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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_576/2018  
 
 
Arrêt du 26 juillet 2019  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Merkli et Fonjallaz. 
Greffier : M. Parmelin. 
 
Participants à la procédure 
 
Etablissement A.________ (A.________), 
représenté par Me Odile Pelet, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud. 
 
Objet 
Procédure pénale; qualité de partie plaignante, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours 
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud 
du 11 octobre 2018 (803 - PE18.015629-LAL). 
 
 
Faits :  
Le 9 juillet 2018, un patient du Service de chirurgie viscérale de l'Etablissement A.________ (A.________) a agressé trois membres du personnel soignant de cette unité causant à l'un d'eux une incapacité totale de travail durant deux mois. 
Le 7 août 2018, l'Etablissement A.________ a déposé une plainte pénale contre l'auteur de cette agression pour violence ou menaces contre les autorités et les fonctionnaires et mise en danger de la vie d'autrui. 
Par décision du 20 septembre 2018, la Procureure en charge de la procédure a refusé de reconnaître la qualité de partie plaignante à l'Etablissement A.________. Elle a considéré que pour le type d'infractions en cause, seules les personnes physiques ayant fait l'objet de violences avaient la qualité de lésé, à l'exclusion de l'Etat et de ses services. 
La Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a confirmé cette décision au terme d'un arrêt rendu le 11 octobre 2018 sur recours de l'Etat de Vaud, représenté par la direction de l'Etablissement A.________, que celui-ci a déféré auprès du Tribunal fédéral le 7 décembre 2018. 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. Le Tribunal cantonal a produit le dossier de la cause. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
La décision attaquée a été rendue dans le cadre d'une procédure pénale par une juridiction cantonale statuant en dernière instance et peut donc faire l'objet d'un recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF. Elle revêt, pour l'Etat de Vaud qui se trouve définitivement écarté de la procédure pénale, les traits d'une décision finale au sens de l'art. 90 LTF (ATF 139 IV 310 consid. 1 p. 312). Il peut se prévaloir d'un intérêt juridique à la réforme de la décision attaquée en ce sens que la qualité de partie plaignante lui est reconnue dans la procédure pénale (art. 81 LTF; ATF 141 IV 1 consid. 1 p. 4). Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et les conclusions prises sont recevables (art. 107 al. 2 LTF). Partant, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Est litigieuse la question de savoir si la qualité de lésé dans la procédure pénale en cours pour violence ou menaces contre les autorités et les fonctionnaires et mise en danger de la vie d'autrui peut ou non être reconnue à l'Etablissement A.________, respectivement à l'Etat de Vaud représenté par cette entité. 
 
2.1. La Chambre des recours pénale a relevé que l'infraction dénoncée avait certes pu causer un dommage à l'Etat de Vaud en entraînant une incapacité de travail d'une employée de l'Etablissement A.________; elle a considéré qu'un tel préjudice, qui était la conséquence des lésions subies par une tierce personne, victime des faits reprochés au prévenu, était indirect et ne faisait pas de l'Etat un lésé au sens de l'art. 115 CPP. Pour le surplus, l'infraction dénoncée n'avait atteint l'Etat dans aucun intérêt privé de sorte que c'est à bon droit que la Procureure avait dénié à l'Etablissement A.________, soit à l'Etat représenté par l'Etablissement A.________, la qualité de lésé et qu'elle avait rejeté sa constitution de partie plaignante. En cas de procès, c'est au Ministère public qu'il appartiendra d'y défendre l'intérêt général, non à la direction de l'Etablissement A.________.  
 
2.2. Le recourant conteste cette appréciation. Le bien juridique protégé par l'art. 285 CP est le bon fonctionnement des organes étatiques. Le titulaire de ce bien est donc l'autorité publique, dont les organes ont été entravés dans l'exécution de leurs tâches par les actes de violence commis à l'encontre de ses employés. Ainsi, lorsqu'un fonctionnaire est agressé dans l'exercice de ses activités, la qualité de partie plaignante doit être reconnue à la collectivité publique qui l'emploie en raison de l'atteinte directe causée au bon fonctionnement de l'institution dont elle est garante. Tel était le cas en l'espèce dès lors que l'activité normale du Service de chirurgie viscérale de l'Etablissement A.________ a été entravée par l'agression subie par trois de ses membres. Le recourant reproche à la cour cantonale d'être revenue sans raison sur sa jurisprudence qui lui reconnaissait la qualité de plaignant dans des cas analogues.  
 
2.3. Selon l'art. 118 al. 1 CPP, on entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil. La notion de lésé est définie à l'art. 115 al. 1 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction (ATF 143 IV 77 consid. 2.2 p. 78). Est atteint directement dans ses droits le titulaire du bien juridique protégé par la norme, même si ce bien n'est pas unique. Lorsque la norme ne protège pas en première ligne les biens juridiques individuels, seule est considérée comme lésée la personne qui est affectée dans ses droits par l'infraction sanctionnée par la norme en cause, pour autant que l'atteinte apparaisse comme la conséquence directe du comportement de l'auteur (ATF 141 IV 454 consid. 2.3.1 p. 457). Il suffit, dans la règle, que le bien juridique individuel dont le lésé invoque l'atteinte soit protégé secondairement ou accessoirement, même si la disposition légale protège en première ligne des biens juridiques collectifs. En revanche, celui dont les intérêts privés ne sont atteints qu'indirectement par une infraction qui ne lèse que des intérêts publics, n'est pas lésé au sens du droit de procédure pénale. Pour être directement touché, le lésé doit en outre subir une atteinte en rapport de causalité directe avec l'infraction poursuivie (arrêt 6B_857/2017 du 3 avril 2018 consid. 2.1 et les arrêts cités). Les personnes subissant un préjudice indirect ou par ricochet n'ont donc pas le statut de lésé et sont des tiers n'ayant pas accès au statut de partie à la procédure (arrêt 1B_62/2018 du 21 juin 2018 consid. 2.1).  
L'art. 115 al. 2 CPP ajoute que sont toujours considérées comme des lésées les personnes qui ont qualité pour déposer plainte pénale. Cette disposition étend donc la qualité de lésé à des personnes habilitées à déposer plainte, mais non directement et personnellement touchées par l'infraction, à l'instar des représentants légaux, des héritiers du lésé, ainsi que des autorités et organisations habilitées à porter plainte (arrêt 1B_294/2013 du 24 septembre 2013 consid. 2.1; Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 p. 1148). 
 
2.4. Pour que la qualité de lésé soit reconnue à l'Etat, il ne suffit pas que celui-ci soit touché par l'infraction en cause dans des intérêts publics qu'il a pour mission de défendre ou de promouvoir (" für welche er zuständig ist "); il doit être atteint directement dans ses droits personnels comme un privé. Lorsque l'organe étatique agit en tant que détenteur de la puissance publique, il défend des intérêts publics et ne peut pas être simultanément touché directement dans des intérêts individuels qui lui sont propres; dans ce cas, la sauvegarde des intérêts publics, dont il est le garant, incombe au Ministère public (arrêt 1B_158/2018 du 11 juillet 2018 consid. 2.5 et 2.6 in Pra 2018 n° 120 p. 1106 et les références citées; voir aussi, ATF 95 I 439 consid. 2d p. 449). Dans le premier arrêt cité, la Cour de céans a considéré, en application de ces principes, qu'un Office communal de prévoyance ne pouvait pas se prévaloir de la qualité de lésé, respectivement de partie plaignante dans la procédure pénale ouverte à la suite de sa plainte pour escroquerie à l'assurance sociale, au motif qu'il avait agi dans l'exercice de ses fonctions officielles, et qu'il revenait au Ministère public de défendre les intérêts publics en jeu dans cette procédure. Il n'en va pas autrement en l'occurrence.  
 
2.5. L'Etat de Vaud, respectivement l'Etablissement A.________, n'est pas directement touché dans des intérêts individuels propres par les violences causées à ses employés, même si elles ont perturbé le bon fonctionnement du Service de chirurgie viscérale de l'Etablissement A.________ et interagi dans la mission de dispenser des soins que ce dernier a la charge d'assurer en vertu de l'art. 1 er al. 1 de la loi vaudoise sur les hospices cantonaux. L'atteinte au bon fonctionnement de ses activités, que l'art. 285 CP a pour but de sanctionner (cf. arrêt 6S.391/1995 du 22 août 1995 consid. 3b), n'est pas portée à ses intérêts privés mais à l'intérêt public qu'il appartient au Ministère public de défendre dans la procédure pénale en cours (ATF 145 IV 65 consid. 1.2 p. 68; arrêt 1B_158/2018 précité consid. 2.6).  
La référence faite à l'arrêt 6B_908/2009 du 3 novembre 2010 n'est pas pertinente, en tant qu'elle concerne un cas de blanchiment d'argent portant sur des sommes issues d'opérations de corruption par des agents du fisc d'un Etat étranger. La Cour de droit pénal avait admis que, par le système mis en place par ses propres employés, l'Etat en question avait manifestement subi un dommage financier car ces derniers avaient détourné des rentrées fiscales qui devaient en réalité lui revenir, non sans ajouter que, de manière générale, la corruption d'agents publics pervertissait le processus de décision au sein de l'administration, desservait l'intérêt public et affaiblissait l'Etat. L a reconnaissance de la qualité de lésé de l'Etat étranger se justifiait ainsi non seulement parce qu'il avait subi un préjudice financier, ce qui n'est pas établi dans le cas particulier, mais aussi parce que le Ministère public ne saurait assumer la défense des intérêts publics et privés de cette entité dans la procédure pénale. 
L'Etablissement A.________, respectivement l'Etat de Vaud, ne saurait davantage se voir reconnaître la qualité pour agir sur la base de l'art. 115 al. 2 CPP en l'absence d'une base légale expresse qui l'habiliterait à déposer plainte pénale pour le compte de ses employés. La motion déposée le 4 octobre 2000 par le conseiller national Erwin Jutzet, qui propose entre autres d'étendre la qualité de partie à la procédure à l'employeur du fonctionnaire lésé, n'a à ce jour pas été suivie d'effet (motion 00.3513 intitulée " Agressions sur des employés des transports publics. Modification du Code pénal suisse ou législation spéciale "). 
Le recourant ne peut pas plus prétendre à la qualité de partie à la procédure sur la base de l'art. 104 al. 2 CPP. Le législateur fédéral a refusé d'étendre la qualité de parties aux associations qui se vouent à la protection d'intérêts de la collectivité car il appartient au Ministère public de sauvegarder les droits dans l'intérêt de la société et d'exercer la justice répressive de l'Etat (cf. art. 16 al. 1 CPP; Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 p. 1142). Il n'en va pas différemment dans le cas visé à l'art. 285 CP
Contrairement à ce que soutient le recourant, le refus de lui reconnaître la qualité de partie plaignante ne l'empêche pas de dénoncer de nouvelles infractions du même type, mais il le prive du statut de partie dans la procédure pénale conduite d'office par le Ministère public. Le recourant ne peut se prévaloir que des droits limités reconnus aux dénonciateurs, soit celui d'être informé des suites qui ont été données à la dénonciation (cf. art. 301 al. 2 et 3 CPP). Il n'y a pas lieu d'examiner si de lege feranda une extension de la qualité de lésé dans ce cas de figure à l'organe étatique qui emploie les fonctionnaires devrait être admise pour les raisons évoquées par le recourant; à tout le moins, il nécessiterait une base légale expresse ou une modification de la définition de la qualité de lésé ancrée à l'art. 115 al. 1 CPP, ou encore une habilitation spécifique fondée sur l'art. 115 al. 2 CPP (ATF 143 IV 77 consid. 4 p. 85). 
Enfin, en tant que le changement de jurisprudence cantonale contesté repose sur une interprétation conforme à la jurisprudence cantonale du Tribunal fédéral des dispositions du Code de procédure pénale, entrées en vigueur postérieurement aux arrêts cantonaux, il repose sur des motifs sérieux et objectifs et ne saurait être remis en question (cf. ATF 144 IV 265 consid. 2.2 p. 269; 139 V 307 consid. 6.1 p. 313; arrêt 2C_1054/2016 du 15 décembre 2017 consid. 8.2 in Pra 2018 n° 141 p. 1322). 
 
3.   
Le recours doit ainsi être rejeté selon la procédure simplifiée prévue par l'art. 109 al. 2 let. a LTF. Il est statué sans frais (art. 66 al. 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant ainsi qu'au Ministère public central et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 26 juillet 2019 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
Le Greffier : Parmelin