Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_228/2023
Arrêt du 26 avril 2023
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,
von Werdt et Bovey.
Greffière : Mme de Poret Bortolaso.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Denise Wettstein, avocate,
recourant,
contre
B.________,
représentée par Me Daniel Trajilovic, avocat,
intimée,
1. C.________,
représenté par Me Philippe Leuba, avocat,
2. D.________,
représentée par Me Philippe Leuba, avocat.
Objet
demande de retour d'enfants,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, IIe Cour d'appel civil, du 9 mars 2023
(102 2023 5 & 6).
Faits :
A.
A.a. A.________ et B.________ sont les parents de C.________ (né en novembre 2019) et D.________ (née en avril 2022).
Les époux ont leur résidence habituelle en Israël.
A.b. En juillet 2022, la famille s'est rendue en Suisse pour rendre visite aux parents de B.________, domiciliés à U.________ (FR). Il était prévu que le père rentrerait en Israël avant la mère et les enfants, dont le retour était prévu en août 2022.
La veille du départ de son mari, B.________ l'a informé qu'elle n'avait pas l'intention de retourner en Israël avec les enfants.
B.
En août 2022, B.________ a déposé une requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles auprès de la Justice de paix de la Sarine (ci-après: justice de paix), sollicitant la modification de l'autorité parentale, du droit de déterminer le lieu de résidence des enfants et de leur garde.
Le 14 octobre 2022, statuant sur demande de B.________, la justice de paix a suspendu la procédure pendante devant elle jusqu'à droit connu sur la régularisation du domicile de B.________ et celui de ses enfants.
C.
Par l'intermédiaire de l'Autorité centrale d'Israël, A.________ a adressé le 13 novembre 2022 une requête en retour de ses enfants à l'Office fédéral de la justice.
La justice de paix en a été informée, son attention étant attirée sur le fait que les autorités de l'État dans lequel un enfant avait été déplacé ne pouvaient statuer sur le fond du droit de garde avant l'obtention d'une décision concernant la procédure de retour de l'enfant.
A.________ a décidé de ne pas ouvrir de médiation avec l'aide de l'Office fédéral de la justice.
D.
Le 13 janvier 2023, A.________ a déposé devant la II
e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg (ci-après: cour cantonale) une demande en vue du retour des mineurs en Israël, accompagnée d'une requête de mesures superprovisionnelles. Sous menace de la sanction de l'art. 292 CP en cas d'inexécution, il a conclu à ce que son épouse soit condamnée à lui confier les enfants dans un délai de maximum dix jours, à son domicile en Israël, le tout sous suite de tous les frais et dépens générés par le déplacement illicite des enfants en Suisse.
D.a. Par arrêt du 19 janvier 2023, la Présidente de la cour cantonale a partiellement admis la requête de mesures superprovisionnelles. Elle a nommé un représentant aux enfants, fait interdiction à B.________ de quitter avec ou de faire quitter la Suisse aux enfants ou de modifier leur lieu de résidence, lui a donné ordre de déposer auprès du tribunal cantonal tous les papiers d'identité des enfants, donné ordre à la police cantonale fribourgeoise de signaler dans le RIPOL et tout autre système d'information à sa disposition le risque d'enlèvement international des enfants.
D.b. B.________ a conclu au rejet de la demande déposée par son mari.
D.c. La conciliation tentée lors de l'audience du 17 février 2023 a échoué. Les parties ont en revanche abouti à un accord au sujet du droit de visite du père durant la procédure.
D.d. Statuant le 9 mars 2023, la cour cantonale a notamment rejeté la demande formée par A.________ tendant au retour des enfants en Israël (ch. I); elle a en outre, dès l'entrée en force de son arrêt, révoqué le signalement du risque d'enlèvement des enfants dans le RIPOL ou tout autre système d'information à disposition de la police cantonale (II), ordonné la remise des passeports israéliens des enfants à leur mère B.________ (III) et levé les mesures provisionnelles imposant des restrictions quant au lieu de résidence des enfants et à leur interdiction de déplacement (IV); elle a fixé l'indemnité due au curateur des enfants (V) et les frais à la charge du requérant - incluant les frais de représentation des enfants - (VI), et astreint celui-ci à verser à l'avocat de l'intimée une indemnité de dépens (VII).
E.
Agissant le 20 mars 2023 par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, A.________ (ci-après: le recourant) conclut à l'admission de son recours et à l'annulation de l'arrêt cantonal. Principalement, il demande que soit ordonné le retour de ses enfants en Israël, les frais liés au retour étant à la charge de B.________ (ci-après: l'intimée); subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision, les mesures de protection urgentes, levées par les points II à IV du dispositif de la décision entreprise, étant maintenues.
Invités à se déterminer, la cour cantonale indique n'avoir aucune observations à formuler, le curateur des enfants renonce à prendre position et l'intimée, qui sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire, conclut au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité.
F.
Par ordonnance présidentielle du 5 avril 2023, l'effet suspensif a été attribué au recours s'agissant des chiffres II à VI du dispositif de l'arrêt entrepris.
Considérant en droit :
1.
La décision statuant sur la requête en retour d'enfants à la suite d'un déplacement international est une décision finale (art. 90 LTF) prise en application de normes de droit public dans une matière connexe au droit civil, singulièrement en matière d'entraide administrative entre les États contractants pour la mise en oeuvre du droit civil étranger (art. 72 al. 2 let. b ch. 1 LTF; ATF 133 III 584 consid. 1.2; 120 II 222 consid. 2b). La II
e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg a statué en instance cantonale unique conformément à l'art. 7 al. 1 de la loi fédérale sur l'enlèvement international d'enfants et les Conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes du 21 décembre 2007 (LF-EEA; RS 211.222.32); il y a ainsi exception légale au principe du double degré de juridictions cantonales (art. 75 al. 2 let. a LTF). Le recourant, qui a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), a agi à temps (art. 100 al. 2 let. c LTF), malgré l'indication de délai erronée figurant sur la décision attaquée.
2.
2.1. Le recours en matière civile peut notamment être interjeté pour violation du droit fédéral et du droit international ( art. 95 let. a et b LTF ). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 I 73 consid. 2.1; 146 III 303 consid. 2; 142 III 364 consid. 2.4).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF); le recourant ne peut critiquer les constatations de fait que si elles ont été établies de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui entend se plaindre d'un établissement manifestement inexact - c'est-à-dire arbitraire (art. 9 Cst.; ATF 147 I 73 consid. 2.2; 144 II 246 consid. 6.7; 143 I 310 consid. 2.2 et la référence) - des faits doit se conformer au principe d'allégation (cf. art. 106 al. 2 LTF), étant rappelé que l'appréciation des preuves ne se révèle arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'une preuve propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a effectué des déductions insoutenables (ATF 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1 et la référence); les critiques appellatoires sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 IV 154 consid. 1.1; 141 IV 249 consid. 1.3.1).
2.3. L'art. 99 al. 1 LTF proscrit en principe la présentation de faits nouveaux et de preuves nouvelles devant le Tribunal fédéral.
A contrario, cette disposition n'interdit pas les moyens de droit nouveaux. Aussi la production d'avis de droit, d'extraits doctrinaux ou de jurisprudence échappe-t-elle en principe à l'interdiction des
nova, en tant que ces éléments visent à consolider l'argumentation juridique du recourant (ATF 138 II 217 consid. 2.4; arrêts 5A_847/2021 du 10 janvier 2023 consid. 2.3; 4A_492/2021 du 24 août 2022 consid. 5.1).
2.3.1. Les affidavits de la soeur et de la mère du recourant, destinés à démontrer que ni l'une ni l'autre n'ont jamais refusé d'apporter de l'aide à l'intimée lorsque celle-ci leur en demandait, constituent manifestement des moyens de preuve nouveaux; ils sont partant irrecevables.
2.3.2. L'avis de droit du Professeur E.________, que produit également le recourant à l'appui de son recours, ne tend nullement à appuyer sa motivation juridique; ce document vise en réalité à démontrer qu'en cas de retour en Israël, l'intimée ne se trouverait pas dans l'impossibilité de faire appel aux autorités afin d'obtenir le respect de sa personne et de ses droits, élément retenu par la cour cantonale pour conclure que l'on ne pouvait exiger de l'intéressée un retour avec sa fille cadette dans ce pays (
infra consid. 5.1). C'est d'ailleurs essentiellement à l'appui de son grief d'établissement arbitraire des faits que le recourant se réfère à cet avis de droit. Celui-ci doit ainsi être considéré comme un nouveau moyen de preuve qu'il convient en conséquence d'écarter.
3.
La demande introduite par le recourant vise le retour immédiat des enfants des parties vers Israël. Elle est fondée sur la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants du 25 octobre 1980 (ci-après: CLaH80; RS 0.211.230.02), convention ratifiée tant par la Suisse que par Israël et en vigueur dans ces deux États.
La CLaH80 a pour but d'assurer le retour immédiat des enfants déplacés ou retenus illicitement dans tout État contractant et de faire respecter de manière effective dans les autres États contractants les droits de garde et de visite existants dans un autre État contractant (art. 1 CLaH80). A teneur de l'art. 4 CLaH80, la Convention s'applique à tout enfant de moins de 16 ans qui avait sa résidence habituelle dans un État contractant immédiatement avant l'atteinte aux droits de garde ou de visite (art. 5 CLaH80). Le retour de l'enfant dans son pays de provenance ne peut être ordonné que si le déplacement est illicite au sens de l'art. 3 CLaH80 et si aucune des exceptions au retour prévues par l'art. 13 CLaH80 n'est réalisée.
L'illicéité du déplacement a été retenue par la cour cantonale (arrêt cantonal, consid. 2.2). Cette conclusion n'est pas contestée par l'intimée.
4.
Il s'agit donc ici uniquement de déterminer si le refus de l'autorité cantonale d'ordonner le retour des enfants, fondé sur l'art. 13 al. 1 let. b CLaH80, est conforme au droit, ce que conteste le recourant.
Lorsqu'un enfant a été déplacé ou retenu illicitement, l'autorité saisie ordonne en principe son retour immédiat (art. 1 let. a, 3 et 12 al. 1 CLaH80), à moins notamment que l'une des exceptions prévues à l'art. 13 CLaH80 ne soit réalisée (arrêts 5A_954/2021 du 3 janvier 2022 consid. 5.1.1; 5A_162/2019 du 24 avril 2019 consid. 4.1; 5A_717/2016 du 17 novembre 2016 consid. 4.3 et les références).
4.1. La première exception prévue à l'art. 13 al. 1 let. a CLaH80 prévoit que l'autorité judiciaire de l'État requis n'est pas tenue d'ordonner le retour de l'enfant lorsque le parent ravisseur qui s'oppose à ce retour établit que l'autre parent, qui avait le soin de l'enfant, n'exerçait pas effectivement le droit de garde à l'époque du déplacement, ou avait consenti ou avait acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non-retour. La cour cantonale a écarté la réalisation de cette condition; l'intimée ne le conteste pas.
4.2. Selon l'art. 13 al. 1 let. b CLaH80, seconde exception sur laquelle s'est fondée la cour cantonale, l'autorité judiciaire de l'État requis n'est pas tenue d'ordonner le retour de l'enfant lorsqu'il existe un risque grave que ce retour ne l'expose à un danger physique ou psychique ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable. Seuls des risques graves doivent être pris en considération, à l'exclusion de motifs liés aux capacités éducatives des parents, dès lors que la CLaH80 n'a pas pour but de statuer au fond sur le sort de l'enfant, notamment sur la question de savoir quel parent serait le plus apte à l'élever et à prendre soin de lui. La procédure de retour tend uniquement à rendre possible une décision future à ce propos (art. 16 et 19 CLaH80; ATF 133 III 146 consid. 2.4; 131 III 334 consid. 5.3).
4.2.1. L'application de l'art. 13 al. 1 let. b CLaH80 est précisée par l'art. 5 LF-EEA, qui énumère une série de cas dans lesquels le retour de l'enfant ne peut plus entrer en ligne de compte parce qu'il placerait celui-ci dans une situation manifestement intolérable (Message du 28 février 2007 concernant la mise en oeuvre des conventions sur l'enlèvement international d'enfants ainsi que l'approbation et la mise en oeuvre des conventions de La Haye en matière de protection des enfants et des adultes, FF 2007 2433, n° 6.4, p. 2462 [cité: Message LF-EEA]). Il s'agit notamment des cas dans lesquels les conditions cumulatives suivantes sont réunies: 1° le placement auprès du parent requérant n'est manifestement pas dans son intérêt (let. a); 2° le parent ravisseur, compte tenu des circonstances, n'est pas en mesure de prendre soin de l'enfant dans l'État dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle au moment de l'enlèvement ou que l'on ne peut manifestement pas l'exiger de lui (let. b); 3° le placement auprès de tiers n'est manifestement pas dans l'intérêt de l'enfant (let. c; arrêts 5A_850/2022 du 1er décembre 2022 consid. 3.2.1.1; 5A_96/2022 du 21 mars 2022 consid. 5.1 et les références citées; 5A_479/2012 du 13 juillet 2012 consid. 5.1; 5A_583/2009 du 10 novembre 2009 consid. 4, in: SJ 2010 I p. 151).
4.2.2. S'agissant plus particulièrement de la séparation de l'enfant et du parent ravisseur, il faut avant tout tenir compte du fait que le critère du retour intolérable dans le pays d'origine concerne l'enfant lui-même, et non les parents. Cela signifie que le retour peut entraîner, selon les circonstances, une séparation entre l'enfant et sa personne de référence, séparation qui ne constitue pas encore à elle seule une cause de refus du retour (ATF 130 III 530 consid. 3).
Le Tribunal fédéral retient que la séparation avec l'actuelle personne de référence - presque toujours identique au parent ravisseur dans les affaires d'enlèvement - n'est pas en soi un motif d'exception au retour au sens de l'art. 13 al. 1 let. b CLaH80, la situation des nourrissons et des jeunes enfants, au moins jusqu'à l'âge de deux ans, doit néanmoins être réservée, le caractère intolérable de la séparation étant reconnu dans tous les cas (arrêt 5A_850/2022 précité consid. 3.2.1.2 et les références).
4.2.3. Lorsque la séparation est intolérable, il convient cependant de vérifier s'il n'est pas possible d'imposer au parent ravisseur qu'il raccompagne lui-même l'enfant (art. 5 let. b LF-EEA), un placement auprès de tiers ne devant constituer qu'une
ultima ratio, dans des situations extrêmes, si la séparation du parent resté en Suisse est supportable pour l'enfant et si la famille nourricière disposée à accueillir l'enfant offre toute garantie quant à la protection et au développement normal de ce dernier (art. 5 let. c LF-EEA; arrêt 5A_850/2022 précité consid. 3.2.1.2 et la référence). Lorsque le parent ravisseur, dont l'enfant ne devrait pas être séparé, crée lui-même une situation intolérable pour l'enfant en refusant de le raccompagner, alors que l'on peut l'exiger de lui, il ne peut pas invoquer la mise en danger de l'enfant à titre d'exception au retour; à défaut, le parent ravisseur pourrait décider librement de l'issue de la procédure de retour (ATF 130 III 530 consid. 2). Un retour du parent ravisseur avec l'enfant, au sens de l'art. 5 let. b LF-EEA, ne peut, par exemple, pas être exigé si ce parent s'expose à une mise en détention, ou s'il a noué en Suisse des relations familiales très solides, notamment après un nouveau mariage. Il doit s'agir toutefois de situations exceptionnelles, dans lesquelles il ne peut être raisonnablement exigé du parent ravisseur qu'il retourne dans le pays de dernière résidence de l'enfant aux fins d'y attendre qu'il soit jugé définitivement sur les droits parentaux. Le caractère intolérable du retour de l'enfant doit, dans tous les cas, être établi clairement, à défaut de quoi le retour doit être ordonné (parmi plusieurs: arrêts 5A_850/2022 précité consid. 3.2.1.2; 5A_643/2020 du 11 septembre 2020 consid. 5.1.2.2 et les références).
4.2.4. Il s'agit de préciser que la CLaH80 n'exige pas que le retour de l'enfant s'effectue à un endroit précis de l'État de sa résidence habituelle. Cette flexibilité est délibérée et consolide la notion sous-jacente selon laquelle il appartient à l'autorité ou au tribunal compétents de l'État de la résidence habituelle de déterminer qui s'occupera de l'enfant conformément à la loi qui régit le droit de garde, et de prendre toute décision pouvant s'appliquer entre les parents ou d'autres personnes intéressées (PEREZ-VERA, Rapport explicatif, in Conférence de La Haye de droit international privé, Actes et documents de la Quatorzième session, tome III, § 110; également: Conférence de La Haye de droit international privé, Convention Enlèvement d'enfants de 1980, Guide de bonnes pratiques, Partie VI Article 13 (1) (b), § 20; cf. notamment les arrêts 5A_162/2019 du 24 avril 2019 consid. 6.3; 5A_936/2016 du 30 janvier 2017 consid. 6.3.2 et les références).
Dans l'appréciation des circonstances visées par l'art. 13 CLaH80, les autorités judiciaires ou administratives doivent tenir compte des informations fournies par l'Autorité centrale ou toute autre autorité compétente de l'État de la résidence habituelle de l'enfant sur sa situation sociale (art. 13 al. 3 CLaH80). L'art. 10 al. 2 LF-EEA précise que le tribunal doit vérifier, au besoin avec la collaboration de l'autorité centrale, si et de quelle manière il est possible d'exécuter la décision ordonnant le retour de l'enfant dans l'État dans lequel il avait sa résidence habituelle au moment de l'enlèvement. Il peut ainsi être nécessaire de recueillir auprès d'un organisme neutre des informations sur l'endroit où l'enfant est censé vivre à son retour. Si ces informations ne sont pas satisfaisantes au regard de l'intérêt de l'enfant, il y a lieu de demander aux autorités compétentes dans l'État de provenance si elles sont disposées à ordonner ou à garantir les mesures nécessaires à la protection de l'enfant. Pour pouvoir statuer sur la demande de retour, le tribunal compétent doit avoir une connaissance aussi complète que possible des conditions d'accueil qui attendent l'enfant (Message LF-EEA, p. 2467).
5.
La cour cantonale a examiné la situation de chaque enfant séparément, concluant pour l'un et l'autre au caractère intolérable du retour.
5.1. Les juges cantonaux se sont d'abord déterminés sur le retour de la fille cadette des parties.
5.1.1. Relevant que D.________ était âgée de dix mois seulement, ils ont considéré que sa personne de référence était sa mère exclusivement, ce non seulement parce qu'elle vivait auprès d'elle depuis le mois de juillet 2022, mais également parce que, selon les déclarations des parties, c'est exclusivement l'intimée qui s'en occupait pendant leur vie commune. Il s'ensuivait qu'un retour en Israël de D.________ sans sa mère était intolérable.
L'autorité cantonale a dès lors examiné si l'on pouvait exiger de l'intimée qu'elle retourne avec sa fille en Israël; elle a conclu qu'on ne pouvait le lui imposer. Pour appuyer sa conclusion, la cour cantonale a retenu que les relations entre les parties semblaient avoir été très compliquées, singulièrement en lien avec les prescriptions que la religion juive, telle que pratiquée par le recourant et sa communauté, imposait à l'intimée; ces difficultés s'étaient également traduites par des crises de colère du recourant, dont il devait être établi qu'elles étaient fréquentes et connues de l'entourage. Suite à l'enlèvement, le recourant avait par ailleurs exercé des pressions d'une certaine intensité sur l'intimée - au point que celle-ci avait envisagé céder et ramener les enfants en Israël. Or, vu le contexte culturel et religieux entourant les parties (ainsi: établissement d'un contrat de "paix du foyer" en vue de préserver la pureté du foyer juif, ratifié par le tribunal rabbinique et suite auquel l'intimée avait finalement renoncé aux poursuites pénales pour menace et agression à l'encontre de son mari; divorce initié par le recourant et risque que les conséquences personnelles de la séparation fussent traitées par un tribunal rabbinique), la cour cantonale a retenu qu'il était permis de craindre qu'en cas de retour en Israël, l'intimée se trouvât isolée et dans l'impossibilité de faire appel aux autorités afin d'obtenir le respect de sa personne et de ses droits. Compte tenu des incidents de violence vécus par les parties, même si l'enchaînement exact des incidents et l'intensité de l'impact physique et psychologique étaient décrits très différemment de part et d'autre, le séjour en Israël de l'intimée pourrait représenter pour elle un danger grave en tant qu'elle serait empêchée de solliciter l'aide des autorités compétentes.
5.1.2. Sous l'angle de l'établissement arbitraire des faits, le recourant conteste d'abord que l'intimée soit le parent référent de sa fille; il en déduit une violation des art. 12 et 13 al. 1 let. b CLaH80 en soutenant que le retour de la mineure sans sa mère pourrait parfaitement être ordonné. Il invoque également dans ce contexte la violation des art. 8 CEDH et 14 Cst., sans toutefois aucunement la motiver.
Pour autant que recevable (art. 106 al. 2 LTF), cette critique doit être écartée. Le recourant s'attache en effet à démontrer qu'il serait dévoué à ses enfants et impliqué dans leur éducation, circonstance qui ne permet cependant pas de déduire qu'il serait le parent référent de sa fille, née en 2022. Telle conclusion ne peut par ailleurs être tirée des différents problèmes de santé que le recourant attribue à l'intimée et dont il retient sa prétendue incapacité de s'occuper de ses enfants; de même, la lettre d'amour que lui destinait l'intimée et l'une de ses publications postée sur un réseau social au sujet de sa joie d'être enceinte de son deuxième enfant ne sont à l'évidence aucunement aptes à démontrer que le recourant serait le parent référent de sa fille.
5.1.3. Le recourant affirme ensuite que son épouse pourrait parfaitement raccompagner sa fille en Israël.
5.1.3.1. Au sujet des différents éléments retenus par la cour cantonale pour appuyer le danger grave auquel serait soumise l'intimée en cas de retour en Israël avec ses enfants - à savoir: le contexte religieux (contrat de "paix du foyer"; règlement éventuel du divorce par les tribunaux religieux) et familial (caractère colérique, voire violent du recourant à son égard; absence de réactions de l'entourage), lequel pourrait entraîner son possible isolement et son éventuelle impossibilité d'avoir recours aux autorités afin d'assurer sa protection -, le recourant se limite à affirmer: " Il n'en est rien. Les faits sont les suivants: ", l'essentiel de son argumentation consistant alors en sa propre appréciation de la situation factuelle en Israël. Ainsi, il relève en substance: que sa soeur et sa mère n'auraient jamais refusé leur aide à l'intimée, se référant toutefois à cet égard à un moyen de preuve irrecevable (consid. 2.3.1
supra); qu'une publication de l'intimée postée sur un réseau social, la décision de conclure un contrat de "paix du foyer" et la naissance de leur second enfant démontraient que son épouse était heureuse avec lui; que la police israélienne mettait à disposition, sur son site officiel, des numéros de téléphone pour obtenir de l'aide en cas de violence domestique; que l'intimée serait parfaitement libre de quitter sa communauté religieuse; qu'aucun élément n'établirait qu'il serait colérique ou violent, la plainte de son épouse ayant été classée et le fait qu'il eût suivi des cours contre la colère n'étant pas déterminant; que les propos violents tenus à l'égard de son épouse l'avaient été alors qu'il venait d'apprendre qu'elle lui avait enlevé ses enfants et qu'il était bouleversé; que l'intimée aurait été prête à rapatrier les enfants non en raison des pressions intenses qu'il exerçait sur elle mais dans la perspective de se réaliser au plus vite, ayant allégué avoir rencontré en Suisse une personne avec laquelle elle envisageait de s'installer; qu'un divorce devant un tribunal rabbinique ne conduirait pas à un résultat différent de celui réglé par un tribunal civil, la question des enfants étant déterminée par la loi civile.
Un tel mode de procéder, qui consiste en une simple opposition de points de vue, est manifestement appellatoire et inadmissible (
supra consid. 2.2).
5.1.3.2. Il n'en demeure pas moins qu'ainsi que le relève le recourant, la cour cantonale perd de vue que l'ordre de retour de l'enfant et du parent qui l'accompagne ne s'entend pas à un endroit précis de l'État de sa résidence habituelle (
supra consid. 4.2.4). Le fait que l'intimée ne dispose d'aucun lien en Israël et est de nationalité suisse, que son entourage se trouve en Suisse et qu'elle a noué dans ce pays une nouvelle relation sentimentale ne sont à cet égard pas décisifs et ne lui confèrent pas le "droit de rester en Suisse" ainsi qu'elle le soutient. Le risque concret d'un emprisonnement en cas de retour en Israël n'est pas non plus démontré par l'intimée, celle-ci se limitant à affirmer qu'il ne serait pas exclu, sans établir que le recourant aurait initié une procédure à cette fin. A supposer ainsi qu'un lieu d'accueil sûr et financièrement supportable, en dehors du logement du recourant, puisse être assuré à l'intimée, les éléments sur lesquels la cour cantonale s'est fondée pour considérer que raccompagner sa fille en Israël ne pouvait être exigé d'elle n'apparaissent plus déterminants, dès lors que ceux-ci sont exclusivement liés au contexte religieux et familial dans lequel elle a vécu jusqu'alors, soit à la personne, voire à l'entourage du recourant. Cette question devra être éclaircie par les autorités cantonales, en collaboration avec les autorités locales et les autorités centrales (art. 13 al. 3 CLaH80; 10 al. 2 LF-EEA).
5.2. La cour cantonale a ensuite examiné si le retour du fils aîné des parties devait être ordonné, étant entendu que la juridiction est partie du principe que ce retour se ferait sans la compagnie de sa mère, l'enfant étant âgé de plus de deux ans.
La situation des deux enfants nécessite cependant d'être ici traitée globalement: C.________ est en effet âgé de 3 ans et demi, il est donc très proche de la limite d'âge au-delà de laquelle l'on considère qu'un retour de l'enfant sans son parent de référence est envisageable. Traiter sa situation séparément de celle de sa soeur pourrait par ailleurs se traduire par une séparation de la fratrie, qui, vu le très jeune âge des enfants, doit en l'occurrence être considérée comme intolérable. Son retour ne peut ainsi s'envisager que s'il peut être raccompagné par sa mère, condition qui nécessite une instruction complémentaire de la part de l'autorité cantonale, à qui la cause est renvoyée (consid. 5.1.3.2
supra).
6.
Le recourant soulève également une violation de l'art. 8 Cst. en soutenant que le retour des enfants aurait été refusé en raison notamment de l'appartenance religieuse de leur père.
Ce grief, qui procède d'un raccourci manifeste de la décision cantonale, n'a pas à être examiné dès lors que le sort du litige est scellé par les considérants qui précèdent.
7.
En définitive, le recours est admis dans la mesure où il est recevable, l'arrêt cantonal est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale afin qu'elle détermine, en collaboration avec les autorités locales et centrales suisse et israélienne si l'on peut envisager un retour de l'intimée sur le territoire israélien, dans un endroit neutre. Il est entendu que les mesures de protection urgentes, levées par les chiffres II, III et IV de l'arrêt entrepris, sont maintenues.
Les art. 26 CLaH80 et 14 LF-EEA prévoient la gratuité de la procédure; toutefois, conformément aux dispositions de l'art. 42 CLaH80 et par application de l'art. 26 al. 3 CLaH80, Israël a déclaré qu'elle ne prendra en charge les frais visés à l'art. 26 al. 2 CLaH80 que dans la mesure où ces frais sont couverts par son système d'aide judiciaire. La Suisse applique dans ce cas le principe de la réciprocité (art. 21 al. 1 let. b de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités [RS 0.111]), en sorte que la procédure devant le Tribunal fédéral n'est pas gratuite (arrêts 5A_990/2019 du 21 janvier 2020 consid. 8; 5A_701/2019 du 23 octobre 2019 consid. 8). La requête d'assistance judiciaire de l'intimée, qui succombe, peut ici être admise (art. 64 al. 1 LTF). Les frais judiciaires qui lui incombent seront provisoirement supportés par la Caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 4 LTF), étant précisé que l'octroi de l'assistance judiciaire ne la dispense cependant pas du paiement de dépens (ATF 122 I 322 consid. 2c; arrêt 5C.5/2005 du 23 juin 2005 consid. 4, non publié aux ATF 131 III 542). En l'espèce, il y a lieu de considérer que le recourant ne sera pas en mesure de recouvrer ceux-ci, compte tenu de la situation financière de l'intimée. L'avocate du recourant sera dès lors également directement indemnisée par la Caisse du Tribunal fédéral. L'intimée est rendue attentive au fait qu'elle est tenue de rembourser ultérieurement la Caisse du Tribunal fédéral si elle est en mesure de le faire (art. 64 al. 4 LTF). Il est enfin précisé qu'aucune indemnité n'est accordée au curateur des enfants qui s'est limité, sans le motiver, à acquiescer à la requête d'effet suspensif et a renoncé à prendre position sur le fond du litige.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
2.
La requête d'assistance judiciaire de l'intimée est admise et Me Daniel Trajilovic lui est désigné comme avocat d'office.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge de l'intimée. Ils sont provisoirement supportés par la Caisse du Tribunal fédéral.
4.
Une indemnité de 2'000 fr., à verser au recourant à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimée et est provisoirement supportée par la Caisse du Tribunal fédéral.
5.
Une indemnité de 2'000 fr., supportée par la Caisse du Tribunal fédéral, est allouée à Me Daniel Trajilovic à titre d'honoraires d'avocat d'office.
6.
Aucune indemnité n'est accordée au curateur des enfants.
7.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à C.________, à D.________, au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, II
e Cour d'appel civil, et à l'Office fédéral de la justice, Autorité centrale en matière d'enlèvement international d'enfants.
Lausanne, le 26 avril 2023
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : de Poret Bortolaso