Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_1015/2021  
 
 
Arrêt du 4 août 2022  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux 
Herrmann, Président, Schöbi et Bovey. 
Greffière : Mme Achtari. 
 
Participants à la procédure 
D.________ SA, 
représentée par Me Xavier-Romain Rahm, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ Ltd, 
représentée par Me Dimitri Iafaev, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
mainlevée définitive de l'opposition (reconnaissance etexequatur de jugements étrangers), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 2 novembre 2021 (C/15299/2020, ACJC/1431/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. B.________ Ltd est active dans le négoce de matières premières. Elle a son siège à U.________ depuis le 10 décembre 2015. Avant cette date, elle avait son siège aux V.________.  
D.________ SA, également active dans le négoce de produits pétroliers, a son siège à W.________. C.________ en est le directeur. 
 
A.b. B.________ Ltd et D.________ SA sont en litige depuis plusieurs années en lien avec une transaction de pétrole intervenue entre 2011 et 2012, suite à laquelle B.________ Ltd estime avoir subi un dommage. Les sociétés A.________, active dans l'affrètement de bateaux, et E.________ Ltd sont également impliquées dans cette affaire.  
Plus précisément, le 14 décembre 2011, B.________ Ltd a acquis de D.________ SA une cargaison de pétrole à livrer à une société tierce dans un port turkmène. Ce contrat ayant été résilié en raison d'un retard de livraison, B.________ Ltd a revendu la cargaison en avril 2012 à E.________ Ltd. Selon la première, la seconde a pris livraison de la cargaison sans la lui payer entièrement, le solde dû s'élevant à près de 1'900'000 fr. B.________ Ltd soutient que E.________ Ltd était une société-écran utilisée par C.________, directeur avec signature individuelle de D.________ SA, pour s'approprier la cargaison sans la payer (cf. état de fait de l'arrêt 6B_1272/2021 du 28 avril 2022). 
 
A.b.a. Dans ce cadre, B.________ Ltd a notamment engagé, en août 2012 à W.________, des poursuites à l'encontre de C.________ et D.________ SA, portant sur 1'858'649 fr. 86, au titre d'un accord conclu le 8 mai 2012.  
C.________ et D.________ SA ont formé une plainte LP suite à la réception des commandements de payer, faisant valoir que ces poursuites étaient abusives, et partant nulles, raison pour laquelle elles devaient être radiées du registre des poursuites. Cette plainte a été rejetée par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites de la Cour de justice du canton de Genève, décision confirmée par arrêt du Tribunal fédéral du 5 mars 2013(arrêt 5A_890/2012). Ce dernier a relevé qu'aucun élément du dossier ne permettait de retenir que B.________ Ltd avait agi à des fins étrangères à la procédure de poursuite ou dans le seul dessein de porter atteinte à la réputation des poursuivis. 
 
A.b.b. B.________ Ltd a en outre déposé, le 5 octobre 2012, auprès du Ministère public de Genève, une plainte pénale pour escroquerie et vol, visant notamment C.________ et les sociétés qu'il contrôle, à savoir D.________ SA, A.________ et E.________ Ltd. Elle a fait valoir qu'elle avait subi un dommage, chiffré en dernier lieu à 1'970'432,53 USD en raison de la soustraction de la cargaison de pétrole et à 1'955'506,20 USD au titre de frais d'avocats.  
Par acte d'accusation du 4 juin 2021, C.________ a été renvoyé devant le Tribunal de police de Genève pour y répondre d'escroquerie, subsidiairement d'abus de confiance. 
 
A.b.c. B.________ Ltd allègue que, par l'intermédiaire de différentes sociétés sous son contrôle, dont D.________ SA et A.________, C.________ a engagé contre elle une série de procédures à l'étranger et qu'il vise par cette stratégie à la contraindre à retirer sa plainte pénale et les poursuites qu'elle a engagées en Suisse.  
 
A.c. Parallèlement aux procédures précitées, D.________ SA a déposé contre B.________ Ltd, le 17 juillet 2015, par devant la Cour suprême des Caraïbes orientales (V.________), une demande concluant à ce que cette autorité enjoigne B.________ Ltd, de cesser toute action en lien avec les faits de la cause en Suisse ou ailleurs, de cesser de rendre publiques ses demandes calomnieuses à son égard ou à celui de C.________ et de retirer sa plainte pénale et ses allégations auprès de l'office, constate que D.________ SA ne lui devait rien et lui alloue des dommages et intérêts.  
D.________ SA a notamment fait valoir qu'un litige avait surgi entre elle, son directeur, B.________ et E.________ Ltd en lien avec la transaction de pétrole intervenue entre 2011 et 2012. Dans ce cadre, B.________ Ltd avait fait notifier à D.________ SA et C.________ des commandements de payer injustifiés, qui " étaient rendus publics ", ce qui portait atteinte à la réputation des précités, à l'instar du dépôt de la plainte pénale. 
Deux jugements des 17 et 18 mars 2020, dont la reconnaissance est requise dans la présente cause, ont été rendus dans cette procédure par la Cour suprême des Caraïbes orientales. 
 
A.c.a. Selon la première de ces décisions, la cour précitée a fait interdiction " de manière immédiate et permanente " à B.________ Ltd d'intenter toute action contre D.________ SA auprès de toute juridiction que ce soit en lien avec la dette prétendument due par E.________ Ltd, de rendre publique la demande en paiement contre D.________ SA ou C.________ en lien avec la dette précitée que B.________ Ltd avait fait précédemment valoir auprès de l'office ou de déclarer publiquement que D.________ SA a une dette à son égard, qu'elle ne veut pas la payer ou qu'elle a procédé à des actions délibérées pour éviter de la payer. B.________ Ltd était condamnée à retirer dans les 14 jours ses allégations faites à l'office concernant D.________ SA ou C.________, étant précisé qu'il était constaté que D.________ SA n'était responsable d'aucune dette pour quelque raison que ce soit envers B.________ Ltd en lien avec le litige avec E.________ Ltd.  
B.________ Ltd a en outre été condamnée à verser à D.________ SA les sommes de 4'276'356 USD pour le préjudice subi par cette dernière du fait de ses calomnies, 105'000 fr. pour les frais et dépenses encourus par D.________ SA en lien avec les procédures que cette dernière avait introduites en Suisse, ainsi que 121'051 fr. 21 et 33'890.50 GBP pour le préjudice en lien avec les frais et dépenses encourus en lien avec la procédure d'arbitrage LCIA. 
Cette décision ne contient aucune discussion du fond du litige mais uniquement une description de la procédure. 
Il ressort de ses considérants que, suite au dépôt de la demande par D.________ SA le 17 juillet 2015, un délai de sept jours a été imparti à B.________ Ltd pour déposer sa réponse. Dans sa réponse du 25 février 2016, celle-ci a contesté la compétence de l'autorité saisie, suite à quoi la " demanderesse a obtenu un jugement en l'absence de réponse en date du 18 mars 2016", qualifié de " jugement par défaut ". D.________ SA a alors déposé, le 30 août 2016, une demande en évaluation des " dommages et intérêts et autres réparations ", puis, le 12 juin 2019, une demande en rejet de la contestation de compétence. B.________ Ltd a pour sa part requis le 28 juin 2019 l'annulation du jugement par défaut. Suite à cela, le juge caribéen a ordonné le 18 juillet 2019 aux parties de " convenir d'une ordonnance d'instruction " concernant leurs diverses demandes et a ordonné à B.________ Ltd de verser 3'500 USD dans les 14 jours. Selon le jugement, celle-ci s'est alors trouvée en " défaut de paiement de la décision sur les frais et de communication avec sa partie adverse concernant l'ordonnance d'instruction ". Sur requête de D.________ SA, le juge a alors octroyé à celle-ci le 27 septembre 2019 une " décision de défau t ". Considérant que B.________ Ltd était en défaut d'agir selon cette décision, elle a été déboutée de sa participation à la procédure et sa contestation de compétence ainsi que sa demande en annulation ont été radiées. 
 
A.c.b. La deuxième décision condamne B.________ Ltd au paiement des frais de celle-ci concernant " la demande de décision de défaut ", fixés à 13'439.27 USD, et des frais " concernant la demande d'évaluation des frais, qui sont sommairement fixés au montant de 7'581 USD ", le tout payable dans les 14 jours.  
La motivation de cette décision est similaire à celle de la première. 
 
A.d.  
 
A.d.a. Le 25 mai 2020, D.________ SA a obtenu du Tribunal de première instance de Genève (ci-après: tribunal) le séquestre en sa faveur des actifs de B.________ Ltd en mains de la banque G.________, succursale de W.________, et H.________ (Suisse) SA à hauteur de 4'439'308 fr. 76.  
 
A.d.b. Le 10 juillet 2020, D.________ SA a fait notifier à B.________ Ltd un commandement de payer, poursuite n° xxx, pour les montants suivants: 4'439'308 fr. 76 plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2020 ensuite des " jugements de la Eastern Carribbean Supreme Court datés du 17 mars 2020 et rendus le 18 mars 2020, cause yyy, condamnation au paiement de dommages et intérêts, frais de procédures et dépens ", 2'003 fr. 20 au titre de frais de procès-verbal de séquestre et 7'000 fr. de dépens selon ordonnance de séquestre.  
Opposition a été formée à ce commandement de payer. 
 
B.  
 
B.a.  
 
B.a.a. Par requête du 28 juillet 2020, D.________ SA a conclu, à titre préalable, à ce que le tribunal reconnaisse " le jugement au fond et le jugement sur les frais datés du 17 mars 2020 rendus le 18 mars 2020 à l'encontre de B.________ Ltd par la Cour Suprême des Caraïbes orientales (V.________) dans la cause yyy l'opposant à D.________ SA et prononce leur caractère exécutoire " et, à titre principal, à ce qu'il prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer.  
 
B.a.b. Par jugement du 13 juillet 2021, le tribunal a, entre autres, prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par B.________ Ltd au commandement de payer, poursuite n° xxx notifié par D.________ SA (ch. 1 du dispositif) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).  
 
B.b.  
 
B.b.a. Le 23 juillet 2021, B.________ Ltd a formé recours contre ce jugement devant la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: cour de justice), concluant à ce que celle-ci l'annule, refuse la reconnaissance ( exequatur) du jugement au fond et du jugement sur les frais datés du 17 mars 2020 et rendus le 18 mars 2020, constate l'absence de leur caractère exécutoire et déboute sa partie adverse des fins de sa requête en mainlevée définitive de l'opposition du 10 juillet 2020.  
 
B.b.b. Par arrêt du 2 novembre 2021, la cour de justice a notamment annulé le jugement attaqué, débouté D.________ SA des fins de sa requête de " mainlevée définitive avec demande d' exequatur " déposée le 28 juillet 2020 à l'encontre de B.________ Ltd et débouté les parties de toutes autres conclusions.  
 
C.  
Par acte posté le 8 décembre 2021, D.________ SA interjette un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral contre cet arrêt. Elle conclut principalement à sa réforme, en ce sens que le jugement de première instance est confirmé, et subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. En substance, elle se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits (art. 9 Cst.), ainsi que de la violation des art. 27 LDIP et 58 CPC. 
Invitées à répondre, l'autorité cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt alors que l'intimée a conclu au rejet du recours, l'arrêt attaqué devant être confirmé. 
 
D.  
Par ordonnance du 12 janvier 2022, l'effet suspensif a été attribué au recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision sujette au recours en matière civile (parmi d'autres: arrêt 5A_283/2019 du 12 août 2019 consid. 1.1) rendue sur recours par une juridiction cantonale de dernière instance statuant sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF). La valeur litigieuse atteint le seuil légal (art. 74 al. 1 let. b LTF). La poursuivante, qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et possède un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'arrêt attaqué, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. La décision statuant sur la mainlevée définitive de l'opposition et, de manière incidente, sur l' exequatur d'un jugement étranger ne porte pas sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 135 III 670 consid. 1.3.2 et les références). En conséquence, le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). Lorsque la décision attaquée repose sur plusieurs motivations indépendantes, chacune suffisante pour sceller le sort de la cause, le recourant doit démontrer, sous peine d'irrecevabilité, que tous les motifs retenus sont contraires au droit en se conformant aux exigences de motivation requises (ATF 142 III 364 consid. 2.4; arrêt 1B_198/2022 du 27 avril 2022 consid. 2).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 143 I 310 consid. 2.2 et la référence), doit satisfaire au principe d'allégation, soit expressément invoquer et motiver de façon claire et détaillée ce grief (art. 106 al. 2 LTF). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 et la référence).  
 
3.  
 
3.1. L'autorité cantonale a jugé que la reconnaissance des jugements étrangers devait être refusée en raison de quatre motifs justifiant chacun cette conclusion. C'est ainsi qu'elle a tout d'abord retenu, en vertu de l'art. 27 al. 1 LDIP, que la reconnaissance des jugements litigieux était incompatible avec l'ordre public matériel suisse parce qu'elle reviendrait à paralyser l'exercice par la poursuivie de ses droits dans le cadre des procédures introduites en Suisse; en conséquence, la poursuivante obtiendrait par ce moyen ce qu'elle n'avait pas réussi à obtenir en Suisse, à savoir l'abandon par la poursuivie des poursuites tant pénales que civiles à son encontre. En outre, le montant des dommages-intérêts alloués à concurrence de 4'276'356 USD était manifestement excessif et correspondait à des dommages et intérêts punitifs, étrangers au droit suisse. Par ailleurs, l'allocation de dommages-intérêts par la Cour suprême des Caraïbes orientales était due au titre d'indemnisation pour des procédures intentées en Suisse et au Royaume Uni, dans lesquelles la poursuivante avait succombé; elle paraissait ainsi également contraire à la conception suisse du droit en la matière. Ensuite, l'autorité cantonale a considéré que la reconnaissance et l'exécution des décisions litigieuses contrevenaient également à l'art. 27 al. 2 let. c LDIP au motif que la procédure pénale suisse et la procédure caribéenne concernaient les mêmes parties et portaient, en tout cas partiellement, sur le même objet, à savoir les prétentions civiles et pénales des uns et des autres en lien avec la livraison de pétrole de 2011/2012 dans laquelle la société E.________ Ltd était intervenue. Elle a retenu que, à supposer que la poursuivie obtînt gain de cause à l'issue de la procédure pénale et que les prétentions civiles qu'elle avait formulées dans ce cadre lui fussent allouées, le jugement suisse serait en contradiction avec le jugement des V.________ qui faisait interdiction de manière permanente à la poursuivie d'agir contre la poursuivante ou C.________ en Suisse en lien avec ce litige et qui la condamnait à payer à ceux-ci des dommages-intérêts en raison du dépôt de sa plainte pénale.  
Au vu de ces éléments, l'autorité cantonale a jugé que le refus de reconnaissance des jugements des 17 et 18 mars 2020 rendus par la Cour suprême des Caraïbes orientales entraînait le déboutement de la poursuivante de sa requête de mainlevée de l'opposition puisque celle-ci n'était pas au bénéfice d'un titre de mainlevée définitive de l'opposition au sens de l'art. 80 LP
 
3.2. Dans sa réponse, la poursuivie, intimée dans la procédure fédérale, fait sienne cette argumentation en soutenant qu'elle serait paralysée dans l'exercice de ses droits si les jugements étrangers étaient reconnus, que la recourante a exercé des pressions sur elle en ouvrant de multiples procédures à l'étranger, que les liquidateurs ont entamé des démarches en Suisse pour lui faire renoncer à ses prétentions tant civiles que pénales, que les jugements étrangers allouent bien des dommages-intérêts punitifs, quels que soient les termes utilisés, incompatibles avec l'ordre public suisse, et, enfin, que la recourante n'a à aucun moment déclaré vouloir limiter la reconnaissance des jugements étrangers à une de leurs parties. Dans tous les cas, les dommages-intérêts réclamés sont liés aux injonctions et interdictions, ainsi qu'à toutes autres parties des jugements litigieux.  
 
4.  
Compte tenu de la jurisprudence précitée sur les exigences de motivation à respecter pour attaquer des motivations indépendantes (cf. supra consid. 2.1), il y a lieu d'examiner les griefs de la recourante contre chacune de celles-ci tour à tour et de ne passer au suivant que dans l'hypothèse où l'un d'eux permet de retenir une violation du droit.  
 
5.  
 
5.1. Se prévalant tant de la violation de l'art. 27 al. 2 let. c LDIP que d'une constatation erronée des faits, la recourante affirme que la portée des procédures en cours en Suisse est totalement et clairement différente et ne recouvre pas du tout les points financiers réglés par les deux jugements étrangers dont l' exequaturest requis. Elle soutient également que si l'intimée estimait qu'il y avait une connexité entre les procédures caribéennes et suisses, il lui incombait de soulever une exception de litispendance par devant la Cour suprême des Caraïbes orientales.  
 
5.2. A titre préliminaire, il sied d'emblée de déclarer irrecevable le grief de fait que la recourante soulève. La recourante ne se prévaut pas expressément de la violation de l'art. 9 Cst. et ne fait que soutenir de manière purement appellatoire des faits contraires à ceux retenus par l'autorité cantonale, soit que les prétentions émises en Suisse et aux V.________ ne sont pas identiques.  
 
6.  
 
6.1. Les jugements civils étrangers peuvent être exécutés en Suisse s'ils ont été déclarés exécutoires par un tribunal suisse ( exequatur). S'ils comportent une obligation de payer, l'exécution s'effectue par la voie de la poursuite pour dettes. La déclaration constatant la force exécutoire est alors une condition préalable à la mainlevée définitive de l'opposition (STAEHELIN, in Basler Kommentar, SchKG I, 3 ème éd., 2021, n° 59 ad art. 80 LP).  
La décision d' exequatur d'un jugement étranger peut être prise à titre incident sur la base de l'art. 81 al. 3 LP et le juge de la mainlevée statue alors dans les motifs de son jugement; il n'a pas à se prononcer sur cette question dans le dispositif de celui-ci (arrêt 5A_646/2013 du 9 janvier 2014 consid. 5.1, publié in SJ I 2014 p. 276) et les effets de l' exequatur sont limités à la poursuite en cours (BUCHER, in Commentaire romand, LDIP/CL, 2011, n° 14 ad art. 29 LDIP; STAEHELIN, op. cit., n° 59b in initio ad art. 80 LP).  
 
6.2. Ces préalables ayant été rappelés, il y a lieu d'examiner le grief de violation de l'art. 27 al. 2 let. c LDIP.  
 
6.2.1.  
 
6.2.1.1. Selon cette disposition, la reconnaissance d'une décision étrangère doit être refusée si une partie établit qu'un litige entre les mêmes parties et sur le même objet a déjà été introduit en Suisse ou y a déjà été jugé. Cette règle concrétise l'ordre public procédural. Le motif de refus qui en découle présente toutefois la particularité, par rapport à la notion générale d'ordre public, de laisser davantage place à l'appréciation du juge, en raison de son effet atténué (BUCHER, op. cit., n° 1 et 57 ad art. 27 LDIP).  
L'art. 27 al. 2 let. c LDIP représente un complément à l'art. 9 LDIP et les notions de litispendance sont les mêmes. Selon cette dernière disposition, le juge suisse suspend la cause lorsqu'une action ayant le même objet est déjà pendante entre les mêmes parties à l'étranger; il se dessaisit lorsque cette action aboutit à une décision susceptible d'être reconnue en Suisse. Cette réglementation implique qu'au cas où l'action a été introduite avant celle ouverte à l'étranger, le juge suisse poursuit l'instruction jusqu'au jugement. La décision qui sera alors rendue à l'étranger, par hypothèse avant le prononcé du juge suisse, ne peut dès lors être reconnue en Suisse. C'est bien la solution consacrée à l'art. 27 al. 2 let. c LDIP (BUCHER, op. cit., n° 58 et 63 ad art. 27 LDIP; DÄPPEN/MABILLARD, in Basler Kommentar, IPRG, 4ème éd., 2021, n° 65 ad art. 27 LDIP).  
Le but de la litispendance étant de prévenir des jugements contradictoires, le Tribunal fédéral a approuvé la conception unitaire de l'identité de l'objet et s'est rallié à la théorie dite du centre de gravité ( Kernpunkttheorie) consacrée par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE; actuellement Cour de justice de l'Union européenne). Selon cette théorie, dans le but d'éviter des jugements contradictoires lorsque des demandes identiques sont déposées à plusieurs endroits, la notion d'identité d'objet ne doit pas être " restreinte à l'identité formelle des deux demandes "; il convient bien plutôt de mettre l'accent sur la question juridique qui se trouve au centre des deux procès (ATF 138 III 570 consid. 4.2.2; arrêt 5A_223/2016 du 28 juillet 2016 consid. 5.1.1.2).  
Il y a identité de l'objet du litige lorsque les parties soumettent au juge la même prétention en se fondant sur les mêmes causes juridiques et les mêmes faits. L'identité de l'objet du litige s'entend au sens matériel; il n'est pas nécessaire, ni même déterminant que les conclusions soient formulées de manière identique. En relation avec l'exception de chose jugée, le Tribunal fédéral a admis que, même si elle s'en écarte par son intitulé, une nouvelle conclusion aura un objet identique à celle déjà jugée, si elle était déjà contenue dans celle-ci, si elle est simplement son contraire ou si elle ne se pose qu'à titre préjudiciel, alors que dans le premier procès elle se posait à titre principal. Par ailleurs, si une action en constatation négative et une action condamnatoire opposent les mêmes parties et portent sur le même complexe de faits, elles doivent être considérées comme identiques aussi au sens de l'art. 9 LDIP (arrêt 5C.289/2006 du 7 juin 2007 consid. 3.2 et les références). 
 
6.2.1.2. Aux termes de l'art. 122 CPP, en qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale (al. 1). L'action civile devient pendante dès que le lésé a fait valoir des conclusions civiles en vertu de l'art. 119 al. 2 let. b (al. 3), à savoir qu'il peut déclarer faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction (action civile) par adhésion à la procédure pénale.  
Ainsi, l'action civile exercée par adhésion devient pendante avec la communication à l'autorité de poursuite pénale de l'exercice par adhésion de prétentions de droit privé dérivées de l'infraction. La partie plaignante peut dès lors chiffrer et motiver ses prétentions après la litispendance, au plus tard durant les plaidoiries (art. 123 al. 2 CPP; ATF 146 IV 211 consid. 3.1; arrêts 4A_622/2019 du 15 avril 2020 consid. 5.2.2. et 5.2.3, publié in RSPC 2020 p. 408; 6B_483/2012 du 3 avril 2013 consid. 1.3.1; DOLGE, in Basler Kommentar, StPO, 2 ème éd. 2014, n° 14 s. et 85 ad art. 122 CPP). La litispendance de l'action civile ne doit pas être confondue avec la litispendance de l'action pénale, laquelle débute à réception de l'acte d'accusation par le tribunal (art. 328 al. 1 CPP). Dès le moment où la déclaration visée par l'art. 122 al. 3 CPP a été émise en bonne et due forme, le lésé ne peut plus introduire une demande au civil ayant le même objet contre le prévenu, sous peine d'irrecevabilité (art. 59 al. 2 let. 2 let. d et 64 al. 1 let. a CPC; arrêt 6B_107/2016 du 3 février 2017 consid. 3.4; dans ce sens, mais pour le cas inverse: cf. ATF 145 IV 351 consid. 4.3). Le juge pénal est saisi en vue de statuer sur l'ensemble des prétentions civiles que le lésé est en droit de formuler à l'encontre du prévenu en relation avec les faits constitutifs de l'infraction visée par la procédure pénale. C'est en conséquence le juge pénal, et lui seul, qui tranchera le litige civil dans son entier, à l'exception de prétentions qui, par nature, seraient exorbitantes de sa compétence. L'objet du litige ne s'étend pas à des prétentions civiles qui demeurent en relation avec l'état de fait soumis à l'autorité pénale, mais dont le fondement juridique présente un ancrage autre que celui de la responsabilité civile du prévenu (ATF 126 IV 147 consid. 2; DOLGE, op. cit., n° 89 ad art. 122 CPP; JEANDIN/FONTANET, in Commentaire romand, CPP, 2 ème éd. 2019, n° 26 ss ad art. 122 CPP).  
 
6.2.2. En l'espèce, il sied de relever que, par son appréciation globale des deux jugements étrangers, l'autorité cantonale a procédé à un examen excédant celui auquel le juge procède à titre incident dans la procédure de mainlevée définitive. Elle a en effet principalement analysé la conformité des jugements étrangers à l'ordre public suisse s'agissant des objets autres que les différentes condamnations en argent. A l'inverse, en ne procédant à aucun examen des effets des différentes condamnations en argent au regard de l'ordre public suisse, elle s'est soustraite à celui auquel le juge de la mainlevée doit se livrer. Elle a aussi méconnu que l'ordre public suisse n'est pas violé du seul fait qu'un jugement étranger applique des conceptions juridiques éloignées du droit suisse et que la question de savoir si un jugement étranger allouant des dommages-intérêts punitifs est manifestement incompatible avec l'ordre public suisse mérite un examen approfondi en fonction des faits de la cause sur l'établissement desquels il lui appartenait de se prononcer (cf. arrêt 4A_536/2016 du 26 octobre 2016 consid. 4.3.2 [en matière d'arbitrage international]).  
Cela dit, il ressort de l'arrêt attaqué que, le 5 octobre 2012, l'intimée a formé devant le Ministère public genevois, autorité de poursuite pénale, des conclusions civiles contre la recourante et son dirigeant C.________, tendant à la réparation de son dommage résultant de la soustraction de la cargaison de pétrole et au paiement de frais d'avocats, déduites des infractions de vol et d'escroquerie par adhésion à la procédure pénale. Par cette déclaration, elle a créé une litispendance en Suisse concernant cet objet entre ces parties. Or, le juge caribéen, saisi le 17 juillet 2015, constatant notamment l'absence de responsabilité en paiement d'une dette pour quelque raison que ce soit envers l'intimée en lien avec ce même litige, a condamné l'intimée au paiement de dommages-intérêts de ce fait. Il est vrai qu'au terme de la procédure préliminaire, seul C.________ a été renvoyé devant le juge pénal. Néanmoins, l'autorité cantonale a retenu que les parties étaient les mêmes dans les procédures en cause. La recourante ne conteste pas ce point de vue, se bornant à soutenir de manière appellatoire que les conclusions diffèrent devant les deux instances (cf. supra consid. 5.2). Au vu de l'état de fait à l'origine du litige, impliquant deux sociétés de C.________ qui auraient permis à ce dernier de réaliser une infraction portant atteinte au patrimoine de l'intimée lui procurant un avantage financier, c'est sans arbitraire que l'autorité cantonale a retenu implicitement que les personnalités en cause se confondaient, de sorte qu'on avait à faire aux mêmes parties tant dans la procédure suisse que caribéenne. C'est donc aussi à raison qu'elle a considéré que la litispendance avait été créée en Suisse avant l'introduction de l'action aux V.________ et qu'elle a refusé l' exequatur des jugements étrangers à titre préalable en application de l'art. 27 al. 2 let. c LDIP.  
Le grief de violation de l'art. 27 al. 2 let. c LDIP doit être rejeté, ce qui entraîne le rejet de l'entier du recours. 
 
7.  
En définitive, le recours est rejeté. Les frais judiciaires, arrêtés à 25'000 fr., sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci versera une indemnité d'un même montant à l'intimée à titre de dépens (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 25'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 25'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 4 août 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : Achtari