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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_424/2021  
 
 
Arrêt du 23 juin 2022  
I  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Hohl, Présidente, Kiss et May Canellas. 
Greffière: Monti. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me François Besse, avocat, 
demandeur et recourant, 
 
contre  
 
Fondation F.________, 
représentée par Me Pierre Chiffelle, avocat, 
défenderesse et intimée. 
 
Objet 
vice de forme; abus de droit, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 6 juillet 2021 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (n° 323, PT17.022761-201579). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. En 1988, la veuve de X.________ a fondé un établissement de droit privé à... (VD) baptisé "Fondation F.________". Elle a désigné cette personne morale comme son héritière universelle avant de mourir en juin 2004. A.________ (ci-après: le demandeur), qui siégeait au conseil de fondation, a été nommé exécuteur testamentaire.  
Y.________, neveu du défunt, a dénié la qualité d'héritière à la fondation. Il a multiplié les procédures judiciaires en s'attelant notamment à faire annuler les dispositions testamentaires de la veuve et à faire destituer l'exécuteur testamentaire. 
 
A.b. La masse successorale comprenait une villa située dans la commune vaudoise de.... La fondation a obtenu d'être inscrite comme propriétaire au registre foncier dès le 29 mars 2005.  
Après avoir fait estimer le bien-fonds, elle a tenté de le mettre en vente au printemps 2005, sans succès. 
A une date indéterminée, Y.________ a obtenu l'annotation provisoire d'une restriction au droit d'aliéner cet immeuble. 
En décembre 2005, le demandeur a suggéré à la fondation qu'elle lui loue la villa dès février 2006 moyennant un loyer mensuel de 3'000 fr. et la prise en charge de tous les frais, y compris de rénovation. Il sollicitait aussi "un droit d'achat" à la valeur vénale, estimée à 1'070'000 fr. selon la moyenne résultant de deux expertises, et acceptait d'endosser une "obligation d'achat pour la même valeur". 
Lors de sa séance du 19 janvier 2006, le conseil de fondation a décidé d'accepter cette offre. L'autorité de surveillance a été consultée. Elle a fait savoir qu'en vertu d'une modification législative, elle n'avait plus vocation à se prononcer sur la vente ou l'acquisition d'immeuble par les fondations. 
Les parties ont craint que la vente de la villa au demandeur ouvre un nouveau front dans le litige avec Y.________, dont l'issue était incertaine; aussi ont-elles décidé d'intégrer une clause relative à l'achat du bien-fonds dans le contrat de bail et ont-elles renoncé à conclure un acte authentique. 
La location de la villa a d'abord fait l'objet d'un contrat de durée déterminée conclu le 18 novembre 2006 avec la société Z.________ SA, dont le demandeur était l'administrateur. Le bail valait du 1er février 2006 au 31 décembre 2009. Cette échéance était "non prolongeable", "comme le locataire envisage[ait] d'acquérir la propriété soit durant la durée du bail mais au plus tard au 31 décembre 2009, ce pour un prix de CHF 1'070'000.-". Le bail serait annoté au registre foncier "en temps opportun". 
Ce contrat a été modifié par un avenant du 27 août 2008 contenant les clauses suivantes: 
 
"6.1 Le bail est conclu pour une durée indéterminée, sous réserve du chiffre 6.3 ci-dessous. 
(...) 
6.3 Dès que le litige avec Y.________ sera tranché définitivement, le locataire dispose d'un délai de six mois à compter de la date à partir de laquelle il sera possible d'obtenir l'inscription du bailleur comme propriétaire au registre foncier pendant lequel il se réserve le droit d'acquérir l'immeuble à CHF 1.200.000.-. Il a l'obligation de l'acquérir à la demande du bailleur dans les 12 mois qui suivent la date à partir de laquelle il sera possible d'obtenir l'inscription du bailleur comme propriétaire au registre foncier. 
6.4 La propriété est louée en l'état. Tous les frais de rénovation et d'entretien sont à charge du locataire et n'entraînent aucune indemnité du bailleur à la fin du bail. (...) " 
Le 14 février 2013, il a été convenu que le demandeur reprenne personnellement cet accord et son amendement, avec effet au 1er janvier 2012. La cession a été mentionnée au pied de l'avenant du 27 août 2008 avec cette précision: 
 
"Es versteht sich, dass die Bestimmung gemäss Ziff. 6.3 nur dann rechtsgültig besteht, sofern diesbezüglich ein notariell beurkundeter Vertrag vorliegt, was zur Zeit nicht der Fall ist.", 
assortie des signatures du demandeur et d'un membre du conseil de fondation. 
Dans le présent procès (let. B infra), le demandeur a plaidé que cette déclaration était unilatérale et n'avait pas recueilli son accord. Il a concédé que pour "tout le monde", et donc y compris pour lui-même, la clause 6.3 devait revêtir la forme authentique pour être valable.  
 
A.c. Dans une séance du 1er juillet 2014, ledit conseil a discuté du sort de la villa. Le procès-verbal relate ce qui suit:  
 
--..) A.________ explique: 
(...) 
- que le contrat de bail prévoit une obligation et un droit d'acheter pour le prix de CHF 1.200.000.- fixé en 2006 en fonction de deux expertises et adapté à la suite en fonction de la part de frais d'entretien supportée par la Fondation 
- que cette obligation/droit d'acheter n'a pas été inscrit au Registre Foncier à cause du procès en cours avec Y.________ 
- que A.________ souhaite conserver le site dans son état, ce qui exclut toute construction ou démolition 
- que la valeur vénale de la parcelle (...) dépend largement de la constructibilité  
- qu'il convient de faire une ou deux expertises pour fixer la valeur actuelle, en tenant compte de la volonté de conserver le site dans son état 
- qu'il convient d'inclure dans le contrat de vente une clause stipulant que toute plus-value éventuelle en cas de vente dans les 30 ans à venir revient à la Fondation 
Le conseil décide de commander 2 expertises, le Président s'en charge." 
 
A.d. Le 24 février 2015, la fondation a annoncé au demandeur que la restriction au droit d'aliéner l'immeuble venait d'être radiée.  
Le lendemain déjà, l'intéressé s'est adressé à la fondation en ces termes: 
 
"Je me réfère à la clause du bail: 
'le présent bail sera annoté au Registre Foncier en temps opportun'. 
Je constate que le dernier obstacle à l'inscription dans le Registre Foncier du droit et de l'obligation d'achat en faveur/défaveur du locateur [sic!] a été levé récemment. (...) 
Je demande donc de formaliser cet accord qui lie les deux parties et de le faire inscrire au Registre Foncier dans les meilleurs délais. (...) " 
Dans la foulée, il a demandé au notaire N.________ d'établir un avant-projet de "pacte d'emption et promesse d'achat" concernant la parcelle litigieuse, moyennant un prix de 1'200'000 fr. 
Le notaire a adressé son projet aux parties en proposant une séance de signature le 19 mars 2015. La fondation a signifié son refus au demandeur: 
 
"C'est avec étonnement que je reçois (...) un projet de 'Pacte d'emption et promesse d'achat' sur la base d'un prix d'achat de 1,2 million[s] de francs suisses. À l'occasion de la dernière réunion du conseil de fondation, vous avez été informé qu'un prix d'achat de 1,2 million[s] de francs suisses ne serait pas accepté. Si vous vous référez au contrat de location du 18 novembre 2006 ou du 27 août 2008, vous savez très bien que, faute de forme, ce contrat ne contient pas de droit d'achat en votre faveur ni d'obligation de vente au détriment de la fondation. (...) " 
 
A.e. Le demandeur a fait estimer la villa par la Chambre vaudoise immobilière, laquelle a retenu une valeur vénale de 1'360'000 fr. au 16 février 2016.  
Le 28 avril 2016, son avocat a soumis à la fondation une offre d'achat pour 1'250'000 fr. en expliquant qu'il fallait tenir compte des travaux d'entretien assumés par son client entre février 2006 et septembre 2014, à hauteur de 91'515 fr. 75. L'intéressée a déclaré accepter l'offre le 1er juillet 2016. 
Le notaire a alors établi un projet de "vente à terme - emption" en faveur de la société... Sàrl, dont le demandeur était l'associé gérant. Il voulait céder son droit d'acquisition à cette personne morale. 
La fondation a requis plusieurs modifications. Dans le cadre du présent procès, elle a expliqué qu'auparavant, il n'avait jamais été question d'interposer l'entité précitée, ce qui avait provoqué une forme de rupture de confiance au sein de son collège. 
Le notaire a élaboré un nouveau projet le 26 juillet 2016, prévoyant que la fondation vendrait l'immeuble au demandeur personnellement le 2 août 2016, pour un prix de 1'250'000 fr. 
L'intéressée a annoncé vouloir repousser la vente. Invitée à préciser à quelle date elle entendait signer l'acte, elle a répondu au demandeur qu'il n'avait aucun droit d'achat sur l'immeuble. 
Le 16 septembre 2016, le président du conseil de fondation a confirmé au demandeur que celle-ci voulait lui vendre l'immeuble au prix de 1'250'000 fr. 
Le 28 octobre 2016, la fondation a demandé de biffer une clause figurant dans le projet du 26 juillet 2016, selon laquelle l'entrée en jouissance de l'immeuble devrait rétroagir au 1er août 2016. 
 
A.f. Le 1er décembre 2016, l'Administration cantonale des impôts du canton de Vaud (ACI) a annoncé à la fondation qu'elle entendait reconsidérer son statut d'exonération lié à son but d'utilité publique. L'ACI avait appris du demandeur que la fondation envisageait de lui transférer la villa. Elle voulait être renseignée sur les raisons de cette vente, le montant du prix prévu et l'éventuelle valeur culturelle de la villa.  
 
A.g. Le 7 décembre 2016, le demandeur a annoncé à la fondation qu'il ne voulait pas renoncer à la clause réglant la date d'entrée en jouissance.  
L'intéressée lui a répondu le 29 décembre 2016 qu'elle maintenait sa position et l'a invité à payer tous les loyers échus depuis août 2016, faute de quoi elle résilierait le bail. 
 
A.h. Le 16 mars 2017, l'ACI s'est étonnée que la fondation envisageât de vendre l'immeuble pour 1'250'000 fr. alors qu'il avait été estimé par expertise à 1'360'000 fr. Ce montant pourrait être considéré comme particulièrement avantageux par rapport au prix du marché. "Le fait que la fondation vende à un prix de faveur (...) à un proche de la fondatrice [étai]t incompatible avec une exonération pour utilité publique. Si la vente devait être concrétisée aux conditions précitées, [l'ACI] envisager[ait] sérieusement le retrait pur et simple de tout ou partie de l'exonération. (...) "  
 
B.  
 
B.a. Le 24 mai 2017, le demandeur a actionné la fondation devant la Chambre patrimoniale du canton de Vaud. Il a obtenu l'annotation provisoire d'une restriction au droit d'aliéner l'immeuble litigieux.  
Selon le dernier état de ses conclusions, il voulait contraindre la fondation à entreprendre toute démarche commandée par la clause 6.3 de l'avenant du 27 août 2008, et en particulier à faire le nécessaire pour transférer la propriété de la parcelle moyennant un prix de 1'200'000 fr., avec un effet rétroactif au 1er août 2016. A défaut d'exécution, le prononcé de jugement devrait tenir lieu de déclaration de volonté et le conservateur du registre foncier devrait procéder au transfert de la parcelle sur simple présentation du jugement. 
A titre subsidiaire, le demandeur voulait astreindre la fondation à signer l'acte de vente à terme établi le 26 juillet 2016, prévoyant la vente de la parcelle au prix de 1'250'000 fr. A défaut d'exécution, le prononcé de jugement devrait valoir déclaration de volonté et le conservateur du registre foncier devrait procéder au transfert de la parcelle sur simple présentation du jugement. 
Plus subsidiairement encore, il réclamait 300'000 fr. 
Une expertise immobilière a été mise en oeuvre. La valeur vénale de l'immeuble a été jaugée à 1'500'000 fr. en date du 17 septembre 2019. 
Par jugement du 25 juin 2020, la Chambre patrimoniale vaudoise a rejeté la demande et ordonné de radier la restriction au droit d'aliéner l'immeuble. 
Elle a réservé la recevabilité des conclusions modifiées en cours d'instance. Sur le fond, elle a qualifié l'accord du 18 novembre 2006 et son avenant du 27 août 2008 de contrat mixte contenant aussi bien des éléments de bail qu'une promesse de vente (clause 6.3 de l'avenant). Faute de revêtir la forme authentique requise (art. 216 al. 2 CO), cette dernière était nulle. La même faille affectait la cession de contrat convenue en faveur du demandeur le 14 février 2013. En se prévalant de la nullité pour vice de forme, la fondation défenderesse ne versait pas dans l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). Il n'y avait pas non plus matière à retenir une responsabilité précontractuelle de la défenderesse.  
 
B.b. Par arrêt du 6 juillet 2021, le Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel du demandeur et confirmé cette décision (voir au surplus consid. 4.2 infra).  
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière civile, le demandeur a enjoint au Tribunal fédéral de faire droit aux conclusions principales de sa demande. Il a renoncé à ses conclusions subsidiaires et plus subsidiaires. 
La fondation intimée a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité, provoquant une réplique spontanée du recourant. Elle a alors présenté une duplique. 
L'autorité précédente s'est référée à son arrêt. 
L'effet suspensif sollicité à l'appui du recours a été accordé. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le présent recours est recevable sur le principe. Après avoir essuyé le rejet de ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF), le demandeur a entrepris en temps utile (art. 100 al. 1 LTF et art. 46 al. 1 let. b LTF) la décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel par le Tribunal supérieur du canton de Vaud (art. 75 LTF), dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Le recourant peut objecter qu'ils ont été retenus de façon manifestement inexacte (c'est-à-dire arbitraire) ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF; sa critique doit cependant cibler des éléments susceptibles d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
S'il veut s'en prendre à l'appréciation des preuves, il soulèvera le grief d'arbitraire en expliquant de façon circonstanciée en quoi la décision serait entachée d'un tel vice. Du moment qu'il brandit un droit constitutionnel - la protection contre l'arbitraire (art. 9 Cst.) -, il doit satisfaire au principe d'allégation (consid. 2.2 infra; ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 255).  
En l'espèce, il ne sera pas tenu compte du "rappel des faits" précédant l'énoncé des motifs du recours, dans la mesure où il tendrait à s'écarter de la version retenue par les juges cantonaux sans satisfaire aux préceptes exposés ci-dessus. 
 
2.2. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que l'autorité de céans applique d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, l'art. 42 LTF requiert un recours motivé (al. 1 et 2), si bien que le Tribunal fédéral peut se contenter de traiter les moyens soulevés, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 116). Des exigences plus strictes entourent le grief de violation des droits constitutionnels: le principe d'allégation ( Rügeprinzip, principio dell'allegazione) impose d'indiquer quel droit constitutionnel a été violé, en expliquant par le menu où se niche le vice (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 II 244 consid. 2.2; 133 II 396 consid. 3.2).  
 
3.  
Le recourant s'accommode de l'analyse des juges vaudois en tant qu'ils retiennent un contrat mixte, singulièrement une volonté concordante de se lier par une promesse de vente immobilière, laquelle se trouve frappée de nullité faute de revêtir la forme authentique - à l'instar de la cession de contrat convenue en sa faveur le 14 février 2013. Ces éléments étaient déjà admis au stade de l'appel. Au demeurant, on ne voit guère matière à contester le vice de forme entachant les accords des parties et la conséquence de principe qui en découle, soit la nullité absolue. 
Devant le Tribunal fédéral, les parties disputent tout au plus du point de savoir si cette nullité est tenue en échec par l'abus de droit que le recourant voudrait imputer à l'intimée. 
 
4.  
L'exposé des motifs sous-tendant la décision attaquée sera précédé d'un rappel de quelques principes théoriques. 
 
4.1.  
 
4.1.1. La forme authentique est une condition de validité de la promesse de vente immobilière (et du pacte d'emption, entre autres; art. 216 al. 2 CO). Le législateur veut préserver les parties de décisions hâtives, leur garantir des conseils professionnels et s'assurer qu'elles comprennent la portée de leurs engagements, favoriser l'expression claire et complète de leur volonté et, en fin de compte, fournir une base sûre pour l'inscription au registre foncier (ATF 140 III 200 consid. 4.2; 99 II 159 consid. 2a p. 161). S'il ne revêt pas cette forme, l'accord est en principe entaché de nullité absolue, que le juge doit constater d'office (ATF 116 II 700 consid. 3b p. 702; 106 II 146 consid. 3 p. 151; arrêt 4C.225/2001 du 16 novembre 2001 consid. 2a ab initio, in SJ 2002 I 405; GAUCH ET ALII, OR AT, vol. I, 11e éd. 2020, n. 548 s.; CHRISTINE CHAPPUIS, in Commentaire romand, 2010, n° 38 ad art. 2 CC).  
 
4.1.2. La doctrine s'est ingéniée à développer diverses théories pour relativiser les conséquences du vice de forme (cf. ATF 140 III 583 consid. 3.2.2 ab initio; FOËX/MARTIN-RIVARA, in Commentaire romand, 3e éd. 2021, n° 16 et sous-note 61 ad art. 216 CO; GAUCH ET ALII, op. cit., n. 558 ss et sous-note 165).  
Le Tribunal fédéral reconnaît aussi une telle nécessité, mais s'appuie sur l'interdiction de l'abus de droit. La clause générale de l'art. 2 al. 2 CC peut exceptionnellement tenir en échec la nullité pour vice de forme, auquel cas le contrat sera traité comme s'il était valable (ATF 104 II 99 consid. 2b; 98 II 313 consid. 2 i.f.; arrêt précité 4C.225/2001 consid. 2a). Ce moyen n'est retenu qu'avec réserve, en présence d'un abus manifeste (art. 2 al. 2 CC; arrêt précité 4C.225/2001 consid. 2b i.f.). Les circonstances d'espèce sont décisives, ce qui n'exclut pas de tracer quelques lignes directrices.  
Ainsi, il est généralement jugé abusif de se prévaloir du vice de forme après que le contrat a été exécuté pour l'essentiel, volontairement et en connaissance du vice (ATF 140 III 200 consid. 4.2; 116 II 700 consid. 3b; 112 II 330 consid. 2a et b; 104 II 99 consid. 3; arrêt précité 4C.225/2001 consid. 2a; arrêt 4A_573/2016 du 19 septembre 2017 consid. 5.2.1, in SJ 2019 I 193). En revanche, l'abus de droit est a priori écarté quand la partie a agi en ignorant le vice de forme (ATF 138 III 401 consid. 2.3.1; 112 II 330 consid. 3b), ou n'a pas encore accompli les prestations convenues - ou, du moins, pas pour l'essentiel. En ce cas-ci, elle ne peut être contrainte à s'exécuter, mais s'expose à devoir réparer le dommage causé par le vice de forme (arrêt précité 4A_573/2016 consid. 5.2.2). Ceci dit, la jurisprudence se veut avant tout pragmatique. Aussi n'exclut-elle pas de retenir un abus de droit malgré l'inexécution du contrat et d'ordonner la mise en oeuvre de celui-ci (arrêt précité 4A_573/2016 consid. 5.2.3 et les réf. données; voir aussi HAUSHEER/AEBI-MÜLLER, in Berner Kommentar, 2012, nos 294 ss, spéc. n. 296 et sous-note 592 ad art. 2 CC; JÖRG SCHMID, Die öffentliche Beurkundung von Schuldverträgen, 1988, n. 704 ss).  
L'abus de droit peut se nicher dans l'adoption d'une attitude contradictoire ( venire contra factum proprium), en particulier lorsqu'elle suscite des attentes légitimes qui sont ensuite trahies (ATF 138 III 401 consid. 2.2). Il peut aussi consister à détourner une institution juridique de son but, pour servir des intérêts qu'elle n'a pas vocation à protéger. Lorsque l'invalidité aboutit à des effets contraires ou inappropriés à la finalité recherchée par la règle de forme, voire absurdes, l'abus doit être retenu (ATF 138 III 401 consid. 2.4.1; 120 II 341 consid. 4b; arrêt précité 4A_573/2016 consid. 5.3).  
Il est arrivé que l'autorité de céans renonce à exiger un intérêt digne de protection pour dénoncer un vice de forme, au motif que le justiciable doit pouvoir se délier d'un contrat dont il juge l'exécution contraire à ses intérêts. Ceci dit, d'autres arrêts enseignent qu'il peut être abusif d'invoquer un vice de forme pour tirer parti d'un accroissement de la valeur immobilière aux dépens du cocontractant, ou pour se soustraire à des obligations de garantie. Là où d'aucuns voient le fruit d'une évolution (JULIA XOUDIS, in Commentaire romand, op. cit., n° 38 ad art. 11 CO), le Tribunal fédéral concède des contradictions (ATF 112 II 330 consid. 3a p. 336). 
 
4.2. La Chambre patrimoniale, et à sa suite le Tribunal cantonal vaudois ont refusé de retenir un abus de droit en articulant les motifs suivants:  
 
- Les parties étaient conscientes de la nullité de la clause 6.3 au moment de la conclure. Le demandeur avait accompli de nombreux travaux d'entretien et de rénovation, mais en sachant que Y.________ risquait d'être déclaré héritier de la succession, à l'issue d'un litige susceptible de durer plusieurs années. D'ailleurs, après le règlement de celui-ci, le demandeur avait requis de formaliser leur accord et de le faire inscrire au registre foncier, révélant ainsi que selon son propre point de vue, la promesse ne pouvait déployer des effets juridiques en l'état. 
- La fondation n'avait entrepris aucun acte d'exécution en vue de transférer la propriété du bien-fonds, refusant constamment de se rendre chez le notaire pour signer des projets en ce sens. Elle avait certes exécuté le contrat de bail, mais celui-ci n'avait qu'un caractère accessoire par rapport au transfert des droits immobiliers; le bail n'avait pas été annoté au registre foncier. On ne pouvait reprocher à la fondation une attitude contradictoire, ni d'avoir trahi des attentes qu'elle aurait suscitées. 
- Elle n'avait pas davantage utilisé la règle de forme pour servir des intérêts contraires à celle-ci. Le législateur voulait certes éviter des décisions hâtives, mais la longueur des événements était ici due au litige successoral. Les aléas y relatifs faisaient sérieusement douter que la fondation ait eu la volonté préexistante de céder l'immeuble au demandeur. En outre, ils ne simplifiaient pas les conventions envisageables, compte tenu des volontés "potentionnellement évolutives" au gré de l'écoulement du temps. A l'issue du litige, des points essentiels n'étaient toujours pas réglés. Les parties avaient ainsi poursuivi leurs négociations sur le prix de vente (augmenté à 1'250'000 fr. après une offre du demandeur) et sur l'entrée en jouissance rétroactive (qui n'avait recueilli aucun consensus).  
La thématique de l'exonération fiscale était alors seulement devenue d'actualité. Invoquer le vice de forme pour se défaire d'un contrat préjudiciable à ses intérêts n'était pas nécessairement synonyme d'abus de droit. La fondation n'avait pas versé dans ce travers; elle risquait de perdre son exonération si elle vendait l'immeuble à un prix de faveur. Cette dernière hypothèse entrait sérieusement en ligne de compte, à lire le courrier rédigé par l'ACI le 16 mars 2017. 
 
5.  
 
5.1. Le recourant reproche aux juges cantonaux d'avoir enfreint l'art. 2 al. 2 CC. D'une part, ils auraient nié à tort l'attitude contradictoire de l'intimée et refusé de reconnaître qu'elle avait suscité des attentes, sous-estimant en particulier l'importance que revêtait l'exécution du contrat de bail. D'autre part, ils auraient méconnu que l'intimée n'avait fait qu'utiliser la règle de forme à des fins contraires à celles qui la justifiaient.  
En parallèle est dénoncée une appréciation arbitraire des moyens de preuve. Ces griefs de fait doivent être traités en priorité. 
 
5.2.  
 
5.2.1. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir arbitrairement dénié toute pertinence à l'exécution du contrat de bail pendant quelque neuf ans. Pourtant, c'est un fait que sans la promesse de vente et la garantie d'une vente à terme de l'immeuble, il n'aurait jamais pris la villa en location, ni assumé les frais y afférents.  
Déterminer quel mobile animait une partie cocontractante ressortit au fait et suppose des allégations topiques dont le recourant ne fournit pas la trace, ce qui exclurait en soi d'entrer en matière. 
Ceci dit, le recourant joue en réalité sur le terrain du droit. Au détour d'une phrase, il concède d'ailleurs que l'état de fait retenu par la cour cantonale est complet et lui reproche bien plutôt de ne pas en avoir déduit la conséquence juridique qui s'imposait selon lui (soit un abus de droit), en sous-estimant l'importance de l'exécution du bail. A ce stade, on précisera simplement que l'état de fait présenté ci-dessus (let. A) n'est qu'un condensé des événements relatés dans les décisions cantonales, dont l'autorité de céans a dûment tenu compte. 
 
5.2.2. L'autorité d'appel aurait arbitrairement douté que l'intimée ait pu nourrir la volonté de vendre la villa au recourant tant que durait le litige successoral, avec son cortège d'incertitudes. En réalité, ce conflit aurait tout au plus conditionné la forme choisie pour exprimer l'accord. La cour aurait aussi arbitrairement constaté qu'à l'issue de la querelle, des éléments essentiels devaient encore être convenus, notamment la définition du prix de vente.  
Il faut bien admettre que le passage du jugement visé par le grief (arrêt p. 28, résumé supra consid. 4.2) n'est pas des plus limpides, sachant que la cour cantonale avait entériné la thèse d'une promesse de vente (faute de griefs) et s'interrogeait tout au plus sur l'abus de droit. Cela étant, d'un point de vue logique, la pré-existence d'un accord sur le transfert de la parcelle à un certain prix n'empêchait pas de constater en fait qu'à l'issue du conflit successoral, les parties avaient repris des discussions sur des éléments tels que le prix de vente; le recourant lui-même évoque des pourparlers visant à "trouver une issue amiable au litige et [à] éviter les frais d'un procès".  
Quoi qu'il en soit, le recourant ne parvient pas à bon port en fustigeant ces éléments. Il a lui-même reconnu que l'autorité précédente avait (au surplus) dûment présenté les faits pertinents. Or, même en faisant abstraction des remarques sibyllines dénoncées par le recourant, il n'y a pas matière à retenir une violation de l'art. 2 al. 2 CC
 
5.2.3. Dans un dernier moyen de fait, le recourant reproche à la Cour d'appel d'avoir arbitrairement considéré qu'un prix de faveur entrait sérieusement en ligne de compte. Elle aurait notamment méconnu que le prix proposé à titre transactionnel (1'250'000 fr.) tenait compte des frais par lui assumés (91'515 fr. 75) et se rapprochait ainsi (1'341'515 fr. 75) de la valeur vénale retenue par la Chambre immobilière (1'360'000 fr.). En outre, rien ne démontrerait que l'intimée aurait dûment renseigné l'administration fiscale sur les éléments pertinents.  
Cette argumentation ne fait pas mouche. L'arrêt attaqué mentionne deux courriers des 1er décembre 2016 et 16 mars 2017 dans lesquels l'administration fiscale avait abattu ses cartes et pointé un prix de vente éventuellement trop avantageux, susceptible de remettre en cause le statut privilégié dont jouissait la fondation. Le recourant ne critique pas le résumé qui est fait de ces missives. 
Or, du moment que le fisc avait bel et bien menacé de rediscuter le statut de la fondation intimée à cause du prix de vente envisagé, il incombait au recourant de démontrer que la fondation n'avait pas à prendre ces menaces au sérieux, respectivement ne l'avait pas dûment renseignée. Or, il faut bien admettre qu'il ne brandit aucun élément propre à retenir un arbitraire de la cour cantonale. Rien ne démontre, en particulier, qu'il aurait effectivement engagé des frais à hauteur du montant articulé; il n'y avait en outre aucune certitude que l'administration fiscale se laisse convaincre par ses arguments. 
 
5.3. Il convient à ce stade d'examiner le bien-fondé du grief tiré de la violation de l'art. 2 CC.  
Il est avéré que le demandeur était d'emblée conscient du vice de forme affectant la clause 6.3 convenue le 27 août 2008. Selon les explications des parties, il fallait éviter que Y.________ ait vent du projet de vendre la villa à un membre du conseil de fondation et soit tenté d'ouvrir un nouveau front dans la bataille pour la succession. Les premiers juges se sont étonnés de ce mobile, ne comprenant pas en quoi la conclusion d'un contrat en la forme authentique, plutôt que sous seing privé, risquait davantage de s'ébruiter. Cette question est apparemment restée sans réponse. 
Le recourant traite comme quantité négligeable la remarque insérée lors de la cession de contrat convenue le 14 février 2013, selon laquelle la disposition prévue au chiffre 6.3 valait pour autant seulement qu'elle fît l'objet d'un contrat notarié, ce qui n'était pas le cas en l'état (let. A.b supra). Mal lui en prend. Car cette précision - émanant semble-t-il de l'intimée - laissait présager que le vice de forme ne serait pas considéré comme un élément anodin, sans conséquence juridique. A tout le moins le recourant devait-il suspecter que la fondation ne renoncerait pas nécessairement à s'en prévaloir ultérieurement.  
Lors de la séance tenue par le conseil de fondation le 1er juillet 2014, il a été question de réévaluer l'immeuble. La tournure employée étant ambiguë, on ignore de qui émanait cette idée; quoi qu'il en soit, rien n'indique que le recourant s'y soit opposé, ni qu'il ait brandi à ce moment l'accord relatif au prix de 1'200'000 fr. 
Une fois liquidé le litige avec Y.________, le recourant a tout au plus exigé la "formalisation" de leur accord et a chargé un notaire d'élaborer un projet de "pacte d'emption et promesse d'achat". Il a certes tenté d'y faire figurer le prix promis, soit 1'200'000 fr. Cependant, lorsque la fondation s'y est opposée, il n'a pas formulé d'objections et s'est contenté d'émettre une offre de 1'250'000 fr., qui a été acceptée. Lorsque la fondation lui a dénié tout droit, il n'a pas tenté de la contrer. Il prétend désormais avoir agi ainsi dans une perspective transactionnelle, pour éviter des frais de procès. Mais encore faudrait-il avoir fait des réserves en ce sens, d'autant qu'il était déjà assisté d'un avocat. Qui plus est, il a lui-même proposé d'autres modifications, cherchant à imposer comme partenaire une société dont il était l'associé gérant, ou encore à faire rétroagir la date d'entrée en jouissance. C'est dire qu'il n'a lui-même pas été entièrement conséquent avec les accords antérieurs. 
Certes, le bail a été exécuté, et le recourant a accepté d'assumer les frais d'entretien et de rénovation de la villa - on ignore à quel montant ils se sont élevés. Mais, n'en déplaise au recourant, ces éléments ne permettaient pas de retenir un abus de droit à l'encontre de la partie adverse. La clause 6.4 précisait qu'à la fin du bail, la partie locataire ne pouvait prétendre à aucune indemnisation pour les frais assumés. Aucune réserve - ne serait-ce qu'après l' "avertissement" opéré le 14 février 2013 - n'a été émise pour l'hypothèse où la fin des relations serait due à l'initiative de la fondation, plutôt qu'à la perte de son titre de propriété sur la villa. 
Dans la foulée, le recourant reproche à l'intimée d'utiliser le vice de forme pour se délier d'un contrat devenu contraire à ses intérêts, alors que les buts poursuivis par la règle de forme auraient été atteints: la fondation aurait eu tout loisir de réfléchir et de laisser mûrir sa décision; la volonté des parties aurait été retranscrite de façon claire et complète. 
Sur ce point également, sa critique est infondée. Il est avéré que la fondation, qui semblait encore disposée à vendre la propriété au prix de 1'250'000 fr., a en définitive opposé une fin de non-recevoir par crainte de perdre son exonération fiscale; elle s'est ainsi soustraite à un contrat contraire à ses intérêts. En principe, seul compte le respect de la forme prescrite par la loi; peu importe de savoir si le but poursuivi par la règle de droit a été atteint ou non (ATF 120 II 341 consid. 4b p. 346, mentionné dans l'arrêt précité 4A_573/2016 consid. 4.2.3). Rien n'indique que l'invalidité aboutirait en l'occurrence à des effets étrangers ou inappropriés à la finalité assignée à la règle de forme, respectivement à un résultat absurde (ATF 120 II 341 consid. 4b p. 347). Seules des circonstances exceptionnelles justifient de retenir un détournement abusif d'une institution juridique, ou une autre forme d'abus de droit. En constatant qu'elles faisaient défaut, l'autorité précédente n'a pas outrepassé les limites du droit fédéral. 
 
5.4. On relèvera au passage que les instances vaudoises se sont placées sous l'angle du vice de forme uniquement. Elles n'ont pas examiné si une autre faille pouvait entacher l'accord de cession intervenu le 14 février 2013 (let. A.b supra). Celui-ci a été signé par le demandeur/recourant et un (ou deux) membre (s) du conseil de fondation. Apparemment, le recourant portait une double casquette, agissant pour la société cédante (Z.________ SA) d'une part, et pour son propre compte de reprenant, d'autre part. Un tel procédé peut prima facie interpeller sous l'angle du conflit d'intérêts. On se gardera toutefois d'ouvrir une boîte de Pandore et de traiter une question jamais abordée, d'autant que les circonstances exactes ne sont pas précisées.  
 
6.  
Le recourant ne soulève pas d'autres griefs, ce qui clôt définitivement la discussion. 
En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF), qui versera à son adverse partie une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Le recourant supportera les frais de procédure, fixés à 13'000 fr. 
 
3.  
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 15'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties ainsi qu'au Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 23 juin 2022 
 
Au nom de la I re Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
La Greffière : Monti