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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_414/2021  
 
 
Arrêt du 16 août 2021  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Haag et Merz. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représentée par Me Cécile Bocco, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Détention provisoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale 
de recours, du 23 juin 2021 
(ACPR/419/2021 - P/16150/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, de nationalité bolivienne, a été interpellée par la police le 27 mai 2021 à la suite d'une plainte pénale déposée le 8 juillet 2020 par B.________, également ressortissante bolivienne, sans titre de séjour valable. A.________ a été mise en prévention le 28 mai 2021 pour incitation au séjour et au travail illégal dans le but de se procurer un enrichissement illégitime (art. 116 al. 1 let. a et b et al. 3 LEI [RS 142.20]), voire de traite d'êtres humains (art. 182 CP), de travail et de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b et c LEI), de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 118 LEI) et d'infractions aux art. 76 de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP; RS 831.40) et 87 de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS; RS 831.10). 
Elle est mise en cause par B.________ et sa cousine C.________, ressortissante brésilienne sans titre de séjour valable, pour les avoir, entre autres, à Genève, exploitées respectivement entre mai 2017 et avril 2018 et juin 2017 et avril 2020, en les faisant travailler au sein de son entreprise de restauration durant plus de 12 heures par jour à un salaire horaire inférieur à 4 fr., les empêchant continuellement de faire valoir leurs droits au vu de leur situation précaire en Suisse et en les isolant de l'extérieur. Elle est également soupçonnée d'avoir obtenu, le 16 juillet 2020, une autorisation de séjour B en indiquant faussement dans le formulaire correspondant qu'elle était employée au sein du restaurant " D.________ ", alors que tel n'était pas le cas. 
Par ordonnance du 30 mai 2021, le Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève a ordonné la mise en détention provisoire de A.________ jusqu'au 27 août 2021. 
 
B.  
Par arrêt du 23 juin 2021, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (Chambre pénale de recours) a rejeté le recours formé par la prévenue contre l'ordonnance du 30 mai 2021 précitée. 
 
C.  
Par acte du 26 juillet 2021, A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant principalement à sa libération immédiate. A titre subsidiaire, elle demande sa remise en liberté moyennant l'interdiction de prendre contact avec B.________, C.________ et toutes autres personnes concernées par la présente procédure pénale selon les autorités, respectivement une ou plusieurs mesures de substitution qui sembleraient appropriées. Plus subsidiairement encore, elle demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Elle sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire et la désignation de son avocate comme défenseur d'office. 
La Chambre pénale de recours se réfère à sa décision tandis que le Ministère public de la République et canton de Genève (Ministère public) dépose des observations, concluant au rejet du recours. Par acte du 11 août 2021, la recourante maintient ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, la recourante, prévenue détenue, a qualité pour recourir. Le recours a été formé en temps utile (art. 45 al. 1 et 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue par une autorité statuant en tant que dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
La pièce nouvelle produite par le Ministère public à l'appui de ses observations et les faits survenus postérieurement à l'arrêt entrepris dont il fait état ne sauraient être pris en considération à ce stade en vertu de l'art. 99 al. 1 LTF. Cas échéant, il appartiendra au juge de la détention d'en tenir compte dans ses décisions ultérieures. Quoi qu'il en soit, ces éléments sont sans incidence pour le sort de la cause (cf. infra consid. 4). 
 
3.  
Le mémoire de recours débute par un " historique des faits ". Une telle démarche, dans la mesure où les faits exposés s'écartent des constatations de l'instance précédente ou les complètent, sans qu'il soit indiqué que celles-ci seraient manifestement inexactes ou arbitraires, est irrecevable, le Tribunal fédéral n'étant pas une instance d'appel (cf. ATF 145 V 188 consid. 2; 140 III 115 consid. 2). 
 
4.  
La recourante conteste l'existence de charges suffisantes. 
 
4.1. Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).  
 
4.2. La recourante met en doute la crédibilité des plaignantes, en particulier en faisant valoir qu'elles auraient eu largement l'occasion de se concerter et de s'accorder sur leurs versions, respectivement que la plaignante C.________ serait revenue au domicile de la recourante, plusieurs mois après les faits dénoncés. A ce stade de l'enquête, ces éléments ne sont cependant pas de nature à porter un doute sur la crédibilité des plaignantes et le caractère détaillé et convergent de leurs déclarations retenus par la Chambre pénale de recours. A tout le moins, on ne saurait voir, dans ces circonstances, des indices du caractère mensonger de leurs accusations.  
La recourante taxe en outre d'arbitraire un passage de l'arrêt querellé constatant à son égard qu'elle a admis avoir " obtenu un permis B humanitaire sur la base de fausses déclarations ". Elle fait valoir qu'elle aurait affirmé tant à la police qu'au Ministère public qu'elle n'avait pas travaillé au restaurant " D.________ " en raison de sa fermeture liée à la pandémie; ces allégations, outre qu'elles reposent en partie sur des éléments qui ne ressortent pas de l'arrêt entrepris sans que la recourante ne démontre l'arbitraire de leur omission, elles ne sont pas propres à faire apparaître comme " choquant " le passage en question. 
Pour le reste et contrairement à ce qu'affirme la recourante, les données recueillies lors de la consultation d'un de ses téléphones portables, qui sont décrites, par la police, comme étant utiles pour l'enquête et qui feront l'objet d'un rapport complémentaire, sont, parmi d'autres, des éléments qui ne font que renforcer les soupçons retenus à son encontre. 
On rappellera quoi qu'il en soit qu'il n'appartient pas au juge de la détention provisoire d'examiner en détail l'ensemble des considérations de fait, pas plus que de procéder à une appréciation complète des éléments à charge et à décharge; il lui incombe uniquement de vérifier, sous l'angle de la vraisemblance, que le maintien en détention avant jugement repose sur des indices de culpabilité suffisants. Or, à ce stade de l'enquête, il peut être admis que les déclarations crédibles et convergentes des plaignantes recueillies en cours de procédure reflètent des indices suffisants à l'encontre de la prévenue, étant rappelé que c'est au juge du fond et non à celui de la détention qu'il incombera de résoudre définitivement les questions de qualification juridique des faits poursuivis, d'apprécier la culpabilité de l'intéressée ainsi que la valeur probante des différentes déclarations. Cela vaut particulièrement dans une situation comme en l'espèce de " déposition contre déposition " (" Aussage gegen Aussage "), dans laquelle les déclarations de la recourante et des plaignantes représentent un moyen de preuve dont la connaissance directe par le tribunal apparaît nécessaire au prononcé du jugement, au sens de l'art. 343 al. 3 CPP (ATF 140 IV 196 consid. 4.4.3; arrêt 1B_587/2020 du 10 décembre 2020 consid. 2.3). 
 
4.3. Compte tenu de ce qui précède, l'appréciation de la cour cantonale, selon laquelle il existe de forts soupçons à l'encontre de la recourante, ne viole pas l'art. 221 al. 1 CPP.  
 
5.  
La recourante conteste ensuite l'existence d'un risque de collusion, dont elle nie le caractère concret. 
 
5.1. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion au sens de l'art. 221 al. 1 let. b CPP, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manoeuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuves susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2 et les références citées). Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (cf. ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2.2).  
 
5.2. En l'espèce, quoi qu'en dise la recourante, cette dernière pourrait être tentée d'obtenir une rétractation des plaignantes dans la mesure où, en l'état, l'essentiel des charges repose sur leurs déclarations. Comme l'a retenu l'autorité précédente, ce risque est d'autant plus élevé vu le lien familial, respectivement de subordination liant les parties et les pressions déjà exercées par des proches de la recourante sur l'une des plaignantes. En outre, l'analyse de l'un des téléphones portables de la recourante doit encore faire l'objet d'un rapport complémentaire. Il n'est dès lors pas exclu que d'autres personnes appelées à témoigner puissent être identifiées. Eu égard au stade précoce de l'enquête, les autorités pénales doivent pouvoir être à même de procéder à l'audition des témoins en question sans que leurs actions ne soient entravées par la recourante. De plus, même si les parties ont déjà été entendues, la Chambre pénale de recours a précisé qu'une audience de confrontation avait été fixée au 25 juin 2021, à tout le moins avec B.________. Dans ces circonstances et au vu des investigations qui sont encore en cours dans le cadre de cette instruction, il convient effectivement d'éviter que la recourante ne tente de quelque manière que ce soit d'influencer les déclarations des plaignantes ou les témoignages qui pourraient s'avérer déterminants.  
Enfin, la recourante ne saurait rien déduire en sa faveur des arrêts du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.2 et 1B_28/2018 du 12 février 2018 consid. 4.2 qu'elle cite. Dans le premier, les déclarations de la plaignante permettaient à elles seules d'exclure tout risque de collusion avec les témoins à entendre. Quant au second, l'instruction n'en était plus à un stade initial comme c'est le cas en l'espèce. 
 
5.3. Ainsi, au vu de ce qui précède, il y a lieu d'admettre que le risque de collusion demeure important et concret à ce stade de la procédure. La cour cantonale pouvait dès lors, à bon droit, confirmer l'existence d'un risque de collusion, sans examiner plus avant le risque de fuite et de récidive.  
 
6.  
La recourante se plaint enfin d'une violation de l'art. 237 CPP
 
6.1. Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il convient d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention. Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention.  
 
6.2. En l'occurrence, la mesure de substitution proposée par la recourante, sous la forme d'une interdiction d'entrer en contact avec les plaignantes et toutes autres personnes concernées par la présente procédure, apparaît insuffisante au regard de la nature du risque de collusion constaté. La recourante méconnaît en particulier que le cercle des personnes appelées à témoigner est encore susceptible d'évoluer sensiblement au gré de l'instruction, au contraire de l'affaire 1B_108/2018 jugée par le Tribunal fédéral le 28 mars 2018 qu'elle évoque. Il est pour le surplus précisé que la référence à l'arrêt de la Cour de céans 1B_182/2018 est manifestement erronée dans la mesure où il est sans relation aucune avec la question ici litigieuse. Quant aux autres mesures proposées, elles ne sont pas propres à écarter la réalisation du risque de collusion redouté. Ainsi, et quoi qu'en pense la recourante, la cour cantonale pouvait, sans violer le droit fédéral, confirmer qu'aucune mesure de substitution ne permettait, en l'état, de pallier le risque de collusion retenu à son encontre.  
Enfin, le principe de la proportionnalité n'est à ce jour pas non plus violé par la durée de la détention déjà subie par la recourante (soit près d'un mois au jour de l'arrêt attaqué), au regard des infractions qui lui sont reprochées, dont l'une d'entre elles est passible d'une peine privative de liberté de cinq ans (cf. art. 116 al. 3 LEI). 
 
7.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté. La recourante a demandé l'octroi de l'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF). Comme la recourante est dans le besoin et que le recours n'était pas d'emblée dénué de chances de succès, cette requête doit être admise. Il y a lieu de désigner Me Cécile Bocco en tant qu'avocate d'office de la recourante et de lui allouer une indemnité à titre d'honoraires, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF), ni alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire est admise. Me Cécile Bocco est désignée comme avocate d'office de la recourante et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 16 août 2021 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Nasel