Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_71/2019
Arrêt du 8 octobre 2019
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, Présidente, Hohl et May Canellas.
Greffier : M. Piaget.
Participants à la procédure
X.________ SA,
représentée par Me Urs Portmann,
recourante,
contre
Z.________ SA,
représentée par Me Arun Chandrasekharan et Me Nathalie Schmid-Bessard,
intimée.
Objet
Contrat de distribution exclusive, culpa in contrahendo, indemnité pour clientèle (art. 418u CO),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 27 novembre 2018 (C/21380/2012 ACJC/1666/2018).
Faits :
A.
Le 30 novembre 1999, X.________ SA (ci-après : la société de distribution ou le distributeur) - société de droit grec active notamment dans la distribution de produits pour nouveaux-nés - a conclu un (premier) contrat de distribution exclusive avec A.________ SA - société avec siège à... spécialisée dans le développement de produits pharmaceutiques et de nutrition - par lequel elle s'engageait, pour une durée de sept ans (soit jusqu'au 31 décembre 2006) à distribuer sur le territoire grec des laits pour enfants de la marque " U.________ ".
Le 7 juin 2007, elle a signé un (second) contrat de distribution exclusive avec B.________ SA - société avec siège à... notamment chargée de commercialiser les laits infantiles développés par A.________ SA -, d'une durée de cinq ans (soit jusqu'au 30 mai 2012), pour les mêmes produits. Ce contrat, qui est soumis au droit suisse et contient une clause d'élection de for en faveur des tribunaux genevois, prévoit les modalités de distribution, notamment les quantités minimales devant être acquises par le distributeur, les activités de publicité et de promotion lui incombant, l'information qui doit être donnée par le distributeur au fournisseur et les rapports de ventes et de stocks qu'il doit faire parvenir à celui-ci. Il prévoit également une obligation de non-concurrence que la société distributrice doit respecter au terme de la relation contractuelle.
Dès 2000, les parties se sont entendues sur une pratique selon laquelle les fournisseurs octroyaient un rabais (d'environ 20% à 25%) lors de la facturation de chaque achat et versaient régulièrement en sus au distributeur des sommes correspondant à un pourcentage des commandes passées, afin de financer les dépenses promotionnelles de celui-ci.
B.________ SA a cédé à Z.________ SA (ci-après : le fournisseur) - société avec siège à... poursuivant le même but que la société cédante et dirigée par le même administrateur - l'ensemble de ses droits résultant du contrat, avec effet au 31 août 2010. Elle en a informé le distributeur le 25 août 2010.
En mai 2010, les parties ont envisagé la conclusion d'un (troisième) accord pour une nouvelle période (à partir de 2011), qui porterait aussi sur de nouveaux types de laits infantiles. Elles ont entamé des négociations à partir d'avril 2011.
Par courriel du 16 mai 2011, le fournisseur a adressé au distributeur un projet de contrat pour la période de juillet 2011 à juin 2016. Des désaccords subsistant sur certains points, des discussions ont eu lieu entre les parties.
Le 29 septembre 2011, le fournisseur a fait parvenir au distributeur une version révisée du projet de contrat, puis, le 1er décembre 2011, une deuxième version révisée.
En janvier 2012, le distributeur a expliqué ne pas pouvoir accepter le projet. Le désaccord portait notamment sur la question des activités promotionnelles que le fournisseur entendait introduire dans le contrat et sur le montant qui était consacré à ces activités. Le distributeur évoquait la difficulté, voire l'impossibilité, de justifier les frais liés aux activités promotionnelles, et il craignait que le fournisseur puisse, le cas échéant, mettre fin (trop) facilement au contrat.
Les échanges tenus entre les parties n'ont pas permis de résoudre le désaccord. Le fournisseur, rappelant qu'il prenait à sa charge les coûts, estimait avoir droit à des informations détaillées sur les dépenses engagées par le distributeur, et celui-ci observait qu'il communiquait les informations utiles, mais qu'il n'avait pas à fournir des détails chiffrés.
Par courrier du 27 mars 2012, le fournisseur a informé le distributeur que le contrat de distribution ne serait pas renouvelé (autrement dit, le troisième contrat ne serait pas conclu) et que la relation contractuelle (basée sur le deuxième contrat) prendrait fin le 30 mai 2012. Il a motivé son refus par le fait que le distributeur avait refusé de fournir des informations suffisantes et fiables sur son activité publicitaire et promotionnelle alors qu'il lui apportait une aide financière pour ces activités.
Le 9 mai 2012, le fournisseur a signé un contrat de distribution exclusive avec C.________ SA. Les négociations avec cette société concurrente avaient débuté en mars/avril 2012 et le texte était pratiquement identique à celui proposé au (premier) distributeur.
B.
Le 16 octobre 2012, la société de distribution (ci-après également : la demanderesse) a ouvert action devant le Tribunal de première instance de Genève contre Z.________ SA (ci-après : la défenderesse). La conciliation ayant échoué, elle a déposé sa demande le 6 mars 2013 et conclu à ce que sa partie adverse soit condamnée à lui verser le montant de 4'248'934 EUR (contre-valeur de 5'208'390 fr.), intérêts en sus. Ce montant comprend une indemnité pour la clientèle, des dommages-intérêts fondés sur la responsabilité précontractuelle (frais engagés pour 2011 et la première moitié de 2012, pour la promotion des produits " U.________ " et en vue de la conclusion d'un troisième contrat).
La défenderesse a conclu au rejet de la demande et, à titre reconventionnel, à ce que la demanderesse (principale) soit condamnée à lui verser le montant de 25'000 EUR, intérêts en sus, à titre d'indemnité consécutive à la violation du devoir d'information contractuel lui incombant.
La demanderesse (principale) a conclu à ce que sa partie adverse soit déboutée de toutes ses conclusions sur demande reconventionnelle.
Par jugement du 3 août 2017, le Tribunal de première instance a rejeté la demande principale et la demande reconventionnelle.
Par arrêt du 27 novembre 2018, la Chambre civile de la Cour de justice de Genève a rejeté l'appel de la demanderesse et l'appel joint de la défenderesse et confirmé le jugement entrepris.
C.
Contre cet arrêt cantonal, la demanderesse forme un " recours en matière civile et recours constitutionnel subsidiaire " au Tribunal fédéral. Elle conclut à son annulation et à sa réforme, ses conclusions principales reprenant en substance celles qu'elle avait prises devant les instances cantonales. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale. La recourante invoque une violation du droit (notamment des art. 2 et 8 CC , de l'art. 18 CO et de l'art. 157 CPC) et une constatation manifestement inexacte des faits.
L'intimée conclut au rejet du recours en matière civile et constitutionnel subsidiaire et à la confirmation de l'arrêt attaqué.
Chacune des parties a encore déposé des observations.
La requête d'effet suspensif formée par la recourante a été rejetée par ordonnance présidentielle du 8 avril 2019.
Considérant en droit :
1.
1.1. La recourante exerce un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire, étant ici précisé que les conclusions, qui figurent séparément au début de son écriture (cf. p. 3 s. de son mémoire), sont prises aussi bien pour l'un que pour l'autre des recours.
1.2. Formé en temps utile (art. 100 al. 1, 45 al. 1 et 46 al. 1 let. c LTF), dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 LTF) sur appel de la demanderesse et appel joint de la défenderesse par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF), dans une affaire dont la valeur litigieuse excède 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions. Il en découle que le recours constitutionnel, qui lui est subsidiaire, est irrecevable (cf. art. 113 LTF).
1.3. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Il peut donc aussi être formé pour violation d'un droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313). Le Tribunal fédéral n'entre toutefois en matière que si ce dernier grief a été invoqué et motivé par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).
En l'occurrence, les griefs d'ordre constitutionnel soulevés dans le recours constitutionnel subsidiaire ne font que reprendre brièvement ceux figurant déjà dans le recours en matière civile, de sorte qu'il est inutile de se prononcer sur la motivation répétée aux pages 31 à 34 (recours constitutionnel subsidiaire) du mémoire de recours.
1.4. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2).
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261 s.).
La recourante consacre une partie de son mémoire au " rappel des faits/procédure préalable ". Elle ne prétend toutefois pas qu'un point de fait aurait été établi de manière arbitraire et ne fournit aucune motivation en ce sens, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'en tenir compte.
2.
En substance, la cour cantonale, après avoir examiné le déroulement des pourparlers menés en vue de conclure un troisième contrat de distribution, a retenu que la défenderesse n'avait pas fait preuve de mauvaise foi lors des négociations, ce qui excluait l'existence d'une
culpa in contrahendo. Elle a noté à cet égard que des désaccords subsistaient entre les parties, notamment s'agissant de la question des prix et des investissements promotionnels, que les demandes de renseignements de la défenderesse - tendant à chiffrer les dépenses promotionnelles engagées par la demanderesse - n'avaient rien de chicanières, mais qu'elles s'expliquaient par son engagement à en supporter le financement, et que la conclusion de contrats préalables entre les parties n'emportait pas l'obligation, pour la défenderesse, de conclure d'autres contrats éventuels (et notamment un troisième contrat) avec le même partenaire contractuel.
La cour cantonale, examinant ensuite l'application par analogie de l'art. 418u CO, a rappelé que, pour qu'une indemnité pour clientèle soit octroyée, le nombre des clients doit avoir augmenté de manière sensible grâce à l'agent (première condition), le mandant ou son ayant droit doit en retirer un profit effectif (deuxième condition) et l'attribution d'une indemnité ne doit pas être inéquitable (troisième condition). Elle a alors retenu, en mentionnant divers motifs, que la deuxième condition n'était pas remplie: d'une part, la clientèle rassemblée par la demanderesse n'était pas réelle (i.e attachée au produit/à la marque du fournisseur), mais personnelle (i.e attachée à l'expérience/aux qualités du distributeur), la demanderesse n'ayant pas apporté la preuve (même au stade de la vraisemblance prépondérante) qu'une clientèle fidèle aurait effectivement été constituée autour des produits de la défenderesse; d'autre part, la demanderesse n'a pas communiqué sa " clientèle " à la défenderesse, qui n'a donc pas pu bénéficier directement d'un profit, celui-ci étant d'ailleurs douteux puisque les ventes de l'agent portant sur les produits " U.________ " ont très fortement diminué à la fin de la relation contractuelle.
Dans une motivation indépendante portant sur la troisième condition, la cour cantonale a encore relevé que l'octroi d'une indemnité serait inéquitable compte tenu de l'effritement de la clientèle à l'issue du contrat, du fait que la relation contractuelle avait été de longue durée (et que la demanderesse en avait profité), de ce que la promotion avait été pour partie financée par la défenderesse et que la demanderesse a ensuite continué (malgré la clause de non-concurrence) à vendre des produits similaires sur le même territoire.
Se référant, enfin, à l'une des conditions supplémentaires qui devraient être remplies pour justifier l'application par analogie de l'art. 418u CO au contrat de distribution exclusive, la cour cantonale observe " par surabondance " que la demanderesse n'était pas intégrée dans le système de vente de la défenderesse, ce qui exclut d'emblée toute application de l'art. 418u CO (par analogie).
3.
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir écarté la
culpa in contrahendo. Elle cherche à démontrer que les faits auraient été constatés de façon manifestement inexacte, ce qui revient à invoquer l'arbitraire dans l'établissement des faits (art. 9 Cst.). Sans le dire explicitement, elle évoque également des violations du droit (non-respect de la jurisprudence), de sorte qu'il est utile de rappeler les principes juridiques qui sous-tendent la responsabilité fondée sur la
culpa in contrahendo.
3.1. En vertu du principe de la liberté contractuelle, chacun est libre d'entamer une négociation et de l'interrompre quand il le veut, même sans justification. L'exercice de cette liberté est toutefois limité par les règles de la bonne foi. La
culpa in contrahendo repose sur l'idée que l'ouverture de pourparlers crée déjà une relation juridique entre partenaires et leur impose des devoirs réciproques, soit en particulier celui de négocier sérieusement, conformément à leurs véritables intentions (ATF 121 III 350 consid. 6c p. 354). Une partie ne peut pas, par une attitude contraire à ses véritables intentions, éveiller chez l'autre l'espoir illusoire qu'une affaire sera conclue et l'amener ainsi à prendre des dispositions dans cette optique (ATF 140 III 200 consid. 5.2 p. 203; 77 II 135 consid. 2a p. 137; arrêt 4A_229/2014 du 19 septembre 2014 consid. 4.1). Celui qui engage des pourparlers ne doit pas faire croire que sa volonté de conclure est plus forte qu'en réalité (arrêts 4A_55/2019 du 4 septembre 2019 consid. 2.2.1; 4A_615/2010 du 14 janvier 2011 consid. 4.1.1 et les arrêts cités publié in JdT 2012 II 259).
La partie qui ne respecte pas ces obligations répond non seulement lorsqu'elle a fait preuve d'astuce au cours des pourparlers, mais déjà lorsque son attitude a été de quelque manière fautive, qu'il s'agisse de dol ou de négligence, dans les limites tout au moins de la responsabilité qu'elle encourt sous l'empire du contrat envisagé par les parties (ATF 101 Ib 422 consid. 4b p. 432; arrêts 4A_55/2019 déjà cité consid. 2.2.1; 4A_229/2014 déjà cité consid. 4.1; 4C.373/2002 du 18 mars 2003 consid. 4.1).
Toutefois, ce n'est que dans des situations exceptionnelles qu'une
culpa in contrahendo sera retenue en cas de rupture des pourparlers. Il ne suffit pas que les négociations aient duré longtemps, ni que la partie à l'origine de la rupture ait été au courant des investissements effectués par l'autre; la partie qui engage des frais avant la conclusion du contrat le fait en principe à ses risques et périls (arrêt 4A_55/2019 déjà cité consid. 2.2.1 et l'arrêt cité). Le comportement contraire aux règles de la bonne foi ne consiste pas tant à avoir rompu les pourparlers qu'à avoir maintenu l'autre partie dans l'idée que le contrat serait certainement conclu ou à n'avoir pas dissipé cette illusion à temps (ATF 140 III 200 consid. 5.2 p. 203; arrêt 4C.152/2001 du 29 octobre 2001 consid. 3a publié in SJ 2002 I 164). Ainsi, le Tribunal fédéral a admis qu'une banque engageait sa responsabilité précontractuelle pour avoir laissé une succursale négocier un contrat jusqu'au texte définitif pendant des mois, comme si ladite entité était compétente pour conclure (ce qui n'était pas le cas), la convention n'étant finalement pas signée sur refus du siège principal (ATF 105 II 75, cité dans l'arrêt 4C.152/2001 déjà cité consid. 3a; arrêt 4A_55/2019 déjà cité consid. 2.2.1).
3.2. En l'occurrence, la recourante se limite pour l'essentiel à effectuer une nouvelle appréciation des preuves favorables à sa thèse, sans se conformer aux exigences strictes qui découlent des art. 97 al. 1 et 106 al. 2 LTF. La recevabilité du moyen tiré de l'arbitraire dans l'établissement des faits (art. 9 Cst.) est dès lors douteuse.
Fût-il recevable que le grief devrait de toute façon être déclaré mal fondé, comme on va le voir.
La recourante soutient qu'il est erroné de dire, comme l'a fait la cour cantonale, que la défenderesse avait d'emblée souhaité que les négociations portent sur la question des prix d'investissements promotionnels. Elle insiste sur le fait que les négociations ont commencé au mois de mai 2010 et que le premier projet de contrat (dans lequel la défenderesse avait introduit la clause portant sur les activités promotionnelles) n'a été envoyé qu'une année plus tard, en mai 2011. Sur la base de ces explications, on peine à discerner en quoi la correction sollicitée par la recourante serait susceptible d'influencer l'issue de la cause et, plus particulièrement, de démontrer que la défenderesse aurait, par son comportement, éveillé chez elle (demanderesse) l'espoir que l'affaire serait conclue. La recourante semble inférer de la durée des négociations (plus particulièrement de la période durant laquelle la question des activités promotionnelles n'aurait pas été soulevée) un argument en faveur de sa thèse. En soi, cet élément n'est toutefois, comme on l'a vu dans le rappel des principes posés par la jurisprudence, pas relevant pour retenir la
culpa in contrahendoen cas de rupture des pourparlers.
Quant au fait - allégué par la recourante - que la défenderesse a entendu, en érigeant certaines clauses en condition
sine qua non de la reconduction du contrat, masquer sa volonté de conclure le contrat avec un autre partenaire (C.________), il est étranger à l'état de fait dressé par la cour cantonale et, partant, la critique y relative est irrecevable.
C'est également en vain que la recourante souligne que l'intimée l'a laissée investir des sommes importantes dans le lancement et la promotion de nouveaux produits. Il n'importe à cet égard que la partie à l'origine de la rupture ait été au courant de ces investissements. Comme on l'a vu, il demeure que la partie qui engage des frais avant la conclusion du contrat le fait en principe à ses risques et périls.
Le seul fait que deux contrats successifs aient déjà lié les parties ne permet pas d'emblée, comme le laisse entendre la recourante, de conclure à la
culpa in contrahendoen cas de rupture de pourparlers. La question n'est pas tant de savoir si les parties avaient déjà conclu des accords dans le passé, que de déterminer si l'une d'elles a, par son comportement, laissé croire à l'autre que le contrat alors discuté par les parties serait certainement conclu. A cet égard, on ne peut suivre la recourante lorsqu'elle affirme qu'elle a " été encouragée " par la défenderesse à croire que le nouveau contrat serait conclu. Il résulte en effet des constatations cantonales que la défenderesse a d'emblée (dès l'envoi du premier projet de contrat) introduit la clause portant sur la justification des dépenses promotionnelles, que la demanderesse a jugée " inacceptable ". La défenderesse a ainsi entamé un " processus de négociation qui avait été clair dès le départ " et elle a affiché une position " univoque ": elle ne voulait pas payer, sous le régime du troisième contrat, des dépenses promotionnelles qui n'étaient pas prouvées. Dans ces conditions, la défenderesse a clairement montré qu'il ne s'agissait pas, pour elle, d'un point secondaire. Contrairement à ce que pense la recourante, la défenderesse n'avait dès lors pas besoin d'ajouter, par une information explicite supplémentaire, qu'il s'agissait d'une
condition sine qua non pour que le contrat soit conclu.
Le grief, pour autant qu'il soit recevable, est infondé.
4.
La recourante considère que, en refusant de lui octroyer une indemnité de clientèle, la cour cantonale a violé le droit fédéral (art. 418u CO) et établi les faits de manière arbitraire (art. 9 Cst.).
4.1. Aux termes de l'art. 418u CO, lorsque l'agent, par son activité, a augmenté sensiblement le nombre des clients du mandant et que ce dernier ou son ayant cause tire un profit effectif de ses relations d'affaires avec ces clients même après la fin du contrat, l'agent ou ses héritiers ont droit, à moins que ce ne soit inéquitable, à une indemnité convenable, qui ne peut pas leur être supprimée par convention (al. 1). Cette indemnité ne peut cependant pas dépasser le gain annuel net résultant du contrat et calculé d'après la moyenne des cinq dernières années ou d'après celle de la durée entière du contrat si celui-ci a duré moins longtemps (al. 2). Aucune indemnité n'est due lorsque le contrat a été résilié pour un motif imputable à l'agent (al. 3).
4.1.1. L'art. 418u CO s'inscrit dans le cadre des règles relatives au contrat d'agence (art. 418a ss CO), qui se distingue du contrat de représentation (de distribution) exclusive, ici à l'origine du litige, qui ne fait l'objet d'aucune réglementation légale. Le Tribunal fédéral a toutefois déjà eu l'occasion d'indiquer que le législateur fédéral, en s'abstenant d'édicter des dispositions topiques au sujet du contrat de représentation exclusive, n'a pas écarté consciemment l'idée d'octroyer une indemnité pour la clientèle au concessionnaire. Il ne s'agit donc pas d'un silence qualifié, mais d'une lacune proprement dite de la loi, qu'il convient de combler en appliquant l'art. 418u CO. Cette dernière disposition légale s'applique par analogie au distributeur exclusif lorsque, en tenant compte de toutes les circonstances du cas concret, sa situation est économiquement comparable à celle de l'agent (ATF 134 III 497 consid. 4.3 p. 505 s.).
4.1.2. S'agissant de la règle figurant à l'art. 418u CO, le Tribunal fédéral a indiqué que l'indemnité pour la clientèle ne constitue pas une rémunération supplémentaire pour des prestations fournies par l'agent en cours de contrat, mais qu'elle représente une compensation de la valeur commerciale dont le mandant peut continuer à profiter après la fin du contrat; il s'agit non pas d'indemniser l'agent, c'est-à-dire de réparer un dommage qu'il subit, mais de lui fournir une contre-prestation pour le profit que le mandant réalise, même après la fin du contrat d'agence, du fait que le nombre de ses clients a augmenté grâce à l'activité de l'agent (ATF 134 III 497 consid. 4.1 p. 500).
L'octroi d'une indemnité pour la clientèle est subordonné à trois conditions cumulatives: (1) l'augmentation sensible du nombre des clients; (2) le profit effectif en résultant pour le mandant ou son ayant cause; (3) le caractère non inéquitable d'une telle attribution (ATF 134 III 497 consid. 4.1 p. 500). Il appartient à l'agent d'établir la réalisation des deux premières conditions (ATF 103 II 277 consid. 2 p. 281). En revanche, c'est au mandant qu'il incombe de prouver que l'indemnité est inéquitable ou qu'elle doit être réduite par rapport au gain annuel de l'agent (ATF 134 III 497 consid. 4.1 p. 500 et les références citées).
4.1.3. La jurisprudence a indiqué que, pour qu'il y ait profit effectif au sens de l'art. 418u al. 1 CO, il doit être " très vraisemblable " que les clients acquis par l'agent resteront fidèles au mandant après la fin du contrat d'agence, tout en ajoutant que les exigences quant à cette deuxième condition ne doivent " pas être trop sévères " (ATF 103 II 277 consid. 3a p. 282 et consid. 4b p. 285; arrêt 4A_544/2015 du 17 mars 2016 consid. 4.1 et les arrêts cités; cf. ATF 134 III 497 consid. 4.1 p. 500, qui continue à proscrire les exigences " trop sévères ", mais ne reprend pas l'exigence selon laquelle l'agent doit rendre " très vraisemblable "...; arrêt 4A_335/2014 du 18 décembre 2014 consid. 4.4 qui renvoie exclusivement à l'ATF 134 III 497). Selon la terminologie utilisée par le Tribunal fédéral, l'exigence visée par la notion de " très vraisemblable " correspond à celle de " vraisemblance prépondérante " (cf. ATF 130 III 321 consid. 3.3 p. 325).
4.2. La recourante se plaint de ce que la cour cantonale a examiné les conditions permettant l'attribution d'une indemnité de clientèle selon l'art. 418u CO sans avoir déterminé préalablement si, dans les circonstances de l'espèce, on pouvait envisager (sur le principe) une application par analogie au distributeur exclusif.
Cette critique est dénuée de toute pertinence, puisque le procédé décrié par la recourante lui est quoi qu'il en soit favorable et que, comme on le verra, les conditions d'application de l'art. 418u CO ne sont de toute façon pas remplies.
S'agissant de ces conditions, la recourante soutient avoir constitué une clientèle réelle (i.e une clientèle restant fidèle au produit/à la marque du fournisseur, qui ne suivra pas le distributeur exclusif au terme du contrat), de sorte que le transfert effectif des clients (du distributeur au fournisseur) se serait opéré de manière automatique.
La motivation fournie ensuite par la recourante, qui mêle les questions de droit et celles relatives aux faits, n'est pas de lecture aisée et l'on peine parfois à discerner le sens de certaines de ses critiques. Les moyens de droit seront examinés dans la mesure où leur motivation permet de les discerner (cf. art. 42 al. 2 LTF) et, dans ce cadre, seuls les griefs de fait susceptibles d'avoir une incidence sur l'issue de la cause seront discutés.
4.3. La recourante affirme que la cour cantonale a introduit une condition supplémentaire aux exigences posées par l'art. 418u CO en imposant le maintien, après le transfert de la clientèle au terme du contrat de distribution exclusive, du chiffre d'affaires réalisé jusqu'alors.
Il ne résulte toutefois pas de l'arrêt cantonal que les juges précédents auraient exigé le maintien d'un " chiffre d'affaires " après la fin du contrat. Ceux-ci ont simplement noté que, comparées à celles réalisées par la demanderesse, les ventes du nouveau distributeur (C.________) avaient drastiquement diminué. On ne saurait voir, dans ce constat, l'expression d'une volonté des magistrats cantonaux d'ajouter une nouvelle exigence à l'application de l'art. 418u CO. Il s'agissait, pour eux, d'observer que la défenderesse n'avait pas pu tirer profit de la clientèle rassemblée par la demanderesse, ce qui correspond aux exigences " usuelles " posées par la jurisprudence.
4.4. Sous couvert d'une violation de l'art. 157 CPC (libre appréciation des preuves), la recourante paraît bien plutôt se plaindre d'une appréciation arbitraire des preuves (art. 9 Cst.). Ce dernier moyen sera examiné plus loin (cf. consid. 4.5.2).
4.5. Lorsqu'elle reproche à l'autorité précédente d'avoir violé l'art. 8 CC, la recourante fournit une motivation qui couvre en réalité deux questions distinctes.
4.5.1. La première, qui a effectivement trait à l'art. 8 CC, vise le degré de la preuve. La recourante soutient que l'existence d'une clientèle réelle doit être prouvée " seulement " au degré de la " haute vraisemblance ", soit, selon la terminologie employée par le Tribunal fédéral, la " vraisemblance prépondérante ".
On peine ici à comprendre la critique de la recourante, puisque la cour cantonale s'est explicitement référée à ce dernier critère (cf. l'emploi du " très vraisemblable " dans l'arrêt entrepris consid. 7.2.1 1er et 4e par.). Certes, l'intimée prétend qu'une lecture respectueuse de l'ATF 134 III 497 exclurait toute réduction du degré de la preuve à la " vraisemblance prépondérante " et que, au degré de la preuve certaine, la demanderesse aurait échoué à apporter la preuve du profit effectif. Il n'y a toutefois pas lieu d'examiner cette question de manière approfondie puisque, comme on va le voir (cf. infra consid. 4.5.2), même au degré de la vraisemblance prépondérante (le plus favorable à la recourante), celle-ci n'est de toute façon pas parvenue à démontrer avoir constitué une clientèle réelle dont la défenderesse aurait ensuite été l'heureuse bénéficiaire.
4.5.2. La question de savoir si le degré de la vraisemblance prépondérante est ou non réalisé en l'espèce relève de l'appréciation des preuves et elle ne peut être revue par le Tribunal fédéral que si celle-ci est arbitraire (art. 9 Cst.).
4.5.2.1. La recourante revient sur le constat (basé sur les chiffres relatifs à deux produits " U.________ " reflétant la tendance du marché, ce que la demanderesse n'était pas parvenue à réfuter) posé dans l'arrêt cantonal selon lequel les clients ne seraient pas liés à la marque " U.________ ". Pour elle, il est insoutenable de retenir qu'aucune fidélité aux produits de la défenderesse n'a été établie et d'en conclure que la clientèle qu'elle a rassemblée n'était pas réelle. Elle en veut pour preuve que plusieurs témoins auraient indiqué le contraire.
S'agissant du témoin D.________, on ne parvient pas, sur la base de l'extrait du procès-verbal repris dans le mémoire de recours, à comprendre précisément en quelle qualité ce témoin est intervenu. On apprend néanmoins que celui-ci a fait la promotion du lait infantile " V.________ ", soit une marque distribuée par la demanderesse, après la fin de sa collaboration avec la défenderesse. Cela étant, on ne saurait dire que la cour cantonale a apprécié arbitrairement les preuves en ne validant pas la thèse de la demanderesse sur la base d'un témoin, ayant travaillé pour elle, qui se limite à révéler - sans que l'on sache si les déclarations visent la période déterminante, soit celle précédant la fin du second contrat liant les parties - qu'un (seul) pédiatre a testé le lait " U.________ " et qu'il a conseillé celui-ci au témoin.
En ce qui concerne les témoins E.________ et F.________, tous deux pédiatres, la recourante se borne à extraire de leurs déclarations deux brefs passages évoquant la réputation de la défenderesse. Il résulte toutefois d'autres passages de ces documents, repris dans l'état de fait de l'arrêt cantonal, que ces deux pédiatres avaient choisi de conseiller le lait " U.________ " en raison de l'expérience, de la réputation et des qualités de la demanderesse. Cela étant, les déclarations de ces témoins sont impropres à démontrer un quelconque arbitraire.
Quant au témoin G.________, médecin coordinatrice-directrice de la section pédiatrie de l'hôpital de..., dont la recourante reproduit un extrait des déclarations, il s'agit de l'unique témoin qui, selon l'arrêt entrepris, a confirmé avoir été sensible aux propriétés du lait " U.________ ". La recourante se garde toutefois de signaler que, selon les constatations cantonales, ce témoin n'a pas été convaincu par les seules propriétés de ce produit, mais qu'il a également déclaré avoir été sensible, dans la même mesure, à la qualité et au sérieux des employés de la demanderesse. On ne voit donc pas en quoi les propos de ce seul témoin, qui ont été exposés par la cour cantonale, seraient favorables à la recourante, étant ici précisé que les magistrats précédents ont encore pris la peine de souligner que le témoin n'avait pas indiqué le poids qu'il donnait à chacun des (deux) motifs l'ayant convaincu de conseiller le lait " U.________ " à ses patients.
Quant à l'argument de la recourante visant les déclarations de ses administrateurs (qu'elle qualifie de témoins), H.________ et I._______ (à qui la cour cantonale n'aurait pas dû attribuer une crédibilité moindre), il ne lui est d'aucune aide, la recourante ne prenant d'ailleurs pas la peine de mentionner explicitement les passages de ces déclarations qui lui seraient favorables. On ne comprend d'ailleurs même pas si la recourante entend apporter un argument en lien avec la question de l'indemnité pour clientèle (ce que semble viser l'acte de recours) ou en lien avec la violation des devoirs précontractuels (ce qu'affirme la recourante dans sa réplique).
4.5.2.2. La recourante revient ensuite sur les ventes de produits " U.________ " effectuées après la fin du (deuxième) contrat. Elle considère que la cour cantonale a sombré dans l'arbitraire en retenant que la clientèle de la défenderesse s'est effritée. Aux ventes de C.________, il aurait fallu ajouter celles encore réalisées par elle-même après la fin du contrat, soit, selon elle, des dizaines de milliers d'unités entre juin et août 2012.
L'argument est toutefois sans consistance puisque la recourante ne fournit pas la moindre explication qui permettrait de comprendre comment elle a calculé ces chiffres. Quant au procès-verbal de l'audience des débats principaux auquel elle renvoie, elle n'en fournit aucun extrait dans son mémoire, ni ne démontre d'ailleurs en quoi la cour cantonale aurait sombré dans l'arbitraire en omettant d'en tenir compte.
La cour cantonale a en outre constaté que les ventes des deux produits de la gamme " U.________ " reflétant la situation pour tous les produits ont fortement diminué à la fin des rapports contractuels pour se situer à quelque 10% des chiffres réalisés lors de l'exécution du contrat. Ce n'est que six mois après le début de son travail que le nouveau distributeur (C.________) a retrouvé un niveau inférieur de moitié (50%) à celui réalisé par la demanderesse. Cela étant, c'est en vain que la recourante tente de tirer argument du contenu de l'arrêt 4A_544/2015 du 17 mars 2016 (consid. 4.4.3) dans lequel la Cour de céans a reconnu que, même dans l'hypothèse où le chiffre d'affaires aurait subi une " certaine diminution " déjà peu avant le départ de l'agent, il ne serait pas possible d'exclure l'existence d'un profit significatif, créé par lui, ayant perduré après la fin du contrat. On ne saurait en effet en dire autant en l'occurrence puisque la diminution était réelle (et non examinée par hypothèse) et qu'elle s'élevait à 90% après la fin du contrat.
Cela suffit à écarter la thèse défendue par la recourante (selon laquelle les ventes ne se seraient pas effritées au terme du deuxième contrat) et il n'y a pas lieu d'examiner les autres arguments qu'elle soulève à cet égard, notamment le fait qu'elle n'aurait pas violé son obligation de non-concurrence.
4.5.2.3. S'agissant enfin des autres " arguments " qu'elle soulève, ils sont fondés sur des affirmations essentiellement appellatoires et, partant, la Cour de céans ne sauraient entrer en matière à ce sujet. C'est notamment le cas de l'affirmation selon laquelle C.________ - en tant que nouveau distributeur - n'aurait pas su tirer profit de la clientèle déjà existante (" réelle ").
4.6. Enfin, la recourante est d'avis que la cour cantonale a violé son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.). Celle-ci n'aurait pas pris en compte des faits dûment allégués/prouvés et attribué sans motif valable davantage de crédibilité aux preuves offertes par la défenderesse (notamment pour juger de la qualification de la clientèle et pour admettre la participation de la défenderesse aux dépenses promotionnelles).
Certaines de ses critiques se confondent avec celles soulevées sous l'angle de l'art. 8 CC (cf. supra consid. 4.5.1). D'autres consistent en de simples affirmations et sont, partant, irrecevables. Quant à la critique selon laquelle les chiffres en possession des juges cantonaux n'étaient pas représentatifs de la totalité des ventes des produits " U.________ ", elle vise en réalité à démontrer que les magistrats précédents auraient apprécié les preuves de manière arbitraire (art. 9 Cst.) et il appartenait à la recourante de fournir une motivation circonstanciée dans cette perspective. Comme elle ne l'a pas fait, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ce point.
4.7. La recourante n'ayant pas démontré avoir constitué une clientèle réelle (dont la défenderesse aurait pu profiter), la question de l'éventuelle indemnité de clientèle est tranchée (par la négative) et il est superflu d'examiner les deux motivations subsidiaires fournies par la cour cantonale (non-réalisation de la condition de l'intégration de la demanderesse dans le système de vente de la défenderesse, et caractère inéquitable de l'octroi d'une indemnité de clientèle).
S'agissant enfin de la violation de l'art. 2 CC et de l'art. 18 CO, la recourante se limite à citer ces règles dans ses remarques préliminaires, sans toutefois y revenir dans la suite de son mémoire. Il n'y a donc pas lieu de s'y arrêter (cf. art. 42 al. 2 LTF).
5.
Il résulte des considérations qui précèdent que le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable et que le recours en matière civile doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1, 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.
2.
Le recours en matière civile est rejeté dans la mesure où il est recevable.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 25'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 27'000 fr. à titre de dépens.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile.
Lausanne, le 8 octobre 2019
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Kiss
Le Greffier : Piaget