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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
4A_314/2016, 4A_320/2016  
   
   
 
 
 
Arrêt du 17 novembre 2016  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, Présidente, Kolly et Hohl. 
Greffier : M. Piaget. 
 
Participants à la procédure 
4A_314/2016 
X.________ SA, représentée par Me Gilles Favre, 
recourante, 
contre  
Z.________, représenté 
par Me Albert J. Graf, 
intimé, 
et 
4A_320/2016 
Z.________, représenté 
par Me Albert J. Graf, 
recourant, 
contre  
X.________ SA, représentée par Me Gilles Favre, 
intimée. 
Objet 
cession d'actions au porteur non incorporées dans un papier-valeur, abus de droit, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile, du 18 février 2016. 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Du 1er avril 1998 au 30 avril 2002, Z.________ a travaillé en qualité de courtier auprès de X.________ SA (ci-après: la société), entreprise sise à V.________ et active dans le courtage financier, dont A.________ et B.________ sont administrateurs avec signature collective à deux.  
La société est dotée d'un capital-actions composé de mille actions au porteur d'une valeur de 100 fr. chacune. Lors de la constitution de la société, le 16 janvier 1998, 998 actions ont été souscrites par C.________, une par D.________ et une par E.________. 
Il résulte des constatations cantonales que, ultérieurement, A.________ et B.________ sont devenus propriétaires d'au moins 30 de ces actions. On ignore toutefois s'ils les ont acquis (directement) des fondateurs ou par l'intermédiaire d'autres vendeurs (qui auraient acquis les actions des fondateurs ou de leurs éventuels cessionnaires). 
 
A.b. Le 28 octobre 1999, A.________, B.________, Z.________ et la société ont signé un contrat intitulé  " Share sale and call option agreement " (ci-après également: la convention) qui prévoyait que A.________ et B.________ vendaient à Z.________ (l'acheteur) 30 actions au porteur de la société. Le contrat accordait également un droit d'emption à la société, qui pouvait en tout temps racheter à Z.________ ses actions, sans toutefois en avoir l'obligation.  
Selon les constatations cantonales (jugement de première instance p. 2, auquel se réfère l'arrêt entrepris let. C p. 3), la convention prescrivait ce qui suit, dans ses premiers articles: 
 
" Article 1 Sale of Shares 
Subject to the terms and conditions of this Agreement, Seller hereby sells to Purchaser hereby purchases from Seller the Purchased Shares, with all rights thereto attached. " 
(...) 
Article 3 Transfer and Delivery of the Purchased Shares 
Subject to the terms and conditions of this Agreement, Seller shall, upon receipt of the first (1st) instalment, transfer and deliver to Purchaser the certificate (s) for the Purchased Shares, with any endorsements and other documentation as may be required to convey to Purchaser full unencumbered legal title and full voting rights to the Purchased Shares. " 
L'art. 2 de la convention fixait le prix des actions achetées par Z.________ à 12'000 fr., payable par un premier acompte de 1'200 fr. échu le 30 novembre 1999, et par un second acompte de 10'800 fr. échu le 31 juillet 2000. 
 
A.c. Le prix des actions a été payé (en dehors des délais prévus) par l'acheteur, mais aucun titre, ni certificat d'actions, ne lui a été remis. L'émission de 65 certificats d'actions incorporant les 1000 actions de la société a été décidée seulement le 27 août 2004 par le conseil d'administration.  
Le 17 février 2002, Z.________ a résilié son contrat de travail avec effet au 30 avril 2002. 
Il a été retenu que A.________ et B.________ agissant pour la société ont proposé à l'acheteur de lui racheter ses actions sur la base de la valeur nette des actifs de la société au 31 décembre 2001. Plusieurs courriers ont ensuite été échangés à ce sujet, sans qu'un accord ne soit trouvé. 
Le 27 décembre 2002, la société a rappelé une nouvelle fois à Z.________ son intention de racheter ses actions. Le 12 juin 2003, elle a informé l'acheteur que la valeur des actions objet du droit d'emption se montait à 141'230 fr. L'acheteur lui a répondu qu'aucun accord n'existait entre eux à ce sujet. 
Le 24 mars 2006, Z.________ a fait notifier un commandement de payer à la société pour un montant total de 465'507 fr.95, à titre de dividendes dus pour les années 1999 à 2005, soit 3% du bénéfice net de chaque exercice. La société y a fait opposition. 
 
A.d. Le 27 novembre 2006, l'acheteur (ci-après également: le demandeur) a ouvert une action devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, concluant à la délivrance des titres, au paiement des dividendes pour les exercices 2002 à 2005, à ce qu'il soit constaté que la société doit lui verser la somme de 141'230 fr. (conclusion constatatoire), et à la mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer.  
Par jugement du 1er juin 2010, la Cour civile a déclaré irrecevable la conclusion constatatoire du demandeur et, considérant que la société avait fait usage de son droit d'emption à tout le moins dès le 27 décembre 2002, elle a rejeté les autres conclusions. 
 
B.  
 
B.a. Le demandeur, après l'échec de la conciliation et la délivrance d'une autorisation de procéder, a introduit une nouvelle action devant la Chambre patrimoniale cantonale vaudoise contre la société défenderesse le 3 janvier 2012, concluant notamment à ce que celle-ci soit condamnée à lui verser le montant de 141'230 fr. (intérêts en sus) à titre de prix minimum de rachat des actions. La défenderesse a conclu au rejet de la demande.  
Par jugement du 17 février 2015, la Chambre patrimoniale cantonale a admis la demande en tant qu'elle concernait le montant de 141'230 fr. 
 
B.b. Par arrêt du 18 février 2016, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a admis partiellement l'appel formé par la société défenderesse. Confirmant sur le principe sa condamnation à verser au demandeur le prix correspondant au rachat des actions, elle en a réduit le montant à 135'426 fr.95.  
 
C.   
La société défenderesse et le demandeur forment chacun un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 18 février 2016. 
La première conclut, principalement, à son annulation et à sa réforme en ce sens que la demande du 3 janvier 2012 soit intégralement rejetée et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouveau jugement. Elle estime que la propriété des actions n'a jamais été transférée au demandeur, que, même à admettre un tel transfert, elle n'a quoi qu'il en soit jamais entendu exercer son droit d'emption, et que, même à considérer qu'elle l'aurait exercé, la prestation du demandeur (soit la vente des actions à la société) serait objectivement et subjectivement impossible. Elle invoque une violation des art. 164 ss CO, des art. 1 et 18 CO, ainsi que des art. 20, 97 al. 1 et 119 CO
Ni la cour précédente ni le demandeur n'ont déposé des observations. 
Le second (le demandeur) conclut, principalement, à l'annulation de l'arrêt cantonal entrepris et à la confirmation du jugement de première instance, subsidiairement, à son annulation et à son renvoi à l'autorité cantonale pour nouvelle instruction et nouveau jugement. Ses critiques visent exclusivement le procédé par lequel la cour cantonale a calculé le prix des actions prétendument vendues à la société, ainsi que le point de départ de l'intérêt moratoire. Dans ce contexte, il soutient que la cour cantonale a sombré dans l'arbitraire en établissant les faits et en appréciant les preuves (art. 9 Cst.) et invoque une violation des art. 3 ss CO, des art. 102 et 104 CO et il se prévaut d'"arbitraire dans le résultat". 
La cour précédente n'a pas déposé d'observations. 
La société défenderesse a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. Le demandeur a encore déposé des observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Les deux recours en matière civile adressés au Tribunal fédéral visent la même décision cantonale et soulèvent, pour l'essentiel, les mêmes questions juridiques. Dans ces conditions, l'économie de la procédure justifie que les causes soient jointes pour être traitées dans un seul et même arrêt (cf. art. 71 LTF et 24 al. 2 PCF). 
 
2.  
 
2.1. Interjetés par la partie défenderesse qui a partiellement succombé dans ses conclusions libératoires et par la partie demanderesse qui a partiellement succombé dans ses conclusions en paiement, et dirigés contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal cantonal supérieur statuant sur recours (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), les recours en matière civile sont recevables, puisqu'ils ont été déposés dans le délai (art. 45 al. 1, 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.  
 
2.2. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 in fine).  
Le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'argumentation des parties et apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du recours et ne traite donc pas celles qui ne sont plus discutées par les parties, sous réserve d'erreurs manifestes (art. 42 al. 2 LTF; ATF 140 III 86 consid. 2 p. 88; 137 III 580 consid. 1.3 p. 584). 
 
2.3. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Le Tribunal fédéral ne peut s'écarter des faits ainsi retenus par l'autorité cantonale que s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
 
2.4. Si le Tribunal fédéral admet les recours (ou l'un d'eux), il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision (art. 107 al. 2 LTF).  
 
3.  
 
3.1. Les juges de la Chambre patrimoniale cantonale ont observé que le  " Share sale and call option agreement " du 28 octobre 1999 contenait tous les éléments objectivement essentiels du contrat de vente (personne du vendeur et de l'acheteur, détermination de la chose vendue et prix) et ils en ont conclu, en signalant que les parties n'avaient pas indiqué vouloir réserver un point pour un accord ultérieur, que le contrat était " immédiatement venu à chef ".  
Ils ont souligné qu'aucun motif (comme le versement tardif du prix de vente) ne justifiait de remettre en cause le contrat de vente. Ils ont en particulier précisé que la société ne pouvait, pour nier la qualité d'actionnaire du demandeur, invoquer le fait que celui-ci n'avait pas en sa possession les trente actions au porteur de la société, puisque cela reviendrait à se prévaloir des manquements de ses propres administrateurs (qui ont procédé à l'émission des actions plusieurs années après la conclusion du contrat de vente), ce qui serait constitutif d'un abus de droit (exercice d'un droit acquis de façon abusive). 
Les juges de la Chambre patrimoniale ont ensuite retenu que la société défenderesse avait fait valoir son droit d'emption auprès du nouvel actionnaire (propriétaire), et, selon leur compréhension de l'accord conclu le 28 octobre 1999, ils ont chiffré à 141'230 fr. la valeur des actions rachetées par la société. 
 
3.2. La Cour d'appel civile du Tribunal cantonal a noté que, certes le demandeur n'avait reçu aucun titre, mais que le contrat du 28 octobre 1999, passé en la forme écrite, satisfaisait aux conditions de la cession de créance au sens des art. 164 ss CO, ce que la société défenderesse n'avait pas contesté. Elle a toutefois d'emblée relevé que, les statuts prévoyant une cession par remise du titre, il incombait au demandeur, en l'absence de titre, de prouver non seulement la cession, mais également d'établir une chaîne ininterrompue de cessions remontant jusqu'à la fondation de la société. Si la cour cantonale a constaté que le demandeur n'avait pas apporté cette preuve, elle a admis qu'il pouvait prouver sa légitimité par un autre moyen. En l'espèce, elle a jugé que, puisque la société avait également signé le contrat du 28 octobre 1999, elle " attestait expressément qu'elle reconnaissait les vendeurs A.________ et B.________ comme titulaires des droits qui faisaient l'objet du contrat ", que le demandeur, à qui les vendeurs avaient transféré les actions, avait dès lors justifié de sa titularité auprès de la société, et qu'il fallait considérer que sa légitimité (en tant qu'actionnaire) était prouvée, de sorte qu'il était superflu de remonter jusqu'à la constitution de la société. Selon la cour cantonale, la question de l'éventuel abus de droit commis par la société n'avait dès lors plus d'objet.  
L'autorité précédente a ensuite considéré que le droit d'emption avait été correctement exercé et elle a fixé la valeur des actions rachetées par la société à 135'426 fr.95. 
 
3.3. En premier lieu, la société défenderesse soutient que le demandeur n'est pas titulaire des actions au porteur non incorporées dans un papier-valeur.  
Elle relève également que, si le contrat du 28 octobre 1999 prévoit la vente des actions au demandeur, l'actionnariat (en l'occurrence, la propriété des actions) ne lui a jamais été transféré. Elle soutient en outre que, si le demandeur avait voulu se voir reconnaître la qualité d'actionnaire, il aurait dû intenter contre les vendeurs une action en exécution du contrat du 28 octobre 1999, conformément aux art. 97 ss CO, ce qu'il n'a pas fait. Selon elle, il n'y a donc pas lieu de se poser la question de l'existence d'un éventuel droit d'emption, puisque celui-ci ne peut pas être exercé auprès d'une personne n'ayant pas la qualité d'actionnaire. 
Il convient d'examiner dans un premier temps cette critique (cf. infra consid. 4 et 5), l'examen des autres griefs (contenus dans chacun des recours) n'ayant un sens que si la qualité d'actionnaire du demandeur est retenue, c'est -à-dire en cas de transfert effectif des actions à l'acheteur (cf. infra consid. 5.3). 
 
4.  
 
4.1. Le Code des obligations part de l'idée qu'à une action au porteur correspond un papier-valeur au porteur (cf. art. 683 al. 1 CO; RITA TRIGO TRINDADE, in Commentaire romand, Code des obligations, vol. II, 2008, no 4 ad art. 683 CO). Le transfert d'une action incorporée dans un papier-valeur suit les règles sur le transfert de la propriété mobilière. Il suppose un titre d'acquisition (comme un contrat de vente), un acte de disposition (contrat réel entre le vendeur et l'acheteur par lequel le premier manifeste au second sa volonté de transférer la chose objet du contrat de vente), et un acte matériel, soit, pour les choses mobilières, le transfert de la possession du titre (en matière de droits réels, cf. arrêt 4A_81/2016 du 3 octobre 2016 consid. 2.1; spécifiquement en rapport avec l'action au porteur, cf. art. 967 al. 1 CO; ROBERT MEIER, Die Aktiengesellschaft, 3e éd. 2005, n. 5.13 p. 128).  
 
4.2. Il arrive toutefois fréquemment que l'action au porteur ne soit pas incorporée dans un papier-valeur (c'est dans ce sens que la notion d'"action au porteur" sera utilisée dans la suite du présent arrêt), soit en présence d'un droit-valeur (art. 973c CO) ou en l'absence de tout titre ou droit-valeur.  
 
4.2.1. Le transfert de l'action suit alors les règles sur la cession de créance (art. 164 CO; cf. arrêt 4A_248/2015 du 15 janvier 2016 consid. 3).  
La cession, en tant que contrat de disposition, présuppose que le cédant ait le pouvoir de disposer (  Verfügungsmacht) de la créance (en l'occurrence: du droit) qu'il entend transférer au cessionnaire (ATF 130 III 248 consid. 4.1 p. 254; à cet égard, cf. surtout infra consid. 4.2.2).  
En ce qui concerne l'exigence de forme, la cession doit impérativement résulter d'un document écrit (art. 165 CO; arrêt 4A_248/2015 déjà cité consid. 3 et 4 et les auteurs mentionnés). De ce document doit ressortir, au moins implicitement, la volonté du cédant de transférer une prétention (déterminée ou déterminable) au cessionnaire (ATF 105 II 83 consid. 2 p. 84; arrêt 4A_248/2015 déjà cité consid. 4.1; le silence du cessionnaire valant en principe acceptation de la cession [cf. art. 6 CO]). Il n'est par contre pas nécessaire que le contrat de disposition fasse explicitement référence à une " cession de créance " (ATF 131 III 217 consid. 3 p. 219). 
A noter qu'il est possible que le contrat de disposition soit concomitant à l'acte générateur d'obligations (GIRSBERGER/HERMANN, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 6e éd. 2015, no 16 ad art. 164 CO). La volonté de s'engager au transfert (acte générateur d'obligations) et celle de transférer une prétention (contrat de disposition) doivent alors ressortir de l'unique document signé par les parties. La simple déclaration écrite de la volonté de s'engager à céder ultérieurement une créance n'équivaut pas à une cession, mais constitue un acte générateur d'obligations (ATF 90 II 164 consid. 7 p. 179 s.; 88 II 18 consid. 1 p. 21).  
 
4.2.2. La question de savoir si la validité de la cession dépend de la validité de l'acte générateur (nature abstraite ou causale de la cession) est controversée. La Cour de céans a laissé cette question indécise (arrêt 4A_248/2015 déjà cité consid. 5.1). Il n'est pas nécessaire de s'en saisir en l'espèce puisque, comme on le verra, le seul examen du contrat de disposition (plus précisément: des contrats de disposition [cessions] qui se sont succédés depuis la fondation de la société) montre que le cessionnaire a échoué à apporter la preuve de sa titularité des actions au porteur (cf. infra consid. 4.4).  
 
4.2.3. Le titulaire d'actions au porteur qui n'ont pas été émises par la société ne peut être identifié que sur la base d'une chaîne ininterrompue de cessions ( eine lückenlose Zessionskette) remontant jusqu'à la fondation (PETER BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht, 4e éd. 2009, § 4 n. 126 s. et les références citées; HANS CASPAR VON DER CRONE, Aktienrecht, 2014, § 3 n. 17 p. 119; MEIER, op. cit., n. 5.9 p. 126; MARKUS VISCHER, Rechtsgewährleistung beim Unternehmenskauf, RSJ 2005 p. 238; OLIVER BLUM, Rechtsmängel bei der Übertragung von Aktien, PJA 2007 p. 697; BETTINA RUDIN, in Schweizer Aktienrecht, 2e éd. 2014, § 55 n. 55.37). Ce n'est qu'ainsi que le cessionnaire peut démontrer que le cédant a le pouvoir de disposer (  Verfügungsmacht) des actions au porteur.  
Si la chaîne a été rompue à un moment donné (une des cessions ayant été défectueuse), elle ne peut être réparée avec effet ex tuncet l'acquéreur de bonne foi n'est pas protégé (LIEBERHERR/VISCHER, Due diligence bezüglich Eigentum an den Aktien beim Aktienkauf, PJA 2016, p. 301; BÖCKLI, op. cit., § 4 n. 126). Il incombe au cessionnaire de supporter le fardeau de la preuve de cette chaîne ininterrompue (BÖCKLI, op. cit., § 4 n. 126).  
La difficulté, pour le cessionnaire, d'apporter la preuve de sa titularité des actions au porteurest la conséquence de l'absence de délivrance du papier-valeur. En effet, comme il ne peut bénéficier de la légitimation formelle (et donc des facilités de transfert) conférée par le papier-valeur à son possesseur, le cessionnaire est contraint (en tant que prétendu titulaire des actions) d'é tablir sa légitimation matérielle (soit de démontrer qu'il a le pouvoir de disposer des actions), ce qu'il ne peut faire qu'en prouvant l'existence d'un lien (ininterrompu) entre sa personne (prétendument titulaire des actions) et les fondateurs de la société. 
Le cessionnaire (prétendu acquéreur des actions) ne peut donc être dispensé de remonter jusqu'à la fondation de la société, et celle-ci, en tant que  debitor cessus (cf. arrêt 4A_75/2012 du 16 juillet 2012 consid. 2.3), ne peut lui accorder cette dispense, peu importe à cet égard qu'elle affirme, de son côté, que les cédants seraient titulaires légitimes des actions (cf. LIEBERHERR/VISCHER, op. cit., p. 298 et les auteurs cités). Il n'est en effet pas exclu que des tiers aient des droits sur les actions. Autre est la question de savoir si la société, en reconnaissant la légitimité des cédants, a adopté un comportement déloyal en niant ensuite la qualité d'actionnaire du cessionnaire (demandeur) (cf. infra consid. 5).  
 
4.3. La Chambre patrimoniale, à bien la comprendre, semble se fonder exclusivement sur le contrat générateur d'obligations pour en inférer le transfert des actions.  
C'est à bon droit que la Cour d'appel civile s'est écartée du raisonnement de la Chambre patrimoniale et qu'elle a laissé entendre, en insistant sur l'exigence de la cession de créance (au sens des art. 164 ss CO), que le transfert des actions (objet du contrat de vente) s'effectuait par un contrat de disposition. Dans une motivation des plus succinctes, elle se borne à indiquer, en faisant référence au  " Share sale and call option agreement " que " ce contrat, passé en la forme écrite, satisfait aux conditions de la cession de créance au sens des art. 164 ss CO, ce que [la société appelante] ne conteste pas " (arrêt entrepris consid. 4.3 p. 10).  
La Cour d'appel civile a toutefois violé le droit dans la suite de son raisonnement en considérant que, pour la seule raison que la cession aurait été " passé[e] en la forme écrite ", elle satisferait aux conditions des art. 164 ss CO. Il s'agissait en effet préalablement de rechercher la volonté des parties. 
Il ne résulte pas de l'arrêt attaqué que la volonté réelle des parties aurait été de s'écarter du texte contenu dans le contrat (et le demandeur ne le soutient même pas). Or, force est de constater que, selon le contrat (interprété de manière objective), les parties n'avaient pas prévu une exécution immédiate, mais une exécution différée, la livraison des actions devant survenir au moment du paiement du premier acompte. A la lumière de la jurisprudence rappelée plus haut (cf. consid. 4.2.1), il faut en conclure que l'acte signé entre les parties était nécessairement (et exclusivement) un acte générateur d'obligations (contrat de vente) et que la cession (soit le contrat de disposition opérant la promesse de céder voulu par les parties) n'est pas intervenue. 
On peut toutefois se dispenser d'approfondir cette question (et en particulier d'examiner l'affirmation de la cour cantonale selon laquelle la société n'aurait jamais contesté l'existence de la cession), le recours de la société devant être admis pour une autre raison (cf. infra consid. 4.4). 
 
4.4. Il résulte des constatations cantonales (arrêt entrepris consid. 4.3 p. 10) que les titres de la société n'avaient pas encore été émis lorsque les parties ont conclu le "  Share sale and call option agreement ", et que, selon les statuts de la société, le transfert des actions devait s'opérer par la remise du titre.  
Il ressort également de l'arrêt entrepris que le demandeur (prétendu titulaire des actions) n'a pas apporté la preuve d'une chaîne ininterrompue de cessions remontant jusqu'à la fondation de la société. 
A la lumière des considérations qui précèdent (cf. supra consid. 4.2.2), on ne peut faire aucun reproche à la cour cantonale lorsqu'elle indique, dans une conclusion intermédiaire, que le cessionnaire n'est pas parvenu à démontrer sa titularité (arrêt entrepris consid. 4.3 p. 10 fin du 2e par.). On ne peut par contre pas la suivre lorsqu'elle affirme que, dans la mesure où le demandeur a établi qu'il a acquis ses droits de ceux-là même que la société reconnaissait comme titulaires au moment de la cession (A.________ et B.________), il pouvait être identifié par la société, et que sa titularité aurai t dû être considérée comme prouvée, sans qu'il soit nécessaire de remonter jusqu'à la constitution de la société (arrêt entrepris consid. 4.3 p. 10 dernier par.). Il résulte en effet des considérations qui précèdent que ce raisonnement est erroné (cf. supra consid. 4.2.2). 
Il en résulte que la cour cantonale a violé le droit fédéral en reconnaissant que l'intimé était bien devenu titulaire des actions par l'acquisition des droits prévus par la convention du 28 octobre 1999 (sur la conclusion de l'autorité précédente, cf. arrêt entrepris consid. 4.4 p. 11). 
 
5.   
Il reste à déterminer si la société, en prenant part à la convention du 28 octobre 1999 (où elle reconnaît implicitement la qualité d'actionnaires [propriétaires] de A.________ et B.________), puis en niant cette qualité (au motif que les vendeurs, par ailleurs administrateurs de la société, n'avaient pas remis à l'acheteur les actions), a empêché le demandeur d'apporter la preuve de sa légitimité par un comportement abusif ou déloyal. 
 
5.1. L'exception de position mal acquise, seule hypothèse d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC) envisageable ici (cf. déjà le jugement de première instance résumé supra consid. 3.1), vise à éviter qu'une personne puisse exercer un droit qu'elle a acquis de manière déloyale (arrêt 4C.281/2005 du 15 décembre 2005 consid. 3.5).  
En cas d'abus de droit, il appartient au tribunal de corriger les effets de l'application (formelle) de la loi. Il s'agira parfois de déclarer inefficace le droit exercé et d'enjoindre son titulaire de rétablir la situation antérieure; mais le juge peut également décider d'adapter le contrat ou de condamner le titulaire du droit à réparer le dommage causé par son exercice (PAUL-HENRI STEINAUER, Le Titre préliminaire du Code civil, in TDPS 2009, n. 480 p. 171 et les auteurs cités). 
En l'occurrence, dans la perspective de l'art. 2 al. 2 CC, on discerne mal le droit que la société aurait exercé abusivement. On peut tout au plus envisager le droit d'exiger la preuve (pour celui qui n'en a pas la charge), découlant de la répartition du fardeau de la preuve (art. 8 CC; ATF 114 II 289 consid. 2a p. 290 s.; 105 II 143 consid. 6a/aa p. 145). On peut illustrer cette situation par l'exemple du conseil d'administration d'une société faillie qui, contrairement aux exigences légales et fautivement, n'a pas conservé sa comptabilité, ce qui a empêché le créancier cessionnaire d'apporter la preuve de la date du surendettement de la société. La doctrine majoritaire est d'avis qu'il serait abusif de s'appuyer sur la règle relative au fardeau de la preuve (art. 8 CC) et qu'il convient, pour corriger les effets de l'application (formelle) de l'art. 8 CC, de faire supporter au conseil d'administration l'échec de la preuve (HAUSHERR/JAUN, Die Einleitungsartikel des ZGB, Handkommentar, 2003, no 124 ad art. 2 CC et les références citées). 
 
5.2. En l'espèce, il s'agit de déterminer si le comportement de la société était déloyal, d'une part, en exigeant que le demandeur prouve sa légitimité alors qu'elle avait pris la décision de ne pas émettre les papiers-valeurs (cf. infra consid. 5.2.1) et, d'autre part, lorsqu'elle a nié toute légitimité du demandeur alors même qu'elle avait signé un contrat (le 28 octobre 1999) dans lequel elle considérait que les deux vendeurs étaient actionnaires de la société (cf. infra consid. 5.2.2).  
 
5.2.1. Il faut donc se demander si, en prenant la décision de ne pas émettre les actions - ce qui a eu pour conséquence que les vendeurs (également administrateurs) n'ont pas pu remettre les titres à l'acheteur -, puis en refusant de reconnaître le cessionnaire comme actionnaire, la société a adopté un comportement déloyal (à cet égard, cf. le jugement de première instance résumé supra consid. 3.1).  
A cet égard, on peut d'emblée observer que le demandeur savait, lorsqu'il a signé la convention du 28 octobre 1999, que les actions au porteur de la société n'avaient pas été émises et que, pour être considéré comme l'actionnaire légitime des trente actions objet du contrat, il devait nécessairement, s'il ne parvenait pas à obtenir l'émission des actions et leur remise, démontrer la chaîne ininterrompue des cessions depuis le jour de la fondation. A noter que le demandeur ne soutient pas qu'il aurait été dans l'impossibilité de le faire. 
Le demandeur était (ou devait être) parfaitement conscient de la preuve à fournir, et il ne saurait aujourd'hui, alors qu'il a échoué à apporter celle-ci, faire supporter cet échec à la société au motif que, en refusant de le reconnaître comme actionnaire, elle aurait adopté un comportement déloyal. 
 
5.2.2. En ce qui concerne l'attitude de la société, qui a pris part au contrat du 28 octobre 1999, on peut comprendre que l'acheteur ait pu l'interpréter comme l'expression (à tout le moins implicite) de la reconnaissance, par la société, de la qualité d'actionnaires des vendeurs (en ce sens, cf. arrêt entrepris consid. 4.3 p. 10 dernier par.).  
On doit toutefois d'emblée mettre en évidence que, même si on admettait (par hypothèse) l'existence d'un abus de droit qui résulterait du comportement de la société, on ne voit pas comment on pourrait corriger la situation en ce sens que la titularité des actions (condition préalable nécessaire à l'exercice du droit d'emption de la société) serait dorénavant reconnue au demandeur. En effet, le titulaire légitime des actions est, soit le possesseur des papiers-valeurs (alors propriétaire), soit (si l'incorporation n'a pas été réalisée) le cessionnaire pouvant justifier d'une chaîne ininterrompue de cessions (alors titulaire de l'action). La société, en tant que  debitor cessus, ne dispose d'aucun moyen pour faciliter la preuve et le juge ne saurait (contrairement à l'opinion des juges de la Chambre patrimoniale et à celle, sous-entendue, des magistrats de la Cour d'appel civile (cf. arrêt entrepris consid. 4.3 dernier par.) corriger cette situation au motif que le  debitor cessus aurait commis un abus de droit.  
Dans ce contexte, il serait plus approprié de se demander si la société, en signant la convention, ne s'est pas implicitement engagée (  inter partes) à reconnaître (avec un effet ex nunc) la légitimité du cessionnaire (cf. LIEBERHERR/VISCHER, op. cit., p. 301 et les références citées) et si, fort de ce constat, le cessionnaire pourrait prétendre à des dommages-intérêts pour cause d'inexécution de la société (art. 97 al. 1 CO). Le demandeur, qui a toujours réclamé à la société le paiement du prix des actions dont il s'estimait propriétaire, n'a toutefois fourni aucune motivation en ce sens, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner cette question (cf. art. 42 al. 1 et 2 LTF).  
La conclusion selon laquelle la cour cantonale a violé le droit fédéral en reconnaissant la titularité du demandeur (cf. supra consid. 4.4 dernier par.) ne peut donc être infirmée. Il en résulte que, le demandeur n'étant pas parvenu à prouver sa légitimité, la société ne pouvait exercer valablement son droit d'emption et, vu l'impossibilité d'un rachat des actions au porteur par la société, celle-ci ne peut être condamnée à verser le montant litigieux (prix des actions) au demandeur. 
 
5.3. Enfin, il est superflu d'examiner les arguments de la société recourante visant à convaincre qu'elle n'aurait pas exercé son droit d'emption (et que le contrat de vente prétendument conclu entre elle et le demandeur serait nul), et que ce contrat n'était quoi qu'il en soit pas valable, la prestation du demandeur (soit la livraison des actions) étant objectivement impossible, aussi bien initialement (art. 20 CO) que subséquemment (art. 119 CO) et, subsidiairement, également subjectivement impossible (art. 97 al. 1 CO).  
 
6.   
Il résulte des considérations qui précèdent que le recours en matière civile de la société doit être admis. 
Cela étant, le recours en matière civile formé par le demandeur - qui ne se prononce pas sur la question de sa légitimité, mais critique exclusivement le mode de calcul du montant auquel il estime avoir droit en tant que vendeur des actions dont il serait propriétaire - doit être rejeté. 
Les frais et dépens sont mis à la charge du demandeur, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Les causes 4A_314/2016 et 4A_320/2016 sont jointes. 
 
2.   
Le recours en matière civile de la société défenderesse est admis et l'arrêt attaqué est annulé et réformé en ce sens que la demande en paiement introduite contre elle le 3 janvier 2012 est entièrement rejetée. 
 
3.   
Le recours en matière civile du demandeur est rejeté. 
 
4.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'500 fr., sont mis à la charge du demandeur. 
 
5.   
Le demandeur versera à la société défenderesse une indemnité de 8'500 fr. à titre de dépens. 
 
6.   
La cause est retournée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de l'instance cantonale. 
 
7.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile. 
 
 
Lausanne, le 17 novembre 2016 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : Piaget