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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_1040/2021  
 
 
Arrêt du 5 septembre 2022  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Ryter. 
Greffière : Mme Kleber. 
 
Participants à la procédure 
PPE A.________  
par son administrateur B.________, 
recourante, 
 
contre  
 
Etablissement d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels du canton de Vaud (ECA), 
avenue Général-Guisan 56, 1009 Pully, 
intimé. 
 
Objet 
Désignation d'un arbitre, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du 
canton de Vaud, Chambre des recours civile, 
du 20 octobre 2021 (PL21.012491-211493). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Les immeubles ECA (Etablissement d'assurance contre l'incendie et les éléments du canton de Vaud) no xxxxx et yyyyy constituent la propriété par étages PPE A.________ (ci-après: la PPE), située à U.________ et dont B.________ est un des propriétaires et l'administrateur. Par factures du 14 janvier 2021, l'ECA a fixé les primes d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels pour l'année 2021 relatives à ces immeubles à 661 fr. 90 et 28 fr. 15. 
Le 25 janvier 2021, la PPE, par l'intermédiaire de son administrateur, a recouru contre ces avis de primes et a conclu à leur annulation, voire à leur nullité, subsidiairement à la réduction par moitié de leurs montants ou dans toute autre proportion que justice dirait. 
Le 26 février 2021, l'ECA a notamment exposé à la PPE que la loi vaudoise concernant l'assurance des bâtiments et du mobilier contre l'incendie et les éléments naturels du 17 novembre 1952 (LAIEN; BLV 963.41) prévoyait à son art. 68 al. 4 que les contestations qui ne portaient pas sur un sinistre étaient soumises à l'arbitrage. 
Le 9 mars 2021, la PPE a proposé à l'ECA de s'adresser au juge compétent en vertu de l'art. 47 al. 2 du code de droit privé judiciaire vaudois du 12 janvier 2010 (CDPJ; BLV 211.02), pour statuer sur une demande de désignation d'un arbitre selon l'art. 362 al. 3 du code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC; RS 272), disposition qui prévoit que l'autorité judiciaire appelée à nommer un arbitre procède à cette nomination, sauf si un examen sommaire démontre qu'il n'existe aucune convention d'arbitrage entre les parties. 
 
B.  
Le 18 mars 2021, l'ECA a saisi la Présidente du Tribunal d'arrondissement de Lausanne, en application de l'art. 68 al. 4 LAIEN, en sollicitant la désignation d'un ou de plusieurs arbitres chargé (s) d'instruire et de juger le recours de la PPE. Trois arbitres ont été proposés. 
La PPE a conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet de la requête, contestant en substance la possibilité d'un arbitrage sans son accord. 
Par jugement du 5 juillet 2021, la Présidente du Tribunal d'arrondissement de Lausanne a désigné le Professeur C.________ en qualité d'arbitre et réparti les frais judiciaires, arrêtés à 400 fr., par moitié entre les parties. 
La PPE a recouru contre ce jugement auprès de la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal). 
Par arrêt du 20 octobre 2021, le Tribunal cantonal a rejeté le recours et confirmé le jugement du 5 juillet 2021. 
 
C.  
Contre l'arrêt du 20 octobre 2021, la PPE, agissant par son administrateur, forme un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et de la décision de la Présidente du Tribunal d'arrondissement de Lausanne du 5 juillet 2021 et à ce que l'ECA soit renvoyé à procéder devant la juridiction civile ordinaire. 
Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de son arrêt. L'ECA conclut au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le présent litige porte, au fond, sur des primes d'assurance-incendie fondées sur la LAIEN, qui est une loi cantonale de droit public. La cause relève ainsi du droit public (cf. art. 82 let. a LTF; arrêts 2C_942/2020 du 26 novembre 2021 consid. 1.1; 2C_769/2016 du 7 décembre 2017 consid. 1.1). Elle ne tombe en outre sous le coup d'aucune des exceptions de l'art. 83 LTF, de sorte que la voie du recours en matière de droit public est en principe ouverte.  
Se fiant à la voie de droit indiquée dans l'arrêt attaqué, la recourante a formé un recours en matière civile. Cela ne lui nuit pas, pour autant que son écriture remplisse les conditions formelles de la voie de droit qui est ouverte (ATF 138 I 367 consid. 1.1; 134 III 379 consid. 1.2). 
 
1.2. L'arrêt attaqué confirme une décision désignant un arbitre pour trancher le différend opposant la recourante à l'ECA au sujet de la fixation du montant des primes d'assurance-incendie et admettant par là-même, contrairement à l'avis de la recourante, la compétence de l'arbitre.  
Le recours immédiat devant le Tribunal fédéral est ouvert contre une telle décision incidente portant sur la compétence et notifiée séparément (art. 92 al. 1 LTF; cf. ATF 136 V 141 consid. 2). 
 
1.3. L'arrêt attaqué a été rendu par une autorité cantonale de dernière instance et peut donc faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral (art. 86 al. 1 let. d LTF).  
Le mécanisme particulier de la LAIEN en ce qui concerne le règlement des différends hors cas de sinistres appelle une précision à cet égard. L'art. 68 al. 8 LAIEN déclare applicables, pour le surplus, les règles sur l'arbitrage du CPC, à titre de droit cantonal supplétif. Or, l'art. 390 al. 1 et 2, 2e phrase CPC prévoit que la décision du Tribunal cantonal est définitive lorsque les parties ont convenu, par déclaration expresse, que la sentence arbitrale pourrait faire l'objet d'un recours devant le tribunal cantonal compétent. Cette disposition ne peut pas être comprise dans le renvoi de l'art. 68 al. 8 LAIEN (cf. en ce sens, arrêt 4A_409/2019 du 28 octobre 2019 consid. 4). En effet, d'une part, la possibilité de saisir le Tribunal cantonal est prévue directement par l'art. 68 al. 6 LAIEN et ne découle donc pas d'un accord des parties. D'autre part, aucune disposition de droit fédéral n'autorise les cantons à exclure, par leur législation, le recours au Tribunal fédéral contre une décision de dernière instance de leurs autorités (cf. arrêt 4A_409/2019 du 28 octobre 2019 consid. 4). 
 
1.4. Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF). La PPE recourante bénéficie de la capacité pour agir et de la capacité pour ester en justice dans le domaine de l'administration commune (cf. art. 712l al. 2 CC [RS 210]; ATF 142 III 551 consid. 2.2). Les primes d'assurance-incendie relèvent en l'espèce de ladite administration. Destinataire de l'arrêt attaqué, la recourante peut se prévaloir d'un intérêt digne de protection à sa modification ou à son annulation, de sorte qu'il faut lui reconnaître la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF).  
Il s'ensuit que le recours est recevable comme recours en matière de droit public. En revanche, la conclusion tendant à l'annulation du jugement de première instance du 5 juillet 2021 est irrecevable, seul l'arrêt du Tribunal cantonal pouvant faire l'objet du recours au Tribunal fédéral (art. 86 al. 1 LTF). Sous cette réserve, il convient d'entrer en matière. 
 
2.  
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral contrôle librement le respect du droit fédéral, qui comprend les droits de nature constitutionnelle (art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF). Sous réserve des cas cités expressément à l'art. 95 LTF, le recours ne peut toutefois pas être formé pour violation du droit cantonal (et communal) en tant que tel. En revanche, il est possible de faire valoir que l'application du droit cantonal (et communal) consacre une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine cependant de tels moyens que s'ils sont formulés conformément aux exigences de motivation qualifiées prévues à l'art. 106 al. 2 LTF, c'est-à-dire s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 143 IV 500 consid. 1.1).  
 
2.2. En l'espèce, la recourante dénonce notamment une violation de l'art. 362 al. 3 CPC.  
En vertu de l'art. 68 al. 8 LAIEN, les règles sur l'arbitrage du CPC sont applicables à titre de droit cantonal supplétif. Il appartenait partant à la recourante d'invoquer l'arbitraire ou la violation d'autres droits constitutionnels si elle entendait se plaindre de l'interprétation donnée à l'art. 362 al. 3 CPC (cf. ATF 144 I 159 consid. 4.2). Dès lors que la recourante n'élève pas de tels griefs, sa critique est irrecevable. 
 
3.  
Se plaignant d'une violation de l'art. 29a Cst., la recourante conteste la possibilité de soumettre à l'arbitrage, contre sa volonté, le contentieux relatif au montant de la prime d'assurance-incendie. 
 
3.1. L'art. 29a Cst. donne à toute personne le droit à ce que sa cause, c'est-à-dire un différend juridique mettant en jeu des intérêts individuels dignes de protection, soit jugée par une autorité judiciaire jouissant d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (ATF 147 I 333 consid. 1.6.1; 141 I 172 consid. 4.4.1 et les références citées). Cette norme étend le contrôle judiciaire à toutes les matières, y compris aux actes de l'administration, en établissant une garantie générale de l'accès au juge (ATF 147 I 333 consid. 1.6.1). Cette garantie ne s'oppose pas aux conditions de recevabilité habituelles du recours ou de l'action (ATF 143 I 344 consid. 8.2).  
 
3.2. L'art. 68 LAIEN prévoit que l'assuré qui conteste une décision prise à son égard par l'ECA, indépendamment de tout sinistre, peut recourir contre cette décision par acte motivé adressé à l'ECA (al. 1). Ce recours est instruit et jugé par un ou trois arbitres choisis d'entente entre les parties ou, à ce défaut, par le président du tribunal d'arrondissement de l'emplacement ordinaire des biens mentionnés dans la police (al. 4). Les arbitres instruisent librement le litige; ils peuvent entendre des experts. Ils statuent sur le fond et sur les frais; ils peuvent allouer des dépens (al. 5). Les décisions des arbitres peuvent être portées dans les dix jours devant le Tribunal cantonal, qui examine librement tous les moyens du recours, tant en réforme qu'en nullité, sur le fond et sur les frais et dépens (al. 6). La procédure de recours a un effet suspensif; elle est dispensée du timbre en première instance (al. 7). Pour le surplus, les règles sur l'arbitrage du CPC sont applicables à titre de droit cantonal supplétif (al. 8).  
Bien que la loi parle "d'arbitres", la procédure instituée par l'art. 68 LAIEN ne relève pas de l'arbitrage, faute en particulier d'élément conventionnel, mais constitue une instance légale de la juridiction administrative (cf. ELEANOR MCGREGOR, L'arbitrage en droit public suisse, thèse 2015, p. 11 s.). Les arbitres tirent leur pouvoir de la loi et non de l'accord des parties. Le fait que l'art. 68 al. 4 LAIEN donne aux parties la possibilité de désigner les arbitres ne modifie pas la nature du mécanisme, car la nomination de ces arbitres pour instruire et trancher les recours est impérativement prévue par la loi (ELEANOR MCGREGOR, op. cit., p. 11 s.).  
 
3.3. En tant que la recourante se plaint que le litige en matière de primes d'assurance-incendie est soumis à un "arbitrage" sans son accord, elle perd de vue que cet "arbitrage" est directement prévu par la loi et que son accord n'est partant pas nécessaire. Contrairement à ce que fait valoir la recourante, la procédure de l'art. 68 al. 4 et 5 LAIEN est en outre compatible avec l'art. 29a Cst. et la jurisprudence relative à cette disposition, puisque les décisions des arbitres peuvent, en vertu de l'art. 68 al. 6 LAIEN, être portées devant le Tribunal cantonal et que celui-ci examine librement tous les moyens de recours. Les voies de recours ne sont donc pas limitées à l'arbitraire et à la sanction des vices de forme les plus graves comme le dénonce la recourante. Le mécanisme prévu par l'art. 68 LAIEN ne revient pas à soustraire les litiges en matière d'assurance-incendie sans sinistre à la connaissance des juridictions au profit de l'arbitrage. Par ailleurs, le renvoi aux règles sur l'arbitrage du CPC à titre de droit cantonal supplétif pour les points qui ne sont pas réglés dans la LAIEN n'apparaît pas contraire à la garantie constitutionnelle. En effet, si l'art. 29a Cst. ne s'oppose pas aux règles de recevabilité usuelles (cf. supra consid. 3.1), a fortiori cette disposition ne dicte pas les règles de procédure, excepté l'exigence, qui est en l'espèce garantie, que l'autorité judiciaire saisie examine librement en fait et en droit la cause.  
En conclusion, le grief tiré de la violation de l'art. 29a Cst. est mal fondé. 
 
4.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, envisagé en tant que recours en matière de droit public, dans la mesure de sa recevabilité. Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours, envisagé comme un recours en matière de droit public, est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué à l'administrateur de la recourante, à l'Etablissement d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels du canton de Vaud (ECA) et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours civile. 
 
 
Lausanne, le 5 septembre 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : E. Kleber