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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_993/2021  
 
 
Arrêt du 6 octobre 2022  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Ryter. 
Greffier : M. Ermotti. 
 
Participants à la procédure 
A.________ Sàrl, 
représentée par Me Cédric Aguet, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
Office fédéral de la douane et de la 
sécurité des frontières, 
Taubenstrasse 16, 3003 Berne. 
 
Objet 
Redevance sur le trafic des poids lourds; 
demande de remboursement, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 1er novembre 2021 (A-2521/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. La société A.________ Sàrl (ci-après: A.________ Sàrl ou la Société) a pour but social l'exploitation d'une entreprise de transports routiers. Elle est notamment propriétaire d'un porte-containers immatriculé dans le canton de Vaud.  
 
A.b. Entre janvier 2014 et avril 2015, la Société a effectué, en tant que sous-traitant, des courses de transport combiné non accompagné pour le compte de la société B.________ AG. Cette collaboration a repris en novembre 2017.  
 
A.c. Les 19 et 24 octobre 2018, 19 novembre 2018 et 13 décembre 2018, A.________ Sàrl a transmis à l'Administration fédérale des douanes (devenue entretemps l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières; ci-après: l'Office fédéral) des demandes de remboursement fondées sur la législation fédérale relative à la redevance sur le trafic des poids lourds et au remboursement de celle-ci pour les transports effectués au titre de trafic combiné non accompagné. Les demandes, qui concernaient les périodes de novembre à décembre 2017 et de mars à novembre 2018, portaient sur un montant total de 59'367 fr.  
 
A.d. Les 27 novembre et 10 décembre 2018, sur requête de l'Office fédéral, A.________ Sàrl a envoyé à cette autorité les justificatifs suivants relatifs aux courses de transport combiné non accompagné effectuées en 2017 et 2018:  
 
- les rapports journaliers établis par B.________ AG indiquant notamment les lieux de prise en charge et de dépôt des containers, les lieux de chargement ou de déchargement de la marchandise et les numéros des containers transportés; 
- les numéros des trains ayant transporté lesdits containers. 
Le 9 janvier 2019, l'Office fédéral a informé A.________ Sàrl que les documents transmis étaient insuffisants, car ils ne permettaient pas de déterminer le parcours principal des containers effectué par rail. Cette autorité a imparti à la Société un délai au 18 janvier 2019 pour lui faire parvenir les documents attestant que chaque container avait bien été transporté par rail avant que l'intéressée ne le prenne en charge. Le 29 janvier 2019, A.________ Sàrl a envoyé à l'Office fédéral la liste des numéros des wagons ayant transporté les containers; cette liste avait été établie et complétée à la main par un représentant de B.________ AG, puis elle avait été timbrée par A.________ Sàrl. 
Le 31 janvier 2019, l'Office fédéral a informé la Société que la liste susmentionnée ne permettait toujours pas d'attester l'acheminement par rail des containers et lui a imparti un nouveau délai au 5 février 2019 pour fournir les renseignements demandés. Le 12 mars 2019, l'Office fédéral a imparti à A.________ Sàrl un dernier délai au 26 mars 2019 pour lui faire parvenir "une attestation signée par [B.________ AG], aux fins de prouver le trajet principal par rail des différents containers transportés" (arrêt entrepris, p. 3). En réponse à cette requête, la Société a transmis à l'Office fédéral des factures adressées à B.________ AG, des lettres reçues par celle-ci relatives à la procédure de remboursement, ainsi que la liste avec les numéros des wagons déjà transmise en janvier 2019. Elle n'a toutefois pas produit l'attestation signée par B.________ AG requise par l'Office fédéral, expliquant que la société en question refusait de la rédiger et que la collaboration entre les deux sociétés avait pris fin. 
 
B.  
Par décision du 8 avril 2019, l'Office fédéral a rejeté les demandes de remboursement déposées par A.________ Sàrl pour la période de novembre 2017 à décembre 2018. Le 24 mai 2019, A.________ Sàrl a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral. 
Par arrêt du 1er novembre 2021, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours. Cette autorité a considéré, en substance, que les documents transmis à l'Office fédéral par la Société ne remplissaient pas les conditions pour obtenir le remboursement requis, car ils n'étaient pas propres à démontrer que les transports faisant l'objet de la demande avaient été effectués au titre de trafic combiné non accompagné, c'est-à-dire en relation avec des trajets effectués principalement par rail. A ce sujet, elle a également constaté que l'Office fédéral n'avait pas violé la maxime inquisitoire ni la loi fédérale sur la procédure administrative en refusant d'ordonner à B.________ AG de produire une attestation propre à établir le trajet principal par rail des différents containers transportés. Le Tribunal administratif fédéral a en outre refusé d'administrer lui-même ce moyen de preuve, considérant que, comme l'Office fédéral, il "n'avait pas à contraindre [B.________ AG] à produire des attestations, faute de base légale". 
 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ Sàrl demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 1er novembre 2021 et (implicitement) de le reformer en ce sens que l'Office fédéral est condamné à lui verser 59'367 fr. "plus intérêts" au titre de remboursement de la redevance sur le trafic des poids lourds "pour cause de transports combinés rail-route (TCNA) effectués du 1er novembre 2017 au 31 décembre 2018". Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à l'Office fédéral pour nouvelle décision dans le sens des considérants. A titre de mesure d'instruction, l'intéressée demande au Tribunal fédéral d'ordonner à B.________ AG de "verser à la procédure tout document propre à démontrer que du 1er novembre 2017 au 31 décembre 2018, A.________ Sàrl a effectué sur mandat de B.________ AG les transports combinés rail-route (TCNA) objets des demandes de remboursement". 
Le Tribunal administratif fédéral se réfère à l'arrêt entrepris. L'Office fédéral dépose des déterminations et conclut au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 89 consid. 1). 
 
1.1. Le présent litige concerne le remboursement de la redevance sur le trafic des poids lourds pour la période de novembre 2017 à décembre 2018, en application des dispositions de la loi fédérale du 19 décembre 1997 concernant une redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (LRPL; RS 641.81), de l'ordonnance fédérale du 6 mars 2000 concernant une redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (ORPL; RS 641.811), ainsi que de l'ordonnance fédérale du 1er septembre 2000 sur le remboursement de la redevance sur le trafic des poids lourds pour les transports effectués sur les parcours initiaux et terminaux du trafic combiné non accompagné (ordonnance sur le remboursement; RS 641.811.22). Il s'agit dès lors d'une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc en principe ouverte.  
 
1.2. Au surplus, l'arrêt attaqué constitue une décision finale (art. 90 LTF) rendue par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF). Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF) par la destinataire de l'arrêt entrepris qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 89 al. 1 LTF), le recours est recevable.  
 
2.  
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), alors qu'il n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant, conformément au principe d'allégation (art. 106 al. 2 LTF). Dans ce cas, l'acte de recours doit contenir un exposé succinct des droits fondamentaux violés et préciser en quoi consiste la violation (cf. ATF 145 I 121 consid. 2.1; arrêt 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 2). 
 
3.  
A titre de mesure d'instruction, la recourante demande au Tribunal fédéral d'ordonner à B.________ AG de produire des documents en sa possession. Des mesures probatoires devant le Tribunal fédéral (cf. art. 55 LTF) ne sont qu'exceptionnellement ordonnées dans une procédure de recours (ATF 136 II 101 consid. 2; arrêts 5A_741/2021 du 22 avril 2022 consid. 2.3; 2C_865/2021 du 2 février 2022 consid. 2.4). Au vu de l'issue du litige, il n'est de toute manière pas nécessaire de se déterminer sur la requête de l'intéressée. 
 
4.  
Dans un grief d'ordre formel, qu'il convient d'examiner en premier lieu (ATF 141 V 557 consid. 3), la recourante se plaint de la violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.). Elle soutient en substance que, en refusant d'ordonner à B.________ AG de produire une attestation propre à établir le trajet principal par rail des différents containers transportés, le Tribunal administratif fédéral aurait violé son droit à la preuve (cf. recours, p. 4 s.). 
 
4.1. La jurisprudence a notamment déduit du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. le droit pour le justiciable de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision (cf. ATF 142 II 218 consid. 2.3; arrêt 2C_564/2017 du 4 avril 2019 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves suppose que le fait à prouver soit pertinent, que le moyen de preuve proposé soit nécessaire pour constater ce fait et que la demande soit présentée selon les formes et délais prescrits (cf. ATF 134 I 140 consid. 5.3; arrêt 2C_498/2020 du 14 janvier 2021 consid. 4.1). Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1; arrêt 2D_49/2021 du 29 mars 2022 consid. 3.2). Le droit à la preuve est aussi violé lorsque le juge charge le justiciable de lui fournir lui-même des attestations de tiers qui échappent à son contrôle direct et qu'il lui fait supporter les conséquences de l'échec de l'administration desdites preuves (arrêts 2C_564/2017 du 4 avril 2019 consid. 3.1; 2C_104/2016 du 28 novembre 2016 consid. 5.3). Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1).  
 
4.2. En l'espèce, le Tribunal administratif fédéral a confirmé la décision de l'Office fédéral rejetant la demande de remboursement formulée par la recourante au motif que celle-ci n'avait pas produit des documents propres à établir l'acheminement par rail des containers transportés (cf. art. 4 al. 3 LRPL; art. 8 ss ORPL; art. 1 ss de l'ordonnance sur le remboursement; arrêt entrepris, p. 6 ss). Les juges précédents, comme l'Office fédéral, ont considéré que les pièces fournies à cette fin par l'intéressée (rapports journaliers établis par B.________ AG indiquant les lieux de prise en charge et de dépôt des containers, les lieux de chargement ou de déchargement de la marchandise et les numéros des containers transportés, numéros des trains ayant transporté lesdits containers, factures adressées à B.________ AG, lettres reçues par celle-ci relatives à la procédure de remboursement, liste avec les numéros des wagons ayant transporté les containers) n'étaient pas suffisantes. L'Office fédéral, suivi également sur ce point (du moins implicitement) par le Tribunal administratif fédéral, avait en effet considéré que la recourante aurait dû produire à l'appui de sa requête une attestation signée par B.________ AG propre à établir le trajet principal par rail des différents containers transportés (cf. aussi la réponse de l'Office fédéral du 20 janvier 2022, p. 4). A ce sujet, il ressort de l'arrêt entrepris que la recourante a expliqué en cours de procédure qu'elle n'avait pas été en mesure de fournir l'attestation requise, car B.________ AG refusait de la rédiger (arrêt attaqué, p. 3) et que, pour cette raison, elle avait demandé à l'Office fédéral (arrêt attaqué, p. 12) et, par la suite, au Tribunal administratif fédéral (arrêt attaqué, p. 21; cf. aussi la réplique de la recourante à cette autorité du 17 septembre 2019; art. 105 al. 2 LTF), d'administrer ce moyen de preuve. Dans ces circonstances, en considérant que l'intéressée n'avait pas réussi à démontrer que le trajet principal des containers transportés avait été effectué par rail, tout en refusant, en même temps, d'ordonner à B.________ AG de produire une attestation propre à établir ce fait, alors que l'attestation en question avait expressément été exigée à cette fin par l'Office fédéral et que l'administration de ce moyen de preuve avait dûment été requise par la recourante qui n'avait elle-même pas pu l'obtenir, le Tribunal administratif fédéral a violé le droit d'être entendu de cette dernière.  
En effet, en présence d'un élément de fait pertinent pour l'issue du litige, qui n'avait pas pu être établi sur la base d'autres moyens de preuve, les juges précédents, qui disposaient d'un pouvoir d'examen complet de la cause, ne pouvaient pas, sans violer le droit à la preuve découlant du droit d'être entendu de l'intéressée, à la fois refuser de donner suite à l'offre de preuve présentée par celle-ci et en même temps considérer que ledit élément n'était pas prouvé ou démontré (cf. arrêts 2C_634/2016 du 4 mai 2017 consid. 2.4; 2C_104/2016 du 28 novembre 2016 consid. 5.3; 2C_304/2011 du 13 septembre 2011 consid. 3.5). Ce raisonnement revient en effet à déléguer l'accomplissement d'actes d'instruction portant sur des preuves échappant à son contrôle direct (une attestation que B.________ AG refusait de produire) à une partie à la procédure et à lui faire subir les conséquences procédurales en cas d'échec, ce qui n'est pas admissible (cf. arrêt 2C_104/2016 du 28 novembre 2016 consid. 5.3). Le grief relatif à la violation du droit d'être entendu se révèle donc fondé. 
 
5.  
Il découle de ce qui précède que le recours doit être admis et l'arrêt attaqué annulé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés par la recourante. La cause sera renvoyée au Tribunal administratif fédéral pour qu'il ordonne l'administration du moyen de preuve requis par l'intéressée, soit pour qu'il ordonne à B.________ AG de produire une attestation propre à établir - le cas échéant - le trajet principal par rail des différents containers transportés faisant l'objet de la demande de remboursement, puis rende une nouvelle décision sur cette base. 
Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires sont mis à la charge de l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières, qui succombe et dont l'intérêt patrimonial est en cause (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Ayant obtenu gain de cause avec l'assistance d'un mandataire professionnel, la recourante a droit à des dépens, à charge de l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis et l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 1er novembre 2021 est annulé. La cause est renvoyée à cette autorité pour qu'elle statue dans le sens des considérants. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'500 fr., sont mis à la charge de l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières. 
 
3.  
L'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières versera à la recourante une indemnité de 4'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières et au Tribunal administratif fédéral, Cour I. 
 
 
Lausanne, le 6 octobre 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : A. Ermotti