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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
2C_343/2018  
 
 
Arrêt du 11 octobre 2018  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Seiler, Président, 
Donzallaz et Haag. 
Greffier: M. Tissot-Daguette. 
 
Participants à la procédure 
Administration fédérale des douanes, 
recourante, 
 
contre  
 
X.________ SA, 
représentée par Me Stefano Fabbro et Me Anaïs Loeffel, avocats, 
intimée. 
 
Objet 
Taxation de tabac pour pipe à eau, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour I du Tribunal administratif fédéral du 5 mars 2018 (A-5193/2016). 
 
 
Faits :  
 
A.   
La société X.________ SA, inscrite au registre du commerce de la République et canton de Genève, est active dans la vente et l'achat (import-export) de tabac, de cigarettes et de marchandises diverses. Selon ses déclarations, elle a passé trois commandes de tabac pour pipe à eau les 21 mars, 19 et 22 avril 2015 portant sur plusieurs tonnes. Sur ces quantités, elle a procédé au dédouanement de 18 kg. 
 
B.   
Par décision du 20 août 2015, le bureau de douane compétent a taxé l'intéressée pour un montant de 1'616 fr. 75. Ce montant était composé de 114 fr. 45 de droits de douane, de 1'440 fr. d'impôt sur le tabac, de 31 fr. 15 de redevances SOTA (fonds destiné à promouvoir la culture du tabac indigène) et de 31 fr. 15 en faveur du fond de prévention du tabagisme. Cette décision était accompagnée d'une décision en matière de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après: TVA) pour un montant de 146 fr. 90. Sur recours de la société X.________ SA du 8 octobre 2015, la Direction d'arrondissement douanière compétente a confirmé la décision du bureau de douane le 22 juin 2016. L'intéressée a contesté ce prononcé sur recours le 26 août 2016 auprès du Tribunal administratif fédéral. Par arrêt du 5 mars 2018, celui-ci a admis le recours, pour autant que recevable. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'Administration fédérale des douanes (ci-après: l'Administration fédérale) demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais, outre l'effet suspensif, d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 5 mars 2018 et de confirmer la décision sur recours de la Direction d'arrondissement du 22 juin 2016. 
Par ordonnance du 14 mai 2018, le Président de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a rejeté la requête d'effet suspensif. 
Le Tribunal administratif fédéral renonce à se déterminer. La société X.________ SA conclut au rejet du recours. Dans sa réplique, l'Administration fédérale confirme ses conclusions et demande la suspension de la procédure. La société X.________ SA confirme également ses conclusions et s'oppose à la suspension demandée par l'Administration fédérale. Dans un courrier spontané non daté et réceptionné le 3 septembre 2018 par le Tribunal fédéral, la société, sans l'aide de son avocat, demande à la Cour de céans qu'elle intervienne auprès de l'Administration fédérale pour faire appliquer l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 5 mars 2018 et l'ordonnance du 14 mai 2018 relative à l'effet suspensif. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
L'arrêt attaqué, qui concerne l'impôt sur le tabac, les droits de douane et la TVA relatifs à l'importation de tabac pour pipe à eau, est une décision finale (art. 90 LTF), rendue par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF). Si, aux termes de l'art. 83 let. l LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière de perception de droits de douane fondée sur le classement tarifaire ou le poids des marchandises, ni la question du tarif en tant que tel (cf. à ce propos arrêt 2C_363/2010 du 6 octobre 2010 consid. 6), ni celle du poids de la marchandise n'est litigieuse en l'espèce (cf. arrêts 2C_201/2013 du 24 janvier 2014 consid. 1.1, non publié in ATF 140 II 194; 2C_32/2011 du 7 avril 2011 consid. 1.2; HANSJÖRG SEILER, in Bundesgerichtsgesetz, Seiler et al. [éd.], 2 e éd. 2015, n. 97 ad art. 83 LTF; THOMAS HÄBERLI, in Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, Niggli et al. [éd.], 2 e éd. 2011, n. 208 ad art. 83 LTF). C'est uniquement le point de savoir si l'imposition de l'importation de tabac pour pipe à eau en cause peut être fondée sur la base de calcul contenue dans la loi du 21 mars 1969 sur l'imposition du tabac (LTab; RS 641.31; cf. art. 10 al. 1 let. b LTab dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 août 2017 [RO 2009 5561]) et l'ordonnance du 14 octobre 2009 sur l'imposition du tabac (OITab; RS 641.311) qui est ici litigieux. Partant, la voie du recours en matière de droit public est ouverte. Le recours est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF) par l'Administration fédérale qui a qualité pour recourir en matière d'impôt sur le tabac, de droit de douane et de TVA (cf. art. 89 al. 2 let. a LTF, 4 al. 1 et 14 al. 2 let. c de l'ordonnance fédérale du 17 février 2010 sur l'organisation du Département fédéral des finances [Org DFF; RS 172.215.1], ainsi que 2 LTab. Il convient donc d'entrer en matière.  
 
2.   
Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3 p. 156). Le recourant ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 II 355 consid. 6 p. 358). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. Les faits et les critiques invoqués de manière appellatoire sont irrecevables (ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375). Par ailleurs, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut en principe être présenté devant le Tribunal fédéral (art. 99 al. 1 LTF). 
Dans sa réponse, l'intimée reproche à la recourante d'avoir présenté de faits ne figurant pas dans l'arrêt entrepris aux points 13 et 14 de son recours. Elle ne saurait cependant être suivie, dans la mesure où les éléments cités par la recourante sont des références tirées de la feuille fédérale et du Bulletin officiel des sessions parlementaires fédérales. Or, dans la mesure où il s'agit dans les deux cas de moyens d'interprétation du droit tirés de publications officielles, il s'agit de faits notoires (cf. arrêt 5A_812/2015 du 6 septembre 2016 consid. 5.3 et les références citées). Au demeurant, le passage figurant au point 13 du recours figure au considérant 6.5.3 de l'arrêt entrepris, si bien qu'en plus d'être notoire, ce fait n'est de toute façon pas nouveau. Ainsi, en tant que l'intimée estime que la recourante ne respecte pas l'art. 99 al. 1 LTF, son grief doit être écarté. 
 
3.   
 
3.1. Aux termes de l'art. 1 al. 1 LTab, la Confédération perçoit un impôt sur les tabacs manufacturés ainsi que sur les matières qui sont utilisées de la même manière que le tabac (produits de substitution). L'art. 1 al. 2 LTab prévoit quant à lui que les expressions "tabacs manufacturés et produits de substitution" utilisés dans la LTab sont définis dans l'OITab. L'art. 4 LTab détermine plus précisément l'objet de l'impôt. Ainsi, sont soumis à l'impôt les tabacs manufacturés fabriqués industriellement en Suisse et prêts à la consommation, de même que les tabacs manufacturés importés (art. 4 al. 1 let. a LTab). Les produits de substitution sont également soumis à l'impôt (art. 4 al. 1 let. c LTab). L'art. 4 al. 3 LTab dispose que sont réputés prêts à la consommation les tabacs manufacturés qui, jusqu'à la consommation, ne subissent aucun processus ultérieur de fabrication industrielle. Pour les tabacs manufacturés importés, c'est le débiteur de la dette douanière qui est assujetti à l'impôt (art. 6 let. b LTab). A teneur de l'ancien art. 10 al. 1 LTab, dans sa version en vigueur jusqu'au 31 août 2017 (RO 2009 5561), l'impôt est fixé: pour les cigarettes, cigares et cigarillos, par pièce et en pour-cent du prix de vente au détail (let. a); pour le tabac à coupe fine, par kilogramme et en pour-cent du prix de vente au détail (let. b); pour le tabac à fumer autre que le tabac à coupe fine et pour les autres tabacs manufacturés, ainsi que pour le tabac à mâcher et à priser, en pour-cent du prix de vente au détail (let. c). L'impôt grevant les tabacs manufacturés se calcule d'après les tarifs figurant dans les annexes I à IV (art. 11 al. 1 LTab). Ces annexes définissent donc le tarif d'impôt pour les cigarettes (annexe I), le tarif d'impôt pour les cigares et les cigarillos (annexe II), le tarif d'impôt pour le tabac à coupe fine (annexe III; depuis le 1 er septembre 2017, cette annexe définit également le tarif pour le tabac pour pipe à eau [RO 2017 4041]) et le tarif d'impôt pour le tabac à fumer autre que le tabac à coupe fine et les autres tabacs manufacturés (tabac en rouleaux, rognures de cigares et autres), ainsi que pour le tabac à mâcher et à priser (annexe IV). Le Conseil fédéral a défini la notion de "tabacs manufacturés" à l'art. 2 OITab.  
Le 1 er septembre 2017 est entrée en vigueur la modification de la LTab du 17 mars 2017 (RO 2017 4041), modifiant notamment l'art. 10 al. 1 let. b LTab. Cette disposition prévoit dorénavant que l'impôt est fixé: pour le tabac à coupe fine et le tabac pour pipe à eau, par kilogramme et en pour-cent du prix de vente au détail. A l'occasion de cette modification, le titre de l'annexe III de la LTab a également été changé en "Tarif d'impôt pour le tabac à coupe fine et le tabac pour pipe à eau".  
 
3.2. Le Tribunal administratif fédéral a retenu que la cause portait sur la taxation douane (impôt sur le tabac et droit de douane) et la taxation TVA de 18 kg effectifs (21,4 kg de masse brute) de tabac pour pipe à eau au 19 août 2015, dans la mesure où cette date correspond à l'acceptation de la déclaration en douane de la marchandise. Il a ainsi déclaré irrecevable toutes les conclusions sortant de l'objet de la contestation. Ensuite, après avoir constaté que l'art. 2 al. 6 OITab, qui, depuis le 1 er mai 2015, assimile au tabac à coupe fine le tabac pour pipe à eau, sortait du cadre légal de la LTab (qui n'a été modifiée qu'en 2017) et emportait de ce fait violation des règles sur la délégation législative, il a jugé que l'imposition du tabac en cause était trop élevée. Celle-ci devait selon lui être fondée sur l'annexe IV de la LTab (régissant le tarif d'impôt pour le tabac à fumer autre que le tabac à coupe fine et les autres tabacs manufacturés [tabac en rouleaux, rognures de cigares et autres], ainsi que pour le tabac à mâcher et à priser) et pas sur l'annexe III (régissant, en 2015, le tarif d'impôt pour le tabac à coupe fine). Il a en conséquence renvoyé la cause à l'Administration fédérale pour qu'elle procède à un nouveau calcul des différentes contributions.  
Pour sa part, la recourante estime que l'analyse faite par le Tribunal administratif fédéral de la conformité de l'OITab à la LTab ne saurait être suivie. En décidant d'assimiler le tabac pour pipe à eau au tabac à coupe fine et de le définir en tant que tel dans un nouvel art. 2 al. 6 OITab plutôt que d'apporter des précisions ou des compléments concernant ses caractéristiques physiques par analogie avec l'art. 2 al. 5 OITab (qui définit le tabac à coupe fine), le Conseil fédéral n'a pas violé le principe de la légalité. Le recourante est d'avis que, par l'art. 1 al. 2 LTab, le législateur a voulu confier au Conseil fédéral la tâche de déterminer quels produits doivent être classés dans la catégorie de "tabac manufacturé" et ainsi lui permettre de réagir rapidement et efficacement aux évolutions du marché ayant un impact négatif sur le substrat fiscal ou sur la santé publique. Elle reconnaît que l'OITab telle qu'elle était en vigueur jusqu'au 30 avril 2015 ne mentionnait pas explicitement le tabac pour pipe à eau, mais qu'en application de l'art. 1 al. 2 LTab, le Conseil fédéral avait la possibilité de soumettre à l'impôt sur le tabac un tabac manufacturé qui ne figurait pas explicitement dans la législation jusque-là. Elle cite également une jurisprudence ATF 114 Ib 17, dans laquelle le Tribunal fédéral avait admis qu'une hausse des droits de douane sur les huiles de chauffage, le gaz naturel et les autres hydrocarbures gazeux décidée par le Conseil fédéral était licite sous certaines conditions. 
 
3.3. Le litige porte ainsi sur le point de savoir si c'est à juste titre que le Tribunal administratif fédéral a considéré que les 18 kg de tabac pour pipe à eau importés par l'intimée doivent être considérés comme étant un "autre tabac manufacturé" taxé selon l'annexe IV de la LTab, respectivement si, par l'adjonction de l'art. 2 al. 6 OITab et l'assimilation du tabac pour pipe à eau au tabac à coupe fine taxé selon l'annexe III de la LTab, le Conseil fédéral a enfreint le principe de délégation et, partant, le principe de la légalité. Il convient d'emblée de préciser que les éventuelles autres quantités de tabac pour lesquelles la dette douanière n'aurait pas encore pris naissance ne font pas partie de la présente contestation. De ce fait, et pour autant qu'on la comprenne, l'intimée ne saurait être suivie lorsqu'elle demande dans son courrier reçu le 3 septembre 2018 par le Tribunal fédéral de "libérer sa marchandise". Sur le vu des pièces qu'elle a jointes au courrier précité, cette marchandise correspond à 28'750 kg de tabac pour pipe à eau ne faisant pas l'objet de la présente procédure.  
 
4.   
Il n'est pas contesté que la marchandise en cause constitue du tabac pour pipe à eau et qu'à la date de sa taxation, seul l'art. 2 al. 6 OITab faisait référence à ce produit en l'assimilant au tabac à coupe fine pour le taxer selon l'annexe III. Partant, pour déterminer quel tarif l'Administration fédérale devait appliquer à l'intimée en 2015 lors de l'importation des 18 kg de tabac pour pipe à eau, il convient uniquement de déterminer si l'art. 2 al. 6 OITab a été arrêté par le Conseil fédéral en respectant la délégation législative de l'art. 1 al. 2 LTab. En l'absence de dispositions transitoires topiques, c'est en effet le droit en vigueur à la date de la taxation qui est déterminant (cf. en matière d'impôts directs: arrêt 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 5.1, non publié in ATF 140 I 68). 
 
4.1. En présence d'une ordonnance dépendante prise en vertu d'une réglementation législative, le Tribunal fédéral examine si le Conseil fédéral est resté dans les limites des pouvoirs qui lui ont été conférés par la loi. Dans la mesure où la délégation législative n'autorise pas le Conseil fédéral à déroger à la Constitution fédérale, le Tribunal fédéral est également habilité à revoir la constitutionnalité des règles contenues dans l'ordonnance en cause. Lorsque la délégation législative accorde au Conseil fédéral un très large pouvoir d'appréciation pour fixer les dispositions d'exécution, cette clause lie le Tribunal fédéral. Dans un tel cas, le Tribunal fédéral ne saurait substituer sa propre appréciation à celle du Conseil fédéral et doit se borner à examiner si l'ordonnance en question sort manifestement du cadre de la délégation législative octroyée au Conseil fédéral ou si, pour d'autres raisons, elle apparaît contraire à la loi ou à la Constitution fédérale (ATF 130 I 26 consid. 2.2.1 p. 32; arrêt 2C_450/2017 du 26 juin 2018 consid. 5.2, destiné à la publication). D'autre part, lorsque se posent des questions d'ordre technique, le Tribunal fédéral fait, en principe, preuve de retenue (arrêt 2C_465/2014 du 27 juillet 2015 consid. 8.2 et les références citées).  
 
4.2. L'art. 1 al. 2 LTab délègue donc au Conseil fédéral la tâche de définir la notion de "tabacs manufacturés". Cette norme de délégation figure dans la LTab depuis l'entrée en vigueur de cette loi, le 1 er janvier 1970 (RO 1969 665). A son propos, le Conseil fédéral, dans son message du 10 janvier 1967 concernant le projet d'une loi fédérale sur l'imposition du tabac (FF 1967 I 113), constatait qu'à " la lumière de la récente évolution dans le domaine de la fabrication des cigares (notamment les cigarillos), il semble cependant judicieux, vu la différence sensible d'imposition entre les cigares et les cigarettes, de pouvoir adapter, s'il le faut, sans retard les délimitations technologiques à la nouvelle situation. On ne peut le faire qu'en déléguant, à l'avenir également, cette compétence au Conseil fédéral ". Sur la base de cette délégation, le Conseil fédéral a en particulier arrêté, le 14 octobre 2009 (RO 2009 5577; remplaçant l'ordonnance du 15 décembre 1969 sur l'imposition du tabac [RO 1969 1286]), l'art. 2 OITab qui définit de manière générale les tabacs manufacturés (al. 1), les cigares (al. 2), les cigarettes (al. 3), le tabac à fumer (al. 4), le tabac à coupe fine (al. 5) et qui, depuis le 1 er mai 2015 (RO 2015 1249), assimile le tabac pour pipe à eau, mentionné au tarif des douanes sous le numéro 2403.1100, au tabac à coupe fine (al. 6). Avant de d'être assimilé au tabac à coupe fine, le tabac pour pipe à eau tombait dans la définition générale des tabacs manufacturés de l'art. 2 al. 1 OITab, car mentionné au tarif des douanes sous le numéro 2403.1100. Cette disposition prévoit en effet que sont réputés tabacs manufacturés les produits mentionnés au tarif des douanes sous les numéros 2402.1000/9000, 2403.1100/1900, 2403.9910 et 2403.9990.  
 
4.3. Le 1 er janvier 2010, la LTab a subi une modification visant notamment à simplifier sa structure fiscale et à donner de nouvelles compétences au Conseil fédéral en matière d'augmentation de l'impôt (cf. FF 2008 447, p. 452). C'est à cette occasion qu'ont en particulier été révisés les art. 10 al. 1 et 11 al. 1 et 2 LTab. L'art. 10 al. 1 LTab, qui correspond à la version actuelle, mais sans référence au tabac pour pipe à eau, ajoutée en 2017 (RO 2017 4041), a été adaptée aux structures fiscales eurocompatibles (cf. FF 2008 447, p. 470). Depuis lors, les cigarettes, cigares et cigarillos sont imposés par pièce et en pour-cent du prix de vente au détail. Le tabac à coupe fine l'est quant à lui par kilogramme et en pour-cent du prix de vente au détail, le reste des tabacs manufacturés étant imposé en pour-cent du prix de vente au détail (art. 10 al. 1 LTab). La loi prévoit donc distinctement trois catégories de tabacs et trois façons de les imposer (cf. à ce propos FF 2016 4971, p. 4974). Elle laisse en revanche au Conseil fédéral la compétence de déterminer les tarifs (prix d'une pièce, respectivement d'un kilogramme et pourcentage du prix de vente; cf. art. 11 al. 1 LTab), tout en limitant sa marge de manoeuvre à l'art. 11 al. 2 LTab, qui prévoit des taux d'augmentation maximums pour les diverses catégories.  
 
4.4. S'agissant plus particulièrement du tabac à coupe fine, dont l'imposition est prévue à l'art. 10 al. 1 let. b LTab, il est utilisé pour la confection de cigarette à rouler, raison pour laquelle le Conseil fédéral, lors de la modification de la LTab de 2008 a préconisé de lui appliquer la structure fiscale prévue pour les cigarettes (FF 2008 447, p. 461), engendrant de ce fait une forte augmentation de la charge fiscale pour ce produit (FF 2008 447, p. 448). Dans son ordonnance, à l'art. 2 al. 5 OITab, il a arrêté qu'est réputé tabac à coupe fine le tabac à fumer pour lequel: plus de 25% en poids des particules de tabac présentent une largeur de coupe inférieure à 1,2 mm (let. a) ou au maximum 25% en poids des particules de tabac présentent une largeur de coupe inférieure à 1,2 mm et qui est vendu pour rouler les cigarettes ou est destiné à cette fin (let. b).  
 
4.5. Le 29 avril 2015, le Conseil fédéral a modifié son ordonnance sur l'imposition du tabac en y ajoutant l'art. 2 al. 6 OITab, assimilant le tabac pour pipe à eau au tabac à coupe fine. Cette nouvelle disposition est entrée en vigueur le 1 er mai 2015 (RO 2015 1249). L'art. 10 al. 1 let. b LTab, qui fait passer le tabac pour pipe à eau dans la catégorie d'imposition du tabac à coupe fine, a quant à lui été modifié en 2017 (RO 2017 4041). Dans son message relatif à cette dernière modification législative (FF 2016 4971), le Conseil fédéral ne définit pas le tabac pour pipe à eau. On ne trouve pas non plus de définition dans la LTab ou l'OITab. La circulaire D120 de l'Administration fédérale des douanes du 29 avril 2015 relative à la modification de l'ordonnance sur l'imposition du tabac et expliquant la nouvelle imposition du tabac pour pipe à eau intervenue par l'adjonction de l'art. 2 al. 6 OITab ne donne pas plus d'explications. En revanche, selon la note n° 1 du chapitre 24 des tares de l'Administration fédérale des douanes (cf. www.tares.ch), au sens du n° 2403.11, il faut entendre par "tabac pour pipe à eau" le tabac destiné à être fumé dans une pipe à eau et qui est constitué par un mélange de tabac et de glycérol, même contenant des huiles et des extraits aromatiques, des mélasses ou du sucre et même aromatisé aux fruits. Toutefois, les produits pour pipe à eau, ne contenant pas de tabac, sont exclus de la présente sous-position. A la lecture de cette définition, on doit admettre, à l'instar du Tribunal administratif fédéral, que le tabac pour pipe à eau n'a pas de point commun avec le tabac à coupe fine. L'Administration fédérale le reconnaît d'ailleurs expressément dans son recours.  
 
4.6. Durant les débats devant le Conseil national le 14 décembre 2016 (cf. BO 2016 N 2237 et BO 2016 N 2239), Dominique de Buman, membre rapporteur de la commission de l'économie et des redevances du Conseil national, et le Conseiller fédéral Ueli Maurer ont laissé entendre que l'art. 2 al. 6 OITab pouvait être contraire à la loi, raison pour laquelle celle-ci devait être modifiée. Certains parlementaires ont d'ailleurs expressément souligné l'absence de base légale (intervention du conseiller national Louis Schlebert; BO 2016 N 2238). Sur le vu des considérations qui précèdent, on doit constater qu'en ajoutant l'art. 2 al. 6 OITab, le Conseil fédéral a assimilé au tabac à coupe fine un produit de tabac manufacturé qui lui est étranger. Il a ainsi fait passer ce produit d'une catégorie d'imposition à une autre (en l'occurrence de l'art. 10 al. 1 let. c LTab à l'art. 10 al. 1 let. b LTab), engendrant par là une forte majoration de sa charge fiscale (le kilogramme étant passé d'environ 5 fr. à 80 fr. selon les explications du Conseiller fédéral Ueli Maurer devant le Conseil national et le Conseil des Etats [BO 2016 N 2239; BO 2017 E 33]). Or, si, comme on l'a vu, la LTab laisse une certaine marge de manoeuvre au Conseil fédéral pour définir la notion de tabacs manufacturés et les tarifs à appliquer, il ne lui donne pas la possibilité de modifier la structure de l'art. 10 al. 1 LTab. C'est cependant précisément ce qu'il a fait, de manière détournée, en ajoutant l'alinéa 6 à l'art. 2 OITab. L'art. 1 al. 2 LTab est uniquement là pour permettre au Conseil fédéral de s'adapter au développement de nouveaux tabacs et d'en permettre l'imposition, c'est-à-dire de les inclure dans la notion de tabacs manufacturés pour qu'ils se voient imposer selon l'art. 10 al. 1 let. c LTab. Il lui est certes également possible de prendre en compte de nouveaux produits et de les faire imposer selon les let. a et b de l'art. 10 al. 1 LTab. Pour cela, il faut néanmoins que ces produits puissent être qualifiés soit de cigarettes, cigares ou cigarillos (let. a) ou de tabac à coupe fine (let. b; respectivement de tabac pour pipe à eau depuis 2017) et qu'ils en aient les caractéristiques. En assimilant le tabac pour pipe à eau au tabac à coupe fine, alors que le premier ne présente pas les caractéristiques du second, le Conseil fédéral a outrepassé les limites des pouvoirs qui lui ont été conférés par la loi. En cela la présente cause diffère de l'ATF 114 Ib 17, dans laquelle il n'était question que d'augmentation de taux, fondée sur une délégation législative suffisante. L'art. 2 al. 6 OITab est par conséquent contraire à la LTab et ne saurait être appliqué.  
 
4.7. C'est ainsi à bon droit que le Tribunal administratif fédéral a considéré que l'imposition de l'importation de 18 kg de tabac pour pipe à eau en 2015 ne pouvait pas être effectuée sur la base du tarif de l'annexe III relatif au tabac à coupe fine, mais devait l'être sur la base du tarif de l'annexe IV relatif aux autres tabacs manufacturés. Certes, la modification légale du 17 mars 2017 prévoit dorénavant l'imposition du tabac pour pipe à eau selon le tarif de l'annexe III en raison de son adjonction à l'art. 10 al. 1 let. b LTab. Il n'en demeure pas moins que cette modification n'est entrée en vigueur que le 1 er septembre 2017, c'est-à-dire postérieurement à l'importation des 18 kg de tabac en cause. De ce fait, et en application du principe de non rétroactivité des lois (cf. ATF 141 II 393 consid. 2.4 p. 398; 119 Ia 254 consid. 3b p. 258), le nouvel art. 10 al. 1 let. b LTab ne saurait palier l'absence de base légale en l'espèce. Il convient par conséquent de rejeter le recours de l'Administration fédérale et de confirmer l'arrêt entrepris. La demande de suspension de la procédure est ainsi devenue sans objet.  
 
5.   
Succombant, la recourante, qui a recouru dans l'exercice de ses attributions officielles et dont l'intérêt patrimonial est en cause, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 4 LTF). L'intimée, qui a été représentée par un avocat dans la procédure devant le Tribunal fédéral et qui s'est déterminée, a droit à des dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'300 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
La recourante versera à l'intimée la somme de 1'300 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué à l'Administration fédérale des douanes, au mandataire de l'intimée et à la Cour I du Tribunal administratif fédéral. 
 
 
Lausanne, le 11 octobre 2018 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Seiler 
 
Le Greffier : Tissot-Daguette