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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
8C_405/2018  
 
 
Arrêt du 22 janvier 2019  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Maillard, Président, Frésard, Heine, Wirthlin et Viscione. 
Greffière : Mme Castella. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Caisse cantonale genevoise de chômage, rue de Montbrillant 40, 1201 Genève, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-chômage (période de cotisation), 
 
recours contre le jugement de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 26 avril 2018 (A/3621/2017 ATAS/360/2018). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________, né en 1969, a été détenu à la prison B.________ du 8 février 2013 au 19 mars 2016, date à laquelle il a été transféré à l'établissement fermé C.________, où il a séjourné jusqu'en début mars 2017. 
Le 7 mars 2017, il s'est inscrit en tant que demandeur d'emploi à plein temps auprès de l'Office cantonal de l'emploi de Genève. Il a requis l'allocation de l'indemnité de chômage à partir du 2 mars précédent, en indiquant, dans le formulaire de demande, que son dernier employeur était la commune de U.________, au service de laquelle il avait travaillé de 1998 à 2004. 
La caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après: la caisse de chômage) a ouvert un délai-cadre d'indemnisation à partir du 7 mars 2017, pour le versement de 90 indemnités journalières, compte tenu de la libération des conditions relatives à la période de cotisation en relation avec la détention de l'intéressé. 
Par lettre du 23 mars 2017, l'assuré a requis de la caisse de chômage qu'elle tienne compte des activités exercées à la prison B.________ puis à l'établissement fermé C.________ pour le calcul de son droit à l'indemnité de chômage. Il a produit diverses attestations émanant de ces deux établissements. 
Par décision du 8 mai 2017, confirmée sur opposition le 17 juillet suivant, la caisse de chômage a rejeté la demande, au motif que la rémunération relative aux emplois occupés pendant son incarcération n'était pas soumise aux cotisations sociales (AVS/AC). 
 
B.   
Saisie d'un recours, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève l'a rejeté par jugement du 26 avril 2018. 
 
C.   
Par acte déposé le 25 mai 2018, A.________ a formé un recours contre le jugement cantonal. Le 2 août 2018, il a requis l'exonération des frais judiciaires et l'assistance d'un avocat pour pouvoir compléter son recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recourant n'a pas pris de conclusions formelles. On comprend toutefois aisément, à la lecture de son écriture, qu'il demande la reconnaissance de son droit à l'indemnité de chômage, calculée sur la base d'une période de cotisation suffisante selon l'art. 13 LACI (RS 837.0). 
 
2.   
Selon l'art. 8 al. 1 let. e LACI, l'assuré a droit à l'indemnité de chômage s'il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (art. 13 et 14 LACI). 
Aux termes de l'art. 13 al. 1 LACI, celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 [LACI]), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation. Selon l'art. 14 al. 1 let. c LACI, sont libérées des conditions relatives à la période de cotisation les personnes qui, dans les limites du délai-cadre et pendant plus de douze mois au total, n'étaient pas parties à un rapport de travail et, partant, n'ont pu remplir les conditions relatives à la période de cotisation, notamment en raison d'un séjour dans un établissement suisse de détention ou d'éducation au travail, ou dans une institution suisse de même nature. 
 
3.   
En l'espèce, le litige porte sur le point de savoir si, durant le délai-cadre applicable à la période de cotisation, à savoir du 7 mars 2015 au 6 mars 2017, les activités exercées par le recourant au sein de la prison B.________ et de l'établissement fermé C.________ constituent des activités soumises à cotisation au sens de l'art. 13 al. 1 LACI ou si l'on est en présence d'un motif de libération au sens de l'art. 14 al. 1 let. c LACI. 
 
4.   
La cour cantonale a retenu que les activités en cause n'étaient pas assimilées à un emploi ordinaire, bien qu'elles fussent rémunérées, dès lors que la rétribution versée n'équivalait pas à un salaire. Elle a relevé en particulier que le travail carcéral avait pour objectif de garantir notamment l'ordre et la gestion économique des établissements pénitentiaires et que les conditions de travail en prison étaient particulières (système fermé, temps moins long, types d'activité limités). En outre, la rémunération était insaisissable (art. 83 al. 2 CP), contrairement au salaire perçu par les travailleurs dans la vie extérieure. De l'avis des premiers juges, le détenu ne pouvait donc pas être considéré comme un travailleur ordinaire, pas plus qu'un établissement pénitentiaire ne pouvait être qualifié d'employeur privé ou public ordinaire. Par ailleurs, étant donné que les emplois exercés par les détenus en prison n'étaient pas considérés comme une activité lucrative et que la rémunération ne correspondait pas à un salaire, aucune cotisation à l'assurance-chômage n'était déduite de cette rémunération. C'était donc à juste titre que l'intimée avait libéré le recourant des conditions relatives à la période de cotisation au sens de l'art. 14 LACI
 
5.   
Se prévalant du ch. 2031 des directives de l'OFAS sur les cotisations des travailleurs indépendants et des personnes sans activités lucratives dans l'AVS, AI et APG (DIN), le recourant fait valoir que seuls les détenus  inculpés et condamnés sont réputés sans activité lucrative. Il reproche en particulier à la cour cantonale de n'avoir pas répondu à ce grief. Il se prévaut également de ses horaires de travail en détention, ainsi que des attestations de travail et feuilles de salaire.  
 
6.   
 
6.1.   
 
6.1.1. Les directives administratives de l'OFAS ne créent pas de nouvelles règles de droit mais sont destinées à assurer l'application uniforme des prescriptions légales, en visant à unifier, voire à codifier la pratique des organes d'exécution. Elles ont notamment pour but d'établir des critères généraux d'après lesquels sera tranché chaque cas d'espèce et cela aussi bien dans l'intérêt de la praticabilité que pour assurer une égalité de traitement des ayants droit. Selon la jurisprudence, ces directives n'ont d'effet qu'à l'égard de l'administration, dont elles donnent le point de vue sur l'application d'une règle de droit et non pas une interprétation contraignante de celle-ci. Cela ne signifie toutefois pas que le juge n'en tienne pas compte. Au contraire, il doit les prendre en considération lors de sa décision lorsqu'elles offrent une interprétation satisfaisante des dispositions légales applicables et adaptée au cas d'espèce. Il ne s'en écarte que dans la mesure où les directives administratives établissent des normes qui ne sont pas conformes aux dispositions légales applicables (cf. ATF 142 V 442 consid. 5.2 p. 445 s.; 140 V 314 consid. 3.3 p. 317; 133 V 587 consid. 6.1 p. 591; 133 V 257 consid. 3.2 p. 258 s.).  
 
6.1.2. Il ressort des directives DIN (tant dans la version actuelle, au chiffre invoqué par le recourant, que dans les versions en vigueur pendant le délai-cadre de cotisation) que sont réputés personnes sans activité lucrative, s'ils ont leur domicile civil en Suisse, les détenus (inculpés et condamnés) et les personnes internées en exécution d'une mesure prévue par le code pénal ou d'une décision administrative qui, durant leur séjour dans l'établissement, n'ont aucun revenu d'activité lucrative, ni au service d'un tiers, ni au service de l'établissement lui-même; la rémunération au sens de l'art. 83 CP n'est pas considérée comme le produit d'un travail.  
 
6.1.3. En l'occurrence, l'argumentation du recourant est mal fondée. D'abord, contrairement à ce qu'il soutient, la juridiction cantonale a répondu à son grief tiré des directives susmentionnées. En effet, elle a retenu que même si la condamnation du recourant n'était devenue définitive que le 25 décembre 2015 (date de l'arrêt du Tribunal fédéral confirmant la condamnation au pénal [recte: 23 décembre 2015]), il n'en demeurait pas moins que les activités réalisées en prison n'étaient pas assimilées à un emploi ordinaire, qu'elles aient été exercées avant ou après cette date (cf. consid. 12b/cc du jugement attaqué). Ensuite, en admettant que le recourant n'avait pas le statut de détenu  condamné avant la confirmation de sa condamnation par le Tribunal fédéral, il n'en demeure pas moins que, conformément au ch. 2031 des directives DIN, les détenus  inculpés sont aussi réputés sans activité lucrative. En outre, même si l'on tenait compte de l'activité exercée en détention jusqu'au 23 décembre 2015, le recourant ne remplirait pas la condition des douze mois de cotisation de l'art. 13 al. 1 LACI, dans la mesure où seule l'activité exercée pendant le délai-cadre de cotisation, soit depuis le 7 mars 2015, entre en ligne de compte. En conclusion, le recourant ne peut se prévaloir des directives DIN pour fonder son droit à des indemnités de chômage calculées sur la base d'une période de cotisation suffisante selon l'art. 13 LACI.  
 
6.2. En tout état de cause, pour qu'un assuré remplisse les conditions relatives à la période de cotisation au sens de l'art. 13 al. 1 LACI, il faut notamment qu'il ait eu le statut de travailleur (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n° 8 ad art. 13 LACI). Le statut de travailleur salarié est défini à l'art. 2 al. 1 let. a LACI comme le travailleur (art. 10 LPGA [RS 830.1]) obligatoirement assuré selon la LAVS et devant payer des cotisations sur le revenu d'une activité dépendante en vertu de cette loi. Aussi, la notion de travailleur (salarié) dans l'assurance-chômage est-elle étroitement liée à l'exercice d'une activité dépendante au sens de la LAVS. Or, sous réserve de cas particuliers relevant des régimes en partie ouverts, comme la semi-détention (cf. ATF 141 V 466 consid. 4.3 p. 469), les personnes en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, purgeant une peine de privation de liberté, ou en exécution d'une mesure prévue par le Code pénal, sont considérées comme des personnes sans activité lucrative selon la LAVS (cf. Message du 24 mai 1946 sur le projet de loi sur l'assurance-vieillesse et survivants, FF 1946 II 513; FELIX FREY, in AHVG/IVG Kommentar, 2018, n° 2 ad art. 10 LAVS; MICHEL VALTERIO, Droit de l'assurance-vieillesse et survivants [AVS] et de l'assurance-invalidité [AI], 2011, p. 154 n. 502 et p. 824 n. 3028 s.). En particulier, l'obligation du détenu de travailler en vertu de l'art. 81 al. 1 CP ne relève pas de l'exercice d'une activité lucrative (ATF 139 I 180 consid. 1.8 p. 184; 138 V 281 consid. 3.2 p. 283; arrêts 8C_139/2007 du 30 mai 2008 consid. 3.1, in SVR 2008 EL n° 5 p. 19; 8C_176/2007 du 25 octobre 2007 consid. 4.2, in SVR 2008 IV n° 32 p. 104); la rémunération versée aux détenus sur la base de l'art. 83 CP ne constitue donc pas un revenu provenant d'une activité dépendante (FELIX FREY, op. cit.; STEFAN KELLER, Lücken und Tücken der Deckung der Sozialversicherung und Sozialhilfe im Freiheitsentzug, Revue Suisse de Criminologie (RSC) I/2017 p. 77; MEIER/PÄRLI, Sozialversicherungsrechtliche Fragen bei Beschäftigungsverhältnissen unter sozialhilferechtlichen Bedingungen, RSAS I/2018 p. 24). Il s'ensuit que le recourant doit être considéré comme une personne sans activité lucrative, quand bien même il a travaillé pendant sa détention et perçu une rémunération au sens des art. 81 al. 1 et 83 CP. L'impossibilité, pendant la détention, d'être partie à un rapport de travail sur le marché ordinaire de l'emploi découle d'ailleurs de l'art. 14 LACI qui conçoit la privation de liberté comme un motif de libération des conditions relatives à la période de cotisation.  
Cela étant, les premiers juges ont retenu à juste titre que le recourant ne remplissait pas les conditions de l'art. 13 al. 1 LACI mais bel et bien celles de l'art. 14 al. 1 let. c LACI. 
Vu ce qui précède, le jugement attaqué n'est pas critiquable et le recours se révèle mal fondé. 
 
7.   
Le recourant, qui succombe, a demandé à bénéficier de l'assistance judiciaire gratuite. 
En tant qu'elle tend à la désignation d'un avocat d'office (art. 64 al. 2 LTF), la demande doit être rejetée. En effet, elle est parvenue après la fin du délai de recours de trente jours (art. 47 al. 1 et 100 al. 1 LTF), l'arrêt attaqué ayant été notifié au recourant le 7 mai 2018. L'éventuel conseil d'office n'aurait donc plus été en mesure de déposer une écriture complémentaire dans le délai légal non prolongeable de recours. 
En revanche, dans la mesure où elle tend à la dispense des frais de procédure (art. 64 al. 1 LTF), la requête d'assistance judiciaire doit être admise puisque le recourant est dans le besoin et que son recours ne paraissait pas d'emblée voué à l'échec. L'attention du recourant est cependant attirée sur le fait qu'il devra rembourser la Caisse du Tribunal fédéral s'il devient en mesure de le faire. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
La demande d'assistance judiciaire est admise en tant qu'elle tend à la dispense des frais judiciaires. 
 
3.   
La demande d'assistance judiciaire est rejetée en tant qu'elle tend à la désignation d'un avocat d'office. 
 
4.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO). 
 
 
Lucerne, le 22 janvier 2019 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Maillard 
 
La Greffière : Castella