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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_704/2021  
 
 
Arrêt du 12 mai 2022  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, Beusch, Hartmann et Ryter. 
Greffier : M. Jeannerat. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Alexandre Reymond, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Etat de Vaud, 1014 Lausanne, 
agissant par le Conseil d'Etat du canton de Vaud, Direction générale des affaires, institutionnelles et des communes, place du Château 1, 1014 Lausanne Adm cant VD, 
intimé. 
 
Objet 
Responsabilité de l'Etat pour une détention dans des conditions illicites, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du Canton de Vaud, Cour d'appel civile, du 10 août 2021 
(JI20.005934-210829 379). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, ressortissant marocain, est né [...] 1992 à U.________ au Maroc. Il est arrivé en Suisse en 2016 et y a obtenu l'asile en juillet 2016. Du 10 mai 2017 au 5 juin 2018, il a été détenu à la prison du Bois-Mermet, à Lausanne, sous le régime de la détention avant jugement, après avoir été prévenu de multiples infractions. 
Par jugement rendu le 5 juin 2018, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a déclaré A.________ coupable de vol, d'injures, de menaces, de contrainte sexuelle, de viol et de contravention à la LStup. Il l'a condamné à une peine privative de liberté de quatre ans et demi, sous déduction de 405 jours de détention subie avant jugement. Le même jour, A.________ a commencé l'exécution de sa peine à la prison du Bois-Mermet, avant d'être transféré 25 jours plus tard, soit le 30 juillet 2018, aux Etablissements de la plaine de l'Orbe, également situés dans le canton de Vaud. 
Par courrier du 29 juillet 2019, l'Etat de Vaud a confirmé à A.________ qu'il renonçait à se prévaloir de la prescription jusqu'au 31 juillet 2020 en lien avec d'éventuelles prétentions résultant de ses conditions de détention, pour autant que dite prescription ne soit pas déjà acquise. 
En date du 30 juillet 2019, A.________ a saisi le Tribunal des mesures de contraintes et d'application des peines (ci-après: le Tribunal des mesures de contrainte) d'une demande tendant à ce qu'il soit constaté que les conditions dans lesquelles s'était déroulée sa détention à la prison du Bois-Mermet étaient illicites. 
Par ordonnance du 6 septembre 2019, le Tribunal des mesures de contrainte a constaté que la détention de A.________ dans la prison précitée s'était déroulée dans des conditions illicites entre le 10 mai 2017 et le 12 janvier 2018. Il a en revanche retenu que le reste de sa détention dans cet établissement, soit entre le 13 janvier 2018 et le 30 juillet 2018, n'avait violé aucune disposition légale. Cette décision du Tribunal des mesures de contrainte n'a fait l'objet d'aucun recours. 
 
B.  
Par demande en paiement du 3 février 2020, A.________ a actionné l'Etat de Vaud devant le Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne (ci-après: le Tribunal civil). Il a conclu à ce que le Canton soit astreint à lui verser le montant de 12'350 fr., avec intérêts à 5 % l'an dès le 10 septembre 2017, à titre de réparation du tort moral résultant de ses conditions de détention illicites entre le 10 mai 2017 et le 12 janvier 2018 à la prison du Bois-Mermet. 
Par jugement du 27 janvier 2021, le Président du Tribunal civil a rejeté la demande d'indemnisation pour tort moral de A.________ à l'encontre de l'Etat de Vaud, estimant qu'elle était prescrite. 
A.________ a interjeté appel contre ce jugement auprès de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du Canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal). Celui-ci a rejeté ledit recours et confirmé le jugement de première instance par arrêt du 10 août 2021, considérant également que les prétentions de l'intéressé étaient prescrites. 
 
C.  
Par mémoire du 13 septembre 2021, A.________ (ci-après: le recourant) dépose un recours en matière de droit public ainsi qu'un recours constitutionnel subsidiaire auprès du Tribunal fédéral à l'encontre de l'arrêt précité. Il conclut principalement à ce qu'il soit constaté que sa demande en réparation du tort moral déposée le 3 février 2020 à l'encontre de l'Etat de Vaud n'est pas prescrite. Il requiert que la cause soit renvoyée au Tribunal cantonal ou, éventuellement, au Président du Tribunal civil, pour que l'une de ces autorités statue sur sa demande d'indemnisation. Il conclut subsidiairement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il demande enfin le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral et la désignation de Me Alexandre Reymond comme conseil d'office. 
Le Tribunal cantonal a renoncé à se déterminer sur le recours, renvoyant aux considérants de l'arrêt attaqué. L'Etat de Vaud, agissant par la Direction cantonale générale des affaires institutionnelles et des communes, a pour sa part déposé des observations sur les recours déposés. Il conclut à l'irrecevabilité du recours en matière de droit public, ainsi qu'au rejet, dans la mesure de sa recevabilité, du recours constitutionnel subsidiaire. 
Le recourant a répliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 143 IV 357 consid. 1). 
 
1.1. Le litige porte sur un cas de responsabilité de l'Etat de Vaud en lien avec les conditions de détention provisoire régnant dans l'une de ses prisons. Une telle cause relève du droit public, quand bien même le droit cantonal vaudois place l'action en responsabilité contre l'Etat de Vaud dans la compétence des autorités judiciaires civiles (cf. notamment arrêt 6B_703/2016 du 2 juin 2017 consid. 1.1.1 et les références jurisprudentielles citées). Il appartient en outre à la IIe Cour de droit public de s'en saisir, puisqu'elle a trait à la reconnaissance d'une éventuelle responsabilité de l'Etat pour un acte de procédure pénale sur la base du droit public cantonal, et non en application des règles fédérales de procédure pénale (cf. art. 30 al. 1 let. c ch. 1 et art. 33 du règlement du Tribunal fédéral [RTF; RS 173.110.131]; aussi infra consid. 3.1 et 3.2). D'entente avec la Cour de droit pénal, il convient de réviser l'ancienne pratique d'après laquelle celle-ci se chargeait de telles causes (cf. notamment arrêts 6B_117/2020 du 13 novembre 2020 consid. 1.2, non publié in ATF 147 IV 55; 6B_1015/2020 du 16 décembre 2021).  
 
1.2. Relevant du droit public, l'arrêt attaqué peut en principe faire l'objet d'un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral (art. 82 let. a LTF) ou d'un recours constitutionnel subsidiaire (cf. art. 85 al. 1 let. a et 113 LTF). Le recourant a d'ailleurs déclaré interjeter les deux moyens dans ses écritures, ce qu'il peut faire (art. 119 LTF). La voie du recours constitutionnel subsidiaire n'est cependant ouverte que si la décision attaquée ne peut faire l'objet d'aucun recours ordinaire (art. 113 LTF). Il convient ainsi d'examiner avant tout la recevabilité du recours en matière de droit public, que le recourant a d'ailleurs soulevé en premier lieu.  
 
1.3. L'art. 85 LTF prévoit qu'en matière de responsabilité Etatique, le recours en matière de droit public est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30'000 fr. (al. 1 let. a), à moins que la contestation ne soulève une question juridique de principe (al. 2). En l'occurrence, la présente cause n'atteint pas la valeur seuil de 30'000 fr.: le recourant réclame sur le fond une indemnité pour tort moral de 12'350 fr., plus intérêts, à l'Etat de Vaud. Il s'ensuit que le moyen déposé devant la Cour de céans doit mettre en jeu une question juridique de principe pour être recevable comme recours en matière de droit public. Le recourant prétend qu'une telle condition est remplie en l'espèce.  
 
1.4. Le seul fait que le Tribunal fédéral ne soit se encore jamais prononcé sur l'un des points juridiques litigieux à la base du recours déposé devant lui ne suffit pas à considérer qu'il est saisi d'une question juridique de principe. Il faut qu'il soit appelé à trancher, pour résoudre l'affaire qui lui est soumise, une problématique juridique donnant lieu à une incertitude caractérisée, laquelle appelle de manière pressante un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral, en tant qu'autorité judiciaire suprême chargée de dégager une interprEtation uniforme du droit fédéral et international en Suisse (cf. ATF 141 II 113 consid. 1.4.1 et références jurisprudentielles citées). Tel est le cas en l'espèce. La question de savoir s'il est arbitraire ou contraire à la Convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 (CEDH; RS 0.101) d'exiger d'une personne - comme le recourant - ayant été détenue dans des conditions illicites avant son jugement qu'elle réclame son indemnisation auprès de l'Etat dans l'année qui suit la fin de son traitement carcéral illégal, même si elle demeure dans la même prison, n'a encore jamais été traitée par la jurisprudence fédérale, ainsi qu'on le verra (cf. infra consid. 6.6 et 6.7). Il s'agit là d'une incertitude caractérisée qui touche non seulement à la problématique fondamentale de l'accès à la justice des détenus, mais qui peut en plus concerner de nombreuses affaires. Cette incertitude appelle un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral, de sorte qu'il convient d'entrer en matière, quand bien même la valeur litigieuse minimale fixée à l'art. 85 al. 1 let. a LTF n'est pas atteinte en l'espèce.  
 
1.5. Pour le reste, le recours en matière de droit public déposé par le recourant est dirigé contre une décision finale (cf. art. 90 LTF) rendue dans une cause de droit public (cf. art. 82 let. a LTF) par une autorité judiciaire cantonale supérieure (cf. art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Il a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF) par le destinataire de l'arrêt attaqué qui a qualité pour recourir, dès lors qu'il dispose d'un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de ce dernier, qui a pour résultat de lui refuser toute indemnisation pour tort moral après une détention préventive subie dans des conditions illicites (art. 89 al. 1 LTF).  
 
1.6. Sur le vu de ce qui précède, le recours en matière de droit public déposé par le recourant est recevable. Cela signifie en conséquence que le recours constitutionnel subsidiaire que celui-ci a interjeté simultanément doit être déclaré irrecevable (cf. art. 113 LTF a contrario).  
 
2.  
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, il n'examine toutefois le respect des droits fondamentaux que si le grief a été invoqué et motivé par le recourant (ATF 141 I 36 consid. 1.3; 136 II 304 consid. 2.5). En outre, le grief de violation du droit cantonal ne peut en principe pas être soulevé dans un recours devant le Tribunal fédéral. En revanche, il est toujours possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à un droit fondamental (cf. ATF 142 II 369 consid. 2.1; 140 III 385 consid. 2.3). Sous réserve de ce qui précède, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs de l'autorité précédente ni par les moyens des parties. Il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 141 V 234 consid. 1; 139 II 404 consid. 3).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été constatés de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 II 355 consid. 6; 139 II 373 consid. 1.6). La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. A défaut d'une telle motivation, il n'est pas possible de prendre en considération un Etat de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée, ni des faits qui n'y sont pas constatés (ATF 137 II 353 consid. 5.1; arrêt 2C_777/2015 du 26 mai 2016 consid. 2 non publié in ATF 142 I 152).  
 
3.  
 
3.1. En l'occurrence, le litige concerne une indemnité pour tort moral que le recourant réclame à l'Etat de Vaud à la suite de son emprisonnement à la prison du Bois-Mermet, où il a été incarcéré du 10 mai 2017 au 30 juillet 2018. Il exige plus précisément le paiement d'un montant de 12'350 fr., plus intérêt, à titre de réparation pour tort moral pour une partie de sa détention, courant du 10 mai 2017 au 12 janvier 2018, période durant laquelle ses conditions de détention provisoire se sont avérées illicites. Le Tribunal cantonal a rejeté cette prétention, estimant - comme le Président du Tribunal civil avant lui - qu'elle était prescrite en application de l'art. 7 de la loi vaudoise du 16 mai 1961 sur la responsabilité de l'Etat, des communes et de leurs agents (LRECA/VD; RSV 170.11), qui soumet de telles prétentions à un délai de prescription d'une année.  
 
3.2. Sous l'angle de l'objet du litige, la Cour de céans relève d'emblée que l'autorité cantonale a examiné à bon droit la demande d'indemnisation pour tort moral du recourant sous l'angle du droit cantonal. L'indemnité réclamée ne relève effectivement pas du champ d'application du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP; RS 312.0), quand bien même elle se rapporte à une période de détention provisoire prononcée dans le cadre d'une procédure pénale. L'art. 431 CPP prévoit certes qu'il appartient en principe à l'autorité pénale d'allouer, sur la base de cette disposition, une juste indemnité en réparation du tort moral au prévenu qui a fait l'objet de mesures de contrainte illicites avant son jugement. Cette règle vise à éviter que les prévenus ne doivent obligatoirement engager des procédures en responsabilité contre l'Etat aux conditions fixées par le droit cantonal en marge des procédures pénales qui les concernent (cf. arrêts 6B_1015/2020 précité consid. 2.4.1 et 6B_1071/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.2). Ce régime d'indemnisation particulier de droit fédéral n'a toutefois plus lieu d'être une fois que la procédure pénale est achevée. La question de l'indemnisation d'une éventuelle détention dans des conditions illicites avant jugement ne relève alors plus que du droit cantonal ordinaire en matière de responsabilité de l'Etat (cf. arrêts 6B_1015/2020 précité consid. 2.4.1 et 2.4.2 et 6B_1071/2015 précité consid. 4.2; 2C_443/2012 du 27 novembre 2012, laissant initialement la question ouverte). Tel est le cas en l'espèce, puisque le recourant a entamé ses démarches judiciaires en vue de son indemnisation par l'Etat de Vaud le 3 février 2020, soit après avoir été condamné en date du 5 juillet 2018 à quatre ans et demi de peine privative de liberté pour les faits ayant conduit à sa mise en détention préventive à la prison du Bois-Mermet.  
 
4.  
 
4.1. La responsabilité des collectivités publiques cantonales, des fonctionnaires et des employés publics des cantons à l'égard des particuliers pour le dommage qu'ils causent dans l'exercice de leur charge est en principe régie par les art. 41 ss du code des obligations (CO;RS 220). Les cantons sont toutefois libres de soumettre cette problématique au droit public cantonal en vertu de l'art. 59 al. 1 du Code civil suisse (CC; RS 210) et de l'art. 61 al. 1 CO (ATF 128 III 76 consid. 1a; 127 III 248 consid. 1b). Lorsque le canton adopte une réglementation, la responsabilité de la collectivité publique et de ses agents est donc soumise au droit public cantonal. Si cette réglementation renvoie à titre subsidiaire aux dispositions du CO, celui-ci s'applique à titre de droit cantonal supplétif (ATF 147 IV 55 consid. 2.6; 126 III 370 consid. 5; cf. aussi arrêts 6B_1015/2020 précité consid. 2.1; 2C_493/2021 du 24 juin 2021 consid. 5.1).  
 
4.2. Le Canton de Vaud a fait usage de la faculté exposée ci-devant en édictant la LRECA/VD. Cette loi règle la réparation des dommages causés illicitement ou en violation de devoirs de service par des agents de l'Etat dans l'exercice de la fonction publique cantonale ou communale (art. 1, 3 et 4 LRECA/VD). Elle prévoit notamment que celui qui subit une atteinte dans ses intérêts personnels par des agents de l'Etat peut réclamer des dommages-intérêts au canton ou aux corporations communales dont ceux-ci relèvent. La personne lésée peut également demander le versement d'une indemnité à titre de réparation morale lorsqu'elle est justifiée par la gravité particulière du préjudice subi (art. 6 al. 2 LRECA/VD). Cette créance se prescrit par un an dès la connaissance du dommage et en tout cas par dix ans dès l'acte dommageable (cf. art. 7 LRECA/VD). Selon l'art. 8 LRECA/VD, les dispositions du CO relatives aux obligations résultant d'actes illicites sont au surplus applicables par analogie à titre de droit cantonal.  
 
5.  
 
5.1. En l'occurrence, l'indemnité pour réparation du tort moral que le recourant réclame à l'Etat de Vaud sur la base de la LRECA/VD se rapporte à une portion précise de la détention provisoire qu'il a subie à la prison du Bois-Mermet du 10 mai 2017 au 5 juillet 2018. Il ressort de l'arrêt attaqué que l'intéressé a vécu au début de cette détention pendant huit mois et deux jours - soit entre le 10 mai 2017 et 12 janvier 2018 - avec un autre détenu dans une cellule dite " double " d'une surface nette de 9.34 m² (cellule no 257). Cette cellule, dont l'intéressé ne pouvait sortir que pour une promenade quotidienne d'une heure, pour pratiquer quatre heures de sport hebdomadaire et se doucher trois fois par semaine, était soumise à d'importantes variations de température et incluait un sanitaire séparé par un simple rideau ignifuge.  
 
5.2. Le Tribunal cantonal a constaté dans son arrêt que la souffrance qu'avait pu ressentir le recourant entre le 10 mai 2017 et le 12 janvier 2018 ne découlait pas uniquement de la taille de sa cellule, d'une grandeur de moins de 4 m² par personne sans tenir compte du sanitaire, ainsi que de la " longue durée " dans laquelle l'intéressé y avait en l'occurrence été placé, mais également des autres conditions ayant caractérisé ce régime de détention, notamment les températures ambiantes extrêmes qui pouvaient y régner, le fait que le confinement avait duré plus de 22 heures et demie par jour et qu'il n'y avait pas de cloison entre l'espace sanitaire et le reste de la cellule. Il n'a ainsi nullement contesté que cette partie de détention avant jugement du recourant était illicite. Le Tribunal des mesures l'avait du reste déjà reconnu dans une ordonnance du 6 septembre 2019, qui n'a fait l'objet d'aucun recours et qui est donc entrée en force. Le Tribunal cantonal a néanmoins constaté, en se fondant sur l'ordonnance précitée, que les conditions de détention avant jugement du recourant s'étaient améliorées de manière décisive après le 12 janvier 2018. Depuis lors, l'intéressé avait non seulement occupé d'autres cellules légèrement plus grandes, bénéficiant ainsi d'une surface individuelle supérieure à 4 m², mais avait aussi commencé à travailler à 100%, en alternance avec son codétenu. Il avait ainsi passé un nombre appréciable d'heures au quotidien, soit sur son lieu de travail, soit seul en cellule lorsque son codétenu travaillait, en plus des promenades et autres séances de sport auxquelles il avait droit. Le Tribunal cantonal a retenu qu'à partir de ce moment, le recourant était forcément à même de constater que sa détention dans des conditions illicites avait pris fin et, dès lors, de déterminer son préjudice. Il a partant considéré, à l'instar du Président du Tribunal civil, que le délai de prescription d'un an applicable à d'éventuelles prétentions en réparation du tort moral avait commencé à courir le 12 janvier 2018, conformément à ce que prévoyait l'art. 7 LRECA/VD, et qu'il était arrivé à échéance le 12 janvier 2019, soit bien avant que l'intéressé ne dépose sa demande en paiement le 3 février 2020, laquelle devait donc être rejetée pour cause de tardiveté.  
 
5.3. Le recourant reproche au Tribunal cantonal d'avoir violé l'interdiction de l'arbitraire inscrite à l'art. 9 Cst. Il prétend qu'il est manifestement insoutenable de considérer que le délai de prescription de son droit à être indemnisé pour ses conditions de détention illicites a commencé à courir à partir du 12 janvier 2018 et, partant, qu'il est arrivé à échéance une année plus tard le 12 janvier 2019. D'après lui, il ne pouvait pas avoir " connaissance du dommage " lié à sa détention à la prison du Bois-Mermet au sens de l'art. 7 LRECA/VD tant qu'il n'avait pas été transféré hors de celle-ci en date du 30 juillet 2018. Il soutient ainsi que la prescription annale applicable à son droit à être indemnisé pour le traitement illicite reçu dans cet établissement n'a en tout cas pas pu être acquise avant le 30 juillet 2019, soit avant que l'Etat de Vaud n'accepte, en date du 29 juillet 2019, de signer un document au sens duquel il déclarait renoncer à se prévaloir de ladite prescription jusqu'au 31 juillet 2020 pour autant que celle-ci ne soit pas déjà échue. Il considère par ailleurs que l'arrêt attaqué viole son droit à un procès équitable garanti par l'art. 6 CEDH et, plus particulièrement, son droit à un accès effectif à un tribunal déduit de cette disposition. Il reproche, en substance, à l'autorité précédente de l'empêcher de faire valoir en justice ses prétentions contre l'Etat de Vaud, alors même qu'il est incontesté qu'il a été détenu dans des conditions inhumaines illicites à la prison du Bois-Mermet et qu'il a subi un préjudice moral important de ce fait. Il considère que, pour respecter l'art. 6 CEDH, le délai de prescription annal applicable à sa créance n'aurait en tout cas pas dû commencer à courir avant le 30 juillet 2018, soit avant son départ pour les Etablissements pénitentiaires de la plaine de l'Orbe. Avant cette date, il n'était pas possible d'exiger de lui qu'il se prévale de sa créance, sachant qu'il se trouvait alors dans une situation de dépendance envers l'Etat de Vaud et qu'il demeurait toujours dans la prison dont il aurait dû se plaindre.  
 
6.  
Il s'agit tout d'abord d'examiner si, comme le prétend le recourant, le Tribunal cantonal a versé dans l'arbitraire et violé l'art. 9 Cst. en considérant que, lorsque l'intéressé s'est prévalu en justice de ses prétentions en indemnisation en date du 3 février 2020, celles-ci étaient déjà prescrites en application de l'art. 7 LRECA/VD. 
 
6.1. Appelé à revoir l'application d'une norme cantonale sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. Il peut notamment s'avérer arbitraire d'interpréter une notion juridique de manière contraire à une jurisprudence et une doctrine constantes et bien établies (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1; 117 Ia 135 consid. 2). En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 144 IV 136 consid. 5.8; 132 I 175 consid. 1.2). En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 145 II 32 consid. 5.1; 143 I 321 consid. 6.1).  
 
6.2. En l'occurrence, comme on l'a vu, toute action en réparation du dommage ou du tort moral intentée contre l'Etat de Vaud en application de la LRECA/VD est soumise à un délai de prescription relatif d'un an dès la connaissance du dommage (cf. art. 7 LRECA/VD; cf. supra consid. 4.2). Une telle réglementation, bien qu'elle limite considérablement le droit d'accès au juge, n'est pas en soi contraire à l'art. 30 Cst., ni à l'art. 6 CEDH, qui garantissent tous les deux à chaque personne le droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal. Ce droit se prête en effet à des limitations, tels, par exemple, des délais de prescription, en lien avec lesquels le législateur jouit d'une marge importante d'appréciation (voir, par exemple, arrêts de la CourEDH Sanofi Pasteur c. France du 13 février 2020, req. no 25137/16, par. 57 s., et Stagno c. Belgique du 7 juillet 2009, req. no 1062/07, par. 26). Il convient toutefois de garder à l'esprit que, de jurisprudence constante, ces limitations doivent être légitimes et ne sauraient restreindre l'accès à la justice de manière ou à un point tel que le droit du justiciable à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance même (cf. notamment arrêts de la CourEDH Stanev c. Bulgarie du 17 janvier 2012, no 36760/06, par. 229 s., et Naït-Liman c. Suisse du 15 mars 2018, no 51357/07 2018, par. 114). Il s'ensuit qu'à supposer même qu'un délai de prescription ne soit pas par nature contraire aux art. 30 Cst. et 6 CEDH malgré son caractère restrictif, son application au cas d'espèce doit toujours poursuivre un but légitime et se trouver dans un rapport de proportionnalité raisonnable entre les moyens employés et le but visé (cf. arrêt de la CourEDH Sanofi Pasteur c. France précité, par. 50-63 et les références citées). De telles considérations valent évidemment pour la question de la prescription des prétentions en réparation du tort moral que des personnes - comme le recourant - peuvent réclamer à l'Etat après avoir supporté un traitement carcéral illicite, voire inhumain, sachant que toute personne victime d'une telle détention a en principe droit à réparation (cf. art. 5 par. 5 CEDH).  
 
6.3. En l'occurrence, force est de constater que le délai de prescription relatif d'une année prévu par l'art. 7 LRECA/VD pour se prévaloir d'une créance en responsabilité contre l'Etat de Vaud - que l'on retrouve encore dans de nombreuses réglementations cantonales sur la responsabilité de l'Etat pour le fait de ses agents - est très bref. Il se distingue aujourd'hui nettement du régime de la responsabilité extracontractuelle de droit privé fédéral qui soumet, depuis le 1er janvier 2020, la prétention en réparation du dommage à un délai de prescription de trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance dudit dommage (cf. art. 60 al. 1 CO;RO 2018 5343). Le législateur fédéral a en effet estimé que l'ancien délai de prescription relatif d'un an fixé à l'ancien art. 60 al. 1 CO s'avérait trop court, notamment en comparaison internationale (cf. Message du Conseil fédéral du 29 novembre 2013 relatif à la modification du code des obligations [Droit de la prescription], FF 2014 221, spéc. p. 262). Le principe d'une telle prolongation des délais de prescription en droit extracontractuel a été bien accueilli par les cantons; l'opportunité pour ces derniers d'adapter leur droit dans le sillage de la révision du droit fédéral a même été évoquée lors de la consultation (cf. Synthèse des résultats de la consultation sur la révision du droit de la prescription, août 2012, nos 413 et 431, consultable www.bj.admin.ch > Economie > Projets législatifs en cours > Projets législatifs terminés > Délais de prescription en droit privé; cf. aussi Message précité, FF 2014 262).  
 
6.4. Toujours est-il que l'art. 7 LRECA/VD correspond pour l'heure encore à l'ancien art. 60 al. 1 CO qui prévoyait un délai de prescription relatif d'une année courant dès la connaissance du dommage. Cela étant, il est acquis que cette norme cantonale doit en principe être interprétée de la même manière que l'était cette disposition fédérale qu'elle reprend mot pour mot. Or, la jurisprudence fédérale - à laquelle se réfère également le Tribunal cantonal dans l'arrêt attaqué - a très tôt mis en exergue le caractère extrêmement strict d'un délai de prescription relatif d'un an, que le Tribunal fédéral avait qualifié de " fort court " sous l'empire de l'art. 60 al. 1 aCO (ATF 74 II 30 consid. 1). Ce dernier a dès lors souligné la nécessité de ne pas se montrer trop exigeant envers le créancier quant au point de départ d'un tel délai, afin d'en compenser la sévérité (cf. notamment ATF 111 II 55 consid. 3a; 92 II 1 consid. 6b). En effet, dans un laps de temps aussi court qu'une année, il est souvent impossible de mesurer l'étendue d'un dommage, surtout lorsqu'il est sujet à modification, et il n'y pas lieu de contraindre le lésé à réclamer d'emblée, sans bases sérieuses, le maximum de ce à quoi il pourrait avoir droit, ou bien à amplifier ses conclusions en cours d'instance, sachant que l'un et l'autre procédés présentent de graves inconvénients du point de vue d'une saine administration de la justice (cf. ATF 74 II 30 consid. 1).  
 
6.5. Le délai annal de l'art. 60 al. 1 CO - et par voie d'extension celui de l'art. 7 LRECA/VD - ne court ainsi qu'à partir du moment où le lésé apprend les circonstances propres à fonder et à motiver une demande en justice, tels que l'existence du dommage, son auteur, sa nature et ses éléments (ATF 131 III 61 consid. 3.1.1; 111 II 55 consid. 3a; arrêts 2C_372/2018 du 25 juillet 2018 consid. 3.1; 4A_135/2017 du 23 novembre 2017 consid. 5.1). Suivant les circonstances, vu la brièveté du délai de prescription d'un an, un certain temps doit encore être laissé au lésé pour lui permettre d'estimer l'étendue définitive du dommage, seul ou avec le concours de tiers (ATF 96 II 39 consid. 2; arrêt 4A_52/2020 du 19 août 2020 consid. 3.3.2). Le délai de l'art. 60 al. 1 CO commence par ailleurs à courir à partir du moment où le lésé a effectivement connaissance du dommage au sens indiqué ci-dessus, et non de celui où il aurait pu découvrir l'importance de sa créance en faisant preuve de l'attention commandée par les circonstances (ATF 136 III 322 consid. 4.1; 131 III 61 consid. 3.1; aussi arrêt 4A_52/2020 précité consid. 3.3.2). Selon la jurisprudence, une application large de la notion de connaissance du dommage s'impose tout particulièrement dans certaines situations où l'acte illicite n'apparaît pas unique et instantané et où, pour cette raison, le préjudice peut varier et s'amplifier. Le délai de l'art. 60 CO ne court ainsi que lorsque le lésé peut se faire une idée précise de l'importance de l'atteinte dans son ensemble, même si certains actes antérieurs suffisaient déjà à fonder l'action; alors seulement, il connaît le dommage (ATF 92 II 1 consid. 4). Lorsque l'ampleur du préjudice résulte d'une " situation qui évolue ", le délai de prescription ne court ainsi pas avant le terme de l'évolution (ATF 126 III 161 consid. 3c; arrêt 2C_372/2018 précité consid. 3.1 et les références). Tel est le cas lorsqu'un préjudice est causé par des comportements dommageables répétés ou s'inscrivant dans la durée (cf. ATF 146 III 14 consid. 6.1.2; 109 II 418 consid. 3; aussi arrêt 8C_244/2020 du 15 avril 2021 consid. 4.3). Dans le cas d'une campagne de presse attentatoire à l'honneur par exemple, le délai de prescription annal de l'art. 60 al. 1 CO ne court pas avant que la fin des publications portant atteinte à la personnalité du lésé ne soit reconnaissable (ATF 126 III 161 consid. 3).  
 
6.6. Il y a en l'occurrence lieu de relever que le Tribunal fédéral s'est récemment penché sur le cas d'un ex-détenu qui, comme le recourant, avait actionné en justice l'Etat de Vaud afin d'être indemnisé pour le tort moral découlant d'une détention avant jugement dans des conditions illicites qu'il avait subie pendant 523 jours à la prison du Bois-Mermet (cf. arrêt 6B_1015/2020 précité). Dans cette affaire, il a considéré qu'il n'était pas arbitraire de rejeter une telle action pour cause de prescription à l'aune de l'art. 7 LRECA/VD, interprété au regard de la jurisprudence fédérale précitée, dès lors que l'intéressé s'était prévalu de ses prétentions contre l'Etat plus de deux ans après la fin de ses conditions de détention provisoire illicites, qui avaient en l'espèce cessé à la suite de son transfert dans un autre établissement pénitentiaire. Le Tribunal fédéral a estimé qu'il n'était ni déraisonnable ni manifestement contraire au but et au sens de l'art. 7 LRECA/VD, de considérer que l'intéressé avait eu " connaissance " de son tort moral ainsi que de son ampleur au plus tard le jour où sa détention dans des conditions illicites s'était terminée compte tenu de son transfert carcéral. Au contraire, une telle interprétation du droit cantonal se situait dans la ligne de la jurisprudence relative à l'art. 60 al. 1 CO, applicable par analogie à l'art. 7 LRECA/VD (cf. arrêt 6B_1015/2020 précité consid. 2.3.1 et 2.3.3).  
 
6.7. Le raisonnement à la base de l'arrêt 6B_1015/2020 précité n'est toutefois pas transposable sans autres considérations à la présente affaire. Cet arrêt concernait un cas où les conditions de détention illicites du recourant avaient pris fin le jour même de son transfert vers un autre établissement pénitentiaire. Il est clair qu'après un tel transfert carcéral, le recourant ne pouvait plus avoir de doute quant aux faits suffisants pour motiver une demande en justice en lien avec ses conditions de détention illicites à la prison du Bois-Mermet, étant précisé qu'il était reconnaissable que celles-ci avaient définitivement pris fin. Dans le cas d'espèce, en revanche, les conditions de détention illicites du recourant sont devenues licites à la suite d'un simple changement de traitement au sein de ladite prison qui a consisté, pour l'essentiel, en un changement de cellule et en l'attribution d'un poste de travail au sein de la prison. Il convient ainsi de se demander si c'est arbitrairement que l'arrêt attaqué a retenu que le recourant avait " connu " son dommage découlant de ses conditions de détention illicites non pas le jour de son transfert hors de la prison du Bois-Mermet, mais déjà le jour où, bien que demeurant dans cette même prison, il avait vu son traitement modifié au sein de celle-ci, notamment en raison d'un changement de cellule. De cette question dépend effectivement celle de savoir si l'arrêt attaqué aboutit à un résultat soutenable ou non en calculant le délai de prescription annal applicable aux prétentions de l'intéressé à partir de ce moment-là.  
 
6.8. En l'occurrence, il faut reconnaître, comme le relève le recourant, qu'un détenu ayant souffert de conditions de détention illicites dans une prison telle que celle du Bois-Mermet - dont il est notoire qu'elle peine à assurer un régime de détention conforme au droit en raison de problèmes structurels - ne peut exclure le risque de subir à nouveau un traitement similaire à celui qu'il a déjà subi par le passé et qu'il ne peut dès lors être confiant sur le fait que celui-ci ne se renouvellera jamais plus avant son transfert dans un autre établissement pénitentiaire. L'Etat de Vaud reconnaît d'ailleurs lui-même dans sa réponse au recours que la licéité des conditions d'un détenu à la prison du Bois-Mermet peut évoluer au cours de son incarcération en fonction d'un changement de cellule et qu'il peut dès lors s'avérer compliqué de déterminer si et quand les conditions de sa détention sont illicites. Le fait d'être assisté d'un avocat, comme l'était le recourant, ne change au demeurant absolument rien à ce fait. Il ressort à cet égard de l'arrêt 6B_1015/2020 évoqué plus haut, mais aussi directement de l'arrêt attaqué qu'il est déjà arrivé que des détenus incarcérés à la prison du Bois-Mermet subissent des conditions de détention provisoire illicites durant une période bien plus longue que le recourant et que le régime de détention de celui-ci n'a lui-même pas été stable et constant après le 12 janvier 2018. Le Tribunal cantonal a en effet établi qu'après cette date, l'intéressé avait été transféré dans plusieurs cellules doubles successives - plus ou moins grandes - présentant des défauts similaires à sa précédente cellule et qu'il s'était vu retirer son emploi au sein de la prison avant même son départ pour les Etablissements pénitentiaires de la Plaine de l'Orbe en date du 30 juillet 2018.  
 
6.9. On ne voit ainsi pas comment le recourant aurait pu reconnaître qu'il ne souffrirait plus de conditions de détention illicites au sein de la prison du Bois-Mermet dès l'amélioration de son traitement carcéral intervenu le 12 janvier 2018 et, partant, comment il aurait pu avoir connaissance à cette date du préjudice maximal lié à sa détention dans cet établissement. En l'absence de toute garantie quant à la pérennité d'un tel changement, dont on ne pouvait exclure qu'il ne soit temporaire, l'intéressé ne pouvait en aucun cas se rendre compte à cet instant que le traitement carcéral illicite dont il avait été victime jusque-là pendant 247 jours avait durablement pris fin. Il ne pouvait alors pas discerner non plus l'ampleur totale du tort moral illicite qu'il allait subir jusqu'à son départ de la prison du Bois-Mermet en date du 30 juillet 2018. Il n'est de manière générale pas concevable de soutenir qu'un détenu ayant pâti de conditions de détention illicites pendant de longs mois comme le recourant connaît son dommage - c'est-à-dire qu'il est capable d'évaluer l'ampleur maximal de son tort moral - le jour même où ses conditions carcérales s'améliorent, alors même qu'il ne peut savoir si un tel changement est destiné à durer et que, de jurisprudence constante, la notion de " connaissance du dommage " ne doit pas être appliquée de manière stricte, particulièrement lorsqu'elle correspond au dies a quo d'un délai de prescription très bref, comme c'est le cas en droit vaudois de la responsabilité de l'Etat. Il est partant choquant d'imposer à un telle personne, ce en application de l'art. 7 LRECA/VD, un délai d'une année courant à partir de ce moment-là pour réclamer une indemnisation auprès du canton, alors même qu'elle demeure, comme on l'a dit, dans une prison réputée pour ses conditions de détention particulièrement difficiles et qu'elle n'a aucun moyen d'être certaine - ou seulement confiante quant au fait - qu'elle ne souffrira plus d'un traitement illicite à court terme.  
 
6.10. En considérant que le recourant " était à même de constater que les conditions illicites de sa détention avaient pris fin " et qu'il était " en mesure de déterminer son préjudice " dès le 12 janvier 2018, en arguant qu'il était alors assisté d'un conseil d'office en vue de son jugement, le Tribunal cantonal a en réalité fixé le moment à partir duquel l'intéressé aurait pu découvrir l'importance de sa créance d'un point de vue rétrospectif. Cette approche s'inscrit en porte-à-faux avec la jurisprudence constante et établie selon laquelle le délai annal de l'art. 60 al. 1 CO, auquel correspond l'art. 7 LRECA/VD, doit être appliqué de manière large envers le lésé et ne commencer à courir qu'à partir du moment où celui-ci a une connaissance effective de son dommage (cf. supra consid. 6.4 et 6.5).  
Le raisonnement à la base de l'arrêt attaqué, qui aboutit à une application extrêmement stricte des règles en matière de délai de prescription, contrairement à ce qu'a toujours préconisé la jurisprudence, ne se justifie en outre par aucun motif objectif, alors même qu'il restreint de manière importante le droit fondamental d'accès à la justice des détenus garanti par les art. 30 al. 1 et 6 CEDH (cf. supra consid. 6.2). L'intérêt d'éviter toute insécurité juridique, tel qu'allégué par l'Etat de Vaud, n'est notamment pas de mise s'agissant d'actions en responsabilité contre le canton qui sont de toute manière soumises à un délai de prescription relatif particulièrement bref et qui concernent des cas de détention provisoire dans des établissements particulièrement vétustes qui, par définition, ne sont pas censés se prolonger trop longtemps. A cela s'ajoute que la jurisprudence fédérale garantit de toute manière aux prévenus et ex-prévenus le droit de faire constater l'illicéité de leurs conditions de détention provisoire en s'adressant à une autorité ad hoc même plus d'une année après la fin de la période de détention problématique (cf. arrêts 6B_1097/2016 du 13 septembre 2017 consid. 3; 6B_1005/2015 du 13 avril 2016 consid. 2). Le recourant a d'ailleurs lui-même usé de cette faculté, puisque le caractère illicite de sa détention a été constaté à sa demande par le Tribunal des mesures de contrainte par ordonnance du 6 septembre 2019. Il est vrai que cette possibilité de faire constater l'illicéité de la détention, indépendante d'une action en responsabilité, ne saurait être l'élément déterminant pour fixer le point de départ du délai de prescription d'une telle action (cf. arrêt 6B_1015/2020 précité consid. 2.3.2). Elle illustre toutefois le fait que l'ordre juridique suisse ne reconnaît pas de véritable intérêt public prépondérant à lever au plus vite toutes les incertitudes juridiques pouvant être liées à des conditions de détention provisoire illicites, qui doivent en principe faire l'objet d'une réparation (cf. art. 5 par. 5 CEDH). L'arrêt attaqué repose ainsi sur une motivation manifestement insoutenable qui s'avère, partant, arbitraire. 
 
6.11. Enfin, l'arrêt attaqué est également arbitraire dans son résultat. Si le Tribunal cantonal n'avait pas appliqué l'art. 7 LRECA/VD d'une manière excessivement sévère à l'endroit du recourant, il aurait dû retenir que le délai de prescription d'une année applicable aux prétentions de ce dernier n'avait pas pu commencer à courir avant son transfert dans une autre prison en date 30 juillet 2018 et qu'il n'était dès lors pas encore arrivé à échéance lorsque l'Etat de Vaud a renoncé, le 29 juillet 2019, à se prévaloir de la prescription jusqu'au 31 juillet 2020 pour autant que celle-ci ne soit pas déjà acquise. Aucun élément de fait constaté dans l'arrêt attaqué n'indique en effet que le recourant ait pu reconnaître ou estimer son préjudice total découlant de son incarcération au sein de la prison du Bois-Mermet avant son transfert dans un autre établissement carcéral, étant précisé que celui-ci est intervenu moins de 7 mois seulement après la fin de ses conditions de détention illicite. Après ce transfert, le recourant ne pouvait en revanche plus avoir de doute quant aux faits suffisants pour motiver une demande en justice, ainsi que le Tribunal fédéral l'a déjà relevé dans son arrêt 6B_1015/2020, évoqué plus haut (cf. supra consid. 6.6). C'est donc de manière choquante que l'arrêt attaqué aboutit à la conclusion que le Président du Tribunal civil pouvait refuser d'entrer en matière sur les prétentions du recourant en les considérant prescrites.  
 
7.  
Il s'ensuit que le recours en matière de droit public doit être admis et l'arrêt attaqué annulé, sans même qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs que le recourant soulève à son encontre en relation avec le droit d'accès au juge garanti à l'art. 6 CEDH. La cause sera renvoyée au Président du Tribunal civil pour qu'il statue sur la demande d'indemnisation de l'intéressé en application de la LRECA/VD, étant précisé que les prétentions en réparation du tort moral réclamées par ce dernier ne peuvent pas être considérées comme prescrites à l'aune de cette loi. Elle sera au surplus également renvoyée au Tribunal cantonal pour que celui-ci statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale antérieure (art. 67 et 68 al. 5 LTF a contrario). 
 
8.  
Les frais judiciaires devant le Tribunal fédéral sont mis à la charge de l'Etat de Vaud qui succombe et dont l'intérêt patrimonial est en cause (art. 66 al. 4 LTF). Le recourant, qui obtient gain de cause avec l'aide d'un mandataire professionnel, a droit à une indemnité de partie à charge du canton, laquelle sera directement versé audit mandataire (art. 68 al. 1 LTF). La demande d'assistance judiciaire est dès lors sans objet (art. 64 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
2.  
Le recours en matière de droit public est admis. L'arrêt du Tribunal cantonal du Canton de Vaud du 10 août 2021 est annulé et la cause est renvoyée au Président du Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne pour nouvelle décision au sens des considérants. 
 
3.  
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal pour qu'il statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale antérieure. 
 
4.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'Etat de Vaud. 
 
5.  
Une indemnité de 3'000 fr., à payer au mandataire du recourant à titre de dépens, est mise à la charge de l'Etat de Vaud. 
 
6.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Etat de Vaud, au Tribunal cantonal du Canton de Vaud, Cour d'appel civile, 
 
 
Lausanne, le 12 mai 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : E. Jeannerat