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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_359/2022  
 
 
Arrêt du 13 septembre 2022  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Hänni. 
Greffier : M. Wiedler. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représenté par Maîtres Alexandre Faltin et Anne Tissot Benedetto, avocats, 
recourante, 
 
contre  
 
Administration fédérale des contributions, Eigerstrasse 65, 3003 Berne. 
 
Objet 
Demande de remboursement de l'impôt anticipé, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 10 mars 2022 (A-4347/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. La société A.________ SA, sise à Genève, est inscrite au registre du commerce de la République et canton de Genève (ci-après: le registre du commerce du canton de Genève) depuis le 18 juillet 1997. Elle a pour but la prise en charge et l'administration de participations dans toutes entreprises commerciales, financières et immobilières dans le sens d'une holding. Son capital-actions s'élève à 250'000 francs (à savoir 250 actions de 1'000 francs).  
La société immobilière B.________ SA (ci-après: la SI B.________ SA), sise à Genève, est inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 28 juillet 1976. Elle a pour but l'achat, la construction, l'exploitation, la location et la vente de tous immeubles en Suisse. La SI B.________ SA était détenue, depuis le 14 mars 1977, par un ressortissant canadien, originaire d'Irak et domicilié à Londres, au travers d'une structure juridique sise au Liechtenstein, à savoir la société C.________. Selon le bilan de la SI B.________ SA au 15 novembre 2013, cette dernière avait comme principal actif un immeuble sis à Genève (ci-après: l'immeuble), inscrit audit bilan pour un montant de 5'135'326.50 francs. 
 
A.b. Par convention de cession d'actions du 4 décembre 2013, la société A.________ SA a acquis l'entier du capital-actions de la SI B.________ SA. Le prix de vente convenu par les parties a été fixé à 6'300'000 francs. En sus du prix de vente, la société A.________ SA s'est engagée à reprendre la dette de l'actionnaire vendeur envers la SI B.________ SA s'élevant à 993'419.81 francs, de sorte que le prix de vente de la SI B.________ SA s'est élevé au final à 7'293'419 francs.  
Le 4 décembre 2013, soit le même jour que la signature de la convention de cession d'actions, la société A.________ SA a vendu à la Fondation D.________ à U.________ l'immeuble détenu par la SI B.________ SA. Selon le contrat de vente, le prix arrêté par les parties s'élevait à 18'200'000 francs. 
A la suite de cette opération, la SI B.________ SA a comptabilisé dans son bilan au 31 décembre 2013 un bénéfice de 12'609'673.50 francs. 
Lors de son assemblée générale ordinaire du 23 octobre 2015, la SI B.________ SA a décidé de distribuer un dividende de 9'970'000 francs, avec échéance fixée au 23 octobre 2015, en faveur de son actionnaire unique la société A.________ SA. 
 
B.  
Le 30 octobre 2015, la SI B.________ SA a déclaré le versement de ce dividende à l'Administration fédérale des contributions et la société A.________ SA a demandé à cette autorité de remplacer le paiement de l'impôt anticipé par une procédure de déclaration. 
Par courrier du 8 juin 2016, l'Administration fédérale des contributions a informé la société A.________ SA de son refus d'appliquer la procédure de déclaration au motif qu' il apparaissait que la situation était constitutive d'une évasion fiscale. 
A la suite du refus de l'Administration fédérale des contributions d'appliquer la procédure de déclaration, la société A.________ SA s'est acquittée, en date du 10 juin 2016, d'un montant de 3'489'500 francs, à titre d'impôt anticipé (soit 35 % de 9'970'000 francs). Des intérêts moratoires à hauteur de 95'961.25 francs ont été payés le 4 août 2016. 
Le 13 juin 2016, la société A.________ SA a déposé une demande de remboursement de l'impôt anticipé auprès de l'Administration fédérale des contributions. 
Par décision du 18 octobre 2017, l'Administration fédérale des contributions a rejeté cette demande. A l'appui de son refus, l'autorité fiscale a précisé que la situation en cause était constitutive d'une évasion fiscale. 
Par décision du 26 juin 2019, l'Administration fédérale des contributions a rejeté la réclamation déposée par la société A.________ SA à l'encontre de sa décision du 18 octobre 2017. 
Par arrêt du 10 mars 2022, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours formé par la société A.________ SA contre la décision sur réclamation du 26 juin 2019 de l'Administration fédérale des contributions. 
 
C.  
La société A.________ SA dépose un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral. Elle conclut à la réforme de l'arrêt du 10 mars 2022 du Tribunal administratif fédéral en ce sens que l'impôt anticipé acquitté, de même que les intérêts moratoires, doivent lui être intégralement remboursés, subsidiairement en ce sens que l'impôt anticipé doit lui être remboursé au moins à concurrence de 1'994'000 francs, ainsi que les intérêts y afférents. Plus subsidiairement, elle requiert l'annulation de l'arrêt entrepris et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le Tribunal administratif fédéral renonce à prendre position. L'Administration fédérale des contributions se détermine et conclut au rejet du recours. La recourante maintient ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 333 consid. 1). 
 
1.1. Le présent recours porte sur un jugement du Tribunal administratif fédéral confirmant le refus de restituer l'impôt anticipé prélevé sur le dividende de 9'970'000 francs perçu par la recourante, correspondant à un montant de 3'489'500 francs, plus 95'961.25 francs pour les intérêts moratoires. Il s'agit d'une cause de droit public (art. 82 let. a LTF). Comme aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée, la voie du recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF est dès lors ouverte.  
 
1.2. Pour le surplus, le recours, dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) émanant du Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF), a été déposé dans les délais (art. 46 al. 1 let. a et 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF). La recourante, qui est destinataire de l'arrêt attaqué, dispose d'un intérêt digne de protection à la modification de celui-ci. Partant, la qualité pour recourir doit lui être reconnue (art. 89 al. 1 LTF). Il convient dès lors d'entrer en matière, sous réserve de ce qui suit.  
 
1.3. La partie recourante doit développer la motivation de façon complète dans son mémoire de recours, de sorte qu'un renvoi aux actes déposés devant les autorités précédentes ne suffit pas (cf. ATF 138 III 252 consid. 3.2; 133 II 396 consid. 3.2; 131 III 384 consid. 2.3; 130 I 290 consid. 4.10). Dans la mesure où la recourante renvoie à ses écritures antérieures déposées devant la Tribunal administratif fédéral, notamment s'agissant du calcul du prix de revient de l'immeuble litigieux (cf. p. 22 du recours), son argumentation ne sera pas prise en considération.  
 
1.4. Il en va de même en tant que la recourante critique la pratique de l'Administration fédérale des contributions appelée "liquidation remplaçante", qui, comme elle le relève elle-même, n'a pas été appliquée par le Tribunal administratif fédéral. Ce grief est irrecevable, en raison de l'effet dévolutif du recours au Tribunal administratif fédéral (cf. ATF 146 II 335 consid. 1.1.2; arrêt 2C_338/2022 du 11 août 2022 consid. 1.4). Le recours devant le Tribunal fédéral doit porter sur l'arrêt attaqué et expliquer en quoi celui-ci viole le droit (cf. ATF 134 II 244 consid. 2.3).  
 
2.  
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF). Toutefois, les griefs de violation des droits fondamentaux sont soumis à des exigences de motivation accrue (cf. art. 106 al. 2 LTF). La partie recourante doit indiquer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 147 I 478 consid. 2.4; 146 I 62 consid. 3; 142 II 369 consid. 2.1).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3). La partie recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 145 V 188 consid. 2; 142 II 355 consid. 6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 145 V 188 consid. 2; 137 II 353 consid. 5.1).  
 
2.3. En l'occurrence, dans une partie "Faits" de son mémoire de recours et à l'appui de son raisonnement juridique, la recourante présente sa propre vision des faits qui diverge sur plusieurs points de l'état de fait retenu par le Tribunal administratif fédéral. En tant que les faits ainsi allégués ne sont pas constatés dans l'arrêt attaqué, sans que la recourante ne s'en plaigne sous l'angle de l'arbitraire, il n'en sera pas tenu compte. Seuls les griefs suffisamment motivés en lien avec l'établissement des faits par le Tribunal administratif fédéral seront donc examinés (cf. infra consid. 3).  
 
3.  
La recourante invoque un établissement manifestement inexact des faits et une appréciation arbitraire des preuves. 
 
3.1. Il y a arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (cf. ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 144 II 281 consid. 3.6.2). Le recourant ne peut pas se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3).  
 
3.2. En l'espèce, la recourante fait valoir que le Tribunal administratif fédéral a arbitrairement nié que sa volonté initiale était de conserver la SI B.________ SA et d'exploiter l'immeuble qu'elle détenait. L'instance précédente a considéré que la connexité temporelle entre l'acquisition des participations de la SI B.________ SA et la vente de l'immeuble qu'elle détenait par la recourante, toutes deux intervenues le même jour, ne pouvait que difficilement relever de la coïncidence et laissait penser que l'intéressée n'avait souhaité reprendre les participations de la SI B.________ SA qu'à la condition de pouvoir revendre immédiatement l'immeuble sous-jacent. Il ressort de l'arrêt attaqué que les éléments intentionnels qui précédent étaient corroborés par certaines pièces au dossier et par des allégations de la recourante, sans qu'un élément ne les infirme de manière indiscutable. A l'appui de son grief, la recourante développe sa propre version des faits et des éléments de preuve qu'elle tient pour concluants, en opposant son appréciation à celle développée par le Tribunal administratif fédéral, ce qui ne saurait suffire à faire tenir cette dernière pour arbitraire.  
 
3.3. La recourante critique également l'arrêt querellé en tant qu'il retient que le vendeur de la SI B.________ SA ne pouvait pas tout ignorer du projet de vente de l'immeuble subséquent et que le procédé choisi aurait dès lors été mis en place afin de favoriser la vente et ainsi éluder l'impôt qui aurait dû être acquitté. Le Tribunal administratif fédéral est arrivé à cette conclusion après avoir constaté que la SI B.________ SA avait été cédée à un prix en-dessous de sa valeur réelle, le prix de revient de l'immeuble pouvant être valorisé à 15'000'000 francs, selon une plaquette de vente de 2013, et la recourante n'ayant déboursé en décembre de cette même année que 7'293'419 francs pour acquérir les actions de la SI B.________ SA, une telle différence de prix ne pouvant s'expliquer que par le fait que les parties avaient tenu compte de l'impôt éludé par le vendeur pour fixer le prix. La recourante conteste ce qui précède, faisant valoir que l'instance précédente n'a pas tenu compte des dettes hypothécaires grevant l'immeuble qu'elle avait reprises, augmentant d'autant le prix d'acquisition. Cependant, elle admet avoir réalisé un bénéfice d'environ 2'500'000 francs grâce à l'opération litigieuse, correspondant à la différence entre le prix d'acquisition des participations de la SI B.________ SA et le prix de vente de l'immeuble. En conséquence, sur la base des éléments dont se prévaut la recourante, on ne perçoit pas en quoi les constatations du Tribunal administratif fédéral seraient arbitraires sur ce point, en particulier en tant qu'il retient que la SI B.________ SA a été cédée à un prix en-dessous de sa valeur réelle. En outre, il est sans incidence sur l'issue du litige de savoir si la différence entre la valeur réelle de la SI B.________ SA et le prix auquel elle a été acquise par la recourante est égale ou supérieure à 2'500'000 francs (cf. infra consid. 6.6). Partant, cette critique doit être rejetée.  
 
3.4. La recourante relève encore que le Tribunal administratif fédéral aurait arbitrairement constaté que la plaquette de vente de l'immeuble mentionnant un prix de revient de 15'000'000 francs datait du 6 août 2013. Force est cependant de constater que cet élément est dénué de pertinence, dans la mesure où, dans son mémoire de recours, elle admet que le vendeur a commencé à entreprendre des démarches pour vendre son immeuble en 2013 et qu'une différence de quelques mois quant à la date de la plaquette est sans incidence sur l'issue du litige.  
 
3.5. Partant, le grief tiré de l'établissement inexact des faits et de l'appréciation arbitraire des preuves doit être écarté. Le Tribunal fédéral statuera donc exclusivement sur la base des faits retenus par le Tribunal administratif fédéral.  
 
4.  
Le litige porte sur la question du droit au remboursement de l'impôt anticipé prélevé pour un montant de 3'489'500 francs, plus 95'961.25 francs pour les intérêts moratoires, sur le dividende brut de 9'970'000 francs que la SI B.________ SA a versé à son actionnaire unique, la recourante. Le Tribunal administratif fédéral a confirmé le refus de procéder audit remboursement au motif que les conditions de l'évasion fiscale au sens de l'art. 21 al. 2 de la loi fédérale du 13 octobre 1965 sur l'impôt anticipé (LIA; RS 642.21) étaient réalisées, ce que la recourante conteste devant le Tribunal fédéral. 
 
5.  
 
5.1. La Confédération perçoit un impôt anticipé sur les revenus de capitaux mobiliers, les gains faits dans les loteries et les prestations d'assurances; dans les cas prévus par la loi, la déclaration de la prestation imposable remplace le paiement de l'impôt (art. 1 al. 1 LIA). La Confédération, ou le canton pour le compte de la Confédération, rembourse l'impôt anticipé, conformément à la présente loi, au bénéficiaire de la prestation diminuée de l'impôt (art. 1 al. 2 LIA).  
 
5.2. L'impôt anticipé sur les revenus de capitaux mobiliers a pour objet les intérêts, rentes, participations aux bénéfices et tous autres rendements des actions, parts sociales sur des sociétés à responsabilité limitée, des sociétés coopératives, des bons de participation ou des bons de jouissance, émis par une personne domiciliée en Suisse (art. 4 al. 1 let. b LIA). Sont en particulier des rendements imposables, les dividendes, bonis, actions gratuites, bons de participation gratuits, excédents de liquidation ou autres prestations de ce genre (cf. art. 20 al. 1 de l'ordonnance du 19 décembre 1966 sur l'impôt anticipé [OIA; RS 642.211]). Est contribuable le débiteur de la prestation imposable (art. 10 al. 1 LIA). Pour les revenus de capitaux mobiliers et les gains faits dans les loteries, l'impôt s'élève à 35% (art. 13 al. 1 let. a LIA).  
Conformément à l'art. 11 al. 1 LIA, l'obligation fiscale est exécutée soit par le paiement de l'impôt (art. 12 ss LIA), soit par la déclaration de la prestation imposable (art. 19 à 20a LIA). 
 
5.3. L'impôt anticipé poursuit des buts différents selon que le destinataire de la prestation imposable est, ou non, domicilié en Suisse (ou y a, ou non, son siège). Dans le premier cas, l'impôt anticipé est remboursé aux contribuables qui déclarent les rendements soumis à l'impôt ordinaire; il a alors un but de garantie parce qu'il tend à décourager le contribuable de soustraire à l'impôt ordinaire les montants frappés par l'impôt anticipé. Dans le deuxième cas, il poursuit un but fiscal, puisque les bénéficiaires de prestations imposables qui résident à l'étranger sont privés du droit au remboursement de l'impôt, sous réserve de l'application d'une convention de double imposition (ATF 147 II 338 consid. 2.3; cf. également ATF 141 II 447 consid. 2.2 et les références citées). L'impôt anticipé peut également poursuivre un but fiscal pour les personnes domiciliées en Suisse, lorsque les conditions matérielles à un remboursement ne sont pas réunies (ATF 147 II 338 consid. 2.3 et les références citées).  
 
5.4. Le droit au remboursement de l'impôt anticipé est soumis à la réalisation des conditions des art. 21 ss LIA. D'après l'art. 21 al. 1 let. a LIA, l'ayant droit peut demander le remboursement de l'impôt anticipé sur les revenus de capitaux mobiliers retenus à sa charge par le débiteur s'il avait, à l'échéance de la prestation imposable, le droit de jouissance sur les valeurs qui ont produit le rendement soumis à l'impôt. Si l'ayant droit est une personne physique, elle doit en outre être domiciliée en Suisse à l'échéance de la prestation imposable (art. 22 al. 1 LIA); s'il s'agit d'une personne morale, elle doit à cette même échéance y avoir son siège (art. 24 al. 2 LIA). Toutefois, le remboursement est inadmissible dans tous les cas où il pourrait permettre d'éluder un impôt (art. 21 al. 2 LIA). L'existence d'une évasion fiscale en lien avec l'impôt anticipé ne doit être examinée que si les conditions justifiant le remboursement en vertu de la loi sont réunies (ATF 147 II 338 consid. 2.3; 142 II 9 consid. 4).  
 
5.5. En l'occurrence, il ressort des faits retenus dans l'arrêt attaqué que la recourante, dont le siège se situe en Suisse, avait un droit de jouissance sur les actions qui ont produit le dividende soumis à l'impôt. Se pose donc uniquement la question de l'existence d'une évasion fiscale en l'espèce, ce qui serait susceptible de priver la recourante de son droit au remboursement.  
 
6.  
 
6.1. Selon la jurisprudence, il y a évasion fiscale: a) lorsque la forme juridique choisie par le contribuable apparaît comme insolite, inappropriée ou étrange, en tout cas inadaptée au but économique poursuivi, b) lorsqu'il y a lieu d'admettre que ce choix a été abusivement exercé uniquement dans le but d'économiser des impôts qui seraient dus si les rapports de droit étaient aménagés de façon appropriée, c) lorsque le procédé choisi conduirait effectivement à une notable économie d'impôt dans la mesure où il serait accepté par l'autorité fiscale (ATF 147 II 338 consid. 3.1; 142 II 399 consid. 4.2; 138 II 239 consid. 4.1 et les références).  
L'autorité fiscale doit en principe s'arrêter à la forme juridique choisie par le contribuable. Ce dernier est libre d'organiser ses relations de manière à générer le moins d'impôt possible. Il n'y a rien à redire à une telle planification fiscale, tant que des moyens autorisés sont mis en oeuvre. L'état de fait de l'évasion fiscale est réservé à des constellations extraordinaires, dans lesquelles il existe un aménagement juridique (élément objectif) qui - abstraction faite des aspects fiscaux - va au-delà de ce qui est raisonnable d'un point de vue économique. Une intention abusive (élément subjectif) ne peut de surcroît pas être admise si d'autres raisons que la seule volonté d'épargner des impôts jouent un rôle décisif dans la mise en place de la forme juridique. Une certaine structure peut en effet se justifier pour d'autres raisons commerciales ou personnelles (ATF 147 II 338 consid. 3.1; 142 II 399 consid. 4.2; 138 II 239 consid. 4.1 et les références). 
 
6.2. Selon la jurisprudence, la question de l'évasion fiscale au sens de l'art. 21 al. 2 LIA se pose dès qu'une personne domiciliée à l'étranger - pour laquelle l'impôt anticipé correspond à une charge fiscale définitive - vend ses droits de participation dans une société suisse en vue de la prochaine liquidation de cette société à une personne physique domiciliée en Suisse ou à une personne morale dont le siège est en Suisse, afin d'obtenir néanmoins le remboursement de l'impôt anticipé (ATF 147 II 338 consid. 3.3; arrêts 2C_470/2018 du 5 octobre 2018 consid. 6.3.2; 2C_551/2009 du 13 avril 2010 consid. 3.3 et les références citées).  
 
6.3. En matière fiscale, les règles générales du fardeau de la preuve ancrées à l'art. 8 CC, destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, ont pour effet que l'autorité fiscale doit établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'indices révélant l'existence d'éléments imposables, il appartient à nouveau au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations et de supporter le fardeau de la preuve du fait qui justifie son exonération (ATF 146 II 6 consid. 4.2).  
 
6.4. Etablir la conscience et la volonté relève de la constatation des faits qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF; arrêt 2C_792/2021 du 14 mars 2022 consid. 6.4.1 et les références citées).  
 
6.5. En l'espèce, il ressort des faits constatés par le Tribunal administratif fédéral, qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que, par contrat de cession du 4 décembre 2013, l'intégralité des actions de la SI B.________ SA a été vendue à la recourante par son unique actionnaire domicilié à l'étranger pour la somme de 6'300'000 francs plus une reprise de dette de l'actionnaire vendeur envers la SI B.________ SA de 993'419.85 francs, soit au total 7'293'419 francs. Ce même jour, la SI B.________ SA a cédé son principal actif - à savoir un immeuble - pour un montant de 18'200'000 francs. Les liquidités obtenues de cette vente n'ont pas été réinvesties, mais ont servi au versement d'un dividende de 9'970'000 francs en date du 23 octobre 2015. Le Tribunal administratif fédéral a retenu que la vente de l'immeuble avait conduit à la liquidation de fait de la SI B.________ SA, ce qui n'est pas contesté par la recourante. Cette liquidation de fait de la SI B.________ SA étant intervenue le même jour que l'acquisition de cette société par la recourante à un actionnaire étranger, la connexité temporelle entre ces deux opérations est indéniable, étant relevé que l'instance précédente a constaté, d'une manière dénuée d'arbitraire (cf. supra consid. 3.2) que l'enchaînement des événements n'était pas dû à un concours de circonstances comme le soutient la recourante, mais qu'au contraire, la vente de l'immeuble avait été sciemment pré-programmée afin que la liquidation de la SI B.________ SA puisse intervenir aussitôt après son acquisition.  
Une telle construction juridique apparaît comme insolite et inappropriée au but poursuivi, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral précédemment citée (cf. supra consid. 6.2). La première condition de l'évasion fiscale étant réalisée, il convient d'examiner si le choix de ce procédé a été effectué dans le seul but d'économiser des impôts.  
 
6.6. Il ressort de l'arrêt attaqué que la SI B.________ SA a été acquise par la recourante à un prix inférieur à sa valeur réelle. A ce propos, si la recourante conteste l'arrêt attaqué en tant qu'il retient qu'elle a acquis la société pour un peu plus de la moitié de son prix (cf. supra consid. 3.3), elle admet avoir réalisé un bénéfice de l'ordre de 2'500'000 francs grâce à l'opération litigieuse, de sorte qu'elle a, à tout le moins, acquis la SI B.________ SA 2'500'000 francs en-dessous de sa valeur réelle. Comme le retient l'instance précédente, le prix de vente de la SI B.________ SA a donc vraisemblablement été fixé par les parties en tenant compte de l'économie d'impôt anticipé dont pouvait bénéficier l'actionnaire vendeur grâce au procédé mis en place.  
Dans la mesure où, selon les constatations de l'autorité précédente, il n'existe aucun motif, hormis des raisons d'économies fiscales, qui justifierait le procédé mis en place et le prix de vente arrêté par les intéressés, il sied de considérer que la forme juridique choisie a été opérée abusivement, dans le seul but d'économiser les impôts qui seraient dus si les rapports de droit avaient été aménagés de façon appropriée. 
 
6.7. Reste à examiner si le procédé choisi conduirait effectivement à une notable économie d'impôt dans la mesure où il serait accepté par l'autorité fiscale. L'instance précédente a retenu à raison que le procédé ordinaire aurait dû être l'achat de l'immeuble par la recourante suivi de la liquidation de la SI B.________ SA par son unique actionnaire domicilié à Londres, afin de procéder finalement à la distribution d'un dividende de liquidation soumis à l'impôt anticipé dans son propre chef. Si ce mode opératoire avait été respecté, la distribution relative à l'excédent de liquidation aurait entraîné, pour l'actionnaire vendeur, une charge d'impôt anticipé définitive s'élevant à tout le moins à 15 % en application de l'art. 10 ch. 2 let. b de la convention conclue le 8 décembre 1977 entre la Confédération suisse et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu (RS 0.672.936.712; ci-après: CDI CH-GB), et au plus à 35 %. Or, si le procédé mis en place était accepté par l'autorité fiscale, l'actionnaire vendeur ne paierait pas d'impôt anticipé et la recourante aurait droit au remboursement de l'impôt anticipé versé. Au vu des montants en jeu, il s'agirait d'une notable économie d'impôt. Ainsi, la troisième condition de l'évasion fiscale est également réalisée.  
 
6.8. Dans ces circonstances, le Tribunal administratif fédéral pouvait retenir que les conditions de l'évasion fiscale étaient réunies et confirmer le refus de rembourser l'impôt anticipé perçu.  
 
7.  
A titre subsidiaire, la recourante fait valoir que le taux de 15 % ressortant de la CDI CH-GB devrait être appliqué à l'impôt anticipé qui ne lui serait pas restitué, ce taux étant celui qui aurait été appliqué à l'actionnaire vendeur domi cilié à Londres si les intéressés n'avaient pas retenu un procédé constitutif d'évasion fiscale (cf. supra consid. 6.7).  
On ne saurait suivre l'argumentation de la recourante. En effet, selon la jurisprudence, en cas d'évasion fiscale, l'intéressé ne peut pas prétendre à un remboursement partiel de l'impôt anticipé acquitté. Le fait que le fisc n'aurait conservé que 15 %, et non 35 %, si l'opération avait été effectuée convenablement ne joue aucun rôle. Les intéressés ont précisément construit un état de fait qui exclut la convention de double imposition. Comme précédemment exposé (cf. supra consid. 5.3), l'impôt anticipé a pour but premier d'empêcher la fraude fiscale. Du moment qu'on se trouve en présence d'un impôt éludé, aucun remboursement ne doit être accordé, conformément à l'art. 21 al. 2 LIA (cf. arrêt A.87/1980 du 11 décembre 1981 consid. 3, in Archives 50 p. 583; cf. également arrêt 2C_69/2009 du 13 juillet 2009 consid. 3.3).  
Partant, la recourante n'a pas droit au remboursement du montant de 3'489'500 francs perçu à titre d'impôt anticipé. 
 
8.  
Enfin, la recourante se prévaut de l'art. 16 al. 2bis LIA pour demander la restitution du montant de 95'961.25 francs versé à titre d'intérêts moratoires. 
 
8.1. L'art. 16 al. 1 LIA prévoit, sur le principe, que les revenus et autres prestations soumis à l'impôt anticipé portent intérêt. Cependant, à teneur de l'art. 16 al. 2bis LIA, aucun intérêt moratoire n'est dû notamment si les conditions matérielles d'exécution de l'obligation fiscale par une déclaration de la prestation imposable sont remplies conformément à l'art. 20 LIA et ses dispositions d'exécution (let. a). Entrés en vigueur le 15 février 2017, les art. 16 al. 2bis et 20 LIA, dans leur teneur actuelle, sont aussi applicables aux faits qui se sont produits avant cette date, à moins que les créances fiscales ou les créances d'intérêts moratoires ne soient prescrites ou qu'elles ne soient entrées en force avant le 1er janvier 2011 (art. 70c al. 1 LIA). Si le contribuable remplit les conditions visées à l'art. 16 al. 2bis LIA, les intérêts moratoires qu'il a déjà payés lui sont remboursés sans intérêt rémunératoire sur présentation d'une demande (art. 70c al. 2 LIA).  
 
8.2. Selon l'art. 20 al. 1 LIA, s'il apparaît que le paiement de l'impôt sur les revenus de capitaux mobiliers entraînerait des complications inutiles ou des rigueurs manifestes, le contribuable peut être autorisé à exécuter son obligation fiscale par une déclaration de la prestation imposable, le Conseil fédéral devant définir les cas dans lesquels la procédure de déclaration est possible (art. 20 al. 2 LIA). Pour mettre en oeuvre cette disposition, le Conseil fédéral a adopté les art. 24 ss OIA. A teneur de l'art. 24 al. 2 OIA, la procédure de déclaration est admissible seulement s'il est établi que les personnes à qui l'impôt anticipé devrait être transféré (bénéficiaires de la prestation) auraient droit au remboursement de cet impôt d'après la loi ou l'ordonnance (cf. également art. 26a al. 3 OIA dont la teneur est identique).  
 
8.3. En l'espèce, le 4 août 2016, la somme de 95'961.25 francs a été acquittée à titre d'intérêts moratoires sur le montant de 3'489'500 francs perçu à titre d'impôt anticipé. Il ressort des considérations qui précèdent que la recourante n'a pas droit au remboursement de l'impôt anticipé (cf. supra consid. 6). Les conditions matérielles d'exécution de l'obligation fiscale par une déclaration de la prestation imposable au sens de l'art. 20 LIA et des art. 24 ss OIA ne sont dès lors pas réalisées.  
 
8.4. Partant, l'art. 16 al. 2bis LIA n'est pas applicable en l'espèce et les intérêts moratoires sont dus, étant précisé que le montant retenu à ce titre n'est pas contesté par la recourante.  
 
9.  
Il découle de ce qui précède que le recours, mal fondé, doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
La recourante, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 20'000 francs, sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante, à l'Administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif fédéral, Cour I. 
 
 
Lausanne, le 13 septembre 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : A. Wiedler