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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_559/2021  
 
 
Arrêt du 14 juillet 2022  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Stadelmann, Juge présidant, Moser-Szeless et Truttmann, Juge suppléante. 
Greffier : M. Berthoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Inclusion Handicap, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350 Saignelégier, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 21 septembre 2021 (AI 51 / 2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, née en 1969, a travaillé en qualité de concierge à temps partiel (30 %) pour la commune de U.________ depuis octobre 2009. Elle a également exercé une activité indépendante dans le secteur du nettoyage et au sein de l'exploitation agricole familiale. Le 2 juillet 2014, elle a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité, invoquant des lombalgies et une hernie discale médio-latérale gauche L5-S1. 
L'Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura (ci-après: l'office AI) a mis en oeuvre une expertise pluridisciplinaire auprès de la Clinique romande de réadaptation (CRR). Dans leur rapport du 30 novembre 2016, les docteurs B.________, spécialiste en médecine générale interne, C.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, D.________, spécialiste en rhumatologie et E.________, spécialiste en neurologie, ont posé les diagnostics, avec effet sur la capacité de travail, de lombalgies chroniques (M54.5) avec discopathie et protrusion discale L5-S1 (M51.2) avec status après cure de hernie discale en 2014 et diminution de l'audition modérée à gauche et sévère à droite sur otosclérose. Hormis la perte de l'audition qui entraînait une diminution de la capacité de travail pour toute activité nécessitant une communication et des fonctions auditives depuis 1995, les experts ont indiqué que la capacité de travail était entière dans une activité adaptée, avec une diminution de rendement de l'ordre de 30 % dès le 5 août 2014, soit trois mois après la cure de hernie discale. 
Le 12 février 2018, l'office AI a pris en charge des mesures professionnelles sous la forme d'un reclassement professionnel auprès de F.________ à V.________ du 12 février au 31 juillet 2018. Cette mesure a été interrompue trois jours plus tard en raison de l'état de santé de l'assurée. Des indemnités journalières d'attente ont été accordées du 27 avril 2017 au 11 février 2018 (cf. communication de l'office AI du 12 février 2018). Le 20 novembre 2018, l'office AI a demandé une expertise pluridisciplinaire complémentaire à la CRR. Dans leur rapport du 1er avril 2019, les docteurs D.________, B.________ et C.________ ont confirmé leur précédente évaluation. 
Par décision du 3 avril 2020, l'office AI a alloué à l'assurée une demi-rente d'invalidité depuis le 1er février 2018, fondée sur un taux d'invalidité de 51 %. 
 
B.  
A.________ a déféré cette décision au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances sociales, qui l'a déboutée par arrêt du 21 septembre 2021. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont elle demande l'annulation, en concluant principalement au versement d'une demi-rente d'invalidité depuis le 1er août 2015, subsidiairement au renvoi de la cause à l'office intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision. 
L'intimé conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a renoncé à se déterminer. La recourante a déposé des observations sur la réponse de l'intimé. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées, sinon un état de fait divergent ne peut être pris en considération (art. 97 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. En instance fédérale, le litige porte uniquement sur la date à partir de laquelle est né le droit de l'assurée à une demi-rente d'invalidité. La recourante est d'avis que cette prestation lui est due à compter du 1er août 2015, tandis que la juridiction cantonale a confirmé la décision administrative selon laquelle la demi-rente doit être allouée depuis le 1er février 2018.  
 
2.2. Dans le cadre du "développement continu de l'AI", la LAI, le RAI et la LPGA - notamment - ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (RO 2021 705; FF 2017 2535). Compte tenu cependant du principe de droit intertemporel prescrivant l'application des dispositions légales qui étaient en vigueur lorsque les faits juridiquement déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), le droit applicable reste, en l'occurrence, celui qui était en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021 dès lors que la décision litigieuse a été rendue avant cette date.  
A teneur de l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente aux conditions suivantes: a. sa capacité de gain ou sa capacité d'accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles; b. il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d'au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable; c. au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins. Selon l'art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l'échéance d'une période de six mois à compter de la date à laquelle l'assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l'art. 29, al. 1, LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18e anniversaire de l'assuré. D'après l'art. 29 al. 2 LAI, le droit à la rente ne prend pas naissance tant que l'assuré peut faire valoir son droit à une indemnité journalière au sens de l'art. 22. 
Selon la jurisprudence, si l'assuré peut prétendre à des prestations de l'assurance-invalidité, l'allocation d'une rente d'invalidité à l'issue du délai d'attente (cf. art. 28 al. 1 LAI), n'entre en considération que si l'intéressé n'est pas, ou pas encore, susceptible d'être réadapté professionnellement en raison de son état de santé (principe dit de la priorité de la réadaptation sur la rente; ATF 121 V 190 consid. 4c). La preuve de l'absence de capacité de réadaptation comme condition à l'octroi d'une rente d'invalidité doit présenter un degré de vraisemblance prépondérante. Dans les autres cas, une rente de l'assurance-invalidité ne peut être allouée avec effet rétroactif que si les mesures d'instruction destinées à démontrer que l'assuré est susceptible d'être réadapté ont révélé que celui-ci ne l'était pas (ATF 121 V 190 consid. 4d; arrêts 9C_380/2021 du 31 janvier 2022 consid. 5.1 et les références; 9C_794/2007 du 27 octobre 2008 consid. 2.2). 
 
3.  
 
3.1. Invoquant les rapports de la CRR, la recourante fait valoir que le rendement dans sa capacité de travail était déjà réduit de 30 % dans une activité adaptée depuis le 5 août 2014. Contestant le début du droit à la demi-rente fixé au 1er février 2018, elle soutient que le droit à cette prestation avait pris naissance le 5 août 2015, conformément à l'art. 28 al. 1 let. b LAI, soit un an après la diminution de son rendement. La recourante précise que les mesures de réadaptation avaient été suspendues en novembre 2014 et que l'intimé n'avait reconnu la possibilité de la soumettre à de nouvelles mesures qu'en 2017. Elle est ainsi d'avis que sous déduction des indemnités journalières perçues, le versement de la demi-rente devait prendre effet au 1er août 2015, conformément à l'art. 29 al. 1 LAI, et non seulement au 1er février 2018.  
 
3.2. Dans sa réponse, l'intimé rappelle que la recourante a été au bénéfice d'indemnités journalières d'attente du 27 avril 2017 au 11 février 2018. Comme elle disposait d'une capacité de travail de 70 % depuis le 5 août 2014, hormis la période d'incapacité totale (du 12 octobre au 2 décembre 2015 liée au traitement chirurgical de l'anévrisme), il en déduit que la recourante était capable d'être réadaptée dès cette date, même si elle avait contesté ce point de vue lors d'un entretien du 22 septembre 2014. Pour l'intimé, la rente ne peut dès lors être allouée qu'au terme du versement des indemnités journalières, en l'occurrence en février 2018.  
 
4.  
 
4.1. En l'absence de constatations de l'autorité précédente sur la capacité de réadaptation de la recourante au cours de la période comprise entre la demande du 2 juillet 2014 et le début du versement des indemnités journalières d'attente, le 27 avril 2017, il y a lieu de compléter d'office les faits (art. 105 al. 2 LTF).  
A cet égard, on constate d'abord que des mesures d'intervention précoce avaient été envisagées le 22 septembre 2014 ("Rapport IP" de l'office AI daté du même jour), mais qu'il y avait été aussitôt renoncé en raison de l'atteinte à la santé de la recourante (cf. rapport du 24 janvier 2015). Dans un avis du 3 mars 2015, le docteur G.________, médecin au Service médical régional (SMR), avait ensuite indiqué que la situation n'était pas stabilisée et qu'il faudrait réactualiser ultérieurement le dossier médical, à la suite d'une possible intervention chirurgicale sur l'anévrisme cérébral. Celle-ci a eu lieu le 13 octobre 2015 à l'Hôpital H.________ à W.________. A la suite de cette opération, la doctoresse I.________, spécialiste en médecine générale et médecin traitant, a notamment indiqué que toute mesure de réadaptation professionnelle paraissait actuellement illusoire (rapport du 30 novembre 2015). Le docteur G.________ a repris cette appréciation dans un avis du 27 avril 2017, en précisant que la capacité de travail était toutefois entière dans une activité adaptée avec un rendement réduit de 30 % depuis le 5 août 2014. Résumant la situation dans un rapport intermédiaire du 14 décembre 2017, l'office AI a indiqué qu'il n'avait pas été possible de mettre en place des mesures "en fonction des suivis médicaux", mais que le droit à des mesures d'ordre professionnel était (désormais) ouvert et qu'elles allaient être proposées à l'assurée. Ces mesures ont finalement été mises en oeuvre à partir du 12 février 2018 (cf. communications du 12 février 2018 portant sur l'octroi de mesures professionnelles et d'indemnités journalières durant le délai d'attente; décision du 13 février 2018). 
 
4.2. Dans ces circonstances, à l'inverse de ce que soutient l'intimé, des mesures professionnelles n'étaient pas envisageables d'août 2014 à décembre 2017, dès lors que l'état de santé de la recourante n'était pas stabilisé. Le fait que les médecins de la CRR (cf. rapport du 30 novembre 2016) et le SMR (cf. avis du 27 avril 2017) ont reconnu rétrospectivement une capacité de travail de 70 % dans une activité adaptée trois mois après la cure de hernie discale (soit dès le 5 août 2014 au plus tôt) ne modifie en rien le caractère non-exigible de la réadaptation avant la fin de l'année 2017.  
En conséquence, comme la recourante n'était pas susceptible de réadaptation jusqu'à ce moment-là, l'allocation d'une rente à titre rétroactif est justifiée (consid. 2.2 supra). Le taux d'invalidité correspond à la perte de gain établie par l'office AI compte tenu de la capacité de travail de 70 % dans une activité adaptée (cf. rapport du 29 octobre 2019). Partant, il y a lieu d'admettre la conclusion de la recourante tendant à l'allocation du droit à une demi-rente d'invalidité depuis le 1er août 2015 (cf. art. 28 et 29 LAI; cf. art. 107 al. 1 LTF), sous déduction des indemnités journalières perçues entre le 27 avril 2017 et le 11 février 2018. Le recours est bien fondé. 
 
5.  
L'intimé, qui succombe, supportera les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et les dépens de la recourante (art. 68 al. 1 LTF). 
La cause sera renvoyée au tribunal cantonal pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure (art. 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances sociales, du 21 septembre 2021 et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, du 3 avril 2020, sont réformés en ce sens que la recourante a droit à une demi-rente de l'assurance-invalidité à partir du 1er août 2015, sous déduction des indemnités journalières perçues entre le 27 avril 2017 et le 11 février 2018. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
L'intimé versera à la recourante une indemnité de dépens de 2800 fr. pour la procédure fédérale. 
 
4.  
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 14 juillet 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Stadelmann 
 
Le Greffier : Berthoud