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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_187/2022  
 
 
Arrêt du 1er juillet 2022  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux 
Herrmann, Président, von Werdt et Bovey. 
Greffière : Mme de Poret Bortolaso. 
 
Participants à la procédure 
1. A.A.________, 
2. B.A.________, 
tous les deux représentés par Me Christophe Tornare, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
E.________ SA, 
représentée par Me Pierre Mauron, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
mesures provisionnelles en interdiction de construire, servitude foncière en restriction du droit de bâtir, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, Ie Cour d'appel civil, du 8 février 2022 
(101 2022 16-17 [MP]). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. E.________ SA est propriétaire de l'art. 4237 RF U.________.  
Selon le registre foncier, C.A.________ et D.A.________ sont copropriétaires chacun pour une demie de la parcelle voisine no 4236. D.A.________ est toutefois décédé, sa part revenant à ses deux enfants A.A.________ et B.A.________. 
 
A.b. Une servitude a été constituée en 1969 au bénéfice du bien-fonds no 4236 et à charge de la parcelle no 4237, interdisant de " bâtir un bâtiment dépassant 6 m de la dalle sur sous-sol jusqu'au faîte du toit ".  
 
A.c. E.________ SA a obtenu le 16 août 2018 un permis de construire de la Préfecture de la Gruyère (ci-après: la préfecture) l'autorisant à démolir le bâtiment existant sur sa parcelle ainsi que son annexe et à construire quatre habitations individuelles mitoyennes en duplex, avec couvert pour huit voitures, terrasses en toiture et quatre pompes à chaleur.  
Un nouveau permis de construire a été délivré par la préfecture le 27 juin 2019 à la suite de modifications apportées par E.________ SA visant à abaisser le projet initial afin de respecter la hauteur de 6 mètres prévue par la servitude. 
 
B.  
 
B.a. Dans le contexte d'une procédure civile (mesures provisionnelles et demande au fond), A.A.________ et C.A.________ se sont opposés à ce que E.________ SA poursuive le projet pour lequel elle a obtenu des autorisations préfectorales datant des 16 août 2018 et 27 juin 2019, considérant que la hauteur de la restriction de bâtir n'était pas respectée.  
 
B.a.a. Par décision du 15 septembre 2020, le Tribunal civil de l'arrondissement de la Gruyère (ci-après: le tribunal civil) a rejeté la demande au fond que A.A.________ et C.A.________ avaient déposée le 20 décembre 2018, demande visant à ce qu'interdiction soit faite à E.________ SA de poursuivre le projet tel qu'autorisé par la préfecture.  
 
B.a.b. Statuant le 8 juillet 2021 sur l'appel formé par A.A.________ et C.A.________, la I e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg l'a déclaré irrecevable ( recte : rejeté) s'agissant de A.A.________, en tant qu'il agissait seul alors qu'il était propriétaire commun de la part d'immeuble avec sa soeur B.A.________, non partie à la procédure; la cour cantonale a en revanche admis l'appel s'agissant de C.A.________. Elle s'est à cet égard limitée à constater que les plans approuvés par la préfecture ne respectaient pas la servitude dont bénéficiait le bien-fonds no 4236, sans néanmoins interdire à E.________ SA de construire son immeuble dès lors que C.A.________ n'avait pris aucun chef de conclusions en ce sens en appel et qu'il n'était pas exclu que la société pourrait poursuivre et régulariser sa construction sans nouvelle mise à l'enquête; il lui incomberait de démontrer à C.A.________ le respect de la limite de 6 mètres.  
 
B.a.c. E.________ SA a déposé un recours au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 8 juillet 2021 (procédure 5A_729/2021), s'en prenant à la recevabilité de l'appel en tant que seules des conclusions constatatoires avaient été formulées par C.A.________; le fond du litige, singulièrement le non-respect de la servitude par les travaux projetés, n'était pas remis en cause, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire.  
 
B.b.  
 
B.b.a. Le 25 octobre 2021, A.A.________, C.A.________ et B.A.________ ont déposé devant la Présidente du Tribunal civil (ci-après: la présidente) une requête de mesures provisionnelles avec clause d'urgence, tendant à faire interdire à E.________ SA de poursuivre la réalisation du projet ayant fait l'objet des permis de construire des 16 août 2018 et 27 juin 2019 sous menace de l'amende de l'art. 292 CP.  
La présidente a prononcé d'urgence cette interdiction le lendemain. 
Le 29 octobre 2021, E.________ SA a conclu à l'irrecevabilité de la requête, à la révocation de l'ordonnance d'urgence, respectivement au versement de sûretés de 10'000 fr. en cas de maintien de cette interdiction. 
Le 4 novembre 2021, E.________ SA a déposé une requête de mesures provisionnelles avec clause d'urgence afin qu'elle soit autorisée à poursuivre le projet ayant fait l'objet des permis de construire des 16 août 2018 et 27 juin 2019, les travaux désormais envisagés respectant à son sens strictement la servitude selon des plans d'exécution datés du 3 novembre 2021 et établis par son architecte. 
 
B.b.b. Par décision de mesures superprovisionnelles du 5 novembre 2021, la présidente a autorisé la poursuite de la réalisation du projet des quatre habitations ayant fait l'objet des permis de construire des 16 août 2018 et 27 juin 2019 selon le plan du 3 novembre 2021, précisant qu'il appartiendrait à E.________ SA de corriger le faîte du toit si, au terme des travaux, la violation de la servitude pour 12 cm constatée dans l'arrêt du 8 juillet 2021 devait perdurer.  
 
B.b.c. Par décision de mesures provisionnelles du 5 janvier 2022, la présidente a rejeté, pour autant que recevable, la requête de mesures provisionnelles déposée le 25 octobre 2021 par les consorts A.________ (1); très partiellement admis la requête de mesures provisionnelles déposée le 29 octobre 2021 par E.________ SA (2); admis la requête de mesures provisionnelles déposées par E.________ SA le 4 novembre 2021 (3) et confirmé la décision de mesures superprovisionnelles du 5 novembre 2021 (4). Partant, elle a autorisé la poursuite du projet et rappelé qu'il appartiendrait à la société E.________ SA de corriger le faîte du toit en conséquence si la servitude n'était pas entièrement respectée à la fin des travaux (5). La présidente a par ailleurs indiqué qu'un délai serait cas échéant imparti aux requérants pour déposer une action au fond une fois la décision sur mesures provisionnelles entrée en force et l'issue définitive de la procédure 5A_729/2021 connue.  
Il ressort au demeurant de cette décision que, selon un courrier adressé par la préfecture à E.________ SA le 23 novembre 2021, une nouvelle mise à l'enquête serait nécessaire pour abaisser la hauteur des constructions de 12 cm (art. 105 al. 2 LTF). 
 
B.b.d. L'appel interjeté par les consorts A.________ a été rejeté par arrêt de la cour cantonale du 8 février 2022. Dite autorité a considéré que son arrêt du 8 juillet 2021, exécutoire, était revêtu de l'autorité de la chose jugée formelle et matérielle; la présidente n'aurait pas dû entrer en matière sur la requête de mesures provisionnelles en tant que celles-ci portaient sur un litige identique à celui objet de l'arrêt précité, respectivement opposaient des parties aux intérêts identiques et indissociables à ceux que cette décision tranchait. Les intéressés ne pouvaient en conséquence obtenir l'interdiction de construire sollicitée, manifestement formulée pour pallier les conclusions lacunaires de leur appel.  
 
C.  
Agissant le 14 mars 2022 par les voies du recours en matière civile et du recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral, A.A.________ et B.A.________ (ci-après: les recourants) concluent à l'annulation de l'arrêt cantonal et principalement à ce qu'il soit fait interdiction à E.________ SA de poursuivre la réalisation du projet objet des permis de construire des 16 août 2018 et 27 juin 2019; subsidiairement, les recourants réclament le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. 
 
D.  
La requête de mesures provisionnelles des recourants a été rejetée par ordonnance présidentielle du 5 avril 2022. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (notamment: ATF 147 I 89 consid. 1). 
 
1.1. Les mesures provisionnelles sont des décisions finales au sens de l'art. 90 LTF lorsqu'elles sont prises dans une procédure autonome; elles sont en revanche des décisions incidentes au sens de l'art. 93 LTF lorsque leur effet est limité à la durée d'un procès en cours ou à entreprendre par la partie requérante, dans un délai qui lui est imparti (ATF 138 III 46 consid. 1.1; 137 III 324 consid. 1.1; 136 V 131 consid. 1.1.2; 134 I 83 consid. 3.1).  
 
1.2. L'arrêt déféré considère, sans le motiver, que la décision rendue par le premier juge serait une décision finale de mesures provisionnelles. Cette affirmation doit cependant être infirmée, pour les raisons qui suivent.  
 
1.2.1. Lorsqu'une action a été ouverte par une personne qui n'a pas la qualité pour agir, il en résulte le rejet de l'action, et non l'irrecevabilité de celle-ci (ATF 142 III 782 consid. 3.1.4 et les références). En particulier, si l'action n'a pas été introduite par tous les cotitulaires du droit en cause, qui ne peuvent agir en justice qu'ensemble, comme consorts matériels nécessaires (art. 70 al. 1 CPC), elle doit être rejetée, faute de qualité pour agir (ATF 142 III 782 consid. 3.1.4; 140 III 598 consid. 3.2; 138 III 737 consid. 2; 137 III 455 consid. 3.5).  
Demeure toutefois envisageable le dépôt d'une nouvelle requête de conciliation et donc une nouvelle action par celui qui dispose de la qualité pour agir, car la modification de la personne du demandeur est un fait nouveau entraînant une modification du fondement de l'action, laquelle fait obstacle à l'exception de l'autorité de la chose jugée (ATF 142 III 782 consid. 3.1.4, arrêt rendu au sujet de la qualité pour défendre, mais qui rappelle que ces principes s'appliquent à la qualité pour agir). 
 
1.2.2. L'arrêt cantonal du 8 juillet 2021 a considéré, sans contestation des parties, que, par leur action, les copropriétaires défendaient leurs parts de copropriété respectives (art. 646 al. 3 CC; cf. arrêt cantonal du 8 juillet 2021, consid. 2.3 et 2.4); ils n'agissaient pas en vue de défendre la chose dans sa globalité, circonstance permettant à l'un des copropriétaires d'agir en faveur de l'ensemble de ceux-ci (cf. art. 648 al. 1 CC; STEINAUER, Les droits réels, tome I, 6e éd. 2019, n. 1762 ss; MEIER-HAYOZ, Berner Kommentar, 5e éd. 1981, n. 5 ss ad art. 648 CC).  
Cet arrêt a ensuite constaté que le projet de construction mis à l'enquête par l'intimée violait la servitude litigieuse. Cette constatation - qui a exclusivement fait l'objet d'une remise en cause formelle et non matérielle dans le contexte de la procédure fédérale 5A_729/2021 ( supra let. B.a.c) - n'a toutefois d'effets qu'entre l'intimée et C.A.________: B.A.________ n'a pas participé à la procédure et il a été jugé, sans contestation de A.A.________, que celui-ci était dépourvu de la qualité pour agir, faute d'avoir agi avec la précitée, propriétaire commun, avec lui, de la part de copropriété dont feu leur père était propriétaire (let. A.a supra). Agissant ensuite conjointement en vue de défendre la quote-part détenue en commun (art. 646 al. 3 CC; position retenue par l'arrêt du 8 juillet 2021 et non contestée par les parties), ceux-ci étaient fondés à déposer une nouvelle requête de mesures provisionnelles visant à l'interdiction de la poursuite des travaux litigieux. Que cette requête fût destinée à pallier les lacunes de la demande au fond, respectivement de l'appel ayant donné lieu à l'arrêt du 8 juillet 2021, n'est à cet égard pas déterminant. La question de la conformité à la servitude des travaux projetés par l'intimée n'a été tranchée qu'à l'égard d'un seul des copropriétaires de la parcelle no 4236, à savoir C.A.________ exclusivement et n'a d'autorité de chose jugée qu'entre celle-ci et l'intimée; les recourants demeuraient ainsi fondés à obtenir que cette question fût clarifiée à leur bénéfice également.  
 
1.3. Ces considérations permettent de conclure que la décision rendue ne s'insère nullement dans le contexte d'une procédure indépendante, pouvant donner lieu à une décision finale. Elle est au contraire incidente au sens de l'art. 93 LTF.  
La recevabilité du recours en matière civile suppose en conséquence que dite décision soit de nature à causer un préjudice irréparable aux termes de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, la condition de l'art. 93 al. 1 let. b LTF étant d'emblée exclue s'agissant de mesures provisionnelles (ATF 144 III 475 consid 1.2; 138 III 333 consid. 1.3; 137 III 589 consid. 1.2.3). Un préjudice ne peut être qualifié d'irréparable au sens de la disposition précitée que s'il cause un inconvénient de nature juridique, qui ne puisse pas être ultérieurement réparé ou entièrement réparé par une décision finale favorable au recourant; un dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un dommage irréparable (ATF 144 III 475 consid 1.2; 141 III 80 consid. 1.2 et les références). En l'espèce, la décision contestée a pour effet d'autoriser la poursuite du projet de construction de l'intimée, tout en réservant la nécessité de respecter la servitude litigieuse; les recourants, qui ont manifestement méconnu le caractère incident la décision qu'ils contestent, ne démontrent nullement en quoi l'autorisation prononcée à titre provisionnel leur causerait un inconvénient de nature juridique, singulièrement les empêcherait de pouvoir pleinement exercer leur droit de propriété pendant la durée de la procédure. Il apparaît ainsi que la condition du dommage irréparable n'est pas donnée. 
 
1.4. Les frais sont à la charge des recourants, solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). L'intimée a droit à une indemnité de dépens dès lors qu'elle s'est opposée à juste titre aux mesures provisionnelles requises par les recourants (art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourants solidairement entre eux. 
 
3.  
Une indemnité de 500 fr., à verser à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge des recourants solidairement entre eux. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, I e Cour d'appel civil.  
 
 
Lausanne, le 1er juillet 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : de Poret Bortolaso