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[AZA 3] 
 
1P.783/1999 
 
       Ie C O U R D E   D R O I T   P U B L I C 
       ********************************************** 
 
24 février 2000  
 
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président, 
Jacot-Guillarmod et Favre. Greffier: M. Kurz. 
 
_________ 
 
          Statuant sur le recours de droit public 
formé par 
 
la  Commune de Crissier, représentée par Me Benoît Bovay,  
avocat à Lausanne, 
 
contre 
 
l'arrêt rendu le 12 novembre 1999 par le Tribunal administra- 
tif du canton de Vaud, dans la cause qui oppose la recourante 
à  Plakanda AWI Publicité Extérieure SA, à Lausanne, représen-  
tée par Me Pierre Louis Manfrini, avocat à Genève; 
 
          (autonomie communale; affichage) 
          Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
          les  f a i t s suivants:  
 
A.-  
Le 17 novembre 1998, Orell Füssli Externa SA  
(ci-après: OFEX) a demandé à la Municipalité de Crissier 
l'autorisation de poser deux panneaux d'affichage publicitai- 
re sur le territoire de la commune, en bordure de la route de 
Bussigny, sur une parcelle privée sise au n° 34. 
 
       Sur préavis de la police municipale, la Municipalité 
a, le 19 novembre 1998, refusé l'autorisation. Situés à 
proximité immédiate de routes à grande densité de circula- 
tion, d'un carrefour important et de plusieurs passages pour 
piétons, les panneaux publicitaires pourraient distraire les 
usagers de la route et accroître le risque d'accident. 
 
B.-  
OFEX (rachetée ensuite par Plakanda AWI SA, ci-  
après: Plakanda) a recouru contre cette décision auprès du 
Tribunal administratif du canton de Vaud, en invoquant les 
principes de la proportionnalité et de l'égalité de traite- 
ment. 
 
       Par arrêt du 12 novembre 1999, le Tribunal adminis- 
tratif a admis le recours. Les art. 6 LCR et 95 à 100 OSR 
(dont le droit cantonal ne faisait que préciser la portée) 
interdisaient, aux abords des routes, toute publicité de 
nature à compromettre la sécurité de la circulation, notam- 
ment en détournant l'attention des usagers de la route. Sous 
l'angle de la proportionnalité et de l'interdiction de l'ar- 
bitraire, la décision de refus était justifiée. La recourante 
ne pouvait invoquer l'égalité dans l'illégalité puisque l'au- 
torisation d'implantation délivrée à une concurrente n'était 
pas illégale. En revanche, le Tribunal administratif a admis 
une violation du principe de l'égalité "au sens strict": la 
Municipalité avait autorisé la pose de deux panneaux prati- 
quement en face de l'emplacement prévu par Plakanda et visi- 
bles depuis les deux bandes de circulation. Le panneau d'af- 
fichage situé à l'extérieur du carrefour en direction de 
Renens, au passage pour piétons, était davantage propre à 
détourner l'attention des automobilistes. L'emplacement li- 
tigieux se situait d'ailleurs dans la même perspective que 
des enseignes apposées à l'arrière plan. Il n'était donc pas 
soutenable de traiter la recourante différemment de sa con- 
currente. La cause était renvoyée à la Municipalité afin 
qu'elle délivre l'autorisation. 
 
C.-  
Agissant par la voie du recours de droit public  
pour violation de son autonomie, la Commune de Crissier de- 
mande au Tribunal fédéral d'annuler ce dernier arrêt. 
 
       Le Tribunal administratif se réfère aux considérants 
de son arrêt. Plakanda conclut au rejet du recours, tout en 
s'en rapportant quant à sa recevabilité. 
 
       Par lettre du 2 février 2000, le conseil de la re- 
courante a demandé que soient écartées du dossier les pièces 
produites par l'intimée avec sa réponse. 
 
C o n s i d é r a n t e n d r o i t :  
 
1.-  
Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-  
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 125 
I 412 consid. 1a p. 414; III 461 consid. 2 p. 463). 
 
       a) En vertu de l'art. 84 al. 2 OJ, le recours de 
droit public n'est recevable que dans la mesure où les griefs 
soulevés ne peuvent pas être présentés au Tribunal fédéral 
par un autre moyen de droit, tel que le recours de droit ad- 
ministratif. 
       b) Ce dernier est ouvert contre les décisions canto- 
nales qui sont fondées - ou auraient dû l'être - sur le droit 
public fédéral (art. 97, 98 let. g OJ). Il est également re- 
cevable contre des décisions fondées à la fois sur le droit 
cantonal ou communal et sur le droit fédéral, dans la mesure 
où la violation de dispositions de droit fédéral directement 
applicables est en jeu. Le recours de droit administratif 
peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris 
les droits constitutionnels (art. 104 let. a OJ; ATF 125 II 1 
consid. 2a p. 5; 497 consid. 1b/aa p. 500; 508 consid. 3a p. 
509). Une commune peut ainsi dénoncer simultanément une 
application incorrecte du droit fédéral et une violation de 
son autonomie consistant, le cas échéant, dans une ingérence 
des autorités cantonales dans le pouvoir d'appréciation qui 
lui est réservé (ATF 121 II 235 consid. 1 in fine p. 238). 
 
       Point n'est besoin de rechercher à ce stade si les 
griefs soulevés ont un rapport de connexité suffisant avec le 
droit fédéral pour figurer dans un recours de droit adminis- 
tratif. La commune recourante n'aurait de toute façon pas 
qualité pour agir. 
 
       c) Les collectivités de droit public telles que les 
communes ont en effet qualité pour exercer le recours de 
droit administratif lorsqu'une disposition de droit fédéral 
le prévoit (art. 103 let. c OJ), ou dans les cas où elles 
sont touchées directement et de la même manière qu'un parti- 
culier, ainsi que dans ceux où, touchées dans leurs attribu- 
tions de détentrices de la puissance publique, elles font 
valoir un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la 
modification de la décision attaquée (art. 103 let. a OJ). 
L'intérêt général à une application correcte du droit fédéral 
ne suffit pas. La commune dont la décision a été invalidée 
par les autorités de recours ne peut recourir dans le seul 
but de faire prévaloir sa propre opinion, quand bien même 
elle prétend être autonome dans le domaine concerné (ATF 124 
II 409 consid. 1e/bb p. 417-418 et les arrêts cités). 
 
       En l'espèce, les panneaux d'affichage installés à 
proximité des routes sont certes soumis à des règles de droit 
fédéral directement applicables (cf. consid. 2c ci-dessous). 
Les communes n'ont toutefois pas qualité pour recourir dans 
ce domaine selon l'art. 103 let. c OJ, et la Commune de 
Crissier ne se prévaut pas d'un intérêt digne de protection, 
au sens de l'art. 103 let. a OJ. Dès lors, seul le recours de 
droit public entre en considération. 
 
       d) La recourante demande de retirer du dossier les 
pièces produites par l'intimée avec sa réponse. Même si cela 
n'a pas d'incidence sur le sort de la cause, il doit être 
fait droit à cette requête, car il s'agit de pièces nouvelles 
qui n'ont pas été produites dans la procédure cantonale. 
 
2.-  
L'autonomie communale est garantie dans les li-  
mites fixées par le droit cantonal (cf. art. 50 Cst.) : plus 
précisément, la commune est autonome dans les domaines que le 
droit cantonal ne règle pas de manière exhaustive et dans 
lesquels il lui laisse une liberté de décision importante, 
soit en lui attribuant la compétence d'édicter et d'appliquer 
ses propres prescriptions, soit en lui réservant une latitude 
équivalente dans l'application du droit cantonal ou fédéral 
(ATF 124 I 223 consid. 2b p. 226/227 et les arrêts cités). Il 
suffit que cette liberté puisse s'exercer, non pas dans un 
domaine entièrement réservé à la commune, mais dans l'accom- 
plissement des tâches particulières qui sont en cause, quelle 
que soit leur base juridique. Il y a autonomie lorsque la 
commune est libre de faire des choix, sous sa propre respon- 
sabilité et en fonction d'options qu'elle définit elle-même 
Auer, Malinverni, Hottelier, Droit constitutionnel suisse,  
vol. I, Berne 2000, p. 93 n° 267). 
 
       L'existence et l'étendue de l'autonomie communale 
dans une matière concrète sont déterminées essentiellement 
par la constitution et la législation cantonales (ATF 119 Ia 
113 consid. 2 p. 115). Le législateur cantonal est habilité à 
préciser l'étendue de l'autonomie communale, voire à la res- 
treindre, dans les limites tracées par la constitution canto- 
nale (ATF 122 I 279 consid. 8b p. 290; 119 Ia 285 consid. 4c 
p. 295). Dans la mesure où son autonomie est en cause, la 
commune peut exiger que l'autorité cantonale respecte les 
limites de sa compétence et qu'elle applique correctement 
les dispositions du droit fédéral, cantonal ou communal qui 
règlent la matière (ATF 120 Ia 203 consid. 2a p. 204). Déter- 
miner si, dans un domaine juridique particulier, la commune 
jouit effectivement d'une autonomie n'est pas une question de 
recevabilité, mais de fond (ATF 120 Ia 203 consid. 2a p. 
204). 
 
       a) L'autonomie communale est reconnue, en droit vau- 
dois, à l'art. 80 Cst./VD. La loi sur les commune place no- 
tamment dans les attributions communales l'administration du 
domaine public et, dans les limites de la loi spéciale, la 
police de la circulation (art. 2 let. c). Selon l'art. 17 al. 
2 de la loi vaudoise sur les procédés de réclame (LPR), les 
communes doivent autoriser un ou plusieurs emplacements si la 
demande leur en est faite. Elles peuvent édicter un règlement 
communal d'application de la LPR, destiné à assurer notamment 
la sécurité de la circulation (art. 18 al. 1). La Commune de 
Crissier a adopté un tel règlement qui renvoie, pour les pan- 
neaux situés comme en l'espèce hors des zones d'habitation, à 
la loi cantonale. 
 
       b) Dans le cas présent, le refus opposé par la com- 
mune, et la décision contraire prise par la cour cantonale, 
sont fondés exclusivement sur des considérations relatives à 
la sécurité de la circulation routière, que la recourante 
voudrait voir prévaloir sur le principe de l'égalité de trai- 
tement. La LPR, qui a notamment pour but d'assurer la sécuri- 
té de la circulation des piétons et des véhicules (art. 1 al. 
1), interdit en son art. 4 les procédés qui peuvent porter 
atteinte à la sécurité routière. Comme le relève la cour can- 
tonale, cette disposition du droit cantonal ne fait que re- 
prendre les règles de droit fédéral. Selon l'art. 2 al. 2 
LPR, la loi cantonale régit en effet l'application dans le 
canton de l'art. 6 de la loi fédérale sur la circulation rou- 
tière (LCR, RS 741.01). Cette disposition prévoit que les ré- 
clames et autres annonces qui pourraient compromettre la sé- 
curité de la circulation, par exemple en détournant l'atten- 
tion des usagers de la route, sont interdites sur les routes 
ouvertes aux véhicules automobiles ou aux cycles, ainsi qu'à 
leurs abords. L'ordonnance sur la signalisation routière 
(OSR, RS 741.21) précise les critères applicables. Dans tous 
les cas, les "réclames routières" doivent faire l'objet d'une 
autorisation de l'autorité compétente en vertu du droit can- 
tonal (art. 95 à 100 OSR). 
 
       Ces diverses prescriptions, en particulier les art. 
95 et 96 OSR, se distinguent par leur caractère extrêmement 
détaillé: manifestement, elles sont conçues dans le but d'é- 
viter autant que possible toute incertitude sur la portée et 
les limites de l'interdiction des réclames dangereuses prévue 
par l'art. 6 LCR. Elles comportent certes quelques notions 
imprécises, toutefois de caractère exclusivement factuel 
(ainsi à l'art. 96 al. 1 OSR: notions de sommet de côte, de 
tournant sans visibilité, de passage étroit, etc.) et doivent 
être appliquées conformément au principe de la proportionna- 
lité. Mais si l'autorité compétente jouit dans ce cadre 
étroit d'un certain pouvoir d'appréciation, on ne saurait y 
voir une liberté de décision importante (arrêt non publié du 
7 décembre 1999 dans la cause Commune de La Chaux-de-Fonds, 
consid. 3a). 
       c) Dans ces conditions, même lorsque, comme en l'es- 
pèce, l'application des normes pertinentes est attribuée par 
le droit cantonal à une autorité communale, la commune ne 
dispose pas pour autant d'une autonomie suffisante dans ce 
domaine, puisqu'elle n'est pas en mesure de se déterminer 
selon des options qu'elle définit elle-même. 
 
3.-  
Le recours de droit public doit par conséquent  
être rejeté. La Commune de Crissier, qui a agi en tant que 
détentrice de la puissance publique, est dispensée du paie- 
ment de l'émolument judiciaire (art. 156 al. 2 OJ). En revan- 
che elle est tenue de verser à l'intimée, qui obtient gain de 
cause, une indemnité de dépens (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :  
 
       1. Rejette le recours de droit public. 
 
       2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
 
       3. Alloue à l'intimée une indemnité de dépens de 
1500 fr., à la charge de la Commune de Crissier. 
 
       4. Communique le présent arrêt en copie aux manda- 
taires des parties et au Tribunal administratif du canton de 
Vaud. 
___________ 
 
 
Lausanne, le 24 février 2000 
KUR/col 
                    
Au nom de la Ie Cour de droit public  
                                         
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:  
                                         
Le Président,  
  
  
Le Greffier,