Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_155/2021  
 
 
Arrêt du 30 septembre 2021  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Hohl, Présidente, Kiss, Niquille, 
Rüedi et May Canellas. 
Greffière: Monti. 
 
Participants à la procédure 
Commune de A.________, 
représentée par Me Thierry Gachet et Me Bernard Ayer, 
défenderesse et recourante, 
 
contre  
 
B.________ AG, 
représentée par Me Jean-Rodolphe Fiechter, 
demanderesse et intimée. 
 
Objet 
demande de récusation de l'expert, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2021 par la I re Cour d'appel civil du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (101 2020 422). 
 
 
Faits :  
 
A.  
La Commune de A.________ et le bureau d'architecture B.________ AG, constitué en société anonyme, s'étaient liés par un contrat d'architecte ayant pour objet la construction d'un ouvrage. 
Le 15 décembre 2011, la société précitée a actionné la commune en paiement d'honoraires supplémentaires (2,3 millions de francs) devant le Tribunal civil de la Sarine. La défenderesse a pris des conclusions reconventionnelles en réduction d'honoraires et en dommages-intérêts pour un montant total excédant le million de francs. 
Aux débats d'instruction tenus le 14 octobre 2015, les parties ont convenu de mettre en oeuvre deux expertises. La première, requise par la société d'architecture, devait "définir les travaux réalisés (...) dans le cadre de la relation contractuelle (contrat d'architecte du 17 janvier 2008 et avenant I du 16 juin 2008) et des travaux supplémentaires". L'objectif de la seconde expertise, sollicitée par la commune, était de "définir les éventuels défauts de conception, de gestion et de réalisation de l'ouvrage et les éventuelles conséquences du retard de livraison de l'ouvrage". 
Ultérieurement, la commune s'est fondée sur l'art. 155 al. 2 CPC pour requérir que le tribunal in corpore - plutôt que le seul juge en charge de l'instruction - administre l'expertise, en particulier qu'il en fixe les questions et désigne l'expert. Le Tribunal civil a rejeté cette requête le 27 septembre 2017.  
Un expert a été désigné le 5 décembre 2018 pour réaliser les deux expertises. 
Le 10 janvier 2020, la Présidente du Tribunal civil chargée de l'instruction a établi les questionnaires des expertises. 
Le 2 avril 2020, l'expert a annoncé qu'il ne pouvait pas accepter le mandat. 
La Juge instructrice a alors invité chaque partie à proposer trois noms d'expert. La demanderesse a suggéré entre autres l'architecte C.________. 
La magistrate a contacté tous les experts proposés pour savoir si une désignation était envisageable. L'un d'eux n'a pas répondu. Les autres ont précisé qu'ils n'avaient pas ou peu effectué d'expertises judiciaires et/ou qu'ils manquaient de temps pour ce faire. C.________, en revanche, a dit pratiquer des expertises judiciaires et avoir le temps nécessaire. 
La commune a mis en cause l'impartialité du prénommé au motif qu'il était vice-président de l'Union internationale des architectes (UIA) et membre d'honneur de la Société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA). 
 
B.  
 
B.a. Le 16 octobre 2020, la Présidente du Tribunal civil de la Sarine a désigné C.________ comme expert pour réaliser les deux expertises prévues d'entente avec les parties.  
En substance, la magistrate a jugé que l'appartenance de l'expert aux deux entités précitées (UIA et SIA) n'était pas de nature à faire suspecter une prévention. Il n'avait de surcroît aucun lien d'amitié ou d'inimitié avec l'une ou l'autre partie et figurait sur la liste des experts agréés par les tribunaux vaudois (www.vd.sia.ch/expertise). Le travail à accomplir exigeait des connaissances approfondies du Règlement SIA 102. Or, de par sa grande expérience et ses spécialités (architecture, conception, détails de construction, prestations et honoraires), C.________ avait le profil idéal pour mener à bien les expertises. 
 
B.b. Par arrêt du 29 janvier 2021, le Tribunal cantonal fribourgeois a rejeté le recours formé par la commune et confirmé cette décision.  
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière civile, la commune a invité le Tribunal fédéral à ordonner la récusation de C.________. Subsidiairement, elle a requis le renvoi de la cause à la Présidente du Tribunal de la Sarine pour nouvelle décision. 
La société d'architecture a conclu au rejet du recours. 
La recourante n'a pas répliqué. 
L'autorité précédente a signifié qu'elle n'avait aucune observation à formuler. 
L'effet suspensif sollicité par la recourante a été octroyé le 22 avril 2021. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'autorité précédente a nommé un architecte pour effectuer les expertises convenues, estimant que les motifs de récusation soulevés à son encontre n'avaient pas lieu d'être. Elle a rendu par là même une décision incidente consécutive à une demande de récusation d'un expert. Semblable décision est sujette au recours immédiat de l'art. 92 al. 1 LTF, au même titre que la décision afférente à la récusation d'un fonctionnaire judiciaire (ATF 138 V 271 consid. 2.2.1; arrêts 4A_578/2020 du 25 janvier 2021 consid. 2.3; 5A_393/2020 du 17 août 2020 consid. 1.1; 5A_48/2014 du 27 mai 2014 consid. 3; 4A_255/2011 du 4 juillet 2011 consid. 1.2; sous l'art. 87 al. 1 OJ, arrêt 4P.22/2006 du 6 avril 2006 consid. 2.1). Au surplus, les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont satisfaites sur le principe, s'agissant notamment de la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF en lien avec l'art. 51 al. 1 let. c LTF) et du délai de recours (art. 100 al. 1 LTF). 
 
2.  
Le Tribunal cantonal fribourgeois a confirmé la désignation de C.________ pour répondre aux questionnaires des deux expertises, balayant les motifs de récusation articulés par la commune. Dans son recours, celle-ci émet des griefs de trois ordres: 
 
- l'art. 50 al. 1 CPC voudrait que la décision émane du tribunal saisi du fond de l'affaire (Tribunal civil) plutôt que de la seule magistrate déléguée (Présidente du Tribunal civil); 
- les juges fribourgeois auraient dû reconnaître la prévention de l'expert à l'aune de l'art. 47 al. 1 let. f CPC; 
- enfin, l'expert aurait dû être invité à se déterminer sur la demande de récusation, conformément à l'art. 49 al. 2 CPC
 
3.  
L'expertise est régie par les art. 183 ss CPC. L'art. 183 CPC dispose que " le tribunal peut (...) demander une expertise à un ou plusieurs experts. Il entend préalablement les parties" (al. 1). "Les motifs de récusation des magistrats et des fonctionnaires judiciaires sont applicables aux experts" (al. 2). 
Les motifs en question sont énoncés à l'art. 47 CPC (cf. consid. 5.2 infra). Ce chapitre consacré à la récusation des magistrats et fonctionnaires judiciaires contient en outre les dispositions suivantes:  
 
"Art. 49 Demande de récusation 
1 La partie qui entend obtenir la récusation d'un magistrat ou d'un fonctionnaire judiciaire la demande au tribunal aussitôt qu'elle a eu connaissance du motif de récusation. Elle doit rendre vraisemblables les faits qui motivent sa demande. 
2 Le magistrat ou le fonctionnaire judiciaire concerné se prononce sur la demande de récusation. 
Art. 50 Décision 
1 Si le motif de récusation invoqué est contesté, le tribunal statue. 
2 La décision peut faire l'objet d'un recours." 
 
4.  
 
4.1. A lire la recourante, les juges fribourgeois auraient commis une première erreur juridique en considérant que la demande de récusation pouvait être tranchée par la seule juge déléguée (Présidente du Tribunal civil) plutôt que par le Tribunal civil in corpore. La délégation de compétence pour la conduite du procès (art. 124 al. 2 CPC) ne couvrirait pas l'examen d'un cas de récusation de l'expert. A teneur de l'art. 50 al. 1 CPC, cette question relèverait de la compétence d'un "tribunal". Dès lors qu'il échoit au tribunal in corpore d'apprécier la preuve par expertise, celui-ci devrait aussi pouvoir s'assurer de l'impartialité de l'expert.  
 
4.2. Le Tribunal cantonal a jugé le recours recevable par application analogique de l'art. 50 al. 2 CPC (cf. consid. 4.5 infra). Son raisonnement sur la compétence de la Présidente du Tribunal civil peut se résumer comme il suit:  
L'art. 50 al. 1 in fine CPC, qui confie au "tribunal" le soin de statuer, ne saurait s'appliquer tel quel à la récusation d'un expert; cette norme est typiquement conçue pour la récusation d'un magistrat ou autre fonctionnaire judiciaire. Au demeurant, la loi fribourgeoise sur la justice (LJ du 31 mai 2010; RS/FR 130.1) habilite dans certains cas un magistrat unique à statuer sur une demande de récusation (art. 18 al. 2 let. b et d LJ) et prévoit de déléguer à un magistrat instructeur la conduite du procès dans les affaires relevant de la compétence d'une autorité collégiale (art. 131 LJ, en lien avec l'art. 124 du Code de procédure civile fédéral). Aussi le juge délégué est-il compétent pour désigner un expert, et partant pour statuer sur sa récusation (art. 12 [recte: art. 18] al. 2 let. c LJ).  
 
4.3. La recourante croit pouvoir inférer du terme "tribunal" utilisé à l'art. 50 al. 1 CPC l'exigence d'une autorité collégiale. Elle se fourvoie.  
Sauf disposition contraire de la loi, il revient aux cantons de régler la compétence matérielle et fonctionnelle, cette dernière consistant notamment à désigner quel organe du tribunal (respectivement de l'autorité judiciaire compétente) doit effectuer un acte de procédure déterminé (art. 4 al. 1 CPC; arrêt 5A_710/2016 du 2 mars 2017 consid. 4.2). L'empiètement du droit fédéral sur la compétence cantonale doit demeurer exceptionnel (THEODOR HÄRTSCH, in Schweizerische Zivilprozessordnung [ZPO] [cité ci-après Stämpflis Handkommentar], 2010, n° 2 ad art. 4 CPC; cf. Message du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, dans les versions allemande et italienne, BBl 2006 7259 et FF 2006 6629 ad art. 4). 
La jurisprudence a précisé que l'art. 50 al. 1 CPC ne constitue pas une règle fédérale de compétence fonctionnelle en matière de récusation. Le mot "tribunal" signifie simplement que les cantons doivent désigner une autorité judiciaire dont la décision puisse être attaquée par un recours (arrêts 4A_377/2014 du 25 novembre 2014 consid. 4.3 et 5A_194/2014 du 21 mai 2014 consid. 2.2). Conformément à l'art. 4 al. 1 CPC, les cantons déterminent librement l'autorité judiciaire compétente (DENIS TAPPY, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2e éd. 2019, nos 10 ss ad art. 50 CPC; PETER DIGGELMANN, in ZPO Schweizerische Zivilprozessordnung [cité ci-après: ZPO Brunner et alii], 2e éd. 2016, n° 2 ad art. 50 CPC; Message précité, FF 2006 6888 [f] ad art. 48).  
L'autorité de céans a par ailleurs dénié le caractère d'ordonnance d'instruction à la décision consécutive à une demande de récusation d'un magistrat, motif pris qu'elle doit être résolue sans la participation du juge visé (soit dans une composition différente de celle du tribunal saisi) et qu'elle "ne s'inscrit pas dans les mesures ordinairement nécessaires à la préparation et à la conduite rapide du procès civil, mesures que le tribunal saisi ou le juge délégué ordonnent en application de l'art. 124 al. 1 CPC". Il s'agit d'une "autre décision" au sens de l'art. 319 let. b CPC (ATF 145 III 469 consid. 3.2; cf. le commentaire de GUILLAUME JÉQUIER, Distinction entre ordonnance d'instruction et 'autres décisions' [...], in RSPC 2020 p. 12 ss). 
A l'aune de la jurisprudence précitée, l'argument selon lequel l'art. 50 al. 1 CPC imposerait une autorité collégiale tombe à faux. 
Ceci dit, le sort du grief ne s'en trouve pas définitivement scellé. Encore faut-il examiner si une autre règle de droit fédéral contient une telle exigence. L'art. 183 al. 1 CPC indique en effet que le "tribunal" peut solliciter une expertise auprès d'un ou plusieurs experts. 
 
4.4. Lorsqu'une autorité collégiale est compétente, elle doit alors conduire le procès et "prend[re] les décisions d'instruction nécessaires à une préparation et à une conduite rapides de la procédure", pour reprendre les termes de l'art. 124 al. 1 CPC. Cette disposition exprime le principe d'immédiateté, qui connaît des exceptions dictées par des raisons pratiques et d'économie procédurale (cf. entre autres JACQUES HALDY, in Commentaire romand, op. cit., n° 4 ad art. 124 CPC; JULIA GSCHWEND, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3e éd. 2017, n° 6 ad art. 124 CPC). La conduite du procès peut ainsi être déléguée à l'un des membres du tribunal (art. 124 al. 2 CPC), délégation qui peut notamment être prévue par le droit cantonal (cf. par ex. FRANCESCO TREZZINI, in Commentario pratico al Codice di diritto processuale civile svizzero, 2e éd. 2017, n° 65 ad art. 124 CPC). Une délégation est aussi possible en matière d'administration des preuves. Une partie peut cependant requérir que le tribunal au complet administre les preuves en raison de justes motifs (art. 155 al. 1 et 2 CPC).  
L'ordonnance de preuves qui doit précéder l'administration des preuves (art. 154 CPC) est une ordonnance d'instruction susceptible d'être rendue par un juge délégué, en application de l'art. 124 al. 2 CPC (arrêt 5A_635/2013 du 28 juillet 2014 consid. 3.3; PETER GUYAN, in Basler Kommentar, op. cit., n° 1 ad art. 154 CPC [pour qui les objections contre la personne de l'expert peuvent être traitées dans l'ordonnance de preuves, n° 5 ad art. 154 CPC]; TREZZINI, op. cit., n° 7 ad art. 154 CPC; LEUENBERGER/UFFER-TOBLER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 2e éd. 2016, n. 8.14 et 9.41; CHRISTIAN LEU, in ZPO Brunner et alii, op. cit., n° 24 ad art. 154 CPC; FRANZ HASENBÖHLER, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [cité ci-après: Kommentar Sutter-Somm], 3e éd. 2016, n° s 28 s. ad art. 154 CPC; cf. aussi Message précité, FF 2006 6949 i.f.).  
La nomination de l'expert est aussi une ordonnance d'instruction (ANNETTE DOLGE, in Basler Kommentar, op. cit., n° 32 ad art. 183 CPC; TREZZINI, op. cit., n° 27 ad art. 183 CPC; LEUENBERGER/UFFER-TOBLER, op. cit., n. 9.108; SVEN RÜETSCHI, in Berner Kommentar, 2012, n° 17 ad art. 183 CPC; MARKUS AFFENTRANGER, in Stämpflis Handkommentar, op. cit., n° 3 ad art. 124 CPC). Il s'ensuit qu'en vertu de l'art. 124 al. 2 CPC, un juge délégué peut nommer l'expert (cf. PHILIPPE SCHWEIZER, in Commentaire romand, op. cit., n° 7 ad art. 183 CPC; TAPPY, op. cit., n° 12 ad art. 50 CPC). Le mot "tribunal" employé à l'art. 183 CPC ne vise donc pas nécessairement un collège de juges. 
La décision entreprise consiste précisément en une nomination d'expert. Elle se prononce certes sur des motifs de récusation qui ont été articulés en amont de cette nomination. Cela ne change pas pour autant la nature de la décision qui, en tant qu'elle désigne un expert, constitue une ordonnance d'instruction dont la compétence peut être déléguée à un membre du tribunal. 
Dans la mesure où il y a délégation de la conduite du procès, respectivement de la nomination de l'expert à un membre du tribunal, celui-ci doit logiquement pouvoir se prononcer sur les motifs de récusation soulevés à l'encontre de l'expert envisagé. 
Il paraît en outre cohérent de confier également au juge délégué la décision sur la récusation de l'expert lorsqu'un motif de récusation est soulevé au cours de l'instruction, mais postérieurement à la nomination par ledit juge. Cette dernière hypothèse n'est cependant pas celle ici discutée. 
On relèvera les aspects pratiques d'une telle solution. Il se peut en effet qu'au stade de l'instruction, le tribunal collégial compétent pour statuer sur le fond ne soit pas encore composé (on songe notamment aux grands tribunaux de district ou aux tribunaux de commerce dotés de juges suppléants). Le déroulement de la procédure serait ralenti et compliqué si un tribunal collégial devait se constituer à ce stade déjà pour trancher un motif de récuser l'expert. La décision du juge délégué peut être déférée par un recours stricto sensu au tribunal supérieur, puis au Tribunal fédéral (art. 92 LTF). Les cautèles sont ainsi suffisantes. L'autorité collégiale conserve la faculté d'apprécier librement la force probante de l'expertise (art. 157 CPC).  
Le premier grief relatif à la compétence doit ainsi être définitivement rejeté. 
 
4.5. Deux remarques doivent encore être apportées.  
Les juges cantonaux ont considéré que la décision désignant un expert en dépit des motifs de récusation invoqués était attaquable par un recours stricto sensu en application analogique de l'art. 50 al. 2 CPC. La partie recourante n'avait ainsi pas à justifier d'un risque de préjudice difficilement réparable (cf. art. 319 let. b ch. 1 et 2 CPC).  
Logiquement, la recourante ne critique pas ce pan de décision; elle a en outre agi dans le délai de dix jours qui avait été indiqué au pied du jugement de première instance. 
La cour de céans est dispensée de discuter d'éléments non litigieux tant qu'ils ne sont pas entachés d'une erreur juridique manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 116). Elle relèvera toutefois en passant que l'application analogique de l'art. 50 al. 2 CPC ne semble guère critiquable, prima facie ( contra DOLGE, op. cit., n° 32 ad art. 183 CPC, qui invoque la position différente d'un expert par rapport à celle d'un magistrat). La jurisprudence relative à l'art. 92 LTF autorise en effet le recours immédiat contre les décisions portant sur une demande de récusation d'un expert. Des motifs d'économie de procédure dictent de trancher cette question aussi vite que possible; on entend ainsi éviter de mettre en oeuvre une expertise dont les résultats seront inutilisables en raison de la prévention de l'expert (ATF 132 V 93 consid. 6.2; arrêt précité 4A_255/2011 consid. 1.2). Ces considérations devraient aussi prévaloir pour le recours au niveau cantonal (HEINRICH ANDREAS MÜLLER, in ZPO Brunner et alii, op. cit., n° 23 ad art. 183 CPC; SVEN RÜETSCHI, op. cit., no 52 ad art. 183 CPC, qui semble se rallier à cette solution; cf. aussi HOFMANN/LÜSCHER, Le Code de procédure civile, 2e éd. 2015, p. 32 et 146, pour qui les art. 47 ss CPC, singulièrement l'art. 50 CPC, s'appliquent par analogie).  
Quant à l'application du délai de 10 jours, elle paraît également se défendre. La doctrine voit dans la nomination de l'expert une ordonnance d'instruction qui, comme telle, est sujette au délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC). Qui plus est, les motifs de célérité ayant conduit à déclarer applicable la procédure sommaire et son bref délai de 10 jours dans le cadre de l'art. 50 CPC (ATF 145 III 469 consid. 3.3 p. 472 et 3.4) semblent également faire sens pour la nomination d'un expert. 
 
5.  
 
5.1. Subsistent deux griefs. La recourante dénonce la prévention apparente de l'expert, qui justifierait sa récusation en vertu de l'art. 47 al. 1 let. f CPC. De surcroît, les juges fribourgeois auraient enfreint l'art. 49 al. 2 CPC en omettant de recueillir les déterminations de l'intéressé.  
 
5.2. Un expert est récusable dans les cas énoncés à l'art. 47 al. 1 CPC (auquel renvoie l'art. 183 al. 2 CPC), soit en particulier lorsqu'il a "un intérêt personnel dans la cause" (let. a) ou qu'il "pourrai[t] être préven[u] de toute autre manière, notamment en raison d'un rapport d'amitié ou d'inimitié avec une partie ou son représentant" (let. f).  
Les parties peuvent exiger la récusation d'un expert dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur son impartialité. Il n'est pas nécessaire qu'une prévention effective soit établie, car l'état d'esprit qui anime une personne ne peut guère être prouvé. Il suffit que, selon une appréciation objective, les circonstances donnent l'apparence d'une prévention et fassent craindre une activité partiale de l'expert. Les impressions des parties au procès ne sont pas décisives (arrêts 4A_278/2018 du 5 novembre 2018 consid. 5; 4A_352/2017 du 31 janvier 2018 consid. 4.1; concernant la récusation d'un juge, cf. par ex. ATF 140 III 221 consid. 4.1 p. 222; arrêt 4A_576/2020 du 10 juin 2021 consid. 3.1.1). Est déterminant le point de savoir si, objectivement, l'issue du procès reste ouverte (ATF 142 III 732 consid. 4.2.2 i.f. p. 737).  
Le fait qu'un expert entretienne ou ait entretenu des relations d'affaires avec une partie ne donne pas impérativement matière à récusation. Tout dépend de la nature et de l'intensité des relations, ainsi que du moment auquel elles se situent. Le seul fait qu'un expert exploite le même type d'entreprise qu'une partie et puisse se trouver en concurrence avec elle ne crée pas forcément l'apparence d'une prévention. Les circonstances concrètes sont déterminantes, étant entendu que le motif de récusation sera d'autant plus facilement retenu que le lien est étroit et actuel (DOLGE, op. cit., n° 23 ad art. 183 CPC; KIENER/KRÜSI, Die Unabhängigkeit von Gerichtssachverständigen, in RDS 2006 I 502 s.; ALFRED BÜHLER, Gerichtsgutachter und -gutachten im Zivilprozess [cité ci-après: BÜHLER, Gerichtsgutachter], in Gericht und Expertise, 2005, p. 36 s.). 
L'appartenance commune à une institution publique ou privée, un club (Rotary, Lions Club, etc.), un institut, une association professionnelle, un parti politique ou une communauté religieuse ne fonde pas en soi une prévention, sans quoi planerait souvent le risque de ne trouver aucun expert (ATF 125 II 541 consid. 4b; arrêts 1B_82/2018 du 3 mai 2018 consid. 2.2 et 4; 4A_182/2013 du 17 juillet 2013 consid. 3; 1P.708/2004 du 16 février 2005 consid. 2; SCHMID/BAUMGARTNER, in Kurzkommentar Schweizerische Zivilprozessordnung [cité ci-après KuKo], 3e éd. 2021, n° 13 ad art. 183 CPC; ALFRED BÜHLER, Die Stellung von Experten in der Gerichtsverfassung [...] [cité ci-après BÜHLER, Stellung], in RSJ 2009 331 s.). Cela étant, l'appartenance à une même communauté d'intérêt peut le cas échéant justifier une récusation lorsque le but idéal de l'entité a un rapport étroit avec l'objet du procès (KIENER/KRÜSI, op. cit., p. 499 s., citées dans l'arrêt 8C_474/2009 du 7 janvier 2010 consid. 7.4; BÜHLER, Stellung, op. cit., p. 332). 
L'expert n'est pas forcément prévenu parce qu'il se rallie à une certaine école de pensée ou à une méthode scientifique, quand bien même l'école ou la méthode est controversée et peut avoir une incidence sur le résultat de l'expertise. Encore faut-il que l'école ou la méthode soit reconnue scientifiquement et ne soit pas manifestement dépassée ou rejetée à une large échelle dans les milieux spécialisés. Les conceptions scientifiques de l'expert ne doivent pas protéger exclusivement le point de vue d'une des parties et donner à penser que le sort du procès n'est plus ouvert. Est récusable l'expert qui manque de l'objectivité nécessaire pour discuter de points de vue autres que le sien ou qui adopte un ton polémique laissant inférer qu'il se considère comme le gardien des intérêts d'une partie (BÜHLER, Gerichtsgutachter, op. cit., p. 38 s.; DOLGE, op. cit., n° 24 ad art. 183 CPC; SVEN RÜETSCHI, op. cit., n° 33 ad art. 183 CPC; THOMAS WEIBEL, in Kommentar Sutter-Somm, op. cit., n° 25 ad art. 183 CPC). 
 
5.3. La prétendue partialité de l'architecte C.________ tiendrait au fait qu'il est vice-président de l'Union internationale des architectes (UIA) et membre d'honneur de la Société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA).  
 
5.3.1. L'UIA exploite un site Internet auquel s'est référée la juge de première instance (www.uia-architectes.org). Il en ressort que cette entité est une organisation internationale non gouvernementale qui organise des congrès, propose son expertise en tant que consultante dans des compétitions internationales et favorise la formation architecturale en émettant des recommandations.  
L'UIA comprend diverses commissions dont une relative à la pratique professionnelle ("Professional Practice", "Exercice professionnel"). Dite commission a élaboré une base de données portant notamment sur la thématique des commandes, plus précisément sur les méthodes d'obtention des commandes et les méthodes de calcul des honoraires. C.________ ne figure pas dans la liste des dirigeants ou autres membres de cette commission. 
Pour la période 2017-2020, il fut l'un des cinq vice-présidents inclus dans le Bureau de l'UIA, qui comprend au total 9 personnes. Un bref cursus indiquait qu'il détient un diplôme d'architecte délivré par l'Eidgenössische Technische Hochschule Zürich (ETHZ), qu'il a travaillé comme enseignant et chercheur à l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) et a effectué des études complémentaires en philosophie, histoire et histoire de l'art à l'Université de Zurich. Il officie aussi comme jury dans des concours et comme expert auprès de tribunaux. Il fut membre de la commission de formation de l'UIA et président de la section suisse de l'UIA [données résultant de la consultation du site Internet en juillet 2021, retirées depuis lors]. L'Assemblée générale tenue en juillet 2021 a modifié notamment la composition du Conseil. 
En confrontant ces quelques renseignements aux préceptes doctrinaux et jurisprudentiels concernant l'impartialité de l'expert (consid. 5.2 supra), on ne voit pas en quoi les fonctions jadis occupées par C.________ au sein de l'UIA pourraient donner matière à récusation.  
 
5.3.2. L'architecte s'est aussi vu reprocher sa position spéciale dans la SIA.  
Sur son site Internet (www.sia.ch), cette société se présente comme "l'organisation faîtière des professionnels de la construction, des techniques du bâtiment et de l'environnement". Dotée de plus de 16'000 membres, elle est divisée en quatre groupes professionnels intitulés "Architecture", "Génie civil", "Technique " et "Environnement". Tout membre de la SIA appartient concomitamment à l'un de ces groupes. Ceux-ci traitent des questions propres à leur branche d'activité, défendent leurs intérêts politiques et élaborent des normes et règlements. Le groupe "Architecture" est le plus grand des groupes, avec 7500 membres. C.________ en a été le président fondateur entre 2000 et 2010 et "s'est inlassablement engagé pour la reconnaissance nationale et internationale d'une culture bâtie de qualité". 
A la fin de l'année 2011, il a été nommé membre d'honneur de la SIA "en reconnaissance des précieux services rendus". La société compte 39 membres d'honneur, parmi lesquels l'astronaute et astrophysicien Claude Nicollier, les avocats et professeurs de droit Peter Gauch et Rainer Schumacher, ou encore l'ancien président de l'EPFL Jean-Claude Badoux, ingénieur civil. 
C.________ figure sur la liste des experts SIA Vaud au titre d'architecte (www.vd.sia.ch/expertise), ainsi que sur la liste d'experts des sections romandes (www.romandie.sia.ch/fr/node/209). Il n'est pas mentionné qu'il effectue des expertises auprès des tribunaux. Peu importe, au demeurant: l'intéressé a déclaré au premier juge qu'il effectuait des expertises judiciaires, ce que a été en son temps corroboré par l'UIA sur son site Internet. Il n'est donc pas novice en la matière. 
La recourante objecte que l'intimée réclame des honoraires supplémentaires en reconstituant ses heures de travail d'après la méthode du coût de l'ouvrage, laquelle a été jugée protectionniste et illicite par la COMCO (Commission de la concurrence). L'expert désigné, comme membre d'honneur de la SIA, n'aurait guère l'indépendance requise pour désavouer une telle méthode, d'autant moins qu'il l'aurait soutenue durant les longues années où il présidait le groupe "Architectes". 
Sur son site Internet, la SIA explique qu'en septembre 2017, la COMCO a ouvert une enquête préliminaire sur divers Règlements concernant les prestations et les honoraires, en particulier le Règlement SIA 102 concernant les prestations et honoraires d'architecte. A l'issue d'intenses négociations, un accord a été trouvé pour éviter l'ouverture d'une enquête: la SIA devait élaborer des règlements transitoires applicables jusqu'à la fin 2019, auxquels devaient succéder des normes conformes au droit des cartels. Les articles 6 et 7 du Règlement SIA 102, relatifs au calcul des honoraires "d'après le temps employé effectif", respectivement "d'après le coût d'ouvrage", ont été supprimés, pouvant tout au plus servir provisoirement d'aide non contraignante. 
A l'aune des informations dont on dispose, il faut admettre que les positions successivement occupées par C.________ au sein de la SIA ne constituent pas un motif de récusation. D'une part, il n'apparaît pas qu'il aurait joué un rôle actif lors des négociations menées avec la COMCO. D'autre part, la lecture des questions destinées à l'expert (dossier cantonal, décision du 10 janvier 2020) ne permet pas d'inférer que C.________ serait dépourvu de l'indépendance requise pour y répondre. La juge instructrice a relevé que des connaissances approfondies du Règlement SIA 102 étaient nécessaires, sans qu'on discerne en quoi cette affirmation serait erronée. D'après la liste de questions, l'expert devra se prononcer sur les prestations fournies par l'intimée, situer celles-ci par rapport aux phases d'exécution du Règlement SIA 102/2003 et définir l'impact de diverses modifications. Il devra en outre indiquer si le montant total des factures établies et restant à établir correspond à la valeur du travail et aux dépenses de l'intimée. Le cas échéant, il devra préciser s'il existe une autre méthode pour opérer une distinction entre les prestations comprises dans les documents contractuels et les prestations supplémentaires, respectivement effectuer un calcul de plausibilité et prendre position sur le nombre d'heures alléguées par l'intimée. 
En définitive, sur la base de l'état de fait de l'arrêt attaqué, des questionnaires d'expertises et des renseignements livrés par les sites Internet de l'UIA et de la SIA, on ne discerne en l'état aucun motif de récuser l'expert.  
 
5.4. Ceci dit, la recourante reproche aux juges fribourgeois de n'avoir pas recueilli les déterminations de l'expert mis en cause et d'avoir ainsi violé l'art. 49 al. 2 CPC.  
Cette disposition (citée supra consid. 3) impose d'interpeller "le magistrat ou le fonctionnaire judiciaire concerné" par la demande de récusation. La prise de position de la personne concernée sert à clarifier l'état de fait tout en lui permettant d'accepter ou de contester le motif de récusation (arrêts 5A_309/2016 du 4 octobre 2016 consid. 6.1; 9C_821/2013 du 29 janvier 2014 consid. 6.1.1; DAVID RÜETSCHI, in Berner Kommentar, 2012, n° 24 ad art. 49 CPC; MARC WEBER, in Basler Kommentar, op. cit., no 5 ad art. 49 CPC).  
La jurisprudence concède des dérogations à cette règle tout au plus lorsque la requête est abusive ou manifestement infondée (arrêts 5A_308/2020 du 20 mai 2020 consid. 2 i.f.; 5A_461/2016 du 3 novembre 2016 consid. 5.1; 5A_309/2016 précité consid. 6.1 i.f.).  
Vu la finalité de l'art. 49 CPC, il faut admettre son application par analogie lorsqu'il est question de récuser un expert judiciaire. 
Dans le cas concret, on conçoit que de guerre lasse, les juges fribourgeois aient renoncé à recueillir les déterminations de C.________ sur la demande de récusation dont il était l'objet. Les parties ont manifestement fait de la désignation de l'expert un véritable "procès dans le procès", et chacune semble fermement décidée à imposer la personne de son choix plutôt que de tolérer une proposition émanant de la partie adverse. 
On ne discerne toutefois aucune situation particulière qui justifierait de renoncer à recueillir les déterminations de l'expert proposé, sachant que celles-ci peuvent contribuer à élucider l'état de fait et que l'intéressé pourrait considérer qu'il y a matière à récusation. Il a d'ores et déjà précisé qu'il n'avait pas de conflit d'intérêts avec l'une ou l'autre partie, mais il ne s'est manifestement pas prononcé sur les motifs ayant conduit la commune à demander sa récusation. L'autorité compétente ne pouvait dès lors pas trancher la requête sans avoir entendu l'intéressé. 
Aussi faut-il admettre le grief tiré de l'art. 49 al. 2 CPC. Il conviendra de recueillir les déterminations de l'architecte. 
Il n'en demeure pas moins que si aucun élément factuel nouveau ne devait être mis à jour en lien avec la question de l'impartialité, les juges fribourgeois pourront rejeter la demande de récusation sans enfreindre le droit fédéral. 
 
6.  
En définitive, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause retournée à l'autorité précédente pour qu'elle y donne les suites qu'il convient: il s'agira de recueillir les déterminations de l'expert, en conformité avec l'art. 49 al. 2 CPC et avec le droit d'être entendues des parties (sur ce dernier point, cf. mutatis mutandis STEPHAN WULLSCHLEGER, in Kommentar Sutter-Somm, op. cit., nos 14-15 ad art. 49 CPC; REGINA KIENER, in KuKo, op. cit., n° 8 ad art. 49 et n° 2 ad art. 50 CPC; TAPPY, op. cit., n° 29 ad art. 49 CPC; DAVID RÜETSCHI, op. cit., n° 4 ad art. 50 CPC; cf. aussi arrêt précité 5A_461/2016 consid. 5.1), après quoi une nouvelle décision devra être rendue.  
 
7.  
La recourante obtient gain de cause sur une question centrale. Aussi son adverse partie devra-t-elle supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF) et lui verser une indemnité pour ses frais d'avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente afin que soit rendue une nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
3.  
L'intimée versera à la recourante une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Fribourg. 
 
 
Lausanne, le 30 septembre 2021 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente: Hohl 
 
La Greffière: Monti