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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_393/2023  
 
 
Arrêt du 13 mars 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Denys, Muschietti, Abrecht et van de Graaf. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
Ministère public de la République 
et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Yves Grandjean, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Infraction à la LStup, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 6 février 2023 
(P/8913/2017 AARP/45/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 17 octobre 2019, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a condamné A.________, pour infraction à l'art. 86 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux du 15 décembre 2000 (aLPTh; RS 812.21), à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à 100 fr. le jour, ainsi qu'à une amende de 2'400 francs. 
 
B.  
Par arrêt du 20 avril 2020, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel formé par A.________ contre ce jugement et a confirmé celui-ci. 
Il en ressort ce qui suit. 
 
B.a. A.________, de nationalité suisse, est né en 1945. Il est médecin à la retraite, mais exerce encore en qualité de médecin-conseil au sein de l'association B.________, dont il est le vice-président.  
Il n'a pas d'antécédents. 
 
B.b. D.________, née en 1930, a fait établir devant notaire, le 9 décembre 2015, une déclaration selon laquelle elle demandait à B.________ de l'aider à mettre fin à ses jours, exposant ce qui suit:  
 
" Je ne pourrai supporter psychiquement la perspective de survivre à mon mari et prends dès lors les mesures qui s'imposent pour faire face à mon désarroi en cas de survie à mon mari. Je demande alors à B.________ de me prêter assistance pour mettre fin à mes jours dans ce monde, sans délai ".  
 
B.c. Le 24 mars 2017, C.________, médecin traitant de D.________, a établi une attestation médicale selon laquelle cette dernière possédait "sa capacité de discernement pour l'établissement des directives anticipées et de mesurer les tenants et les aboutissants d'un suicide assisté en cas de maladie grave, débilitante et incurable".  
 
B.d. Le 18 avril 2017, D.________ - qui était alors âgée de 86 ans, se trouvait en bonne santé compte tenu de son âge et ne souffrait d'aucune maladie - a mis fin à ses jours en même temps que son époux, avec l'aide de l'association B.________. Elle a, pour ce faire, ingéré du pentobarbital de sodium, qui lui avait été prescrit par ordonnance médicale de A.________ du 10 avril 2017.  
 
C.  
Par arrêt du 9 décembre 2021 (6B_646/2020), le Tribunal fédéral a admis le recours formé par A.________ contre l'arrêt du 20 avril 2020, celui-ci ayant été annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
En particulier, le Tribunal fédéral a jugé que la condamnation du recourant, du chef de l'art. 86 al. 1 let. a aLPTh, était contraire au droit fédéral, une telle condamnation s'avérant exclue en tant qu'elle portait sur la seule prescription d'une substance létale à une personne en bonne santé, capable de discernement et désireuse de mourir, un tel comportement n'étant en effet pas appréhendé par la LPTh (cf. arrêt 6B_646/2020 précité consid. 1.6). 
Il appartenait néanmoins à la cour cantonale d'examiner, dans le cadre du renvoi ordonné, s'il demeurait possible, sur le plan procédural, d'opérer une appréciation juridique différente, reposant en particulier sur la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup; RS 812.121). Dans cette éventualité, il lui appartiendrait encore d'examiner si le comportement du recourant était appréhendé par cette loi (cf. arrêt 6B_646/2020 précité consid. 2). 
 
D.  
Statuant par arrêt du 6 février 2023, ensuite du renvoi ordonné, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a admis l'appel formé par A.________ contre le jugement du 20 avril 2020 et a annulé celui-ci. Elle a au surplus acquitté A.________ du chef d'infraction à l'art. 20 al. 1 let. e LStup. 
 
E.  
Le Ministère public de la République et canton de Genève forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 6 février 2023. Il conclut à sa réforme en ce sens que A.________ est condamné, avec suite de frais et dépens, pour infraction au sens de l'art. 20 al. 1 let. e LStup, subsidiairement de l'art. 19 al. 1 let. c LStup, et qu'il est condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende, à 100 fr. le jour, ainsi qu'à une amende de 2'400 francs. 
Invité à se déterminer, A.________ ne présente pas d'observations. 
 
F.  
Le 13 mars 2024, le Tribunal fédéral a délibéré sur le présent recours en séance publique. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Il est renvoyé, d'une manière générale, aux considérants de l'arrêt 6B_646/2020 du 9 décembre 2021, en particulier en tant qu'ils décrivent le cadre juridique suisse entourant la problématique de l'assistance au suicide et son historique (cf. arrêt 6B_646/2020 précité consid. 1.3 et suivants). 
À ces égards, il est désormais constant que le comportement de l'intimé n'est pas susceptible d'être appréhendé sous le prisme des infractions décrites dans le CP, ni de celles contenues dans la LPTh, seule demeurant discutée en l'état une éventuelle condamnation de l'intimé à titre d'infractions au sens de la LStup. 
 
2.  
Si le recourant conteste en effet, en tant qu'accusateur public, principalement l'acquittement de l'intimé du chef de l'infraction décrite à l'art. 20 al. 1 let. e LStup, il ne s'oppose pas en revanche, et en toute logique, à l'argumentation de la cour cantonale en tant que celle-ci a estimé qu'aucun motif procédural ne faisait en l'occurrence obstacle à une condamnation de l'intimé au titre de la LStup (cf. arrêt attaqué, consid. 1.2.7 p. 9). 
 
2.1. Dans l'arrêt attaqué, il a ainsi été jugé que, même si l'accusation n'avait initialement porté que sur l'infraction décrite à l'art. 86 al. 1 let. a aLPTh, une appréciation juridique divergente demeurait possible en procédure d'appel, en application de l'art. 344 CPP, la cour cantonale ayant relevé, d'une part, que les faits décrits dans l'acte d'accusation étaient également susceptibles d'être abordés sous l'angle de l'art. 20 al. 1 let. e LStup, sans qu'il fût nécessaire d'y opérer un quelconque complément ou modification, et, d'autre part, que les parties avaient été informées de la nouvelle qualification juridique envisagée, de sorte qu'elles avaient pu se prononcer à ce sujet (cf. arrêt attaqué, consid. 1.2.5 p. 8).  
De même, selon la cour cantonale, une éventuelle condamnation de l'intimé du chef de l'art. 20 al. 1 let. e LStup ne serait pas contraire au principe de l'interdiction de la reformatio in pejus (cf. art. 391 al. 2, 1re phrase, CPP), étant observé que l'infraction nouvellement qualifiée était passible de la même peine-menace que celle prévue par l'art. 86 al. 1 let. a aLPTH, dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2018, à savoir une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire (cf. art. 333 al. 2 let. b et al. 5 CP), les deux infractions consacrant donc des délits (cf. art. 10 al. 3 CP). Rien ne permettait non plus de retenir que la réputation de l'intimé souffrirait davantage d'une condamnation fondée sur la LStup plutôt que sur la LPTh (cf. arrêt attaqué, consid. 1.2.6 p. 8 s.).  
 
2.2. Cela étant relevé, il n'y a pas matière à examiner plus avant ces différents aspects, dès lors que le recours doit être rejeté pour les motifs qui suivent (cf. consid. 3 infra).  
 
3.  
Le recourant soutient que la faculté de prescrire des stupéfiants, conférée aux médecins par l'art. 11 LStup, n'a pas été conçue pour permettre à ceux-ci de mettre en oeuvre une assistance au suicide, en dehors de tout cadre y relatif. Il en déduit que la prescription d'une substance létale (pentobarbital de sodium), considérée comme un stupéfiant, à une personne en bonne santé, en vue de son suicide, consacre une infraction au sens de l'art. 20 al. 1 let. e LStup, l'énoncé de fait légal visant précisément les médecins qui prescrivent des stupéfiants en dehors des cas prévus par l'art. 11 LStup
 
3.1. Une peine ou une mesure ne peut être prononcée qu'en raison d'un acte expressément réprimé par la loi (art. 1 CP). Le principe de la légalité ( nulla poena sine lege) est aussi ancré expressément à l'art. 7 CEDH. Il se déduit également des art. 5 al. 1, 9 et 164 al. 1 let. c Cst. (ATF 148 IV 234 consid. 3.5; 147 II 274 consid. 2.1.1; 145 IV 470 consid. 4.5 et les références citées). Le principe est violé lorsque quelqu'un est poursuivi pénalement en raison d'un comportement qui n'est pas visé par la loi; lorsque l'application du droit pénal à un acte déterminé procède d'une interprétation de la norme pénale excédant ce qui est admissible au regard des principes généraux du droit pénal; ou si quelqu'un est poursuivi en application d'une norme pénale qui n'a pas de fondement juridique. Le principe s'applique à l'ensemble du droit pénal. Il n'exclut pas une interprétation extensive de la loi à la charge du prévenu (ATF 148 IV 234 consid. 3.5; 147 II 274 consid. 2.1.1; 145 IV 470 consid. 4.5 et les références citées; 138 IV 13 consid. 4.1).  
La loi doit être formulée de manière telle qu'elle permette au citoyen de s'y conformer et de prévoir les conséquences d'un comportement déterminé avec un certain degré de certitude dépendant des circonstances. L'exigence de précision de la base légale ne doit cependant pas être comprise d'une manière absolue. Le législateur ne peut pas renoncer à utiliser des définitions générales ou plus ou moins vagues, dont l'interprétation et l'application sont laissées à la pratique. Le degré de précision requis ne peut pas être déterminé de manière abstraite. Il dépend, entre autres, de la multiplicité des situations à régler, de la complexité ou de la prévisibilité de la décision à prendre dans le cas particulier, du destinataire de la norme, ou de la gravité de l'atteinte aux droits constitutionnels. Il dépend aussi de l'appréciation que l'on peut faire, objectivement, lorsque se présente un cas concret d'application (ATF 148 IV 234 consid. 3.5; 147 II 274 consid. 2.1.1; 145 IV 470 consid. 4.5 et les références citées; 139 I 72 consid. 8.2.1; 138 IV 13 consid. 4.1; arrêt 6B_280/2022 du 14 avril 2023 consid. 8.1). 
 
3.2. En l'occurrence, le grief soulevé par le recourant suppose de déterminer, sous l'angle du principe de la légalité, si le comportement du médecin qui prescrit du pentobarbital de sodium (Natrium Pentobarbital [NaP]) à une personne en bonne santé, aux fins de lui fournir une assistance au suicide, est appréhendé pénalement par la LStup, singulièrement par les art. 11 et 20 al. 1 let. e LStup.  
 
3.2.1. Aux termes de l'art. 1 LStup, cette loi a pour but de prévenir la consommation non autorisée de stupéfiants et de substances psychotropes, notamment en favorisant l'abstinence (let. a), de réglementer la mise à disposition de stupéfiants et de substances psychotropes à des fins médicales ou scientifiques (let. b), de protéger les personnes des conséquences médicales et sociales induites par les troubles psychiques et comportementaux liés à l'addiction (let. c), de préserver la sécurité et l'ordre publics des dangers émanant du commerce et de la consommation de stupéfiants et de substances psychotropes (let. d) ainsi que de lutter contre les actes criminels qui sont étroitement liés au commerce et à la consommation de stupéfiants et de substances psychotropes (let. e).  
Il doit en être déduit que la loi ne vise pas exclusivement à protéger la santé des personnes, en tant qu'individus, mais s'étend également, en particulier au regard des conséquences importantes que peuvent avoir les troubles liés à l'addiction, notamment à la préservation de la santé publique ainsi que de l'ordre et de la sécurité publics (GUSTAV HUG-BEELI, Kommentar zum Bundesgesetz über die Betäubungsmittel und die psychotropen Stoffe, 2016, no 5 ad art. 1 LStup).  
 
3.2.2. Au sens de la LStup, l'on entend par stupéfiants les substances et préparations qui engendrent une dépendance et qui ont des effets de type morphinique, cocaïnique ou cannabique, et celles qui sont fabriquées à partir de ces substances ou préparations ou qui ont un effet semblable à celles-ci (art. 2 let. a LStup). La notion de substances psychotropes recoupe quant à elle les substances et préparations engendrant une dépendance qui contiennent des amphétamines, des barbituriques, des benzodiazépines ou des hallucinogènes tels que le lysergide ou la mescaline ou qui ont un effet semblable à ces substances ou préparations (art. 2 let. b LStup).  
Le Département fédéral de l'intérieur (DFI) établit la liste des stupéfiants, des substances psychotropes, des précurseurs et des adjuvants chimiques; à cet effet, il se fonde en principe sur les recommandations des organisations internationales compétentes (art. 2a LStup). Sauf disposition contraire de la loi, les dispositions relatives aux stupéfiants s'appliquent également aux substances psychotropes (art. 2b LStup). 
 
3.2.3. Selon l'art. 10 LStup, dans sa version en vigueur jusqu'au 31 janvier 2020, les médecins et les médecins-vétérinaires qui exercent leur profession sous leur propre responsabilité, au sens de la loi du 23 juin 2006 sur les professions médicales (LPMéd; RS 811.11), sont autorisés à prescrire des stupéfiants.  
L'art. 11 al. 1 LStup précise cependant que les médecins ne doivent employer, remettre ou prescrire les stupéfiants que "dans la mesure admise par la science". Selon la jurisprudence, il importe ainsi de déterminer, au regard des circonstances concrètes du cas d'espèce, si la prescription du produit stupéfiant est médicalement justifiée, que ce soit dans son principe ou dans son étendue. Ce qui est décisif, c'est de savoir si le médecin prescripteur pouvait, sur la base d'un examen médical, arriver à la conviction que l'utilisation du stupéfiant était admissible (arrêt 6B_288/2016 du 13 mai 2016 consid. 3.4 et les références citées). Il est en effet impératif, afin d'exclure le risque d'une prescription infondée de stupéfiants, que celle-ci soit précédée d'un examen médical, le médecin ne pouvant en tout cas pas se fier aux seules indications du patient ou d'une tierce personne (arrêt 6B_288/2016 précité consid. 3.4; HUG-BEELI, op. cit., nos 36 et 38 ad art. 11 LStup).  
Au reste, en tant que l'art. 26 al. 1 aLPTh se réfère, s'agissant de la prescription et de la remise de médicaments, au respect des "règles reconnues des sciences pharmaceutiques et médicales", il est rappelé que cette exigence se recoupe avec celle de l'art. 11 al. 1 LStup (arrêt 6B_646/2020 précité consid. 1.4.5 et les références citées). Pour autant, il doit être admis que la prescription de médicaments, contenant des substances soumises à contrôle en vertu de la législation sur les stupéfiants, est subordonnée à au moins une exigence supplémentaire par rapport à celle de médicaments ne contenant pas de telles substances, les médecins ne pouvant en effet en prescrire qu'aux patients qu'ils ont examinés eux-mêmes (cf. art. 46 al. 1 de l'ordonnance sur le contrôle des stupéfiants [OCStup; RS 812.121.1]). Dans ce contexte, alors que l'art. 26 al. 2 LPTh prévoit qu'un médicament ne doit être prescrit que si l'état de santé du consommateur ou du patient est connu, il a déjà été observé que la législation en matière de stupéfiants se révèle dès lors plus étendue, à l'égard de la prescription de stupéfiants, que celle concernant les produits thérapeutiques, ce qui justifie qu'elle entre en ligne de compte en l'espèce (cf. art. 1b, 2e phrase, LStup; arrêt 6B_646/2020 précité consid. 1.5.2). 
 
3.2.4. Sur le plan pénal, l'art. 20 al. 1 let. e LStup punit d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire le médecin ou le médecin-vétérinaire qui prescrit des stupéfiants en dehors des cas prévus à l'art. 11 LStup.  
Cette disposition, tout comme les autres infractions décrites à l'art. 20 LStup, poursuit un objectif de protection générale de la santé des patients et des consommateurs (arrêt 2C_657/2018 du 18 mars 2021 consid. 10.3, non publié aux ATF 147 I 354; PETER ALBRECHT, Die Strafbestimmungen des Betäubungsmittelgesetzes [Art. 19-28 BetmG], 3e éd., 2016, no2 ad art. 20 LStup). Dans cette mesure, ce n'est donc que de manière indirecte qu'un particulier est protégé dans ses propres droits, celui-ci ne pouvant notamment pas se constituer partie plaignante, au regard de l'art. 115 al. 1 CPP, dans une procédure pénale ouverte pour une infraction au sens de l'art. 20 LStup (arrêt 6B_1181/2013 du 13 juin 2014 consid. 3.2.2; GRODECKI/JEANNERET, Petit commentaire LStup, Dispositions pénales, 2022, no2 ad art. 20 LStup).  
Dans le contexte des art. 11 al. 1 et 20 al. 1 let. e LStup, la prescription de substances stupéfiantes par un médecin est donc sanctionnée pénalement si elle n'est pas indiquée sur le plan médical ou si, en cas d'indication thérapeutique, les doses prescrites sont trop élevées selon ce qui est généralement reconnu par la science (GRODECKI/JEANNERET, op. cit., no2 ad art. 20 LStup; ALBRECHT, op. cit., no 15 ad art. 20 LStup; HUG-BEELI, op. cit., no 53 ad art. 20 LStup). Le consentement du patient à cet égard n'est pénalement pas pertinent, attendu que, comme on l'a vu, la disposition ne protège pas en premier lieu la santé du particulier, mais bien la santé publique en général (GRODECKI/JEANNERET, op. cit., n° 27 ad art. 20 LStup; FINGERHUTH/ SCHLEGEL/JUCKER, BetmG Kommentar, 3e éd., 2016, nos 13 et 18 ad art. 20 LStup).  
À titre illustratif, se rend coupable de l'infraction décrite à l'art. 20 al. 1 let. e LStup le médecin qui se limite à valider des formulaires à la suite de commandes sur internet de substances stupéfiantes, sans voir le patient (arrêt 6B_288/2016 du 13 mai 2016 consid. 5, publié in: RSJ 112/2016 p. 337). Il en va de même du médecin qui prescrit une très grande quantité de pilules amincissantes à une patiente (plus de 900 pilules) alors qu'il sait qu'elle ne souffre pas d'obésité et que celles-ci sont en réalité destinées à des tiers qu'il n'a pas examinés (arrêt 6B_651/2010 du 20 juin 2011 consid. 5). 
 
3.3.  
 
3.3.1. Les personnes sollicitant une aide au suicide en Suisse recourent en premier lieu au pentobarbital de sodium, s'agissant d'un psychotrope de la famille des barbituriques, qui a pour effet d'endormir paisiblement le patient, avant d'entraîner sa mort (TEICHMANN/CAMPRUBI/ GERBER, Le droit au suicide médicalement assisté, in sui generis 2021, p. 117 ss, spéc. p. 120).  
La substance en question figurant sur la liste des stupéfiants, sa prescription par un médecin est rendue obligatoire, en vertu de l'art. 10 al. 1 LStup. Cette obligation légale de prescription sert en l'occurrence de protection contre les décisions irréfléchies et hâtives, attendu que c'est bien au médecin qu'il revient, avant de prescrire au suicidant la substance létale, de lui fournir une information complète et d'attester qu'il est capable de discernement (cf. art. 46 al. 1 OCStup). Comme cela ressort de l'art. 10 al. 1 LStup, qui renvoie à la LPMéd, le médecin agit à cet égard sous sa propre responsabilité professionnelle (ATF 133 I 58 consid. 6.3.2; cf. également Rapport du Conseil fédéral, Soins palliatifs, prévention du suicide et assistance organisée au suicide, juin 2011 [ci-après: Rapport du Conseil fédéral, juin 2011], p. 23). 
 
3.3.2. Ainsi que cela a déjà été relevé dans l'arrêt 6B_646/2020 précité (consid. 1.3.5), l'assistance au suicide doit être réservée, du point de vue de l'éthique médicale, au patient malade dont la fin de vie est proche ainsi que, si l'on se fie à la formulation actuelle des directives en la matière, à celui auquel la maladie ou les limitations fonctionnelles causent une souffrance jugée insupportable.  
Dans leur version du 25 novembre 2004, les directives médico-éthiques de l'Académie suisse des sciences médicales (ASSM) disposent en effet qu'il n'est pas du devoir du médecin de proposer une aide au suicide, mais qu'il a au contraire "le devoir de soulager les souffrances qui pourraient être à l'origine d'un désir de suicide" (Directives de l'ASSM, Prise en charge des patientes et patients en fin de vie, éditées en novembre 2004, puis adaptées en janvier 2013 au nouveau droit de protection de l'adulte [ci-après: Directives ASSM 2004], p. 9). Il y est à cet égard relevé que, dans ce genre de situation aux confins de la vie et de la mort, le médecin peut se retrouver face à un conflit difficile à gérer: d'une part, l'assistance au suicide ne fait pas partie de l'activité médicale, car elle est contraire aux buts de la médecine; d'autre part, le respect de la volonté du patient est fondamental dans la relation médecin-patient. Aux termes des directives, un tel dilemme exige une décision morale personnelle du médecin qui doit être respectée en tant que telle. Le médecin a ainsi, dans tous les cas, le droit de refuser d'apporter une aide au suicide (Directives ASSM 2004, ibidem).  
Si toutefois, dans des situations exceptionnelles, le médecin accepte d'apporter une aide au suicide à un patient, il lui incombe alors la responsabilité de vérifier si les exigences minimales suivantes sont réunies, étant précisé que le dernier geste du processus conduisant à la mort doit dans tous les cas être accompli par le patient lui-même: premièrement, la maladie dont souffre le patient permet de considérer que la fin de la vie est proche; deuxièmement, des alternatives de traitements ont été proposées et, si souhaitées par le patient, mises en oeuvre; troisièmement, le patient doit être capable de discernement, son désir de mourir, persistant, étant mûrement réfléchi et ne résultant pas d'une pression extérieure; ce point doit avoir été vérifié par une tierce personne, qui ne doit pas nécessairement être médecin (Directives ASSM 2004, ibidem).  
En mai 2018, l'ASSM a révisé ses directives en étendant le champ d'application de l'aide au suicide aux patients dont la maladie ou les limitations fonctionnelles tangibles causent une souffrance jugée insupportable. Les nouvelles directives précisent en outre que le médecin doit s'assurer, après des entretiens répétés, que le désir de mourir est mûrement réfléchi, qu'il ne résulte pas d'une pression extérieure et qu'il est persistant. En cas de suspicion d'une relation de dépendance problématique, son influence possible sur le désir de suicide doit être examinée soigneusement (Directives de l'ASSM, Attitude face à la fin de vie et à la mort, mai 2018 [ci-après: Directives ASSM 2018], p. 26). 
Dans un premier temps, les Directives ASSM 2018 n'ont pas été ratifiées par la Fédération des médecins suisses ( Foederatio Medicorum Helveticorum [FMH]), celles-ci n'ayant pas été incorporées dans son Code de déontologie, la FMH objectant que le critère de "souffrance insupportable" est vecteur de grandes incertitudes pour le corps médical (TEICHMANN/CAMPRUBI/GERBER, op. cit., p. 121; cf. arrêt 6B_646/2020 précité consid. 1.3.5 et les références citées; cf. aussi "Bases juridiques pour le quotidien du médecin", 2022, p. 110, consulté le 21 juin 2023 à l'adresse https://www.samw.ch/fr/Publications/Guides-pratiques.html). Toutefois, lors de sa séance du 19 mai 2022, la Chambre médicale de la FMH a approuvé les Directives ASSM 2018, dans une version remaniée, celle-ci ayant été intégrée dans le Code de déontologie de la FMH. Les précisions portent sur les points suivants: précision des troubles psychiques (les médecins ne peuvent pas apporter d'assistance au suicide si le désir de suicide constitue un symptôme actuel d'un trouble psychique pouvant être traité), continuité dans l'expression de la volonté (les médecins doivent discuter en détail avec le patient lors d'au moins deux entretiens espacés d'au moins deux semaines, des exceptions étant possibles) et précision concernant la présence de souffrance extrême (les symptômes et/ou les limitations fonctionnelles ressentis comme extrêmes par le patient doivent être objectivés par un diagnostic ou un pronostic en ce sens; cf. FMH, Procès-verbal décisionnel de la première Chambre médicale 2022, du 19 mai 2022, consulté le 11 mars 2024 à l'adresse https://bullmed.ch/article/doi/bms.2022.20913).  
 
3.3.3. Il est rappelé que, si les règles professionnelles évoquées ci-avant n'ont pas formellement qualité de loi, en tant qu'elles émanent d'organisations non gouvernementales (cf. notamment arrêt de la CourEDH [Deuxième section] Gross c. Suisse du 14 mai 2013, § 65, jamais entré en force), elles servent néanmoins de guide aux autorités cantonales de surveillance au moment de déterminer si le médecin a violé ses devoirs professionnels, en particulier, s'agissant des personnes exerçant une profession médicale universitaire sous leur propre responsabilité professionnelle, si elles ont exercé leur activité avec "soin et conscience professionnelle" (cf. art. 40 let. a LPMéd), et de prononcer à son encontre, le cas échéant, des mesures disciplinaires en vertu de l'art. 43 LPMéd (cf. en ce sens ATF 133 I 58 consid. 4.1.2 et les références citées; FRANK TH. PETERMANN, Rechtliche Überlegungen zur Problematik der Rezeptierung und Verfügbarkeit von Natrium-Pentobarbital, in: LE MÊME [éd.], Sterbehilfe, Saint-Gall 2006, p. 287 ss, spéc. p. 311). Le médecin est à cet égard passible d'une sanction qui peut aller jusqu'à une interdiction définitive de pratiquer sous sa propre responsabilité professionnelle pour tout ou partie du champ d'activité (cf. art. 43 al. 1 let. e LPMéd).  
Par ailleurs, le Code de déontologie de la FMH prévoit aussi des sanctions en cas de violation des règles contenues dans ce Code, étant observé que celui-ci renvoie expressément aux directives de l'ASSM en lien avec l'attitude face à la fin de vie et à la mort (cf. art. 18 du Code de déontologie de la FMH, consulté le 11 mars 2024 à l'adresse https://www.fmh.ch/fr/a-propos-de-la-fmh/statuts-autres-reglements.cfm). Les sanctions, qui peuvent être cumulées, comprennent notamment une amende pouvant s'élever à 50'000 fr. et l'exclusion de la société cantonale de médecine et de la FMH (cf. art. 47 du Code de déontologie de la FMH). 
 
3.4. Cela étant précisé, s'agissant en l'occurrence de la configuration particulière de l'assistance au suicide d'une personne en bonne santé (situation définie sous le terme de "Bilanzsuizid" ou "suicide-bilan"), la consommation de pentobarbital de sodium ne résulte d'aucune indication médicale, en tant qu'elle ne poursuit pas un quelconque but thérapeutique.  
Il ne saurait en effet être considéré que, dans l'hypothèse du suicide d'une personne en bonne santé, l'utilisation de cette substance stupéfiante puisse être assimilée à celle d'un médicament au sens de l'art. 4 al. 1 let. a LPTh, étant précisé que cette notion vise les produits d'origine chimique ou biologique servant notamment à diagnostiquer, à prévenir ou à traiter des maladies, des blessures et des handicaps (cf. à cet égard: THOMAS EICHENBERGER, in Basler Kommentar, Heilmittelgesetz, 2e éd., 2022, no 21 ad art. 2 LPTh; HUG-BEELI, op. cit., no 4 ad art. 1b LStup). Dans les cas de suicide-bilan de personnes en parfaite santé, il ne saurait non plus être soutenu que la prescription de la substance létale poursuive un but thérapeutique au sens large, qui serait lié à la volonté d'abréger les souffrances découlant d'une maladie (sur la notion de soulagement au sens de la LPTh, cf. EGGENBERGER STÖCKLI/KESSELRING, in Basler Kommentar, Heilmittelgesetz, 2e éd., 2022, nos 20, 23 ad art. 4 LPTh). C'est à cet égard le lieu de rappeler qu'aucun médicament à usage humain renfermant du pentobarbital n'est autorisé par Swissmedic à l'heure actuelle (TEICHMANN/ CAMPRUBI/GERBER, op. cit., p. 120).  
Dans le même sens, comme on l'a vu sur le plan des règles déontologiques (cf. consid. 3.3.2 supra), l'ASSM considère que, si la volonté du patient est fondamentale dans la relation médecin-patient, l'assistance au suicide ne constitue néanmoins pas en soi une activité médicale, car elle est contraire aux buts de la médecine. De façon similaire, en janvier 2008, la FMH avait émis une prise de position, faisant référence à l'arrêt publié aux ATF 133 I 58, par laquelle elle exprime qu'à ses yeux, "l'assistance au suicide", en tant qu'elle est indépendante d'une affection médicale, "n'est pas une activité médicale", opérant ainsi une distinction avec "l'aide au décès", à savoir la prise en charge des patients en fin de vie (soins palliatifs), qui constitue à l'inverse "une tâche médicale primordiale". Elle avait du reste précisé que, confronté à une demande d'assistance au suicide, "le médecin peut [néanmoins], fondé sur son libre arbitre, faire intervenir ses compétences professionnelles, soit pour évaluer la capacité de discernement, soit pour prescrire un produit létal" (cf. Prise de position de la FMH, "L'assistance au suicide n'est pas l'aide au décès", consulté le 11 mars 2024 à l'adresse https://www.fmh.ch/files/ pdf20/Prise_de_position_de_la_fmh_Directives_Attitude_face_a_la_fin_de_vie_et_a_la_mort.pdf).  
 
3.5. En l'espèce, la cour cantonale est parvenue à la conclusion que, si la LStup visait en particulier à réglementer la mise à disposition de stupéfiants à des fins médicales et scientifiques ainsi qu'à lutter contre les addictions, cette loi n'avait en revanche pas vocation à régler les conditions auxquelles un médecin pouvait prescrire une substance létale à une personne en bonne santé.  
Ces questions ne relevaient en effet pas de la "science", au regard de l'art. 11 al. 1 LStup, mais exclusivement de l'éthique et de la morale, ce qui excluait de la sorte une condamnation de l'intimé du chef d'infraction à l'art. 20 al. 1 let. e LStup (cf. arrêt attaqué, consid. 2.7.2 p. 14 s.). 
 
3.6. Cette approche doit être suivie.  
 
3.6.1. Comme on l'a vu (cf. consid. 3.4 supra), dès lors que, s'agissant d'un patient en bonne santé, l'usage de pentobarbital de sodium ne poursuit pas le but d'abréger ou de soulager de quelconques souffrances, cet acte ne relève d'aucune indication médicale. Il ne saurait pas davantage être considéré que, dans une telle configuration, l'utilisation de ce psychotrope serve à lutter contre un trouble psychique ou comportemental, par hypothèse lié à une addiction, une personne en bonne santé n'étant, par définition, pas affectée d'un tel trouble.  
En cela, ainsi que cela avait déjà été relevé dans l'arrêt 6B_646/2020 précité (consid. 1.3.5 in fine), la prescription de pentobarbital de sodium à une personne reconnue comme étant en bonne santé, et la licéité d'une telle démarche, ne doivent donc pas être appréhendées en se référant à l'état des connaissances médicales ou pharmacologiques, non plus que de la science, ces aspects relevant ici exclusivement de conceptions éthiques et morales.  
 
3.6.2. Cela étant observé, on rappellera qu'il ne fait l'objet d'aucune controverse, sous l'angle médical et scientifique, sur le fait que l'usage de pentobarbital de sodium, en une quantité adéquate, permet au patient de parvenir à une mort paisible. Dans cette mesure, la législation sur les stupéfiants, et la jurisprudence y afférente, admettent d'ailleurs la prescription de cette substance à des fins létales, un tel acte relevant en soi d'une démarche reconnue comme admissible sur le plan "des sciences médicales et pharmaceutiques" (cf. ATF 133 I 58 consid. 4; Rapport du Conseil fédéral, juin 2011, p. 22), étant rappelé que l'obligation de prescription médicale permet en l'occurrence de préserver, de manière générale, la santé et la sécurité publiques, ainsi que - en lien avec l'assistance au suicide - de prévenir les infractions et de lutter contre les risques d'abus qui y sont liés (cf. ATF 133 I 58 consid. 6.3.2).  
Dès lors, dans ce contexte, il faut admettre qu'indépendamment de l'état de santé du patient, le médecin, qui consent à lui prescrire du pentobarbital de sodium, ne contrevient pas, par ce seul acte, aux buts de protection de la santé publique, et de préservation de l'ordre public, visés par la LStup. Une approche contraire reviendrait du reste à tolérer, de manière choquante, qu'à l'inverse de l'intimé, un médecin ayant recours à des méthodes "plus brutales" pour prêter assistance à un suicide - tels que par exemple la remise en quantité suffisante d'une substance non soumise à ordonnance médicale, voire d'une arme ou d'un autre objet susceptible de servir à un suicide -, soit pour sa part susceptible, selon les circonstances, d'échapper à toute poursuite pénale. 
 
3.6.3. Sous l'angle strict du principe de la légalité, on ne saurait non plus déduire de l'exigence contenue à l'art. 11 al. 1 LStup ("dans la mesure admise par la science") qu'elle consacre un renvoi aux règles déontologiques en matière d'assistance au suicide et, partant, à des conceptions éthiques ou morales, desquelles il faudrait en déduire une interdiction pour le médecin de prescrire du pentobarbital de sodium à une personne en bonne santé. Même si le texte de la disposition en langue allemande pourrait à première vue être compris d'une manière plus large ("nach den anerkannten Regeln der medizinischen Wissenschaften", soit "selon les règles reconnues par les sciences médicales"), on n'y distingue pas non plus l'existence d'une référence à la déontologie médicale, à tout le moins de manière suffisamment claire. Il est bien plus déterminant de constater que le texte légal, dans chacune de ses versions linguistiques, s'attache à la notion de "science (s) " ("Wissenschaften"; "scienza"), terme qui est communément défini comme se rapportant à "une connaissance exacte, universelle et vérifiable exprimée par des lois" (cf. Le Petit Robert en ligne, consulté le 11 mars 2024), et pour lequel il n'y a rien d'évident à estimer qu'il inclut des considérations éthiques ou morales, qui pourraient en l'occurrence être déduites de la déontologie professionnelle.  
Une compréhension plus large de l'art. 11 al. 1 LStup, étendue aux règles professionnelles, reviendrait par ailleurs à passer outre la volonté du législateur qui avait expressément renoncé, comme cela avait été développé dans l'arrêt 6B_646/2020 précité consid. 1.3.4, à intégrer à l'art. 115 CP les critères tels que ceux de la maladie, de la souffrance ou encore des limitations fonctionnelles liées à un handicap ou à la vieillesse. Pour leur part, les directives de l'ASSM ne sauraient constituer une base légale suffisante au sens de l'art. 1 CP pour sanctionner pénalement un médecin qui prescrit du pentobarbital de sodium à une personne en bonne santé, ces règles, comme le soulignent certains auteurs, n'ayant pas de légitimité démocratique (YVES DONZALLAZ, Traité de droit médical, Volume III, 2021, no 8357 p. 3997; PATRICK SCHAERZ, Verantwortung des Arztes im Rahmen der Suizidbeihilfe, Entscheidbeschprechung, in AJP/PJA 9/2015 p. 1308 ss, spéc. p. 1321 ss et les références citées; URSULA CASSANI, Le droit pénal suisse à l'épreuve de l'assistance au décès: problèmes et perspectives, in Médecin et droit médical, 2e éd., 2003, p. 126). 
 
3.6.4. Serait en revanche susceptible d'entrer dans le champ d'application des art. 11 al. 1 et 20 al. 2 let. e LStup le fait, pour un médecin, de prescrire un stupéfiant déterminé sans avoir au préalable personnellement examiné le patient (cf. art. 46 al. 1 OCStup). En matière d'assistance au suicide, l'obligation de prescription de pentobarbital de sodium par un médecin poursuit précisément le but de lutter contre les abus. En effet, indépendamment du fait que la prescription consacre ou non un acte médical, il appartient au médecin d'attester de ce que le suicidant est capable de discernement et de lui fournir une information complète avant de lui prescrire une substance létale, ce qui permet de prévenir les décisions hâtives et irréfléchies (cf. ATF 133 I 58 consid. 6.3.2; cf. également Rapport du Conseil fédéral, juin 2011, p. 23).  
En l'espèce, la cour cantonale a estimé qu'il y aurait éventuellement eu matière à s'interroger quant à savoir si l'intimé avait examiné à satisfaction la défunte, en particulier s'il lui avait donné une information complète et s'il s'était enquis de déterminer si elle avait pu subir une quelconque pression extérieure. L'intimé n'avait en effet rencontré personnellement la défunte qu'à deux reprises et jamais seule à proprement parler, l'époux de l'intéressée ayant à chaque fois été présent dans l'appartement (cf. arrêt attaqué, consid. 2.7.3 p. 16). Cela étant, comme l'a également observé la cour cantonale, il n'était en l'occurrence pas reproché à l'intimé d'avoir failli à son obligation d'examiner personnellement sa patiente. En effet, l'accusation a retenu, au contraire, "[qu']il n'y avait pas lieu de douter de la capacité de discernement de la patiente et de son désir de mourir", sans remettre en cause l'examen opéré par l'intimé sur ces éléments, qui devaient dès lors être considérés comme acquis (cf. arrêt attaqué, ibidem).  
 
3.6.5. Au regard de ce qui précède, il apparaît bien que le seul fait pour l'intimé d'avoir prescrit du pentobarbital de sodium, à une personne en bonne santé, capable de discernement et désireuse de mourir, ne constitue pas un comportement réprimé pénalement par l'art. 20 al. 1 let. e LStup, dès lors qu'il n'est pas établi, au regard de l'art. 11 al. 1 LStup, que l'intimé a prescrit la substance létale dans une mesure qui ne serait pas admise par la science.  
 
3.7. C'est par ailleurs en vain que le recourant fait valoir, à titre subsidiaire, que l'intimé doit être poursuivi du chef de l'art. 19 al. 1 let. c LStup dès lors qu'il aurait prescrit "sans droit" du pentobarbital de sodium à la défunte. Il est en effet constant que l'intimé a en l'occurrence prescrit la substance létale, non en qualité de particulier, mais bien en celle de médecin, autorisé à le faire en vertu de l'art. 10 al. 1 LStup. Une condamnation pénale sous cet angle s'avère dès lors également exclue.  
 
3.8. Le raisonnement opéré dans le présent arrêt appelle encore les observations suivantes.  
 
3.8.1. Certes, comme cela avait été détaillé dans l'arrêt 6B_646/2020 précité consid. 1.3.4 et 1.3.5, le Conseil fédéral, de même que les Chambres fédérales, n'ont jamais envisagé d'autoriser la prescription de pentobarbital de sodium à des personnes en bonne santé. Au cours des dernières années, le Conseil fédéral avait, au contraire, répété que, selon lui, la prescription d'une telle substance ne pouvait être envisagée qu'au bénéfice d'individus dont la fin de vie était proche. En insistant sur le fait que la législation actuelle était propre à lutter contre les abus dans ce domaine, faisant à cet égard référence au CP, à la LPTh et à la LStup, le Conseil fédéral avait d'ailleurs précisément évoqué, à titre d'abus potentiel, l'aide au suicide de personnes en bonne santé. Par ailleurs, à plusieurs reprises, le Conseil fédéral s'était référé, à propos des règles devant guider l'aide au suicide, aux directives élaborées par les organisations médicales, en particulier par l'ASSM. Or, celle-ci n'avait jamais préconisé d'aide médicale au suicide en faveur de personnes en bonne santé.  
Pour autant, ces prises de positions gouvernementales ne sauraient conduire à elles seules, à défaut de l'adoption de dispositions légales suffisamment claires, précises et prévisibles, à justifier un fondement adéquat à la condamnation pénale d'un médecin ayant prescrit du pentobarbital de sodium à une personne en bonne santé. En tant que d'aucuns pourraient tenir ce résultat pour insatisfaisant, on relèvera que c'est en premier lieu au législateur qu'il revient, le cas échéant, d'adapter les bases légales aux conceptions éthiques et morales majoritairement admises dans la société, et non au juge pénal d'apporter une interprétation particulièrement extensive aux textes légaux en vigueur, qui plus est sur un sujet aussi controversé et sensible que celui de l'assistance au suicide. 
En outre, en dépit de ce que le Conseil fédéral avait relevé quant aux difficultés à adopter "une réglementation fédérale susceptible de satisfaire une majorité de la population" (cf. Rapport du Conseil fédéral, juin 2011, p. 44 s.), on ne voit pas pour autant qu'une éventuelle révision du cadre légal en vigueur s'avère d'emblée compromise, même à défaut, en l'état, de consensus clair sur la question de l'assistance au suicide. Il est observé à cet égard que, pour leur part, les organisations professionnelles de médecins semblent en définitive être parvenues à adopter des règles déontologiques qui ont obtenu l'approbation d'une majorité. Du reste, en tant que le Conseil fédéral avait souligné que "la fixation d'un critère lié à la maladie ne pourrait jamais revêtir la précision exigée par une loi pénale et d'autre part serait de toute façon interprété de manière différente par les autorités de poursuite pénale", de sorte qu'une "modification de l'art. 115 CP prévoyant une définition de la maladie ou de la souffrance [...] ne saurait dès lors être acceptable du point de vue juridique et viable du point de vue politique" (cf. ibidem, p. 31), il pourra être rappelé que c'est précisément le rôle des autorités judiciaires, et en particulier du Tribunal fédéral à travers sa jurisprudence, de veiller à une application uniforme du droit fédéral, en précisant au besoin les contours de notions juridiquement indéterminées.  
Il apparaît par ailleurs que, du point de vue de la systématique légale, une modification ou un complément des conditions de la répression pénale de l'assistance au suicide à des personnes en bonne santé, si telle devait être la volonté du législateur, devrait, le cas échéant, intervenir dans le cadre d'une adaptation de l'énoncé de fait légal des infractions contre la vie et l'intégrité corporelle, telles que décrites dans le Code pénal (cf. art. 111-136 CP), en particulier de l'art. 115 CP dont l'objet porte déjà sur l'incitation et l'assistance au suicide. À tout le moins, il ne semble à l'inverse guère judicieux, notamment eu égard aux enjeux éthiques et moraux importants en la matière, de rattacher artificiellement la question de la répression pénale de l'assistance au suicide à des législations spéciales, telles que celles sur les produits thérapeutiques ou sur les stupéfiants, une telle démarche apparaissant au demeurant peu opportune dès lors que les situations qui doivent être appréhendées dans le contexte de l'assistance au suicide ne se limitent pas à la seule question de la prescription de substances chimiques ou biologiques destinées à provoquer la mort. 
 
3.8.2. Il est enfin précisé qu'en tout état, l'absence de répression pénale de lege lata ne signifie pas encore qu'un médecin soit libre de prescrire du pentobarbital de sodium à une personne en bonne santé, sans risquer d'engager à cet égard sa responsabilité professionnelle, que ce soit sur le plan du droit civil ou du droit administratif.  
 
4.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Il est statué sans frais (art. 66 al. 4 LTF), ni dépens, l'intimé ne s'étant pas déterminé sur le recours. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 13 mars 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
Le Greffier : Tinguely