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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_141/2021  
 
 
Arrêt du 21 juin 2021  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Haag et Müller. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
Ministère public du canton de Vaud, Le Procureur général adjoint, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Mathias Micsiz, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Procédure pénale; fouille corporelle; délai de recours, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 4 janvier 2021 
(5 - PE20.007479-ARS). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 14 mai 2020, le Ministère public central, division criminalité économique (ci-après: Ministère public), a ouvert une instruction pénale contre A.________ pour escroquerie, abus de confiance, subsidiairement gestion déloyale aggravée, blanchiment d'argent et contravention à l'ordonnance du 25 mars 2020 sur l'octroi de crédits et de cautionnements solidaires à la suite du coronavirus (RS 951.261). 
 
Sur mandat du Ministère public délivré le 15 mai 2020, la police a procédé à une perquisition du domicile de A.________ le 19 mai 2020 à 6h00. Celui-ci a fait l'objet d'une fouille corporelle intégrale, puis a été amené dans les locaux du Ministère public pour y être entendu. 
 
B.  
Le 9 octobre 2020, A.________ a déposé auprès du Ministère public une demande tendant à la constatation de l'illicéité de la fouille corporelle intégrale subie lors de son arrestation. 
 
A près avoir sollicité du chef de la Brigade financière de la police de Sûreté qu'il se détermine à ce sujet, le Ministère public a, par lettre du 5 novembre 2020, refusé de donner suite à cette requête au vu du contenu de ces déterminations et " faute d'indices permettant de craindre que les forces de l'ordre aient outrepassé leurs prérogatives ". 
 
C.  
A.________, estimant qu'il s'agissait d'une décision, a, par acte du 9 novembre 2020, recouru contre celle-ci auprès de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal). 
 
Par arrêt du 4 janvier 2021, le Tribunal cantonal a admis le recours, constatant que la fouille corporelle intégrale réalisée par les agents de la Brigade financière de la police cantonale était illicite. 
 
D.  
Par acte du 22 mars 2021, le Procureur général adjoint du Ministère public du canton de Vaud forme un recours en matière pénale, par lequel il demande au Tribunal fédéral notamment de réformer l'arrêt précité en ce sens que le recours est irrecevable. 
 
Invités à se déterminer sur le recours, le Tribunal cantonal s'est référé à ses considérants tandis que A.________ a conclu au rejet du recours pour autant que recevable. Ce dernier a également sollicité l'assistance judiciaire avec la désignation de son avocat en qualité de conseil d'office. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 143 IV 357 consid. 1; 141 III 395 consid. 2.1). 
En application de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF, l'accusateur public a qualité pour former un recours en matière pénale. Savoir quelle autorité au sein d'un canton constitue l'accusateur public est une question qui doit se résoudre à l'aune de la LTF. Lorsqu'il existe un ministère public compétent pour la poursuite de toutes les infractions sur l'ensemble du territoire, seule cette autorité aura la qualité pour recourir au Tribunal fédéral. En revanche, savoir qui, au sein de ce ministère public, a la compétence de le représenter est une question d'organisation judiciaire, soit une question qui relève du droit cantonal (ATF 142 IV 196 consid. 1.5.2; arrêt 6B_1308/2020 du 5 mai 2021 consid. 1). 
 
Dans le canton de Vaud, l'art. 27 al. 2 de la loi du 19 mai 2009 sur le Ministère public (BLV 173.21) dispose que le procureur général ou ses adjoints sont seuls compétents pour saisir le Tribunal fédéral. 
 
En l'espèce, le mémoire de recours est signé par le Procureur général adjoint du canton du Vaud. Le recours a en outre été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) prise par une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF). Les conclusions qui y sont prises sont recevables (art. 107 al. 2 LTF). Le recours est dès lors recevable à cet égard. Quant à la question soulevée par l'intimé de l'intérêt juridique du recourant à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, elle peut demeurer ouverte au vu du sort réservé à la cause. Partant, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir considéré qu'il était l'autorité matériellement compétente pour statuer sur les recours contre les actes procéduraux de la police (cf. art. 20 al. 1 et 393 al. 1 let. a CPP), respectivement soutient que l'intimé aurait dû former recours auprès du Tribunal cantonal dans le délai de dix jours dès l'acte contesté (cf. art. 396 al. 1 CPP). 
 
 
2.1. L'art. 20 al. 1 let. b CPP prévoit que l'autorité de recours statue sur les recours dirigés contre les actes de procédure et contre les décisions non sujettes à appel rendues par la police, le ministère public et les autorités pénales compétentes en matière de contraventions. Dans le canton de Vaud, cette autorité est la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (art. 13 al. 1 de la loi cantonale d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 [BLV 312.01]).  
L'art. 393 al. 1 let. a CPP précise que le recours est recevable contre les décisions et les actes de procédure de la police, du ministère public et des autorités pénales compétentes en matière de contraventions. Le recours est en revanche irrecevable lorsque le ministère public ou l'autorité pénale compétente en matière de contraventions rejette une réquisition de preuves qui peut être réitérée sans préjudice juridique devant le tribunal de première instance (art. 394 let. b CPP). Ne peuvent pas non plus être attaquées par le biais d'un recours les décisions qualifiées de définitives ou de non sujettes à recours (art. 380 en lien avec les art. 379 et 393 CPP; pour des exemples, voir ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1; cf. également arrêt 1B_304/2018 du 13 novembre 2018 consid. 2.1). 
Il découle ainsi de la systématique légale que, sauf exceptions prévues expressément par la loi, toutes les décisions de procédure, qu'elles émanent du ministère public, de la police ou des autorités compétentes en matière de contraventions, sont susceptibles de recours (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1; arrêts 1B_415/2018 du 19 septembre 2018 consid. 3; 1B_312/2016 du 10 novembre 2016 consid. 2.1). Le législateur a eu en vue de soumettre de manière générale à recours "tout acte de procédure [...], y compris toute abstention ou toute omission" (Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale [FF 2006 1057, ch. 2.9.2 p. 1296]). En d'autres termes, la méthode législative n'est plus celle d'un catalogue énumérant les décisions sujettes à recours, à l'instar de ce que prévoyaient plusieurs anciens codes de procédure cantonaux, mais consiste à appliquer un principe (universalité des recours), puis à le limiter par des exceptions exhaustivement prévues dans la loi (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1 et les références citées; arrêt 1B_304/2018 du 13 novembre 2018 consid. 2.1). 
S'agissant en particulier des fouilles (art. 241 CPP), elle peuvent, en tant qu'acte de procédure de la police, faire l'objet d'un recours au sens de l'art. 393 al. 1 let. a CPP (Bernhard Sträuli, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd. 2019, N 10 ad art. 393 CPP; Patrick Guidon, Die Beschwerde gemäss Schweizerischer Strafprozessordnung, 2011 p. 32 et 46 sv.; dans ce sens également ATF 146 I 97). 
Selon l'art. 396 al. 1 CPP, le recours doit être motivé et adressé par écrit à l'autorité de recours dans le délai de dix jours dès la notification de la décision. 
 
2.2. En l'espèce, la cour cantonale a jugé que l'intimé était fondé à déposer une demande tendant à la constatation de l'illicéité de la fouille corporelle qu'il avait subie et n'avait donc pas à former un recours dans le délai de dix jours dès l'acte contesté; en outre, en sa qualité de direction de la procédure et conformément à son devoir de surveillance et du respect du principe de la légalité, le Ministère public avait la compétence matérielle pour statuer sur la légalité des modalités d'exécution de l'acte de procédure qu'il avait délégué à la police, respectivement avait l'obligation de statuer sur celle-ci.  
 
2.3. La question de savoir si le Ministère public était ici l'autorité de recours compétente pour statuer sur le caractère licite ou non de la fouille effectuée sur la personne de l'intimé, respectivement si ce dernier était forclos à s'en plaindre peut demeurer indécise dès lors qu'elle n'a pas d'incidence sur l'issue du litige. En effet, dans son courrier du 5 novembre 2020, le Ministère public s'est prononcé matériellement sur le fond du litige, puisqu'il y constate la licéité de la fouille subie par l'intimé. S'il s'était estimé incompétent, il ne serait pas entré en matière sur la requête de l'intimé, respectivement n'aurait pas instruit la cause en requérant des déterminations du Chef de la Brigade financière et n'aurait pas qualifié juridiquement l'acte de la police sur la base des faits retenus. Or, il ressort de la correspondance en question que le Ministère public s'est fondé sur l'absence d'indices démontrant l'illicéité de la fouille subie par l'intimé pour en déduire qu'il n'y avait pas lieu de donner suite à la requête de ce dernier tendant précisément à faire constater le caractère illicite de cette fouille.  
 
Dans ces conditions, le courrier du Ministère public du 5 novembre 2020 peut être qualifié de décision au sens de l'art. 393 al. 1 let. a CPP, puisqu'elle vise une situation individuelle et concrète, soit la fouille subie par l'intimé et qu'elle produit des effets juridiques pour ce dernier en constatant que cet acte était licite. Elle ne tombe, pour le surplus, pas dans le champ d'application de l'art. 380 CPP (cf. Christian Coquoz, Le tribunal des mesures de contrainte, l'autorité de recours, la juridiction d'appel, in La procédure pénale fédérale, 2010, p. 120; Jaques Dubey/Jean-Baptiste Zufferey, Droit administratif général, 2014, p. 316). Elle pouvait ainsi faire l'objet d'un recours dans le délai prévu par l'art. 396 al. 1 CPP
 
Dans ces circonstances, on ne discerne aucune violation du droit fédéral. 
 
3.  
Vu ce qui précède, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Il est statué sans frais (art. 66 al. 4 LTF). 
 
L'intimé, qui a été invité à se déterminer et a procédé avec l'aide d'un mandataire, a droit à des dépens, à la charge du canton de Vaud (art. 68 al. 2 LTF). Cela rend sans objet sa demande d'assistance judiciaire. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le canton de Vaud versera au mandataire de l'intimé une indemnité de 1'500 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de l'intimé, au Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 21 juin 2021 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
La Greffière : Nasel