Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_434/2022  
 
 
Arrêt du 9 septembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Müller et Merz. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Robert Assaël, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 
1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Détention pour des motifs de sûreté, 
 
recours contre l'ordonnance du Président de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 27 juillet 2022 (OARP/32/2022 - P/25573/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 25 février 2022, le Tribunal criminel du canton de Genève a condamné A.________ (ressortissant suisse né en 1997) à 13 ans de privation de liberté pour l'assassinat de celle avec laquelle il entretenait une relation de couple, ainsi que pour menaces et voies de fait. Par décision du même jour, le prévenu a été maintenu en détention pour des motifs de sûreté en raison du risque de fuite. Il avait été placé en détention provisoire dès le 20 décembre 2019, détention régulièrement prolongée par le Tribunal des mesures de contrainte, cette juridiction considérant que les mesures de substitution proposées (notamment une caution proposée de 10'000, 15'000 puis 20'000 fr.) n'étaient pas suffisantes au regard du risque de fuite. A.________ a fait appel du jugement, concluant à son acquittement. Le Ministère public a également fait appel, concluant au prononcé d'une peine privative de liberté de 18 ans. 
 
B.  
Le 24 juin 2022, A.________ a adressé à la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) une demande de mise en liberté. Il affirmait que l'importance de la peine prononcée en première instance ne suffisait pas à retenir un risque de fuite, compte tenu de sa nationalité suisse et de ses liens avec Genève où il avait fait toute sa scolarité et son apprentissage. En cas de libération, il pourrait effectuer un stage puis un apprentissage, et pourrait loger chez ses parents. Il proposait diverses mesures de substitution, dont le versement par son père d'une caution de 50'000 fr. Par décision du 13 juillet 2022, le Président de la CPAR a rejeté la demande de mise en liberté, considérant en particulier que le montant de la caution proposée n'était pas suffisant au vu de la gravité du risque de fuite. A.________ a déposé une nouvelle demande de libération le 15 juillet 2022, apportant des précisions sur l'état de fortune de ses parents: il a produit une attestation fiscale de juillet 2022 faisant état d'une fortune brute de 1'217'610 fr. et proposait dès lors le versement d'une caution de 350'000 fr. voire plus si la juridiction d'appel devait considérer ce montant comme insuffisant. 
Par ordonnance du 27 juillet 2022, le Président de la CPAR a à nouveau rejeté la demande. En cas d'admission de l'appel du Ministère public, le recourant devrait encore purger plus de dix ans de détention, même en cas de libération conditionnelle. S'agissant d'un prévenu de 25 ans, présentant une fragilité psychique, une faible maîtrise de soi et une incapacité d'assumer ses responsabilités, la tentation de passer dans la clandestinité, à l'approche des débats d'appel, était évidente. La caution proposée ne constituait pas une garantie suffisante. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance du 27 juillet 2022 et de prononcer sa mise en liberté moyennant les mesures de substitution suivantes: fourniture de sûretés à hauteur de 350'000 fr., voire davantage si le Tribunal fédéral devait considérer ce montant comme insuffisant; assignation au domicile de ses parents; dépôt des papiers d'identité; obligation de se présenter chaque semaine à un poste de police; obligation de porter un bracelet électronique; obligation de travailler chez B.________ SA. 
La CPAR se réfère à son ordonnance. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Dans ses dernières déterminations, le recourant persiste dans les termes et conclusions de son recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le recourant, prévenu détenu, a qualité pour recourir. Le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue par une autorité statuant en tant que dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Une mesure de détention pour des motifs de sûreté n'est compatible avec la liberté personnelle garantie aux art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par un risque de fuite ou par un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, à l'égard de l'intéressé (art. 221 al. 1 CPP). En l'occurrence, les charges telles qu'elles ressortent du jugement de première instance frappé d'appel, ne sont pas contestées par le recourant. 
 
3.  
Se plaignant d'arbitraire et d'une violation du droit d'être entendu, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir statué en totale contradiction avec sa décision précédente du 13 juillet 2022 dans laquelle elle estimait qu'une caution de 50'000 fr. n'était pas suffisamment prohibitive, et qu'un montant supérieur pourrait donc pallier le risque de fuite. Par ailleurs, la fragilité psychique dont les experts psychiatres ont fait état serait sans lien avec le risque de fuite puisqu'elle se rapporte à une éventuelle culpabilité. La CPAR aurait également violé la présomption d'innocence en estimant que la condamnation de première instance diminuerait la probabilité d'un acquittement en appel, et en évoquant les risques liés à la maîtrise de soi du recourant et à son incapacité d'assumer ses responsabilités. Le recourant reproche à la CPAR d'avoir relevé son échec professionnel antérieur, sans tenir compte de son évolution en prison. Enfin, l'ordonnance attaquée méconnaîtrait que, même si la caution est fournie par son père, le recourant est très proche de sa famille et ne prendrait pas le risque d'être rejeté par elle en prenant la fuite. La caution proposée représenterait près de 30% de la fortune familiale. 
 
3.1. Même si le recourant ne conteste pas le risque de fuite en tant que tel, il présente certains arguments pour tenter d'en relativiser l'importance. L'appréciation de la cour cantonale est toutefois conforme à la jurisprudence constante selon laquelle, lorsqu'une lourde condamnation a comme en l'espèce été prononcée en première instance, l'existence de forts soupçons s'en trouve renforcée (ATF 139 IV 186 consid. 2.2.3), tout comme le risque de fuite puisque la perspective de passer de nombreuses années en prison apparaît alors concrète (cf. ATF 145 IV 503 consid. 2.2; 143 IV 168 consid. 5.1; 139 IV 270 consid. 3.1), a fortiori lorsque le jugement fait comme en l'occurrence l'objet d'un appel du Ministère public tendant au prononcé d'une peine plus lourde encore. Il n'y a là aucune violation de la présomption d'innocence, la cour cantonale ayant d'ailleurs pris soin d'évoquer la culpabilité du recourant comme une simple hypothèse. Elle a par ailleurs relevé que l'appréciation des experts psychiatres avait été formulée en rapport avec une éventuelle culpabilité, mais cela ne l'empêchait pas de tenir compte, également à propos du risque de fuite, de la fragilité psychique du recourant, de sa faible maîtrise de soi et de son incapacité à assumer les responsabilités de ses faits et gestes. Compte tenu de ces éléments, du fait que le recourant est célibataire et sans enfants, et de la proximité des débats d'appel, fixés au 19 septembre 2022, c'est avec raison que la CPAR a retenu un risque de fuite évident.  
 
3.2. Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il convient d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention. Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. Selon l'art. 237 al. 2 CPP, font notamment partie des mesures de substitution la fourniture de sûretés (let. a). La libération moyennant sûretés implique un examen approfondi, qui demande une certaine collaboration de la part du prévenu, dès lors que le caractère approprié de la garantie doit être apprécié notamment au regard des ressources du prévenu, de ses liens avec des personnes pouvant lui servir de caution et de la confiance qu'on peut avoir que la perspective de perdre le montant agira comme un frein suffisamment puissant pour écarter toute velléité de fuite (arrêts 1B_274/2014 du 26 août 2014 consid. 3.3; 1P.165/2006 du 19 avril 2006 consid. 3.2.1, in SJ 2006 I p. 395). Il convient également de tenir compte de l'origine des fonds proposés comme sûretés (arrêts 1B_569/2021 du 4 novembre 2021; 1B_42/2015 du 16 février 2015 consid. 2.3; 1B_576/2012 du 19 octobre 2012 consid. 5.3 et les références citées).  
 
3.3. La précédente décision de refus de mise en liberté du 13 juillet 2022 considère que la caution proposée alors, de 50'000 fr., représentait apparemment un effort financier important mais n'était pas suffisante à ce stade de la procédure. Contrairement à ce que soutient le recourant, on ne saurait d'aucune manière en déduire qu'un montant plus important serait nécessairement considéré comme adéquat, la cour cantonale ayant bien précisé dans sa première décision qu'elle ignorait l'état de fortune de la famille du recourant. Il n'y a sur ce point ni contradiction constitutive d'arbitraire, ni violation du droit d'être entendu.  
Le recourant a d'abord proposé, en 2020, une caution d'un montant de 10'000 fr., prétendant qu'il s'agissait d'une somme importante au vu de la situation financière de sa famille. Par la suite, en 2021, il a proposé 15'000, puis 20'000 fr. Des renseignements plus précis sur la fortune familiale n'ont été donnés qu'en tout dernier lieu et on peut dès lors s'interroger, avec la cour cantonale, sur la collaboration réelle du prévenu et la confiance que l'on peut avoir dans ses dernières indications. A tout le moins, la situation de fortune de la famille du recourant ne peut être considérée comme définitivement établie. 
Cela étant, en dépit des liens étroits que semble avoir le recourant avec sa famille, le montant proposé, certes considérable par rapport à la fortune déclarée, n'apparaît pas propre à prévenir le risque de fuite. Il en irait d'ailleurs de même pour un montant plus élevé. La cour cantonale a tenu compte avec raison de la situation procédurale (lourde condamnation en première instance, appel du Ministère public, proximité des débats d'appel) ainsi que des éléments disponibles concernant la situation du prévenu (célibataire, sans enfants ni profession) et son caractère (faible maîtrise de soi, absence de responsabilité). Sur le vu de ce qui précède, la cour cantonale a exclu à juste titre une libération sous caution. 
Pour le surplus, le recourant ne conteste pas que l'ensemble des autres mesures de substitution proposées ne sont pas propres à pallier un risque élevé de fuite (cf. ATF 145 IV 503 consid. 3.3.1). 
 
4.  
Le recours doit par conséquent être rejeté. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant qui succombe. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et au Président de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 9 septembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Kurz