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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1260/2021  
 
 
Arrêt du 1er juillet 2022  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et Koch. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Dina Bazarbachi, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Empêchement d'accomplir un acte officiel; arbitraire; 
in dubio pro reo, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre pénale d'appel et de révision, 
du 14 septembre 2021 (P/19340/2020 AARP/281/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 30 mars 2021, le Tribunal de police du canton de Genève a reconnu A.________ coupable d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 15 jours-amende à 10 fr. l'unité, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans. 
 
B.  
Par arrêt du 14 septembre 2021, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel formé par A.________ contre le jugement du 30 mars 2021, qu'elle a confirmé. 
En résumé, elle a retenu les faits suivants: 
 
B.a. Ressortissant éthiopien, A.________ est arrivé en Suisse en 2015. Sa demande d'asile a été rejetée en date du 3 février 2017 et le permis N au bénéfice duquel il avait été mis n'a pas été renouvelé. Il n'est notamment pas parvenu à rendre vraisemblable l'existence d'un risque réel, fondé sur des motifs sérieux et avérés, d'être victime à son retour en Ethiopie d'un traitement incompatible avec le droit international.  
 
B.b. Le 14 octobre 2020 à 20h30, A.________ a été pris en charge par des agents de police à la prison de Frambois en vue de l'exécution de son renvoi par avion en Ethiopie.  
 
Après avoir obtenu l'autorisation du commandant de bord, la police a accompagné A.________ devant l'avion et l'a invité à embarquer, ce que ce dernier a catégoriquement refusé de faire. Les agents de police, qui avaient déjà restreint A.________ dans sa liberté de mouvement au niveau des bras, ont entravé ses jambes pour le conduire dans l'avion contre son gré. En sortant du véhicule de service, A.________ est devenu virulent et s'est vivement débattu. À quatre, les policiers l'ont porté jusqu'au sommet de l'escalier menant à la porte de l'avion, en le tenant par les bras et les jambes. Compte tenu de l'agitation de A.________, une gendarme a trébuché et s'est légèrement blessée au genou droit. Témoin de la scène, l'hôtesse de l'air s'est opposée à l'embarquement de A.________, qui a dès lors été conduit au poste de police de l'aéroport. Ce dernier n'a pas été blessé et n'a pas requis l'intervention d'un médecin. 
 
B.c. Le renvoi de A.________ a finalement été exécuté en date du 27 janvier 2021.  
 
C.  
Contre ce dernier arrêt cantonal, A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens qu'il est acquitté du chef d'infraction à l'art. 286 CP. A titre subsidiaire, il requiert l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour qu'elle statue dans le sens des considérants. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant critique l'établissement des faits, qu'il qualifie d'arbitraire. En outre, il dénonce la violation de la présomption d'innocence. 
 
1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (cf. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 241 consid. 2.3.1). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1).  
 
La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe "in dubio pro reo", concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe "in dubio pro reo", celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s. et les références citées). 
 
1.2. Le recourant expose qu'il s'est contenté de faire part aux policiers de sa crainte de retourner dans son pays et de son refus d'embarquer dans l'avion, ce qu'il était en droit de faire à ce stade de la procédure administrative. Alors qu'il manifestait son opposition verbalement, les policiers auraient usé, selon lui, de violence à son égard, de sorte qu'il a marqué son opposition par des cris et une légère résistance physique.  
 
Se fondant sur le rapport de police, la cour cantonale a retenu que, devant le refus du recourant d'embarquer dans l'avion, la police avait entravé les jambes du recourant afin de s'assurer qu'il ne prenne pas la fuite et non - comme le soutient le recourant - usé de violence à son égard, notamment en lui donnant des coups. Elle a constaté que ces faits étaient confirmés par le constat médical établi le lendemain de l'interpellation du recourant. En effet, les douleurs aux extrémités et au thorax évoquées par le recourant et consignées dans le constat médical étaient compatibles avec les faits tels que décrits dans le rapport de police, à savoir le maintien du recourant qui se débattait, par plusieurs policiers sur une certaine distance et dans des escaliers. En outre, ce constat ne faisait pas état de blessures visibles qui auraient pu être causées par des actes de violence disproportionnée, notamment par des coups portés au recourant par les policiers. Dans son argumentation, le recourant n'établit pas que le raisonnement de la cour cantonale serait arbitraire. Il affirme seulement que les policiers auraient usé de violence à son égard en premier lieu. Purement appellatoire, son argumentation est irrecevable. 
 
Sur la base du rapport de police, la cour cantonale a également retenu que l'opposition du recourant ne pouvait pas être qualifiée de "légère", mais que celui-ci s'était vivement débattu. Elle a considéré que l'utilisation de la contrainte physique par les agents de police, la chute de l'un d'entre eux ainsi que le refus de l'hôtesse de l'air de laisser embarquer le recourant confirmaient la version du rapport de police, selon laquelle le recourant s'était vivement débattu. Elle a ajouté que les fonctionnaires de police n'avaient par ailleurs aucun intérêt à déployer de tels moyens de coercition sans que la situation ne le justifie. Le recourant ne démontre pas en quoi le raisonnement de la cour cantonale serait arbitraire, mais se borne à affirmer que sa résistance n'a été que "légère". De nature appellatoire, son argumentation est irrecevable. Le recourant ne développe pas non plus de grief suffisant pour dire en quoi l'audition des policiers aurait été en tant que telle indispensable et que le rapport de police serait en soi insuffisant. 
 
2.  
Le recourant conteste l'application de l'art. 286 CP, au motif qu'il se serait défendu contre une intervention policière illicite. 
 
2.1. L'art. 286 CP prévoit que celui qui aura empêché une autorité, un membre d'une autorité ou un fonctionnaire d'accomplir un acte entrant dans ses fonctions sera puni d'une peine pécuniaire de 30 jours-amende au plus.  
 
2.2.  
 
2.2.1. Pour qu'il y ait opposition aux actes de l'autorité au sens de l'art. 286 CP, il faut que l'auteur, par son comportement, entrave l'autorité ou le fonctionnaire dans l'accomplissement d'un acte officiel. La norme définit une infraction de résultat. Il suffit que l'auteur rende l'accomplissement de l'acte officiel plus difficile, l'entrave ou le diffère, sans qu'il ne soit nécessaire qu'il parvienne effectivement à l'éviter (ATF 133 IV 97 consid. 4.2 p. 100; 127 IV 115 consid. 2 p. 118; 124 IV 127 consid. 3a p. 129).  
 
2.2.2. Le comportement incriminé à l'art. 286 CP suppose une résistance qui implique une certaine activité (ATF 133 IV 97 consid. 4.2; 127 IV 115 consid. 2 et les références citées). Il peut s'agir d'une obstruction physique: l'auteur, par sa personne ou un objet qu'il dispose à cette fin, empêche ou gêne le passage du fonctionnaire pour lui rendre plus difficile l'accès à une chose. On peut aussi penser à celui qui, en restant fermement à sa place, ne se laisse pas ou difficilement emmener (BERNARD CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3e éd. 2010, n° 13 ad art. 286 CP). En revanche, il ne suffit pas que l'auteur se borne à ne pas obtempérer à un ordre qui lui est donné, par exemple de souffler dans l'éthylomètre, de parler moins fort ou de ne pas conduire (ATF 127 IV 115 consid. 2 p. 117; 120 IV 136 consid. 2a p. 139 et références citées) ou qu'il se contente d'exprimer son désaccord à l'endroit d'un acte entrepris par un fonctionnaire, mais sans l'entraver (ATF 105 IV 48 consid. 3 p. 49).  
Selon la jurisprudence, imposer sa présence dans une salle pour empêcher une autorité d'y tenir séance constitue, par une action, une opposition aux actes de l'autorité (ATF 107 IV 113 consid. 4 p. 118). Celui qui garde fermement les mains dans les poches de son pantalon, alors que les gendarmes tentent de les lui faire sortir, oppose une résistance active, physique, qui dépasse le cadre de la simple désobéissance et qui est constitutive de l'infraction à l'art. 286 CP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_333/2011 du 27 octobre 2011, consid. 2.2.2). Sera également punissable selon l'art. 286 CP celui qui agite les bras dans tous les sens pour s'opposer à une interpellation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_672/2011 du 30 décembre 2011, consid. 3.3). Le comportement de l'individu qui se débat physiquement contre des agents de police qui le conduisent à bord d'un avion pour exécuter son renvoi tombe également sous le coup de l'art. 286 CP (arrêt du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016, consid. 4.2). 
 
2.2.3. L'auteur doit entraver un "acte officiel" (cf. titre marginal), à savoir une activité d'une autorité, d'un membre d'une autorité ou d'un fonctionnaire entrant dans le cadre de sa compétence officielle (ATF 103 IV 186 consid. 2 p. 187). En cas d'acte officiel qui constitue une infraction et qui n'est pas justifié par la loi (art. 14 CP), un droit de résistance doit être accordé en vertu de l'art. 15 CP (légitime défense). Si l'acte du fonctionnaire constitue par exemple un abus d'autorité (art. 312 CP), celui-ci n'est pas protégé par les art. 285 s. CP (ATF 142 IV 129 consid. 2.1 p. 132; arrêt 6B_206/2010 du 2 septembre 2010, consid. 4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'agent public exerce ses pouvoirs coercitifs dans un but étranger à ses fonctions ou d'une manière manifestement disproportionnée (ATF 142 IV 129 consid. 2.1, p. 132; arrêt 6B_206/2010 précité, consid. 4.2).  
 
2.3.  
 
2.3.1. En l'espèce, le recourant ne s'est pas contenté d'exprimer son désaccord à son embarquement, mais a crié et s'est débattu (cf. consid. 1.2), ce qui a rendu plus difficile pour les policiers l'accomplissement de leur mission officielle, puisqu'ils ont dû recourir à la force. Le recourant a ainsi opposé aux policiers une résistance physique, qui a dépassé le simple refus d'obtempérer et qui est constitutive de l'infraction définie à l'art. 286 CP.  
 
2.3.2. Le recourant soutient que la police aurait exercé des violences à son égard, de sorte que l'intervention policière aurait été illicite et qu'il aurait été en droit de se défendre. Par cette argumentation, il s'écarte toutefois de l'état de fait cantonal, établi sans arbitraire par la cour cantonale (cf. consid. 1.2). Selon celui-ci, les agents de police n'ont pas frappé le recourant, mais lui ont entravé les jambes, afin de s'assurer qu'il ne prenne pas la fuite compte tenu de la manifestation de son refus d'embarquer dans l'avion. Ils devaient escorter ce dernier dans l'avion afin d'assurer l'exécution de la décision de renvoi prononcée à l'encontre du recourant. Le fait d'entraver les jambes du recourant constituait un moyen de contrainte proportionné afin d'assurer leur mission. Dans ces conditions, le recourant ne saurait se prévaloir de s'être défendu contre une intervention policière illicite.  
 
3.  
Se référant à la jurisprudence en matière de violation de l'art. 3 CEDH (ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1 p. 88), le recourant soutient que les agissements qu'il dénonce auraient dû faire l'objet d'une enquête prompte et impartiale. 
 
Comme vu ci-dessus, il ne ressort pas de l'arrêt cantonal que le recourant a fait l'objet d'un mauvais traitement au sens de l'art. 3 CEDH. L'existence de mauvais traitements ne résulte pas non plus du constat médical effectué. Le recourant ne motive au surplus aucunement son grief, de sorte que celui-ci est irrecevable (cf. art. 106 al. 2 LTF). 
 
4.  
Le recourant invoque encore sa liberté d'expression (art. 10 CEDH). Il fait valoir qu'il était en droit de manifester sa réticence concernant son renvoi. 
 
Selon l'état de fait cantonal, le recourant a pu exprimer son opposition à son embarquement. La liberté d'expression n'autorise pour le surplus pas à commettre des infractions. Là aussi, le recourant ne motive pas du tout son grief, de sorte qu'il est irrecevable (cf. art. 106 al. 2 LTF). 
 
5.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF) et le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière qui n'apparaît pas favorable. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 1er juillet 2022 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Kistler Vianin