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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_561/2017  
 
 
Arrêt du 19 mars 2018  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Présidente, Klett et Hohl. 
Greffière : Mme Schmidt. 
 
Participants à la procédure 
X.________ Sàrl, représentée par 
Me Denis Bridel, 
recourantes, 
 
contre  
 
Z.________, 
représenté 
par Me Christian Giauque, 
intimé. 
 
Objet 
salaire afférent aux vacances, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile, du 28 septembre 2017 (PT15.003261-170103 442). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Z.________ (ci-après: l'employé ou le demandeur) a travaillé pour la société X.________ Sàrl (ci-après: l'employeuse ou la défenderesse) en qualité de menuisier à compter du mois d'août 2008, à raison de 42,5 heures par semaine, activité qu'il a complétée par celle de responsable technique du département de menuiserie dès le mois d'avril 2011.  
Selon le contrat de travail, l'employé a droit à quatre semaines de vacances par année et, pour une activité de 42,5 heures par semaine, à une rémunération horaire de 28 fr., qui a ensuite augmenté progressivement à 31 fr. 50, hors vacances, treizième salaire et jours fériés. Le contrat mentionne encore que " l'employé a droit à son salaire total durant les vacances ". 
 
A.b. Sur les fiches de salaire de l'employé figure le versement, en sus du salaire de base, de 8,33% pour le droit aux vacances, 8,33% pour le treizième salaire et 2,11% pour les jours fériés. L'employeuse considère qu'il s'agit d'une modification tacite du contrat de travail, en ce sens que le salaire afférent aux vacances aurait été intégré au salaire périodique.  
L'employé a effectivement pris ses vacances en nature, mais il estime que les conditions pour inclure le salaire afférent aux vacances dans le salaire périodique ne sont pas remplies. 
 
A.c. En juillet 2013, l'employeuse a proposé à l'employé de reprendre à son compte le département menuiserie, dont elle avait décidé de se défaire. Celui-ci a accepté, mais les démarches entreprises en ce sens ont échoué.  
Considérant l'accord de reprise comme caduc faute de paiement, l'employeuse a estimé que l'employé avait mis un terme aux relations de travail en déclarant travailler à son compte et ne lui a plus versé de salaire à compter du mois d'août 2013. 
 
B.  
 
B.a. L'employé a ouvert action contre l'employeuse par requête de conciliation du 21 mars 2014, suivie d'une demande en paiement du 23 janvier 2015 adressée au Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois. Il concluait notamment au paiement d'un montant de 26'775 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 15 octobre 2013 au titre de droit aux vacances pour les années 2009 à 2013.  
Par jugement du 8 septembre 2016, le Tribunal civil d'arrondissement de l'Est vaudois a rejeté tant la demande de l'employé que celle de la caisse de chômage, agissant comme intervenante dans la procédure. Il a retenu que les relevés de compte établis par l'employeuse comportaient une rubrique " vacances ", mentionnant le pourcentage de la part représentant l'indemnité afférente aux vacances, ce qui était suffisant, puisque la loi n'imposait pas la forme écrite pour ce type de contrat. En faisant preuve de l'attention commandée par les circonstances, l'employé pouvait donc reconnaître la proportion dans laquelle son salaire contenait un supplément pour les vacances. 
 
B.b. Statuant le 28 septembre 2017, la Cour d'appel civile du tribunal cantonal du canton de Vaud a réformé le jugement attaqué, en ce sens que la demande de l'employé est partiellement admise et que l'employeuse est condamnée à lui verser le montant de 26'517 fr. 20, sous déduction des cotisations légales et conventionnelles, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er septembre 2013; elle a maintenu le rejet de la demande déposée par la Caisse cantonale de chômage. Elle a estimé en substance que la seule mention du versement de 8,33% sur les fiches de salaire n'était pas suffisante, les deux autres conditions posées par la jurisprudence pour inclure l'indemnité afférente aux vacances dans le salaire de base faisant défaut. L'employé n'abusait au demeurant pas de son droit en réclamant, un an et demi après la cessation des rapports de travail, le paiement de vacances qu'il a prises en nature, l'indemnité due à ce titre étant toutefois calculée à un taux de 7,692%.  
 
C.   
Contre cet arrêt, l'employeuse a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle a préalablement demandé l'octroi de l'effet suspensif au recours et principalement conclu à la réforme de l'arrêt, en ce sens que la demande déposée par l'employé soit rejetée sur le point du salaire afférent aux vacances. Elle invoque la violation des art. 329a et 329d CO, 2 al. 2 CC, et 9 Cst. 
L'intimé a conclu au rejet de la demande d'effet suspensif et du recours, tandis que la cour cantonale s'en est remise à justice sur la question de l'effet suspensif et s'est référée aux considérants de son arrêt pour le surplus. 
La recourante et l'intimé ont encore déposé des observations. 
La demande d'effet suspensif a été rejetée, puis admise par voie de reconsidération le 20 décembre 2017. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par l'employeuse qui a succombé dans ses conclusions libératoires (art. 76 al. 1 LTF), contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF) dans une affaire de contrat de travail (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse est supérieure à 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions. 
 
2.   
Le Tribunal fédéral applique d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal (ou à l'état de fait qu'il aura rectifié ou complété après examen des griefs du recours). Il n'est pas limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés ou, à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité). 
 
3.  
 
3.1. L'employeur accorde au travailleur, chaque année de service, au moins quatre semaines de vacances (art. 329a al. 1 CO), pendant lesquelles il doit lui verser le salaire total y afférent (art. 329d al. 1 CO). Cette disposition est relativement impérative, en ce sens qu'il ne peut y être dérogé au détriment du travailleur (art. 362 al. 1 CO).  
En règle générale, le salaire relatif aux vacances doit être versé au moment où celles-ci sont prises et il n'est pas admissible d'inclure l'indemnité de vacances dans le salaire total. Le Tribunal fédéral a d'abord admis que, dans des situations particulières, ce par quoi il faut entendre une activité très irrégulière, l'indemnité de vacances pouvait exceptionnellement être incluse dans le salaire total (ATF 118 II 136 consid. 3b p. 137 s.; 116 II 515 consid. 4a p. 517; 107 II 430 consid. 3a p. 433 s.). Par la suite, il s'est toutefois interrogé sur la justification d'une telle dérogation (ATF 129 III 493 consid. 3.2 et 3.3 p. 495 s., 664 consid. 7.2 p. 672). Laissant la question en suspens, il a relevé que, dans tous les cas, outre la nécessité objective due à une activité irrégulière (première condition), la part du salaire global destinée à l'indemnisation des vacances devait être mentionnée clairement et expressément dans le contrat de travail lorsqu'il était conclu par écrit (deuxième condition), ainsi que sur les décomptes de salaire périodiques (troisième condition; ATF 129 III 493, ibidem). La simple indication selon laquelle l'indemnité afférente aux vacances est comprise dans le salaire total ne suffit donc pas, la part représentant cette indemnité doit être fixée en pourcentage ou en chiffres (ATF 116 II 515 consid. 4b p. 518; arrêt 4A_463/2010 du 30 novembre 2010 consid. 3) et cette mention doit figurer aussi bien dans le contrat de travail écrit que dans les décomptes de salaire (ATF 129 III 493 consid. 3.3 p. 496; arrêt 4A_205/2016 du 23 juin 2016 consid. 2.6.1). 
Lorsque les parties ont conclu un contrat oral, il se justifie d'admettre que l'accord portant sur le salaire afférent aux vacances a aussi été conclu oralement (ATF 129 III 493 consid. 3.3; ATF 116 II 515 consid. 4b). Dans une telle situation, la mention de la part de salaire afférente aux vacances dans les décomptes périodiques de salaire suffit à apporter la clarté nécessaire et confirme ainsi en la forme écrite l'accord passé verbalement (ATF 129 III 493 consid. 3.3 in fine). 
Si les conditions ci-dessus ne sont pas réunies, l'employeur doit payer le salaire afférent aux vacances. Que l'employé ait pris ses vacances en nature n'y change rien (ATF 129 III 664 consid. 7.2 p. 673; arrêt 4A_205/2016 du 23 juin 2016 consid. 2.6.1). 
 
3.2. En l'espèce, selon la cour cantonale, les parties ont convenu, par contrat de travail écrit, que l'employé bénéficiait de quatre semaines de vacances annuelles pour une activité de 42,5 heures par semaine, rémunérée à l'heure, et qu'il avait droit à " son salaire total durant les vacances ". Les fiches de salaires émises par l'employeuse mentionnaient notamment le versement, en sus du salaire de base, de 8,33% pour le droit aux vacances.  
La cour cantonale en a déduit que deux des trois conditions définies par la jurisprudence pour inclure le salaire afférent aux vacances dans le salaire total ne sont pas remplies. Premièrement, il ne résulte d'aucune clause du contrat que les parties seraient convenues d'une inclusion du salaire afférent aux vacances dans le salaire versé durant les périodes de travail effectives. Ce contrat étant conclu par écrit, il ne saurait être admis que les parties se seraient entendues sur une telle pratique par oral. Deuxièmement, la condition de fond du travail très irrégulier d'un employé à temps partiel ou du travail intérimaire n'est pas remplie, puisque les parties se sont entendues sur une rémunération à l'heure pour une activité équivalant à un plein temps. 
 
3.3. La recourante se plaint de violation de l'art. 329d CO et de la jurisprudence y relative, se prévalant de ce que l'employé connaissait le mode de calcul utilisé pour le paiement du salaire mensuel. Selon elle, celui-ci pouvait et devait, en faisant preuve de l'attention commandée par les circonstances et à réception de chaque décompte de salaire, reconnaître à quelle hauteur, en pourcentage et en chiffres, sa rémunération contenait un supplément pour les vacances et les jours fériés. La recourante soutient que l'employé savait donc précisément dans quelle mesure sa rémunération globale incluait celle de ses vacances, de sorte que la cour cantonale l'avait à tort condamnée à verser 26'517 fr. 20 à ce titre à l'employé.  
 
3.4. Force est de constater que deux des conditions définies par la jurisprudence pour admettre l'inclusion de l'indemnité de vacances dans le salaire total ne sont pas remplies. D'une part, l'activité de l'employé, fixée à 42,5 heures par semaine, est régulière et ne justifie donc pas une dérogation à la règle selon laquelle le salaire est versé au moment où les vacances sont prises (première condition). D'autre part, le contrat de travail écrit ne mentionne pas la part du salaire global destinée à l'indemnisation des vacances (deuxième condition), un défaut que ne sauraient pallier l'envoi des décomptes de salaire comprenant cette mention et l'absence de réaction de l'employé à réception de ceux-ci. Par conséquent, en retenant que la seule mention sur les décomptes de salaire était insuffisante pour déroger valablement au système prévu à l'art. 329d CO, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral.  
 
4.  
 
4.1. L'art. 2 al. 2 CC prévoit que l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. L'abus peut être réalisé notamment lorsque l'intérêt protégé par des règles impératives n'existe plus, qu'il a été sauvegardé d'une autre manière ou que la partie invoquant ces règles a tellement tardé à s'en prévaloir, qu'il est devenu impossible à l'autre partie de préserver ses propres intérêts (ATF 129 III 493 consid. 5.1 p. 498; arrêt 4A_435/2015 du 14 janvier 2016 consid. 3.4.1 et les références citées).  
Le fait d'exiger le salaire afférent aux vacances au terme de la relation contractuelle, au motif que les conditions formelles pour une inclusion de celui-ci dans le salaire total ne sont pas respectées, n'est pas constitutif d'abus de droit, même si l'employé a effectivement pris ses vacances durant les rapports de travail (ATF 129 III 493 consid. 5.2 p. 498 s.; arrêt 4A_435/2015 du 14 janvier 2016 consid. 3.4.1 et les références citées). Il peut en aller différemment lorsque l'employé a perçu une forme de rémunération pendant ses vacances (arrêt 4A_285/2015 du 22 septembre 2015 consid. 3.3 et 4A_66/2009 du 8 avril 2009 consid. 4). 
Le droit au salaire afférent aux vacances revêt un caractère impératif selon l'art. 362 al. 1 CO, de sorte que l'employé ne peut y renoncer pendant la durée du contrat et durant le mois qui suit la fin de celui-ci (art. 341 CO). Le fait pour l'employé de n'avoir soulevé ses prétentions fondées sur l'art. 329d al. 1 CO qu'à l'expiration des rapports de travail ne saurait donc constituer, à lui seul, un abus de droit manifeste, sous peine de vider de son sens l'art. 341 CO (ATF 129 III 618 consid. 5.2; arrêt 4A_435/2015 du 14 janvier 2016 consid. 3.4.1). 
 
4.2. En l'occurrence, la cour cantonale a retenu qu'il importait peu que l'employé ait pris tout ou partie de ses vacances durant les rapports de travail, dans la mesure où l'employeur est tenu de verser le salaire afférent aux vacances dès lors que les conditions pour l'inclusion de celui-ci dans le salaire total ne sont pas remplies. Le cas d'espèce se distinguait en outre de celui à la base de l'arrêt 4A_66/2009 du 8 avril 2009, où la prétention d'un médecin, qui était au bénéfice d'un système d'acomptes lui permettant de partir en vacances sans pénalisation salariale et de disposer des ressources suffisantes pendant cette période, avait été reconnue comme constitutive d'un abus de droit.  
 
4.3. La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 2 al. 2 CC. Elle lui reproche en particulier d'avoir ignoré le fait que l'employé a pris ses vacances en nature et qu'il a été rémunéré de ce chef par l'inclusion de l'indemnité de vacances dans son salaire total, avec pour conséquence qu'une admission de la demande reviendrait non seulement à payer celui-ci à double mais encore à nier qu'il avait les ressources suffisantes pour partir en vacances. La recourante reproche également à la cour cantonale de n'avoir pas tenu pour abusif le comportement de l'employé qui fait valoir sa prétention un an et demi après la fin des rapports de travail.  
 
4.4. N'en déplaise à la recourante, il ne découle de l'état de fait retenu aucune circonstance particulière qui rendrait abusive la prétention de l'employé. Comme l'a relevé la cour cantonale, la présente affaire se distingue des situations dans lesquelles l'employé a perçu une rémunération pendant ses vacances, sous forme de salaire fixe ou d'acomptes. Rien ne laisse en l'espèce supposer que l'employé intimé, qui ne touchait aucune rémunération lorsqu'il ne travaillait pas, disposait des ressources suffisantes et ne subissait aucune pénalisation salariale pendant ses vacances. Le seul fait pour l'employé d'avoir attendu un an et demi avant d'élever sa prétention n'est enfin pas propre à rendre celle-ci abusive.  
 
5.   
Pour le surplus, l'on ne saurait suivre la recourante lorsqu'elle soutient que la cour cantonale aurait versé dans l'arbitraire en reprenant un considérant issu de la jurisprudence fédérale. De même, l'on ne saurait considérer que le résultat auquel la cour cantonale a abouti au terme d'une application du droit fédéral exempte de critiques (cf. consid. 3 et 4 supra) heurterait le sentiment de justice et d'équité. 
 
6.   
En définitive, le recours doit être rejeté. 
Les frais et dépens sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile. 
 
 
Lausanne, le 19 mars 2018 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
La Greffière : Schmidt