreprise - éventuellement constituée en groupe commercial - à des accords en matière de concurrence illicites au sens de la LCart ne peut pas être inférée du simple fait que ladite entreprise ait exprimé sa volonté - toute générale - de mettre en place une politique d'empêchement des importations parallèles en relation avec les biens qu'elle produit ou distribue, sans préciser d'aucune manière les moyens qu'elle entend mettre en oeuvre à cette fin (cf. supra consid. 6.2.2 et suivants; cf. aussi REINERT, op. cit., no 359 ad art. 4 al. 1 LCart); dans le cas concret, pour pouvoir reconnaître l'existence de tels accords sous l'angle du droit suisse, qu'il convient d'interpréter en regard du droit européen, le Tribunal administratif fédéral aurait dû constater, en se fondant le cas échéant sur d'autres indices, que le groupe Hachette avait au moins invité les grossistes à accepter une restriction à la concurrence consistant en une interdiction d'exportation vers la Suisse, ce qu'il n'a toutefois pas fait. En retenant, sans procéder à un tel constat, que la recourante et son groupe avaient participé à des accords en matière de concurrence au sens des art. 2 al. 1 et 4 al. 1 LCart, il a violé le droit fédéral.  
 
6.5.4. Enfin, contrairement à ce que laisse entendre la COMCO dans sa réponse au recours, il importe en l'espèce peu que la recourante n'ait produit volontairement aucun contrat passé par son groupe avec certains grossistes indépendants. Il n'est pas possible de déduire d'un tel fait sa participation à des accords visant à cloisonner le marché suisse. Rien ne l'obligeait en effet à fournir spontanément aux autorités précédentes - à tout le moins sans que celles-ci ne l'y aient enjoint d'aucune sorte - tous les renseignements utiles et les pièces nécessaires à l'aboutissement d'une procédure qu'elle n'avait pas initiée elle-même et qui pouvait par ailleurs conduire au prononcé d'une sanction financière importante à son encontre (cf. art. 13 PA en lien avec l'art. 40 LCart; aussi WYSSLING/BICKEL, in KG - Kommentar zum Bundesgesetz über Kartelle und andere Wettbewerbsbeschränkungen, 2018, nos 6 s. ad art. 40 LCart; BENOÎT MERKT, in Commentaire Romand - Droit de la concurrence, 2e éd., 2013, no 11 ad art. 40 LCart). On ne peut dès lors lui imputer aucun refus de collaborer susceptible d'être pris en compte à son détriment et apte à relativiser l'obligation des autorités précédentes d'établir elles-mêmes les faits pertinents au moment d'apprécier si les éléments du dossier sont propres à démontrer l'existence de clauses restrictives de concurrence dans les contrats passés par le groupe Hachette avec certains grossistes français indépendants (cf., à titre de comparaison, ATF 130 II 449 consid. 6.6.1).  
 
6.6. En définitive, ni les faits établis dans l'arrêt attaqué, ni les faits du dossier - dont le Tribunal fédéral aurait éventuellement pu tenir compte à titre exceptionnel (cf. art. 105 al. 2 LTF) - ne permettent de retenir que la recourante aurait participé à des accords en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart en tant qu'elle a diffusé et/ou distribué en Suisse des éditeurs tant internes qu'externes au groupe Hachette sur délégation de sa société mère entre 2005 et 2011, étant précisé qu'une telle tâche a représenté plus de 90 % de son chiffre d'affaires annuel moyen durant la période sous enquête. Il faut partant considérer qu'en l'état, l'autorité précédente a violé le droit fédéral en partant de la prémisse inverse, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si elle a également violé le droit d'être entendue de la recourante ou établi arbitrairement les faits à cet égard, comme cette dernière le prétend dans son mémoire. Compte tenu de l'écoulement du temps, la Cour de céans renonce au demeurant à renvoyer la cause au Tribunal administratif fédéral pour qu'il complète les faits de la cause, de la même manière qu'elle l'a déjà décidé dans un arrêt précédent relatif à l'un des neuf autres diffuseurs-distributeurs de livres en français également sanctionnés en 2013 par la COMCO (cf. arrêt 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 7.7, non publié in ATF 148 II 25). Il n'appartient pas à la recourante de subir les conséquences du fait que l'autorité judiciaire précédente n'a pas établi les faits de manière complète en lien avec sa cause alors même qu'il en aurait eu largement le temps et l'occasion durant les six ans qu'a duré la procédure de recours pendante devant elle.  
 
6.7. En guise de conclusion intermédiaire, il convient donc de retenir qu'en l'état de l'arrêt attaqué et du dossier, il ne peut être reproché à la recourante d'avoir été partie à des accords en matière de concurrence en lien avec la diffusion-distribution d'éditeurs de livres en français sur mandat de sa société mère et, de manière générale, du groupe Hachette. Il n'en demeure pas moins qu'elle a assurément participé à de tels accords durant cette période en concluant elle-même certains contrats avec des éditeurs s'étant directement adressés à elle en vue de leur diffusion et/ou de leur distribution sur le territoire suisse. Ces accords, qui contiennent tous une clause d'exclusivité, constituent bel et bien des accords en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart, y compris celui qu'elle a passé de manière tripartite avec sa société mère et l'éditeur A.________, ce que ne conteste pas l'intéressée. Reste à savoir s'ils constituent des accords illicites visés par l'art. 5 al. 4 LCart et, partant, sanctionnables au sens de l'art. 49a LCart, comme le soutiennent les autorités précédentes, mais le conteste la recourante.  
IV. Existence d'accords verticaux d'attribution de territoires au sens de l'art. 5 al. 4 LCart 
 
7.  
La recourante soutient que les contrats de diffusion et/ou de distribution exclusives qu'elle a conclus directement avec certains éditeurs externes au groupe Hachette ne remplissent pas les conditions permettant de les qualifier d'accords verticaux présumés supprimer toute concurrence efficace au sens de l'art. 5 al. 4 LCart, de sorte que l'on ne peut pas lui reprocher d'avoir participé à ce genre d'accords durant la période sous enquête. 
 
7.1. Pour rappel, l'art. 5 al. 4 LCart prévoit que les "contrats de distribution attribuant des territoires" sont, entre autres accords, présumés entraîner la suppression de la concurrence efficace sur le marché qu'ils concernent "lorsque les ventes par d'autres fournisseurs agréés sont exclues". Cette présomption implique la réalisation de trois conditions qu'il convient de passer en revue: (1) l'existence d'un accord vertical de distribution, (2) l'attribution d'un territoire et (3) la mise en place d'une protection territoriale absolue (cf. ATF 148 II 25 consid. 8; 143 II 297 consid. 6.2).  
 
7.1.1. Il n'y a d' accord vertical de distribution au sens l'art. 5 al. 4 LCart que lorsque des entreprises occupant des échelons du marché différents s'entendent sur des modalités de distribution de biens, services ou produits dans le cadre d'un contrat de distribution. Selon la jurisprudence, la notion de "contrats de distribution" doit être comprise largement. Elle englobe évidemment les contrats de distribution proprement dits, par lesquels un producteur ou un prestataire de services organise son réseau de distribution et convient avec son distributeur que ses produits seront écoulés selon des modalités qu'ils spécifient (contrat de distribution exclusive, système de distribution sélective, contrat d'achat exclusif, contrat de fourniture exclusive, etc.). Elle couvre cependant aussi les clauses de distribution spécifiques insérées dans d'autres contrats, comme des contrats de franchise ou de licence (ATF 148 II 25 consid. 8.1; 143 II 297 consid. 6.3.1).  
 
7.1.2. Un accord vertical de distribution procède à une attribution de territoire lorsqu'il contient une clause d'exclusivité se référant à une surface délimitée ou délimitable (p. ex. la Suisse qui constitue un marché potentiellement clos, ce qui a justifié l'introduction de l'art. 5 al. 4 LCart; ATF 143 II 297 consid. 6.3.2). Il convient de souligner à cet égard que le texte clair de l'art. 5 al. 4 LCart ne se réfère qu'aux répartitions de marchés sur la base de "territoires". La présomption de suppression de la concurrence efficace prévue par cette disposition ne vaut dès lors pas pour les accords de distribution qui segmenteraient le marché en fonction d'une "clientèle" (cf. aussi BO 2003 CE 330). Un accord d'exclusivité de clientèle par lequel un fournisseur s'engagerait à ne vendre ses produits qu'à un seul distributeur aux fins de leur revente à une clientèle déterminée (p. ex. à des clients exerçant une profession déterminée ou figurant sur une liste préétablie sur la base d'un critère donné; cf. Lignes directrices UE, no 168) ne relève en principe pas de l'art. 5 al. 4 LCart, à moins bien sûr que la clientèle en question soit définie sur la base d'un critère géographique uniquement (ATF 148 II 25 consid. 8.2; aussi arrêt 2C_44/2020 du 3 mars 2022 consid. 7.2, destiné à la publication).  
 
7.1.3. D'après l'art. 5 al. 4 LCart, un accord vertical de distribution attribuant un territoire n'est enfin présumé supprimer la concurrence efficace que s'il est exclu que d'autres fournisseurs agréés procèdent à des ventes sur ce territoire. Sur la base d'une interprétation historique et téléologique, le Tribunal fédéral considère que seuls les cas de protection territoriale "absolue" sont visés par la norme et concernés par la présomption de suppression de la concurrence instituée par celle-ci. Il existe une telle protection lorsque les partenaires de distribution externes au territoire attribué se voient empêchés de procéder à des ventes non seulement "actives", mais également "passives" vers le territoire attribué (ATF 143 II 297 consid. 6.3.4). Par "vente active", il faut comprendre le fait pour un distributeur de chercher à obtenir des clients ou une clientèle installés sur le territoire d'un autre distributeur par le biais de moyens ciblés. Quant à la "vente passive", elle consiste uniquement à répondre à des commandes spontanées effectuées par des clients provenant de ce territoire. Ainsi, s'il reste possible d'opérer de telles ventes passives à destination d'un territoire attribué à titre exclusif à un distributeur, il faut considérer que celui-ci ne bénéficie pas d'une protection territoriale absolue, même si aucun autre distributeur ne peut procéder à des ventes actives sur ce territoire; on se trouve dans un tel cas face à une protection territoriale "relative", laquelle ne relève pas de l'art. 5 al. 4 LCart (ATF 148 II 25 consid. 8.3; 143 II 297 consid. 6.3.5).  
 
7.2. En l'occurrence, il ressort de l'arrêt attaqué que, durant la période sous enquête, soit entre 2005 et 2011, la recourante entretenait des relations commerciales directes avec un certain nombre d'éditeurs externes au groupe Hachette avec lesquels elle avait passé des contrats de diffusion et/ou de distribution exclusives. Le Tribunal administratif fédéral a établi que ces contrats contenaient généralement les dispositions contractuelles suivantes:  
 
" Article 1: Définition  
L'Editeur déclare être titulaire des droits de diffusion et de distribution sur le territoire décrit à l'art. 2, des ouvrages publiés pour le label ou marque. 
L'Editeur confiera au Diffuseur la réalisation de ces mêmes opérations pour tout nouveau label dont il aurait acquis le droit de diffusion et de distribution pour le territoire suisse. 
En conséquence de quoi, l'Editeur confie au Diffuseur la diffusion et la distribution exclusives du fonds ci-dessus désigné. 
Leurs relations sont définies par la présente convention. 
Article 2 : Etendue de l'exclusivité  
 
1. L'exclusivité s'étend à tous les clients (librairies traditionnelles, grandes surfaces, librairies dites de presse, kiosques, écoles, bibliothèques, grossistes, etc.) situés sur le territoire suisse. 
2. L'Editeur, par conséquent, s'engage à ne pas vendre ou laisser vendre ses ouvrages sur le territoire [suisse] pendant la durée du présent contrat et adressera au Diffuseur tous les ordres qui pourraient lui parvenir, provenant des clients mentionnés sous point 1 résidant en Suisse." 
Il ressort par ailleurs de l'arrêt attaqué que la recourante avait passé un contrat particulier avec l'éditeur A.________, conjointement avec sa société mère Hachette Livre, étant précisé que l'éditeur en question était certes économiquement lié au groupe Hachette, mais ne lui appartenait pas. Ce contrat présentait la teneur suivante: 
 
" Article 1 - Définition  
L'Editeur confie au "Distributeur" en exclusivité la distribution de toutes ses collections [...] 
Article 2 - Etendue de l'exclusivité 
Cette exclusivité confiée au Distributeur s'étend à tous les circuits de vente distribuant habituellement des livres, à l'exception de la vente directe aux consommateurs, de la vente par correspondance et du courtage, et à tous les clients de ses circuits, qu'ils soient personnes physiques ou morales, privées ou publiques, en Suisse (désignée ci-après: "Le Territoire"), 
L'Editeur fera ses meilleurs efforts pour éviter le contournement d'un tel droit d'exclusivité à partir de pays limitrophes ou non. 
Article 3 - Obligations des deux parties 
L'Editeur s'engage à ne pas vendre sur le Territoire, en dehors de l'intermédiaire du Distributeur, aucun [livre], objet de la convention, autrement qu'à l'unité, sans remise et ce, après la date de mise en vente fixée par le Distributeur. [...]" 
Enfin, d'après l'arrêt attaqué, la recourante était encore liée à quelques éditeurs qui lui avaient confié uniquement une tâche de distribution pour la Suisse. Dans les contrats conclus à cet effet, les cocontractants " s'interdi[saient], sauf accord écrit et en particulier, une distribution directe ou parallèle ", tout en s'engageant à informer, en tant que besoin, la clientèle de la recourante de l'exclusivité conférée à celle-ci. D'autres fois, ils se limitaient à " s'interdi[re] [...] de distribuer tout ouvrage faisant partie de la présente exclusivité sur le territoire [suisse] ".  
 
7.3. Dans son arrêt, le Tribunal administratif fédéral a retenu, en substance, qu'il n'était pas possible de retracer la réelle intention de la recourante et de ses partenaires au moment de la conclusion des contrats exposés ci-devant. Les juges précédents ont cependant estimé que ceux-ci constituaient assurément des accords verticaux de distribution attribuant un territoire à titre exclusif à la recourante. Ils ont également considéré, sur la base d'une interprétation conforme à la bonne foi, que ces contrats conféraient une protection territoriale absolue à la recourante en tant qu'ils contenaient une promesse des éditeurs de " ne pas vendre " et de " ne pas laisser vendre " leurs ouvrages par d'autres distributeurs sur le territoire suisse ou, s'agissant du cas particulier de A.________, de faire leurs " meilleurs efforts pour éviter le contournement [du] droit d'exclusivité à partir de pays limitrophes ou non ". D'après le Tribunal administratif fédéral, ces clauses, dont il convient de présumer qu'elles avaient été respectées par les éditeurs, auraient visé à mettre en place un système de distribution empêchant d'autres distributeurs de livres actifs hors de Suisse d'effectuer des ventes passives à destination de ce marché, ce que les parties à l'accord ne pouvaient raisonnablement ignorer. L'autorité précédente a en outre considéré que cette conclusion était corroborée par d'autres éléments. Dans son arrêt, elle relève que l'exclusion de toutes importations parallèles depuis la France aurait permis d'assurer le bon fonctionnement du droit de retour que la recourante proposait durant la période sous enquête en lien avec certains ouvrages. A cela s'ajoute que, lors d'une séance de 2005 à laquelle la recourante était représentée, l'ASDEL aurait abordé la question des importations parallèles et de leur éventuelle "autorisation", ce qui laisse entendre qu'il existait une pratique de cloisonnement du marché suisse chez les diffuseurs-distributeurs de livres à cette époque. Les juges précédents ont enfin retenu dans l'arrêt attaqué qu'aucune importation parallèle n'aurait eu lieu, ni n'aurait été possible s'agissant des ouvrages diffusés et/ou distribués par la recourante durant la période visée par l'enquête de la COMCO, soit entre 2005 et 2011, alors même qu'il aurait existé un intérêt économique pour les librairies helvétiques à se procurer les ouvrages en question à l'étranger. Cette absence d'importation parallèle démontrerait, selon eux, que les éditeurs partenaires de l'intéressée avaient accepté de lui octroyer une protection territoriale absolue.  
 
7.4. La recourante conteste le raisonnement du Tribunal administratif fédéral. Elle affirme que les contrats de diffusion et/ou de distribution qu'elle a elle-même conclus avec différents éditeurs externes au groupe Hachette ne contiennent aucune clause attribuant des territoires au sens de l'art. 5 al. 4 LCart, ni n'excluent les ventes passives depuis l'étranger au sens de cette norme. Elle reproche de cette manière à l'autorité inférieure d'avoir procédé à une interprétation incorrecte des clauses d'exclusivité pouvant s'y trouver. Elle soutient également que les autres éléments et circonstances sur lesquels s'est fondé le Tribunal administratif fédéral pour aboutir à la conclusion que ses partenaires éditeurs lui auraient accordé une protection territoriale absolue reposent non seulement sur un établissement arbitraire des faits, mais qu'ils sont en plus impropres à étayer une telle conclusion.  
 
7.5. Il est en l'occurrence patent que les contrats de diffusion et/ou de distribution exposés plus haut, auxquels la recourante a été partie avec différents éditeurs externes à son groupe entre 2005 et 2011, constituent tous des accords verticaux de distribution qui attribuent à l'intéressée un territoire à titre exclusif, territoire qui correspond dans le cas d'espèce à la Suisse entière. Dans cette mesure, ils remplissent évidemment la première condition d'un accord vertical présumé supprimer la concurrence efficace au sens de l'art. 5 al. 4 LCart, en ce sens qu'ils constituent tous des contrats de distribution, ce que ne conteste pas la recourante. Quoi en dise celle-ci, ces accords satisfont par ailleurs également à la deuxième condition prévue par la norme précitée en tant qu'ils prévoient une attribution de territoire. Contrairement à ce que l'intéressée prétend, pour que la présomption de suppression de la concurrence posée à l'art. 5 al. 4 LCart entre en ligne de compte en lien avec un contrat de distribution relatif à la Suisse, il n'est pas nécessaire d'établir l'existence d'autres attributions de territoires opérées par l'entreprise jouant le rôle de fournisseur, c'est-à-dire de démontrer que celle-ci a parallèlement alloué d'autres territoires que la Suisse à d'autres entreprises que le distributeur helvétique (p. ex. l'attribution de la France à un distributeur français). L'attribution du marché suisse à titre exclusif à un distributeur officiel, comme c'est le cas en l'espèce, suffit (cf. supra consid. 7.1.2).  
 
7.6. Reste à déterminer si le Tribunal administratif fédéral a considéré à juste titre que les accords conclus par la recourante remplissaient aussi la troisième condition d'application de l'art. 5 al. 4 LCart, à savoir qu'ils conféraient une protection territoriale absolue à l'intéressée. Celle-ci le réfute, contestant notamment l'interprétation desdits accords faite par l'autorité précédente.  
 
7.6.1. Déterminer si l'on se trouve face à un accord remplissant les conditions de l'art. 5 al. 4 LCart implique avant tout d'interpréter le contrat concerné. A cet égard, il convient en principe d'appliquer les règles générales figurant aux art. 1 ss CO et d'établir quelle était la volonté réciproque et concordante des parties, étant précisé que celle-ci peut être expresse ou tacite (cf. ATF 147 II 72 consid. 3.3). Les manifestations de volonté tacites comprennent notamment les actes concluants, c'est-à-dire ceux dont l'accomplissement laisse transparaître une certaine volonté des parties (ATF 147 II 72 consid. 3.3; 144 II 246 consid. 6.4.1). Ces déclarations et manifestations de volonté entre cocontractants doivent être interprétées conformément aux règles de l'art. 18 CO, qui implique de déterminer en priorité la volonté commune réelle des parties et, si cela n'est pas possible, d'interpréter leurs manifestations de volonté conformément au principe de la confiance, sans s'arrêter aux termes retenus dans la convention. Ce n'est que si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - ce qui constitue une question de fait que le Tribunal fédéral ne revoit que sous l'angle de l'arbitraire - qu'il doit rechercher la volonté objective desdites parties. Il lui appartient alors de déterminer le sens que chacune d'elles pouvait et devait, d'après les règles de la bonne foi, raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 et les références citées). Cette détermination de la volonté objective des parties selon le principe de la confiance est une question de droit, que le Tribunal fédéral examine librement; pour la trancher, il faut cependant se fonder sur le contenu des manifestations de volonté et sur les circonstances qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, à l'exclusion des événements postérieurs. Or, l'établissement de ces circonstances relève de la constatation des faits, ce que le Tribunal fédéral ne contrôle que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1 et les arrêts cités).  
 
7.6.2. En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle tire des conclusions insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées).  
 
7.6.3. Comme on l'a vu, le Tribunal administratif fédéral a retenu que le dossier ne permettait pas de déterminer l'intention réelle de la recourante et de ses éditeurs partenaires lors de la conclusion des contrats de diffusion et distribution exposés plus haut. Il a en revanche estimé qu'il pouvait être déduit d'une interprétation objective de ces accords - soit une interprétation fondée sur le principe de la bonne foi - que les éditeurs s'étaient engagés à garantir une protection territoriale absolue à la recourante. Or, celle-ci affirme qu'en raisonnant de cette manière, l'autorité inférieure aurait violé l'art. 18 CO; cette dernière n'aurait pas véritablement recherché et déterminé la volonté commune et réelle des parties aux contrats concernés, lesquelles n'auraient jamais souhaité empêcher les distributeurs étrangers de concurrencer la recourante auprès des revendeurs de livres helvétiques. La recourante reproche en particulier aux juges précédents de n'avoir pas tenu compte de trois attestations d'éditeurs, dont A.________, dans lesquels ceux-ci confirment, en substance, qu'ils n'ont jamais été parties à aucun accord excluant les ventes passives vers la Suisse et qu'ils n'ont dès lors pris aucune mesure en ce sens auprès de leurs partenaires de distribution à l'étranger. D'après elle, ces attestations, datées du 1er juillet 2013, attesteraient du fait qu'elle et ses partenaires éditeurs n'auraient jamais souhaité une exclusion des ventes passives par d'autres distributeurs et qu'elle se seraient parfaitement comprises sur ce point lors de la conclusion des contrats de diffusion-distribution appelés à les lier. La recourante soutient ainsi que le Tribunal administratif fédéral aurait constaté les faits de manière manifestement inexacte, notamment en refusant de tenir compte des documents propres à démontrer la réelle volonté des parties qu'elle avait produits. Elle considère que l'autorité précédente aurait en tout cas dû procéder à des mesures d'instruction complémentaires - comme des auditions ou l'envoi d'un questionnaire sur le sens à donner aux contrats - avant de conclure que le dossier ne permettait pas de retracer la volonté commune et réelle des parties.  
 
7.6.4. Pour rappel, la détermination de la volonté réelle des parties lors de la conclusion d'un contrat est une question de fait que le Tribunal fédéral ne revoit que sous l'angle de l'arbitraire (cf. supra consid. 7.6.1 et suivant). Or, par son argumentaire, la recourante ne démontre nullement que le Tribunal administratif fédéral aurait versé dans l'arbitraire en estimant qu'il n'était pas possible de déterminer la volonté commune et réelle de l'intéressée et de ses partenaires lors de la conclusion des accords de distribution les ayant liés durant la période sous enquête. Tout d'abord, l'autorité précédente était en droit de ne prêter qu'une faible valeur probante aux pièces produites par l'intéressée en vue d'établir la prétendue volonté commune des parties lors de la conclusion desdits accords, étant entendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que ces moyens de preuve ont été préparés postérieurement à l'enquête de la COMCO et que la recourante en a manifestement requis l'établissement auprès de ses partenaires pour les besoins de la procédure de recours devant le Tribunal administratif fédéral. La Cour de céans a déjà relevé ce point dans une précédente affaire relative à un autre diffuseur-distributeur de livres (cf. arrêt 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 10.4.3, non publié in ATF 148 II 25). A cela s'ajoute que l'interprétation subjective des contrats que la recourante entend étayer par de telles attestations apparaît franchement peu compatible avec l'un de ses éléments centraux, soit les déclarations de volonté des parties contenues dans lesdits contrats. En l'occurrence, ceux-ci prévoient clairement que les éditeurs s'engagent à " ne pas laisser vendre " leurs produits par d'autres entreprises ou, s'agissant de A.________, à " faire [leurs] meilleurs efforts pour éviter le contournement [du] droit d'exclusivité [de la recourante] à partir de pays limitrophes ou non ". Au regard de telles dispositions contractuelles, il apparaît malvenu de la part de la recourante de prétendre que le Tribunal administratif fédéral aurait versé dans l'arbitraire en ne constatant pas qu'elle et ses partenaires n'avaient jamais eu l'intention de cloisonner le marché suisse en entravant les importations parallèles de livres en français. A vrai dire, on pourrait se demander si le Tribunal administratif fédéral n'aurait pas dû aboutir au constat inverse et retenir que les parties s'étaient en réalité précisément et parfaitement entendues - avec conscience et volonté - sur l'octroi d'une protection territoriale absolue en faveur de la recourante, sur la seule base d'une interprétation subjective des contrats, comme elle l'a du reste fait dans d'autres arrêts portant sur des faits similaires et récemment confirmés par la Cour de céans (cf. arrêts 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 10, non publié in ATF 148 II 25, et 2C_44/2020 du 3 mars 2022 consid. 10, destiné à la publication). Il n'y a toutefois pas lieu d'examiner cette question, qu'aucune partie ne soulève et qui n'a pas d'influence sur l'issue du litige, dès lors qu'une interprétation objective des contrats conduit de toute manière à un résultat identique.  
 
7.6.5. Comme cela vient d'être dit, en souscrivant un contrat de diffusion et/ou de distribution avec la recourante, les éditeurs externes au groupe Hachette se sont, en règle générale, engagés soit à ne pas vendre ni laisser vendre leurs produits sur le territoire suisse par d'autres entreprises que la cocontractante, soit à renoncer à toute distribution directe ou parallèle de leurs produits, soit - comme A.________ - à faire leurs meilleurs efforts pour éviter tout contournement de l'exclusivité de la recourante (cf. supra consid. 7.2). Or, il est tout à fait raisonnable d'estimer, selon le principe de la confiance, qu'en prenant de tels engagements, les éditeurs s'obligeaient non seulement à ne jamais livrer eux-mêmes leurs produits à des revendeurs de livres helvétiques, mais également à faire en sorte qu'aucune autre société distributrice de leurs ouvrages à l'étranger ne concurrence la recourante en vendant les mêmes produits que cette dernière aux détaillants suisses. La recourante, qui ne pouvait de bonne foi ignorer que les clauses qu'elle insérait dans ses contrats étaient susceptibles d'être comprises en ce sens, n'en propose elle-même aucune autre interprétation convaincante. Relevons que les clauses en question s'avèrent à cet égard, pour la plupart d'entre elles, bien plus explicites que d'autres dispositions contractuelles dont le Tribunal fédéral a déjà admis qu'elles accordaient une protection territoriale absolue aux distributeurs suisses qui en bénéficiaient (cf. notamment ATF 143 II 297 consid. A [" [Das Unternehmen] verpflichtet sich ihrerseits, die Vertragsprodukte ausschliesslich in dem ihr vertraglich zustehenden Gebiet [Österreich] herzustellen und zu vertreiben und weder direkt noch indirekt Exporte in andere Länder vorzunehmen. "). Il n'apparaît ainsi pas que le Tribunal administratif fédéral ait violé le droit fédéral en retenant que, durant la période sous enquête, la recourante a été liée à un certain nombre de contrats de distribution avec des éditeurs externes à son groupe lui assurant une protection territoriale absolue au sens de l'art. 5 al. 4 LCart.  
 
7.6.6. Contrairement à ce que prétend la recourante, il importe peu que l'arrêt attaqué ne fasse état d'aucun distributeur de livres étranger - notamment français - s'étant vu imposer une interdiction de vente passive vers la Suisse portant sur les ouvrages également distribués par la recourante sur ce territoire, ni d'aucun revendeur de livres suisses s'étant vu refuser une importation parallèle de ces produits-là. L'absence de toute preuve sur ces points précis n'empêche pas d'admettre l'octroi d'une protection territoriale absolue en faveur de la recourante apte à cloisonner le marché suisse. L'existence d'une telle protection peut être admise sur la seule base des conventions signées par l'intéressée, tant elles sont claires (cf. arrêt 2C_44/2020 du 3 mars 2022 consid. 10.6.4, destiné à la publication). Elle n'est du reste pas remise en question par le fait, constaté dans l'arrêt attaqué, que certains revendeurs de livres suisses ont parfois réussi à procéder à des importations parallèles d'ouvrages en français durant la période sous enquête et qu'ils jouissaient déjà à l'époque de la faculté d'acheter des livres par internet, sur des sites de vente en ligne étrangers, tels que celui d' amazon.fr. Ces importations parallèles, qui ont été opérées dans des proportions et à fréquence anecdotiques d'après l'arrêt attaqué, démontrent tout au plus que l'exclusivité octroyée à la recourante n'a peut-être pas toujours été respectée; un tel élément de fait ne remet cependant pas fondamentalement en cause que, durant la période sous enquête, la recourante a, sur le principe, obtenu une protection territoriale absolue de la part des éditeurs avec lesquels elle était lié par un contrat de diffusion et/ou de distribution exclusives pour la Suisse (cf. ATF 144 II 194 consid. 4.4.2; 143 II 297 consid. 5.4.2). Quant aux ventes effectués par Amazon, lesquelles ont également eu lieu en quantité négligeable et de manière ponctuelle selon l'arrêt attaqué, elles ne permettent pas d'admettre que d'autres distributeurs ou "fournisseurs agréés" ont pu vendre des livres diffusés par le groupe Hachette sur le territoire suisse, car la société de vente en ligne précitée, qui s'assimilait plutôt à une librairie étrangère, à tout le moins durant la période sous enquête, n'endossait pas un tel rôle sur le marché de la distribution du livre de niveau wholesale, comme le Tribunal fédéral l'a déjà précisé dans un arrêt récent (cf. ATF 148 II 25 consid. 9.3).  
 
7.7. Sur le vu de ce qui précède, le Tribunal administratif fédéral n'a pas violé le droit fédéral, ni n'est tombé dans l'arbitraire en retenant que, durant la période sous enquête, la recourante avait été partie à des contrats de distribution avec certains éditeurs externes au groupe Hachette visant à lui garantir une protection territoriale absolue au sens de l'art. 5 al. 4 LCart. Il n'a sur ce point précis pas violé non plus le droit d'être entendue de l'intéressée, ni la maxime inquisitoire ancrée à l'art. 12 PA (cf. en lien avec l'art. 37 LTAF), puisqu'il lui était loisible de ne pas tenir compte des allégations et réquisitions de preuves de la recourante sur la base d'une appréciation anticipée de celles-ci, dans la mesure où les preuves administrées lui avaient permis de forger sa conviction et d'établir l'ensemble des faits pertinents pour la cause sans arbitraire (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).  
 
V. Existence d'accords illicites au sens de l'art. 5 al. 1 LCart  
 
8.  
Il s'agit encore de déterminer si les accords de diffusion et/ou de distribution évoqués ci-devant doivent être qualifiés d'illicites au sens de l'art. 5 al. 1 LCart
 
8.1. En vertu de l'art. 5 al. 1 LCart, sont illicites, d'une part, les accords qui affectent de manière notable la concurrence sur le marché de certains biens ou services et qui ne sont pas justifiés par des motifs d'efficacité économique au sens de l'art. 5 al. 2 LCart et, d'autre part, les accords qui conduisent à la suppression d'une concurrence efficace. Dans le cas d'une suppression de la concurrence efficace, la justification des accords par des motifs d'efficacité économique est exclue (cf. ATF 143 II 297 consid. 4.1; 129 II 18 consid. 3).  
 
8.2. La suppression de la concurrence efficace peut être prouvée directement; elle peut également résulter des différents cas de figure énumérés par le législateur à l'art. 5 al. 3 et 4 LCart, où il est présumé que la concurrence effective est supprimée. Une telle présomption n'est toutefois pas irréfragable, en ce sens qu'elle peut être levée lorsqu'il est établi qu'une concurrence subsiste malgré tout sur le marché considéré (cf. notamment ATF 147 II 72 consid. 6.1 et 6.5; 144 II 246 consid. 7.2 et les références citées). Si cette présomption est levée, il convient de se demander comme face à tout accord en matière de concurrence, si la concurrence n'est malgré tout pas affectée de manière notable, sans motifs d'efficacité économique (art. 5 al. 1 et 2 LCart), auquel cas l'accord est illicite.  
 
8.3. La jurisprudence a précisé la portée à donner à la notion d'"accords qui affectent de manière notable la concurrence" figurant à l'art. 5 al. 1 LCart. De manière générale, le caractère notable d'une atteinte à la concurrence peut être établi à l'aide de critères tant quantitatifs que qualitatifs, étant précisé que le seuil de gravité justifiant un constat d'illicéité doit rester globalement le même, quelle que soit l'approche adoptée (ATF 143 II 297 consid. 5.2.2; arrêt 2C_113/2017 du 12 février 2020 consid. 7.3.1). En particulier, les accords visés par l'art. 5 al. 3 ou al. 4 LCart, auxquels le législateur a décidé d'appliquer une présomption de suppression de la concurrence efficace en raison de leurs effets potentiellement graves, ne constituent en principe pas des cas bagatelles, de sorte qu'ils sont par nature réputés affecter de manière notable la concurrence au sens de l'art. 5 al. 1 LCart. Une appréciation qualitative de ces accords sous le prisme de l'art. 5 al. 3 et 4 LCart suffit en règle générale à remplir la condition de l'atteinte notable à la concurrence au sens de l'art. 5 al. 1 LCart, sans qu'il faille au surplus en examiner les effets réels sur un plan quantitatif (cf. ATF 144 II 194 consid. 4.3.1-4.3.2; 143 II 297 consid. 5.2.5 et 5.4). Si ces accords ne sont pas justifiés par des motifs d'efficacité économiques (cf. art. 5 al. 2 LCart), ils sont ainsi illicites au sens de l'art. 5 al. 1 LCart. Il s'agit du premier cas de figure visé par l'art. 5 al. 1 LCart, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se demander si ces accords remplissent le second cas de figure visé par cette disposition (cf. supra consid. 8.1 et suivant), à savoir s'ils conduisent véritablement à une suppression de la concurrence efficace, ce qui supposerait d'examiner si la présomption posée à l'art. 5 al. 3 et 4 LCart peut ou non être considérée comme levée (cf. ATF 143 II 297 consid. 5.2.1-5.2.5, 5.3.2, 5.6).  
 
8.4. Sur le vu de ce qui précède, il faut retenir que la grande majorité des accords de distribution ayant, durant la période sous enquête, directement lié la recourante à des éditeurs externes au groupe Hachette - dont l'éditeur A.________ - s'avèrent illicites à l'aune de l'art. 5 al. 1 LCart, dans la mesure où la plupart d'entre eux constituent des accords verticaux visés par l'art. 5 al. 4 LCart. De tels accords, qui sont présumés avoir supprimé toute concurrence efficace s'agissant des produits concernés sur le marché suisse de la distribution du livre, l'ont en tous les cas affectée de manière notable, conformément à la jurisprudence fédérale exposée ci-devant. Rien n'indique enfin que les restrictions à la concurrence prévues par ces accords soient justifiées par des motifs d'efficacité économique. Le Tribunal administratif fédéral l'a au contraire expressément nié dans son arrêt et ce point n'est pas contesté par la recourante, de sorte qu'il n'y a pas lieu de le remettre en question, en l'absence de toute violation évidente du droit fédéral. Les accords précités s'avérant ainsi de toute manière illicites sous cet angle de vue, il importe peu de savoir si la présomption légale de suppression de la concurrence efficace qui leur est applicable peut être renversée en l'espèce. Il s'ensuit que les griefs que la recourante a pu soulever à cet égard à l'encontre de l'arrêt attaqué n'ont pas à être examinés.  
 
VI. Mesures prononcées au sens des art. 30 et 49a LCart  
 
9.  
Il s'agit à présent d'examiner si le Tribunal administratif fédéral était en droit de condamner la recourante au paiement d'une sanction financière de 5'436'814 fr., ainsi que de lui interdire simultanément d'entraver par des contrats de distribution et/ou de diffusion les importations parallèles de livres rédigés en français par tout détaillant actif en Suisse. 
 
9.1. Dans son recours, la recourante affirme, à titre principal, qu'il n'y avait pas lieu de la condamner au paiement d'une quelconque sanction financière, tout en remettant en cause, à titre subsidiaire, le montant de celle qui lui a été infligée.  
 
 
9.1.1. Aux termes de l'art. 49a al. 1 LCart, l'entreprise qui participe à un accord illicite aux termes de l'art. 5 al. 3 et 4 LCart est tenue au paiement d'un montant pouvant aller jusqu'à 10% du chiffre d'affaires réalisé en Suisse au cours des trois derniers exercices (1 re phrase). La jurisprudence a précisé que, par "accord illicite au sens de l'art. 5 al. 3 et 4", il fallait entendre les différents types d'accords mentionnés aux alinéas précités. Ces accords présentent en effet un caractère particulièrement dommageable, qu'ils conservent même en cas de renversement de la présomption de suppression de la concurrence efficace qui leur est associée (ATF 147 II 72 consid. 8.3.1 et les références citées). Ces accords, qui doivent donc être sanctionnés parce qu'ils sont considérés comme des restrictions particulièrement problématiques de la liberté d'action, ne peuvent toutefois l'être que s'ils sont illicites au sens de l'art. 5 al. 1 LCart, soit s'ils suppriment la concurrence ou l'entravent de manière notable sans justification d'efficacité économique (ATF 144 II 194 consid. 5.3; 143 II 297 consid. 9.4.6).  
 
9.1.2. D'après l'art. 49a LCart, le montant de la sanction est calculé en fonction de la durée et de la gravité des pratiques illicites (3 e phrase). Le profit présumé résultant des pratiques illicites de l'entreprise est dûment pris en compte pour le calcul de ce montant (4 e phrase). Les différents critères de calcul sont pour le reste précisés plus avant par l'Ordonnance du 12 mars 2004 sur les sanctions en cas de restrictions illicites (Ordonnance sur les sanctions LCart, OS LCart; RS 251.5), qui rappelle notamment qu'il doit être tenu compte du principe de la proportionnalité (art. 3 al. 2 OS LCart). Le calcul de la sanction relève en fin de compte d'un acte d'appréciation que le Tribunal administratif fédéral peut contrôler librement (art. 37 LTAF en lien avec l'art. 49 let. c PA), mais pas le Tribunal fédéral (cf. art. 189 Cst. et art. 95 et 97 al. 1 a contrario LTF; ATF 147 II 72 consid. 8.5.2).  
 
9.1.3. En l'occurrence, il peut être reproché à la recourante, quoi qu'elle en dise, d'avoir conclu et participé à des accords de distribution illicites remplissant les conditions de l'art. 5 al. 4 LCart durant la période sous enquête, quand bien même ces accords ne sont à la base que d'une petite partie de son chiffre d'affaires. Il s'ensuit que le prononcé d'une sanction financière à son encontre se justifie pleinement au sens de l'art. 49a LCart, à tout le moins dans son principe. Il importe peu que les autres parties à ces accords - soit les éditeurs externes au groupe Hachette - n'aient, pour leur part, pas été attraits à la procédure et n'aient par conséquent pas été condamnés par la COMCO en application de la norme précitée. En effet, à supposer que l'on puisse effectivement reprocher à cette autorité de ne pas avoir poursuivi et sanctionné les cocontractants de la recourante, comme celle-ci le prétend, cette dernière ne pourrait de toute manière pas prétendre à être libérée de toute sanction pour cette raison, car il n'existe aucun droit à l'égalité dans l'illégalité (cf. notamment ATF 135 IV 191 consid. 3.3 et 3.4). Il est pour le reste malvenu de sa part d'affirmer qu'elle ne peut en aucun cas être tenue pour responsable du cloisonnement du marché suisse envisagé par des accords qu'elle a conclus en son nom et pour son compte, au motif que seuls ses éditeurs partenaires auraient été en mesure d'interdire à leurs diffuseurs-distributeurs étrangers de procéder à des ventes passives à destination du marché suisse. Le fait est que la recourante a elle-même envisagé un tel cloisonnement, en intégrant dans presque tous ses contrats des clauses contractuelles similaires, voire identiques, lui octroyant une protection territoriale absolue pour le marché suisse, et que rien n'indique dans l'arrêt attaqué que ces clauses aient été souhaitées par ses partenaires éditeurs.  
 
9.1.4. S'agissant enfin du montant de la sanction, il convient de relever que les autorités précédentes l'ont fixé à 5'436'814 fr. en tenant compte de la gravité du comportement anticoncurrentiel imputable à la recourante. Ce faisant, elles sont parties de la prémisse selon laquelle celle-ci aurait participé, entre 2005 et 2011, à des accords illicites au sens des art. 4 al. 1 et 5 al. 4 LCart non seulement en lien avec la diffusion-distribution en Suisse d'éditeurs indépendants s'étant adressés directement à elle pour ces tâches, mais aussi en lien avec la diffusion-distribution dans le pays d'autres éditeurs - internes ou externes au groupe Hachette - sur délégation de sa société mère (cf. arrêt attaqué, consid. 18.3.4.3). Toutefois, comme on l'a vu, faute de constatations de fait suffisantes dans l'arrêt attaqué et de l'impossibilité de les compléter sur la base du dossier, il ne peut pas être reproché à la recourante d'avoir participé à des accords en matière de concurrence illicites en tant qu'elle s'est vue chargée de diffuser et de distribuer le second type d'éditeurs précité sur mandat de son groupe, étant rappelé que cette activité a représenté plus de 90 % de son chiffre d'affaires annuel moyen durant la période sous enquête (cf. supra consid. 6). Il s'ensuit que la violation de la LCart imputable à la recourante n'est pas aussi grave que ce que retient l'arrêt attaqué, puisqu'elle ne concerne finalement qu'une portion moindre de ses activités de diffusion-distribution de livres, à savoir celle développée pour le compte d'éditeurs indépendants s'étant directement adressés à elle pour l'exécution de ces tâches en Suisse. Il se justifie donc d'adapter à la baisse la sanction prononcée à l'encontre de la recourante, laquelle doit, comme on l'a vu, tenir compte de la gravité des pratiques illicites. Il n'appartient toutefois pas au Tribunal fédéral de prononcer lui-même une nouvelle sanction, dont le calcul relève d'un acte d'appréciation (cf. supra consid. 9.1.2). L'affaire doit donc être renvoyée à la juridiction inférieure pour qu'elle se prononce à nouveau sur le montant de la sanction à infliger à la recourante en application de l'art. 49a LCart, ainsi que l'a déjà décidé la Cour de céans dans une affaire similaire relative au marché du livres en français (cf. arrêt 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 12, non publié in ATF 148 II 25).  
 
9.1.5. Le renvoi du dossier à l'autorité inférieure pour nouveau calcul de la sanction fait qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur les autres griefs soulevés par la recourante à l'encontre du montant de la sanction.  
 
9.2. Il convient pour le reste de confirmer l'interdiction faite à la recourante "d'entraver par des contrats de distribution et/ou de diffusion concernant les livres écrits en français les importations parallèles par tout détaillant actif en Suisse". En effet, lorsque l'autorité parvient à la conclusion qu'une restriction illicite à la concurrence existe dans le cas d'espèce, elle peut ordonner des mesures destinées à la supprimer (art. 30 al. 1 LCart). En l'occurrence, il n'apparaît pas à la lecture de l'arrêt attaqué que les contrats de distribution conclus directement par la recourante avec certains éditeurs externes à son groupe, dont l'éditeur A.________, - et contenant une clause par lesquels ses derniers s'engagent envers l'intéressée de ne pas laisser vendre leurs ouvrages sur le territoire suisse par d'autres entreprises - aient été modifiés ou amendés après l'ouverture de la procédure de la COMCO. L'interdiction faite à la recourante de continuer d'entraver les importations parallèles par les revendeurs de livres suisses au moyen de telles clauses contractuelles - obligeant ses cocontractants à veiller à ce qu'aucun autre distributeur ne vende les mêmes produits qu'elle à destination du marché suisse - apparaît ainsi nécessaire, tout en constituant la mesure la moins incisive afin de supprimer la restriction illicite constatée.  
Contrairement à ce qu'affirme la recourante, la Cour de céans ne voit pas en quoi l'injonction des autorités précédentes manquerait de clarté, étant rappelé que ces dernières lui ont interdit, très précisément, d'entraver "par des contrats de distribution et/ou de diffusion concernant les livres écrits en français les importations parallèles par tout détaillant actif en Suisse". Les considérants de l'arrêt attaqué, qui peuvent servir à interpréter cette injonction, lèvent tout doute possible quant à sa portée. Ils précisent que l'interdiction d'entrave à la concurrence prononcée concerne les contrats " tendant à empêcher les ventes passives en Suisse des ouvrages diffusés et/ou distribués exclusivement par la recourante ". Il est pour le reste évident que cette injonction ne s'applique qu'aux seuls accords considérés comme illicites à l'aune des considérants qui précèdent (cf. aussi 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 12.2, non publié in ATF 148 II 25). En l'état, elle ne concerne dès lors pas les accords que la recourante a pu ou pourrait passer avec sa société mère, Hachette Livre, ou avec des éditeurs appartenant à son groupe. Relevons qu'elle correspond en fin de compte à la conclusion subsidiaire que la recourante a formulée devant le Tribunal administratif fédéral. L'intéressée avait en effet demandé aux juges précédents de modifier le dispositif de la décision de la COMCO en ce sens qu'il lui soit uniquement interdit de participer à des accords excluant les ventes passives avec des entités externes au groupe Hachette.  
 
VII. Frais et dépens des procédures antérieures  
 
10.  
Dans son mémoire, la recourante soutient que, pour le cas où le Tribunal fédéral devrait considérer qu'une sanction peut être prononcée à son encontre, il serait contraire au droit fédéral de la condamner à l'intégralité des frais de l'enquête de la COMCO solidairement avec les autres diffuseurs-distributeurs condamnés en même temps qu'elle. 
 
10.1. En l'occurrence, comme on vient de le voir, il convient de confirmer le constat des autorités précédentes selon lequel la recourante a participé à des accords illicites au sens de l'art. 5 al. 1 et 4 LCart durant la période sous enquête, ce qui a pour conséquence principale de justifier le prononcé d'une sanction financière à l'encontre de l'intéressée en application de l'art. 49a LCart. Le Tribunal administratif fédéral a considéré dans l'arrêt attaqué que ce seul constat justifiait de condamner la recourante au paiement de 760'150 fr. pour les frais de procédure devant la COMCO, solidairement avec neuf autres diffuseurs-distributeurs de livres. D'après lui, un tel montant, équivalant à 76'015 fr. par diffuseur-distributeur, ne serait pas exagéré, ni contraire à l'ordonnance du 25 février 1998 relative aux émoluments prévus par la loi sur les cartels (OEmol-LCart; RS 251.2), dès lors qu'il correspondrait à 380 heures de travail par partie et que cette durée ne dépendrait pas de la fixation de la sanction, mais avant tout de la détermination de l'existence d'un comportement contraire à la LCart.  
 
10.2. Il n'y a pas lieu de remettre en cause le raisonnement du Tribunal administratif fédéral en tant qu'il confirme que la recourante doit payer un dixième des frais occasionnés par la procédure de la COMCO. Cette décision ne viole pas le droit fédéral à première vue, étant ici précisé que les frais de l'enquête initiale portant sur un éventuel abus de position dominante sur le marché du livre ont été laissés à la charge de la Confédération (cf. décision de la COMCO du 27 mai 2013, no 774; art. 105 al. 2 LTF) et qu'une augmentation de la part des frais à supporter par la recourante n'entre pour sa part pas en ligne de compte en la cause, en raison de l'interdiction de reformatio in pejus prévalant devant le Tribunal fédéral. Le fait que la COMCO ait surévalué le nombre d'accords imputables à la recourante justifiant le prononcé d'une sanction au titre de l'art. 49a al. 1 LCart importe peu. Le Tribunal fédéral a déjà souligné que celui qui, par son comportement, provoquait l'ouverture d'une procédure relevant de la LCart, pouvait être condamné à l'ensemble des frais d'enquête de première instance (ATF 128 II 247 consid. 6; aussi 2A.492/2002 du 17 juin 2003 consid. 6.2). La recourante ne conteste au demeurant pas devoir assumer les frais de la procédure que la COMCO a menée contre elle, dans l'hypothèse où la Cour de céans devait confirmer qu'une sanction à son encontre se justifie. Elle se contente de rejeter l'obligation de devoir supporter à titre solidaire les frais liés aux autres parties à la procédure. Cela étant, il convient de lui donner raison sur ce point. On ne voit pas en quoi la recourante devrait répondre solidairement des frais de procédure mis à la charge des autres distributeurs. Un tel régime de solidarité ne s'imposerait que si l'intéressée et ces autres sociétés avaient provoqué ensemble (" gemeinsam ") la décision de première instance de la COMCO, ce qui n'est pas le cas en l'espèce s'agissant de condamnations pour accords verticaux illicites n'entretenant aucun lien direct et nécessaire entre eux (cf. art. 2 al. 2 de l'ordonnance générale du 8 septembre 2004 sur les émoluments [OGEmol; RS 172.041.1] en lien avec l'art. 1a OEmol-LCart), comme la Cour de céans l'a d'ailleurs déjà relevé dans plusieurs arrêts récents (cf. arrêts 2C_43/2020 du 21 décembre 2021 consid. 13.2, non publié in ATF 148 II 25; 2C_44/2020 du 3 mars 2022 consid. 13.2, destiné à la publication). Il appartiendra au Tribunal administratif fédéral, à qui la cause doit de toute manière être renvoyée pour nouvelle décision, de corriger ce point.  
 
10.3. Il se justifiera enfin de procéder à une nouvelle répartition des frais et dépens de la procédure menée devant le Tribunal administratif fédéral, qui a surestimé le nombre d'accords verticaux relevant de l'art. 5 al. 4 LCart auxquelles la recourante a participé et qui, partant, devra réduire la sanction à infliger à celle-ci au titre de l'art. 49a LCart. La cause sera donc également renvoyée à cette instance précédente pour qu'elle se prononce sur ce point (art. 67 et 68 al. 5 LTF).  
 
VIII. Conséquences  
 
11.  
Le recours doit ainsi être admis partiellement. L'arrêt attaqué doit être partiellement annulé et la cause renvoyée au Tribunal administratif fédéral pour nouvelle décision s'agissant de la sanction à infliger à la recourante et des frais et dépens des procédures précédentes. 
 
12.  
Compte tenu de l'issue du litige, des frais réduits seront mis à la charge de la recourante, qui succombe partiellement. Aucun frais ne sera mis à la charge de la COMCO, celle-ci ayant agi dans l'exercice de ses attributions officielles, sans que son intérêt patrimonial n'ait été en cause (art. 66 al. 4 LTF; cf. arrêt 2C_343/2010 du 11 avril 2011 consid. 9.3, non publié aux ATF 137 II 199). La COMCO sera en revanche condamnée à verser des dépens à l'intimée, qui obtient partiellement gain de cause (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
 
1.  
Le recours est partiellement admis. 
 
2.  
L'arrêt du Tribunal administratif fédéral B-3962/2013 du 30 octobre 2019 est partiellement annulé et la cause est renvoyée à cette autorité pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
3.  
Des frais judiciaires réduits, arrêtés à hauteur de 10'000 fr., sont mis à charge de la recourante. 
 
4.  
La COMCO est condamnée à verser à la recourante une indemnité de 15'000 fr. à titre de dépens réduits. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif fédéral, Cour II, et au Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche DEFR. 
 
 
Lausanne, le 3 août 2022 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : E. Jeannerat