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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_368/2021  
 
 
Arrêt du 29 août 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Pont Veuthey, Juge suppléante. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
B.________, 
C.C.________et D.C.________, 
E.E.________, F.E.________et G.E.________, 
tous représentés par Me Aurélia Rappo, avocate, 
recourants, 
 
contre  
 
H.________, 
représentée par Me Jacques Haldy, avocat, 
I.I.________et J.I.________, 
intimés, 
 
Municipalité de Tannay, 
route François-Louis Duvillard 6, 1295 Tannay, représentée par Me Daniel Pache, avocat, 
Direction générale des immeubles et du patrimoine du canton de Vaud, 
place de la Riponne 10, 1014 Lausanne, 
Direction générale de l'environnement du canton de Vaud (DGE-DIREV), Unité du service juridique, avenue de Valmont 30b, 1014 Lausanne Adm cant VD. 
 
Objet 
Permis de construire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif 
et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud, 
du 11 mai 2021 (AC.2020.0126, AC.2020.0127, AC.2020.0128). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 29 novembre 2019, la société H.________ a mis à l'enquête un projet portant sur la construction de trois immeubles d'habitation sur les parcelles n° 88 et 267 de la Commune de Tannay, promises vendues par I.I.________ et J.I________. Les biens-fonds sont situés dans le périmètre du PPA "Le Village" selon le plan général d'affectation (PGA) de 2010. Deux immeubles de cinq et six logements doivent prendre place sur la parcelle n° 88 et une maison de village comprenant un seul logement sur la parcelle n° 267. Le projet prévoit encore un parking souterrain de 22 places pour voitures et 5 places pour motos, avec une rampe d'accès débouchant sur le chemin des Molards situé à l'est. Des oppositions ont été formées par les propriétaires voisins B.________ et A.________ (parcelle n° 81), C.C.________ et D.C.________, E.E.________, F.E.________ et G.E.________ (parcelle n° 87). 
Par décision du 3 mars 2020, après avoir fait réaliser une étude sur la capacité du chemin des Molards à absorber le trafic (ci-après: étude K.________), la municipalité a écarté les oppositions et délivré le permis de construire. 
 
B.  
Par arrêt du 11 mai 2021, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (CDAP) a rejeté les trois recours formés par les opposants, après avoir procédé à une inspection locale. Elle a en particulier considéré que le chemin des Molards, rectiligne, présentait une bonne visibilité et permettait notamment le croisement de deux voitures à faible vitesse, de sorte qu'il constituait un accès suffisant; l'aménagement d'un trottoir n'était pas nécessaire pour assurer la sécurité des piétons. Le trafic pouvait être absorbé quel que soit le nombre exact de logements desservis. Le débouché depuis la parcelle n° 267 ne présentait pas de danger. Le village de Tannay n'était pas inscrit à l'ISOS et le seul fait que la zone à bâtir soit surdimensionnée ne justifiait pas de procéder à un contrôle préjudiciel du PGA de 2010; le nouveau plan d'affectation mis à l'enquête publique en mars 2021 ne remettait pas en cause le caractère constructible des parcelles. Pour le surplus, les griefs relatifs au nombre de places de parking, à l'esthétique et à l'intégration du projet, à la protection contre le bruit et à la hauteur de certaines pièces ont été rejetés. 
 
 
C.  
Agissant conjointement par la voie du recours en matière de droit public, les opposants demandent au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt cantonal en ce sens que la décision de la municipalité du 3 mars 2020 est annulée et le permis de construire refusé. Subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Ils demandent l'effet suspensif, qui a été accordé par ordonnance du 1er juin 2021. 
La CDAP renonce à se déterminer et se réfère à son arrêt. La direction générale de l'environnement du canton de Vaud (DGE) renonce à formuler des observations, tout comme la Direction générale des immeubles et du patrimoine (DGIP). La municipalité de Tannay et l'intimée H.________ concluent au rejet du recours. I.I.________ et J.I________ ne se sont pas déterminés. 
Invité à se déterminer, l'Office fédéral du développement territorial ARE émet des doutes sur le maintien en zone constructible des parcelles en cause, alors que la nouvelle planification prévoit des aires de dégagement et de mouvement sur les parcelles adjacentes et que le territoire communal présente un surdimensionnement prétendument incompressible de 280 habitants. Toutefois, l'autorité cantonale ayant considéré qu'il existait d'autres options pour réduire ce dimensionnement, l'arrêt cantonal "pourrait être suivi", sous réserve des questions relatives à l'accès et à la protection du site. 
Les parties (soit la constructrice, la municipalité et les recourants) ont ensuite maintenu leurs conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Formé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) en matière de droit public des constructions et d'aménagement du territoire (art. 82 let. a LTF), le recours est recevable comme recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourants, qui ont participé à la procédure devant la CDAP, habitent tous à proximité directe du projet litigieux. Ils sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué et ont un intérêt digne de protection à en obtenir l'annulation. Ils disposent dès lors de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 LTF. Il convient donc d'entrer en matière. 
 
2.  
Les recourants contestent les motifs qui ont conduit la cour cantonale à refuser de contrôler la planification communale à titre préjudiciel. Ils relèvent que le PGA de la commune de Tannay, adopté en 2008, est entré en vigueur en octobre 2010 et qu'une révision est en cours, fondée sur le nouvel art. 15 LAT et l'adaptation du plan directeur cantonal en 2018. Selon le nouveau PGA, la commune présenterait encore une surcapacité d'accueil incompressible de 280 habitants. Les parcelles concernées se trouveraient au coeur d'une aire de dégagement inconstructible correspondant à des jardins historiques à l'arrière des bâtiments existants implantés le long du chemin des Molards. Contrairement à ce que retient la cour cantonale, cette partie du centre du village, libre de construction, ne constituerait pas une zone densément construite et le projet litigieux compromettrait la préservation de cet espace libre protégé par l'ISOS. 
 
2.1. Selon la jurisprudence, le contrôle incident ou préjudiciel d'un plan d'affectation dans le cadre d'une procédure relative à un acte d'application - tel que l'octroi d'un permis de construire - est en principe exclu. Un tel contrôle est néanmoins admis, à titre exceptionnel, lorsque les conditions d'un réexamen des plans au sens notamment de l'art. 21 al. 2 LAT sont réunies (cf. ATF 121 II 317 consid. 12c), soit lorsque les circonstances se sont sensible-ment modifiées. Une telle modification peut être purement factuelle, mais également d'ordre juridique, comme une modification législative (cf. ATF 144 II 41 consid. 5.1 et les références; 127 I 103 consid. 6b; arrêt 1C_450/2019 du 13 octobre 2020 consid. 2.1). Dans son cas d'application classique, savoir la réévaluation des circonstances hors examen d'une autorisation de construire, l'art. 21 al. 2 LAT prévoit un examen en deux étapes: la première déterminera si les circonstances se sont sensiblement modifiées au point de justifier un réexamen du plan: si le besoin s'en fait réellement sentir, il sera adapté, dans une deuxième étape (ATF 144 II 41 consid. 5.1; 140 II 25 consid. 3). Sont en particulier à prendre en considération, dans la perspective d'un contrôle incident du plan, le temps écoulé depuis son entrée en vigueur, la mesure dans laquelle celui-ci a été concrétisé, l'importance des motifs de révision, l'étendue de la modification envisagée et l'intérêt public que celle-ci poursuit (ATF 140 II 25 consid. 3.1; 132 II 408 consid. 4.2; 128 I 190 consid. 4.2 et les références).  
 
2.2. La réduction de zones à bâtir surdimensionnées relève d'un intérêt public important susceptible d'avoir, sur le principe, le pas sur l'intérêt public à la stabilité des plans ainsi que sur les intérêts privés des propriétaires concernés (cf. ATF 144 II 41 consid. 5.2; arrêts 1C_190/2020 du 9 février 2021 consid. 2.2.2; 1C_244/2017 du 17 avril 2018 consid. 3.2.1). La réalisation de cet objectif, expressément prévu par la novelle du 15 juin 2012 (art. 15 al. 2 LAT) entrée en vigueur le 1er mai 2014, ne saurait cependant constituer le seul critère pertinent pour déterminer la nécessité d'entrer en matière sur une demande de révision - respectivement de contrôle préjudiciel -, d'un plan d'affectation dans le cadre d'une procédure d'autorisation de construire; il faut que s'y ajoutent d'autres circonstances comme la localisation de la parcelle par rapport à la zone à bâtir existante, son niveau d'équipement, la date d'entrée en vigueur du plan d'affectation et la mesure dans laquelle celui-ci a été concrétisé. Savoir ensuite si une adaptation du plan s'avère nécessaire relève d'une pesée complète des intérêts qui s'opère dans le cadre de la deuxième étape (cf. ATF 144 II 41 consid. 5.2; arrêts 1C_190/2020 du 9 février 2021 consid. 2.2.2; 1C_645/2020 du 21 octobre 2021 consid. 3.2; 1C_656/2018 du 4 mars 2020 consid. 6.1.1).  
 
2.3. En l'occurrence, le PGA de la commune de Tannay a été élaboré en 2008 et est entré en vigueur en 2010; il n'est donc pas particulièrement ancien et se situe encore au-dessous de la limite de planification de quinze ans fixée à l'art. 15 al. 1 LAT. Le territoire communal présente une surcapacité de zone à bâtir correspondant à 366 habitants. Une partie de cet excédent ne serait pas réductible car elle se trouve au milieu du territoire urbanisé ou fait l'objet de projets en cours, de sorte qu'il resterait un excédent incompressible de 280 habitants. L'Office fédéral du développement territorial relève à ce sujet que le canton dispose d'une certaine marge d'appréciation dans la réduction des zones à bâtir. En l'occurrence, dans son rapport d'examen préalable du 30 octobre 2020 sur le nouveau PGA, la Direction générale du territoire et du logement (DGTL) a formé un préavis négatif tout en considérant qu'il existait d'autres options pour réduire la zone à bâtir, identifiant plusieurs parcelles qui entreraient en considération et mettant l'accent sur les possibilités de redimension-nement dans les franges du territoire urbanisé. Les parcelles concernées par le présent projet ne sont toutefois pas visées. Elles sont maintenues, selon le projet de nouveau PGA, dans la zone à bâtir, de sorte que l'ancienne et la nouvelle planification sont concordantes sur ce point.  
Les recourants relèvent que la réalisation du projet litigieux créerait un îlot construit au sein de l'aire de dégagement inconstructible correspondant aux jardins historiques. Contrairement à ce qu'ils soutiennent (cf. infra consid. 2.4), ce secteur ne bénéficie pas d'une mesure de protection particulière. Il jouxte directement l'ensemble bâti bordant le chemin des Molards qui constitue l'axe du village. La maison prévue sur la parcelle n° 267 vient d'ailleurs remplacer une construction contiguë à un bâtiment existant. Le projet se situe dans un périmètre marqué au nord par le bâtiment de la salle communale, et bordé plus à l'ouest par une zone de villas entièrement construite. En considérant que ce secteur, qui constitue le centre du village, était déjà largement bâti, la CDAP n'a donc ni constaté arbitrairement les faits, ni violé le droit fédéral. 
Les recourants ne sauraient d'ailleurs prétendre que les objectifs du nouveau PGA seraient compromis par la réalisation du projet, puisque la nouvelle planification prévoit comme on l'a vu expressément le maintien des parcelles en question en zone constructible. Constatant que la nouvelle planification laissait subsister un surdimensionnement de 298 habitants, la Direction générale du logement a exigé des mesures supplémentaires concernant le redimensionnement des franges de la zone à bâtir (priorité 1) ainsi que le redimensionnement des vides de plus de 2'500 m² dans le milieu bâti (priorité 2). Ces mesures supplémentaires visent principalement la périphérie du village et ne concernent pas les parcelles concernées par le projet de construction litigieux. Dans ces conditions, un contrôle incident du plan n'a pas lieu d'être pour ces parcelles-là. 
 
2.4. Incidemment, les recourants reprochent à la cour cantonale de ne pas avoir tenu compte du fait que le secteur fait partie du périmètre protégé par l'ISOS. La cour cantonale relève à cet égard (consid. 5d de l'arrêt attaqué) que le village de Tannay ne constitue pas un site d'importance nationale, mais régionale. Le relevé de 1983, qui préconise le maintien de la couronne de terrains agricoles autour du bâti existant, ne saurait en tout cas être considéré comme une circonstance nouvelle justifiant un contrôle préjudiciel de la planification adoptée en 2010.  
 
3.  
Les recourants contestent également l'existence d'un accès suffisant en relevant que le chemin des Molards ne permet pas le croisement entre voitures et camions et que la sécurité des piétons ne serait pas assurée, l'expert préconisant la création d'un trottoir qui réduirait d'autant la largeur de la chaussée. 
 
3.1. A teneur de l'art. 22 al. 2 let. b LAT, une autorisation de construire ne peut être délivrée que si le terrain est équipé. Tel est le cas, selon l'art. 19 al. 1 LAT, lorsqu'il est desservi d'une manière adaptée à l'utilisation prévue par des voies d'accès et par des conduites auxquelles il est possible de se raccorder sans frais disproportionnés pour l'alimentation en eau et en énergie, ainsi que pour l'évacuation des eaux usées. Une voie d'accès est adaptée à l'utilisation prévue lorsqu'elle est suffisante d'un point de vue technique et juridique pour accueillir tout le trafic de la zone qu'elle dessert (ATF 121 I 65 consid. 3a). La loi n'impose ainsi pas des voies d'accès idéales; il faut et il suffit que, par sa construction et son aménagement, une voie de desserte soit praticable pour le trafic lié à l'utilisation du bien-fonds et n'expose pas ses usagers ni ceux des voies publiques auxquelles elle se raccorderait à des dangers excessifs (cf. ATF 121 I 65 consid. 3a; arrêts 1C_88/2019 du 23 septembre 2019 consid. 3.1; 1P.319/2002 du 25 novembre 2002 consid. 3 publié in RDAT 2003 I n° 59 p. 211). Par ailleurs, la sécurité des usagers doit être garantie sur toute sa longueur, la visibilité et les possibilités de croisement doivent être suffisantes et l'accès des services de secours (ambulance, service du feu) et de voirie doit être assuré (ATF 121 I 65 consid. 3a; arrêts 1C_56/2019 du 14 octobre 2019 consid. 3.1; 1P.115/1992 du 6 mai 1993 consid. 4 in ZBl 95/1994 p. 89). Les autorités communales et cantonales disposent en ce domaine d'un important pouvoir d'appréciation, que le Tribunal fédéral se doit de respecter (ATF 121 I 65 consid. 3a in fine; arrêt 1C_216/2021 du 21 avril 2022 consid. 4.1).  
 
3.2. Lors de son inspection locale, la cour cantonale a constaté que le chemin de Molards - où la vitesse est limitée à 30 km/h - est rectiligne et que les automobilistes disposent d'une bonne visibilité. Un croisement de voitures à faible vitesse est possible et un croisement d'une voiture et d'un camion est également possible à certains endroits. Un croisement entre deux camions est certes problématique, mais la circulation de camions reste exceptionnelle sur ce chemin et la bonne visibilité permettrait d'anticiper la manoeuvre nécessaire. L'accès pour les services du feu est suffisant. Le croisement entre deux voitures et un piéton est possible à la vitesse du pas en plusieurs endroits; dans les autres endroits, l'attente d'un des véhicules permet d'éviter le conflit et la visibilité permet également d'anticiper la manoeuvre. Ces constatations, qui sont celles opérées sur place par la cour cantonale, sont confirmées par le rapport K.________ de février 2020 et le rapport L.________ de mars 2020, complété en octobre 2020. Elles ne peuvent être qualifiées d'arbitraires et permettent d'admettre que la desserte est suffisante et que la sécurité des usagers est assurée. Les objections des recourants sur ce point, de nature appellatoire, doivent être écartées.  
 
4.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge des recourants qui succombent. Une indemnité de dépens est allouée à l'intimée H.________, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 2 LTF). La municipalité de Tannay n'y a en revanche pas droit (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourants. 
 
3.  
Une indemnité de dépens de 3'000 fr. est allouée à l'intimée H.________, à la charge solidaire des recourants. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au mandataire de la Municipalité de Tannay, à la Direction générale des immeubles et du patrimoine du canton de Vaud, à la Direction générale de l'environnement du canton de Vaud (DGE-DIREV), à la Cour de droit administratif et public au Tribunal cantonal du canton de Vaud, et à l'Office fédéral du développement territorial. 
 
 
Lausanne, le 29 août 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Kurz