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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_382/2022  
 
 
Arrêt du 12 septembre 2022  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, Muschietti et Koch. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Ordonnance de non-entrée en matière, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 10 février 2022 (P/19565/2021 ACPR/97/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 7 octobre 2021, A.A.________ a déposé une plainte pénale à l'encontre de son père, B.________, et de sa mère, C.A.________, pour violation de secrets privés (art. 179 CP), utilisation abusive d'une installation de télécommunication (art. 179 septies CP) et tentative de violation de domicile (art. 186 et 22 CP). 
 
En substance, elle exposait dans sa plainte que ses parents avaient ouvert sans droit des courriers, adressés à son nom, qu'ils avaient ensuite déposés dans sa boite aux lettres. Par ailleurs, ils lui avaient envoyé des emails alors qu'elle avait demandé de ne plus être en contact avec eux. Enfin, elle déclarait que ses parents s'étaient déplacés à plusieurs reprises auprès de son logement dans le canton de Vaud et avaient tenté d'y accéder, malgré ses demandes expresses de ne pas le faire. 
 
B.  
Par décision du 25 novembre 2021, le Ministère public du canton de Genève a refusé d'entrer en matière sur la plainte déposée le 7 octobre 2021 par A.A.________ contre ses père et mère. 
 
C.  
Par arrêt du 10 février 2022, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a rejeté le recours déposé par A.A.________ contre la décision du 25 novembre 2021. 
 
D.  
Contre ce dernier arrêt, A.A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 146 IV 185 consid. 2). 
 
1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1).  
 
En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque, comme en l'espèce, le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière, il n'est pas nécessaire que la partie plaignante ait déjà pris des conclusions civiles. En revanche, elle doit expliquer dans son mémoire quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1). 
 
1.2. La recourante ne s'exprime pas sur la question des effets de la décision attaquée sur le jugement de ses prétentions civiles. Elle n'explique pas quelles prétentions elle serait en mesure de faire valoir en relation avec les infractions dénoncées et cela ne peut pas être déduit directement et sans ambiguïté de la nature de celles-ci. La qualité pour recourir de la recourante ne saurait dès lors être reconnue sur la base de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF. Il s'ensuit que le recours est irrecevable en tant qu'il porte sur le fond de la cause. La cour de céans n'entrera donc pas en matière sur les griefs portant sur l'établissement des faits et les éléments constitutifs des infractions dénoncées.  
 
2.  
Indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 LTF, la partie recourante est aussi habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 et les références citées). Elle peut ainsi invoquer la violation de règles de procédure destinées à sa protection. Par exemple, elle peut faire valoir que son recours a été déclaré à tort irrecevable, qu'elle n'a pas été entendue, qu'on ne lui a pas donné l'occasion de présenter ses moyens de preuve ou qu'elle n'a pas pu prendre connaissance du dossier (ATF 121 IV 317 consid. 3b; arrêt 6B_996/2020 du 2 février 2021 consid. 2.1). 
 
2.1. La recourante semble se plaindre de ne pas avoir été entendue en relation avec l'audition de son père.  
 
2.1.1. Selon le dossier cantonal (cf. art. 105 al. 2 LTF), le rapport de renseignements de la police indique que, afin d'éclaircir la situation familiale de la plaignante, les policiers ont pris contact, par téléphone, avec le père de la plaignante, étant précisé que la mère se trouvait en Chine pour une période indéterminée. Ce dernier a expliqué que sa fille ne gérait pas sa situation administrative et qu'il continuait à l'entretenir financièrement en lui versant la pension alimentaire et en lui payant ses primes d'assurance maladie. Il a reconnu qu'il avait effectivement ouvert une partie du courrier qui lui était adressé avant de le déposer dans la boite aux lettres de son logement à l'U.________. Comme ses explications étaient convaincantes et que l'intéressé était sur le point de quitter définitivement la Suisse pour le Chili, les policiers ont renoncé à l'auditionner par écrit.  
 
2.1.2. Conformément à l'art. 310 al. 1 CPP, le ministère public rend " immédiatement " une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a), qu'il existe des empêchements de procéder (let. b) ou que les conditions mentionnées à l'art. 8 CPP imposent de renoncer à l'ouverture d'une poursuite pénale (let. c).  
 
Le terme "immédiatement " indique que l'ordonnance de non-entrée en matière doit être rendue à réception de la dénonciation, de la plainte ou du rapport de police, avant qu'il ne soit procédé à de plus amples actes d'enquête et qu'une instruction ne soit ouverte selon l'art. 309 CPP (arrêt 1B_67/2012 du 29 mai 2012 consid. 2.1). Selon la jurisprudence, le ministère public peut néanmoins procéder à certaines vérifications. Il peut aussi donner des directives et confier des mandats à la police dans le cadre des investigations policières (art. 307 al. 2 CPP; arrêts 6B_290/2020 du 17 juillet 2020 consid. 2.2; 1B_183/2012 du 20 novembre 2012 consid. 3.2). L'audition du prévenu et de la partie plaignante par la police ne dépasse pas le cadre des investigations policières qui peuvent être effectuées avant que le ministère public n'ouvre une instruction (art. 206 al. 1 CPP; cf. arrêts 6B_1100/2020 16 décembre 2021 consid. 2.1; 6B_70/2021 du 12 juillet 2021 consid. 3.2.2; 6B_875/2018 du 15 novembre 2018 consid. 2.2.1; 6B_431/2013 du 18 décembre 2013 consid. 2.3). 
 
Avant l'ouverture d'une instruction, le droit de participer à l'administration des preuves ne s'applique en principe pas (art. 147 al. 1 CPP a contrario; ATF 143 IV 397 consid. 3.3.2 i. f.; 140 IV 172 consid. 1.2.2), et ce y compris en cas d'investigations policières diligentées à titre de complément d'enquête requis par le ministère public en vertu de l'art. 309 al. 2 CPP (arrêts 6B_488/2021 du 22 décembre 2021 consid. 4.2; 6B_290/2020 du 17 juillet 2020 consid. 2.2). En outre, avant de rendre une ordonnance de non-entrée en matière, le ministère public n'a pas à informer les parties ni n'a l'obligation de leur fixer un délai pour présenter d'éventuelles réquisitions de preuve, l'art. 318 CPP n'étant pas applicable dans ce cas. Le droit d'être entendu des parties est en effet assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours contre l'ordonnance de non-entrée en matière (cf. art. 310 al. 2, 322 al. 2 et 393 ss CPP). Cette procédure permet aux parties de faire valoir tous leurs griefs - formels et matériels - auprès d'une autorité disposant d'une pleine cognition en fait et en droit (cf. art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP; arrêts 6B_89/2022 du 2 juin 2022 consid. 2.2; 6B_546/2021 du 11 avril 2022 consid. 3.1 et les arrêts cités). 
 
2.1.3. En l'espèce, la police a pris contact avec le père de la plaignante et a recueilli ses déclarations par téléphone. La procédure n'a ainsi pas dépassé le stade des premières investigations. La recourante n'avait donc pas un droit à participer à l'audition de son père. En outre, compte tenu des déclarations du mis en cause (qui confirmait en définitive les faits dénoncés, puisqu'il admettait avoir ouvert le courrier de sa fille), il ne se justifiait pas de communiquer à la recourante le résultat des investigations policières et de recueillir ses déterminations avant de rendre l'ordonnance de non entrée en matière.  
 
2.2. La recourante se plaint de ne pas avoir pu consulter le dossier de la procédure avant la fin de son délai de recours devant l'instance cantonale. Elle explique qu'elle a déposé une demande en ce sens dès octobre ou novembre 2021, mais qu'une réponse ne lui a été transmise que le 3 mars 2022. Elle se plaint de n'avoir toujours pas reçu de copie du dossier de la procédure à ce jour.  
 
Selon le dossier cantonal (cf. art. 105 al. 2 LTF), la recourante a écrit le 7 novembre 2021 au ministre public pour se plaindre de n'avoir encore reçu aucune réponse à ses plaintes et demander quel était le " statut actuel de ses plaintes ". Le 11 novembre 2021, le ministère public lui a répondu que le dossier avait été envoyé à la police pour complément d'enquête (art. 309 al. 2 CPP) et qu'au vu des investigations en cours, le dossier n'était pas encore consultable et qu'aucune information ne lui serait communiquée en l'état. Le refus de consulter le dossier était justifié en l'espèce, dès lors que la partie plaignante n'a pas le droit de participer à l'administration des preuves au stade des investigations policières. 
 
Il ne ressort pas du dossier cantonal (et la recourante ne le prétend pas) qu'une demande de consultation du dossier aurait été formulée après le prononcé de l'ordonnance de non-entrée en matière, durant la procédure de recours cantonale et que cette demande aurait été rejetée. Au vu des faits constatés, la recourante n'a donc pas été privée de son droit d'accès au dossier, mais elle a négligé d'en prendre connaissance. Du reste, lorsqu'elle a demandé au ministère public de consulter le dossier par lettre du 22 février 2022, celui-ci lui a répondu favorablement le 3 mars 2022, la priant de fixer un rendez-vous avec la greffière (cf. dossier cantonal, art. 105 al. 2 LTF). 
 
Dans tous les cas, même si la recourante n'a pas pu consulter le dossier avant le dépôt de son recours auprès de la cour cantonale, elle n'a pas été empêchée de faire valoir ses moyens - formels et matériels - auprès de celle-ci. En effet, le dossier cantonal (cf. art. 105 al. 2 LTF) comprend la correspondance avec la recourante, ainsi que le rapport de renseignements de la police, dont l'essentiel du contenu avait été repris dans l'ordonnance de non-entrée en matière, de sorte que la recourante avait en définitive connaissance de l'entier du dossier. 
 
Il convient enfin de relever que le droit d'accès au dossier ne comprend, en règle générale, que le droit de consulter les pièces au siège de l'autorité, de prendre des notes et, pour autant que cela n'entraîne aucun inconvénient excessif pour l'administration, de faire des photocopies. En revanche, il ne confère pas le droit de se voir notifier les pièces du dossier à domicile, ni des copies de celui-ci (ATF 122 I 109 consid. 2b; arrêt 1C_619/2019 du 6 août 2020 consid. 3.1). 
 
 
2.3. La recourante reproche à la cour cantonale de ne pas s'être prononcée sur l'ensemble des infractions dénoncées, mais uniquement sur l'infraction de violation de secrets privés.  
 
Commet un déni de justice formel et viole par conséquent l'art. 29 al. 1 Cst. l'autorité qui ne statue pas ou n'entre pas en matière sur un recours ou un grief qui lui est soumis dans les formes et délais légaux, alors qu'elle était compétente pour le faire (arrêt 6B_118/2009 du 20 décembre 2011 consid. 3.2 non publié in ATF 138 I 97; 135 I 6 consid. 2.1; 134 I 229 consid. 2.3). 
 
Il ressort du recours cantonal que la recourante considérait que l' "infraction " consistant à avoir ouvert son courrier contre sa volonté était réalisée. Elle reprochait également à son père de s'être trouvé " devant " son logement. Elle exposait, en outre, que ses parents avaient vainement tenté de faire intervenir le tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant et que l'administration fiscale cantonale avait accepté " une demande " présentée en son nom par un inconnu. 
 
La cour cantonale a traité l'ensemble de ces griefs. Elle a considéré que le comportement d'un père qui apportait personnellement, après l'avoir ouvert, du courrier destiné à sa fille parce que celle-ci ne lui répondait pas au téléphone ne pouvait être qualifié de grave et a confirmé l'ordonnance de non-entrée en matière rendue en application de l'art. 310 al. 1 let. c CPP. Elle a constaté, s'agissant des éventuelles violations de domicile, que la recourante n'avait jamais allégué, que ce soit dans sa plainte ou son recours, que son père s'était introduit à l'intérieur de son logement, mais seulement qu'il se serait trouvé " devant " le logement, ce qui ne tombait pas sous le coup de l'art. 186 CP. Enfin, elle n'est pas entrée en matière sur les nouvelles accusations, puisque la plainte pénale ne mentionnait pas ces griefs et qu'en conséquence le ministère public ne s'était pas prononcé sur ceux-ci. Aucun déni de justice formel ne peut donc être reproché à la cour cantonale. 
 
2.4. La recourante fait valoir qu'elle aurait déposé une demande de récusation en novembre 2021 concernant le ministère public, qui n'aurait jamais été traitée et qui ne figurait pas au dossier cantonal.  
 
La recourante ne démontre pas qu'une telle demande aurait été effectivement déposée (par exemple en produisant une copie de celle-ci) ni n'expose en quoi consistaient les motifs de récusation. Son grief est ainsi manifestement insuffisamment motivé, de sorte que la cour de céans ne peut pas entrer en matière sur celui-ci. Il est irrecevable. 
 
2.5. La recourante se plaint de ne pas avoir pas été invitée à un échange d'écritures par la cour cantonale.  
 
La recourante a pu faire valoir ses moyens de droit et de fait dans son mémoire de recours cantonal. La procédure de recours au sens des art. 393 ss CPP est écrite (art. 397 CPP). Il n'y avait pas lieu d'ordonner un échange d'écritures dans la mesure où les mis en cause n'ont déposé aucune détermination. 
 
3.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
La recourante qui succombe doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 12 septembre 2022 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
La Greffière : Kistler Vianin