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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_760/2021  
 
 
Arrêt du 22 juillet 2022  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
Marazzi, von Werdt, Schöbi et Bovey. 
Greffière : Mme Mairot. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
représenté par Me Micaela Vaerini, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Département de l'économie, de l'innovation et du sport du canton de Vaud (DEIS), Direction de l'état civil, Service de la population, 
rue Caroline 2, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
reconnaissance et transcription au registre de l'État civil d'un acte de reconnaissance de paternité étranger et d'un acte de changement de nom étranger, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 9 août 2021 (GE.2020.0233). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.A.________ est un citoyen suisse né en 1931, domicilié à Pully (VD). B.B.________ est une ressortissante française née en 1980, domiciliée à U.________ (France). Elle est la mère de l'enfant C.B.________, né en 2016 à W.________ (France), de même nationalité.  
Le 4 octobre 2018, A.A.________ a procédé à la reconnaissance de paternité de l'enfant à W.________. Par acte de déclaration conjointe de changement de nom établi le 18 octobre 2018 à U.________, A.A.________ et B.B.________ ont déclaré que l'enfant prenait désormais le nom de A.A.________. Les autorités françaises ont procédé à l'inscription, dans leur registre de l'état civil, de la reconnaissance de paternité ainsi que de l'acte de déclaration conjointe de changement de nom susvisés. 
 
A.b. Par demandes des 19 octobre et 10 novembre 2018, A.A.________ et B.B.________ ont requis la transcription de la naissance de l'enfant C.B.________ dans le registre de l'état civil suisse. Par lettre du 12 février 2019 adressée aux prénommés, le Service de la population du canton de Vaud, par sa Direction de l'état civil (ci-après: DEC), a indiqué "émett[re] des doutes sérieux sur la réalité de la filiation de l'enfant, en raison du fait que celui-ci a[vait] été reconnu par M. A.A.________ à l'âge de 87 ans, le 04 octobre 2018 [...], soit plus d'un an et 9 mois après sa naissance". La DEC les priait dès lors de lui fournir "des explications sur les raisons de cette reconnaissance tardive en paternité et sur son bien-fondé"; elle attirait en outre leur attention sur le fait que "seul le père biologique peut reconnaître un enfant, et que l'officier d'état civil est en droit d'exiger une expertise ADN, en cas de doute fondé". En l'absence de réponse à son courrier, la DEC a réitéré sa demande d'explications par lettres du 12 avril 2019, puis du 20 novembre suivant.  
 
A.c. Le mariage de A.A.________ avec B.B.________ a été célébré le en 2019 à U.________; il a été inscrit dans le registre de l'état civil français.  
Le 17 janvier 2020, A.A.________ s'est étonné du fait que ledit mariage n'eût pas encore été reconnu en Suisse et en a requis la transcription immédiate. Par lettre du 20 février suivant, la DEC lui a écrit que, conformément à l'art. 15 al. 3 de l'Ordonnance sur l'état civil, elle devait d'abord éclaircir la question de sa reconnaissance en paternité sur l'enfant, effectuée le 4 octobre 2018, soit avant la célébration de son mariage. Elle lui a en outre demandé de dire par écrit si l'enfant était son fils biologique et, dans l'affirmative, pourquoi il avait attendu vingt-et-un mois après sa naissance pour le reconnaître. Elle se réservait en outre le droit de requérir un test ADN entre lui et l'enfant en vertu de l'art. 33 de la loi fédérale sur l'analyse génétique humaine du 8 août 2004 (LAGH; RS 810.12). 
 
A.d. Le 10 mars 2020, A.A.________, par l'intermédiaire de son avocate, a expressément admis qu'il n'était pas le père biologique de l'enfant, tout en contestant que le droit suisse exigeât l'existence d'un tel lien. Il invoquait en outre l'art. 8 CEDH.  
La DEC l'a alors informé de son intention de refuser la reconnaissance et la transcription de celle-ci, dans la mesure où elle ne se basait pas sur la vérité biologique, et lui a imparti un délai pour se déterminer par écrit. 
Faisant usage de cette faculté, A.A.________ a, le 15 juin 2020, maintenu sa demande de transcription de la reconnaissance de paternité. Il faisait notamment valoir l'existence d'une relation familiale de fait justifiant la protection du lien de filiation entre lui et l'enfant sous l'angle de l'art. 8 CEDH
 
A.e. Le 10 juillet 2020, la DEC l'a invité à fournir toute preuve d'une telle relation familiale. Par lettre du 27 août suivant, elle l'a informé que les pièces qu'il avait produites (une facture du 21 juillet 2020 d'une école privée suisse pour l'enfant et plusieurs récépissés de versements y relatifs, un lot de photographies le représentant avec l'enfant ainsi que les attestations écrites de quatre personnes tierces décrivant sa relation avec celui-ci) n'établissaient pas l'existence d'une "véritable vie familiale", à savoir "le partage quotidien d'une communauté de toit et de table", de sorte qu'elle confirmait son intention de rendre une décision refusant la transcription de la reconnaissance.  
A.A.________ a déposé d'ultimes déterminations le 15 septembre 2020 et a maintenu sa demande de transcription de la reconnaissance en paternité, ainsi que de son mariage avec B.B.________. Il relevait que son épouse et son fils ne disposaient pas de titre de séjour en Suisse, raison pour laquelle aucune attestation de domicile n'avait pu être produite et pour laquelle, également, l'enfant effectuait des allers-retours entre le domicile de sa mère et le sien. Il reprochait à la DEC d'être à l'origine de cette situation, en ayant lié "de manière injustifiée" les procédures de transcription du mariage et de la reconnaissance en paternité, précisant que l'enfant et lui n'en partageait pas moins une "véritable vie de famille". 
 
B.  
 
B.a. Par décision du 10 novembre 2020, le Département de l'économie, de l'innovation et du sport du canton de Vaud (DEIS), autorité de surveillance en matière d'état civil, a rejeté les demandes de A.A.________ et B.B.________ tendant à la reconnaissance et à la transcription dans le registre suisse de l'état civil de la reconnaissance en paternité de l'enfant, ainsi que de la déclaration subséquente de changement de nom de celui-ci, toutes deux intervenues en France. Considérant que la reconnaissance en paternité en faveur d'un enfant "non naturel" était contraire à l'ordre public suisse, l'autorité cantonale de surveillance a fait application de l'art. 27 al. 1 LDIP pour fonder son refus de donner suite à la première demande, précisant que ce rejet entraînait, par voie de conséquence, celui de la seconde. Elle a de plus relevé qu'il convenait d'instruire le dossier concernant la reconnaissance de paternité préalablement à l'enregistrement du mariage des intéressés, conformément au principe selon lequel les évènements d'état civil sont transcrits dans l'ordre chronologique.  
 
B.b. Le 14 décembre 2020, A.A.________ a interjeté recours auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud contre la décision précitée.  
Par arrêt du 9 août 2021, cette autorité a rejeté le recours et confirmé la décision rendue le 10 novembre 2020 par le DEIS. 
 
C.  
Par acte posté le 15 septembre 2021, le requérant exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 9 août 2021. Il conclut à sa réforme en ce sens que les demandes de reconnaissance et de transcription, dans le registre suisse de l'état civil, de la reconnaissance en paternité et du changement de nom de l'enfant intervenus en France sont admises. Subsidiairement, il sollicite l'annulation de l'arrêt entrepris et le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le DEIS propose le rejet du recours et la confirmation de l'arrêt entrepris. 
L'autorité cantonale s'est référée aux considérants de sa décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) sujette au recours en matière civile (art. 72 al. 2 let. b ch. 2 LTF cum art. 32 al. 1 LDIP; ANDREAS BUCHER, in Commentaire romand, LDIP/CL, 2011, n° 3 ad art. 32 LDIP) prise par une autorité cantonale de dernière instance ayant statué sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF). Le requérant, qui a pris part à la procédure devant l'autorité cantonale et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou la modification de l'arrêt attaqué, a en outre qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).  
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés; il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une autorité de première instance, toutes les questions juridiques pouvant se poser, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références, 402 consid. 2.6). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 147 I 73 consid. 2.2; 144 II 246 consid. 6.7; 143 I 310 consid. 2.2 et la référence), doit satisfaire au principe d'allégation susmentionné (art. 106 al. 2 LTF; cf. supra consid. 2.1). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 IV 154 consid. 1.1).  
 
3.  
A l'exception de la Convention portant extension de la compétence des autorités qualifiées pour recevoir les reconnaissances d'enfants naturels du 14 septembre 1969 (RS 0.211.112.13), qui a pour but de permettre aux ressortissants de leurs États respectifs de souscrire des reconnaissances d'enfants naturels sur le territoire des autres États contractants comme ils pourraient le faire sur le territoire de leur propre État, et de faciliter ainsi de telles reconnaissances, il n'existe aucun traité bi- ou multilatéral liant la Suisse à la France concernant la reconnaissance d'un enfant, singulièrement l'inscription de celle-ci au registre de l'état civil. Les dispositions de la LDIP sont dès lors applicables en l'espèce. 
 
4.  
Le recourant soutient en substance que l'autorité cantonale a abusé de son pouvoir d'appréciation, est tombée dans l'arbitraire et a violé l'art. 260 al. 1 CC, de même que les art. 27 al. 1, 68, 72 et 73 al. 1 LDIP, en refusant de reconnaître sa paternité sur l'enfant. Il invoque en outre les art. 13 Cst. et 8 CEDH. 
 
 
4.1. Conformément à l'art. 32 al. 1 et 2 LDIP, une décision ou un acte étranger concernant l'état civil peut être transcrit, moyennant une décision de l'autorité cantonale de surveillance en matière d'état civil, lorsqu'il satisfait aux conditions générales prévues aux art. 25 à 27 LDIP, en sorte que la transcription doit être refusée, en particulier, si elle contrevient à l'ordre public matériel ou si l'autorité étrangère était incompétente. L'autorité suisse saisie ne saurait procéder à un examen au fond de la décision ou de l'acte dont la transcription est demandée (ATF 120 II 87 consid. 2a; SIMON OTHENIN-GIRARD, La transcription des décisions et des actes étrangers à l'état civil [art. 32 LDIP et 137 OEC], in Revue de l'état civil 1998, p. 163 ss, 167/168).  
 
Selon l'art. 73 al. 1 LDIP, la reconnaissance d'un enfant intervenue à l'étranger est reconnue en Suisse lorsqu'elle est valable dans l'État de la résidence habituelle de l'enfant, dans son État national, dans l'État du domicile ou encore dans l'État national de la mère ou du père. Il suffit ( in favorem recognitionis) que la reconnaissance en paternité soit valable, quant au fond et à la forme, selon l'un des ordres juridiques mentionnés par cette disposition (arrêts 5A_822/2020 du 21 février 2022 consid. 3.1.3; 5A_680/2018 du 19 novembre 2019 consid. 3.2; SCHWANDER, in Basler Kommentar, Internationales Privatrecht, 4e éd. 2021, n° 10 ad art. 73 LDIP). La décision administrative a uniquement une valeur déclarative et n'acquiert pas la force de chose jugée au sens matériel; elle n'exclut pas la compétence du juge pour statuer sur la validité du fait constaté par l'inscription (arrêts 5A_822/2020 précité consid. 3.3.1; 5A_54/2016 du 15 juin 2016 consid. 2.3; BUCHER, op. cit., n° 4 ad art. 32 LDIP).  
 
 
4.2. En l'espèce, la cour cantonale a considéré que la reconnaissance en paternité litigieuse était, en l'état, valablement inscrite au registre de l'état civil français selon les règles propres au droit de ce pays, État national de l'enfant, de sorte que la condition posée par l'art. 73 al. 1 LDIP paraissait réalisée. Toutefois, l'autorité de surveillance était en droit de refuser, pour des motifs d'ordre public (art. 27 al. 1 LDIP), la reconnaissance en paternité intervenue en France, dès lors que le requérant avait admis qu'il n'était pas le père biologique de l'enfant. Un raisonnement divergeant détournerait l'institution de la reconnaissance d'enfant de sa finalité et permettrait de contourner le régime de l'adoption. Cette restriction, prévue par le droit interne suisse, n'apparaissait donc pas contraire à l'art. 8 CEDH. La décision attaquée respectait en outre le principe de la proportionnalité, dès lors que la voie de l'adoption - en particulier l'adoption de l'enfant du conjoint (art. 264c et 264d al. 2 CC) - était prima facie ouverte.  
 
5.  
Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir estimé que le droit suisse érigeait le rétablissement de la vérité biologique en principe fondamental de la reconnaissance, de sorte qu'il était contraire à l'ordre public de reconnaître la paternité d'un homme dont on sait de façon certaine qu'il n'est pas le père biologique de l'enfant. 
 
5.1.  
 
5.1.1. En vertu de l'art. 27 al. 1 LDIP (en relation avec l'art. 32 al. 2 LDIP), la transcription de la reconnaissance d'un enfant effectuée à l'étranger (art. 73 LDIP) doit être refusée lorsqu'elle est manifestement incompatible avec l'ordre public suisse, c'est-à-dire lorsqu'elle heurte de façon choquante les principes les plus essentiels de l'ordre juridique, tel qu'il est conçu en Suisse (ATF 141 III 328 consid. 5.1; arrêts 5A_822/2020 précité consid. 3.8; 5A_697/2017 du 5 mars 2018 consid. 3.1; SIEHR/MARKUS, in Zürcher Kommentar zum IPRG, 3e éd. 2018, n° 13 ad art. 73 LDIP). En tant que clause d'exception, la réserve de l'ordre public (matériel) s'interprète de manière restrictive; il en va spécialement ainsi en matière de reconnaissance et d'exécution des actes ou jugements étrangers, où sa portée est plus étroite que pour l'application directe du droit étranger (effet atténué de l'ordre public); la reconnaissance constitue la règle, dont il ne faut pas s'écarter sans de bonnes raisons (ATF 143 III 51 consid. 3.3.2; 142 III 180 consid. 3.2; 141 III 328 consid. 5.1; 120 II 87 consid. 3 et les références). L'ordre public s'apprécie, de surcroît, par rapport au résultat auquel aboutit la reconnaissance, et non au regard du contenu de la loi étrangère (notamment: ATF 131 III 182 consid. 4.1; 126 III 127 consid. 2c).  
 
5.1.2. Selon la conception juridique suisse, la paternité biologique n'est pas une condition préalable à la reconnaissance (TUOR/SCHNYDER/JUNGO, Das Schweizerische Zivilgesetzbuch, 14e éd. 2015, § 40 ch. 26, 29), qui suppose uniquement l'existence d'un lien de filiation maternelle et l'absence de filiation paternelle (cf. art. 260 al. 1 CC; OLIVIER GUILLOD, in Commentaire romand, Code civil I, 2010 [ci-après: Commentaire], n° s 2 ss ad art. 260 CC; BÜCHLER/VETTERLI, Ehe, Partenerschaft, Kinder: eine Einführung in das Familienrecht der Schweiz, 3e éd. 2018, p. 203 n° 3.2). D'après plusieurs auteurs, la formulation de l'art. 260 al. 1 CC ("le père" peut reconnaître l'enfant) ne permet pas de déduire que seul le père génétique - ou celui qui se prend pour tel - peut procéder à la reconnaissance. La doctrine apparaît en outre unanime sur le fait que l'office de l'état civil ne peut pas exiger la preuve de la paternité biologique. Une reconnaissance sciemment erronée est donc valable et ne peut être supprimée que par une action en contestation au sens des art. 260a ss CC (SCHWENZER/COTTIER, in Commentaire bâlois, Code civil I, 6e éd. 2018, n° 7 ad art. 260 CC; BERNHARD SAGER, Die Begründung des Kindesverhältnisses zum Vater durch Anerkennung und seine Aufhebung, thèse Zurich 1979, p. 68 ss; GUILLOD, in Commentaire, n° 11 ad art. 260 CC; le même, Des cigognes aux éprouvettes: les méthodes changent, l'amour reste, in Revue internationale de droit comparé, n° spécial vol. 11, Journées de la Société de législation comparée, Paris 1989, p. 637 ss, 651; MARINA MANDOFIA BERNEY, Vérités de la filiation et procréation assistée, thèse Genève 1993, p. 85-88; THOMAS GEISER, Kind und Recht - von der sozialen zur genetischen Vaterschaft ?, in FamPra.ch 2009 p. 41 ss, 47; OTHENIN GIRARD, La réserve d'ordre public en droit international privé suisse [ci-après: La réserve d'ordre public], n° 878; BÜCHLER/VETTERLI, op. cit., loc. cit.; d'un avis manifestement contraire: HEGNAUER, Berner Kommentar, n° s 62 ss ad art. 260 CC).  
Une part importante de la doctrine reconnaît toutefois à l'office de l'état civil le droit de refuser la reconnaissance si elle est manifestement erronée, autrement dit s'il existe des éléments objectifs de fait qui excluent objectivement et de manière certaine la paternité (TUOR/SCHNYDER/JUNGO, op. cit., § 40 ch. 26 note de bas de page 37; HEGNAUER, Grundriss des Kindesrechts und des übrigen Verwandtschaftsrechts, 5e éd. 1999, n° 7.05; STETTLER, Le droit suisse de la filiation, TDPS, vol. III, tome II/2, p. 36; MEIER/STETTLER, Droit de la filiation, 6e éd. 2019, n° 125, qui précisent qu'un tel refus devrait cependant rester exceptionnel, l'officier de l'état civil, dont le pouvoir de vérification se limite aux conditions de la reconnaissance, n'ayant pas à s'assurer que l'auteur est bien le père biologique de l'enfant; en droit international privé: SIEHR/MARKUS, op. cit., n° 4 ad art. 73 LDIP; SCHWANDER, op. cit., n° 18 ad art. 72 LDIP; cf. aussi BUCHER, op. cit., n° 5 ad art. 73 LDIP, qui réserve de l'existence d'une relation familiale de fait [art. 8 CEDH]; MANDOFIA-BERNEY, op. cit., note de bas de page 328 p. 86; OTHENIN-GIRARD, La réserve d'ordre public, loc. cit., selon lequel la reconnaissance de paternité dont l'invraisemblance est évidente devrait également être reconnue en Suisse dans certains cas exceptionnels; à noter encore que, selon l'OFJ [cf. MANDOFIA BERNEY, op. cit., p. 87], l'officier d'état civil qui n'a pas de certitude mais de simples doutes sur la paternité de l'auteur de la reconnaissance doit l'inscrire sur les registres). La reconnaissance peut être considérée comme manifestement erronée, en particulier, pour des raisons d'âge ou de différence d'âge, respectivement, selon la jurisprudence cantonale (cf. arrêt 5A_10/2019 du 13 mars 2019 consid. 3, sans prise de position sur le fond au consid. 5, mentionné au consid. 3.8.1 de l'arrêt 5A_822/2020 précité), lorsque l'abus de droit ou le contournement de la loi sont manifestes. La reconnaissance par déclaration devant l'officier de l'état civil est cependant exclue lorsqu'un jugement entré en force constate que le déclarant n'est pas le père de l'enfant (ATF 122 III 99 s.; GUILLOD, in Commentaire, n° 11 ad art. 260 CC; BÜCHLER/VETTERLI, op. cit., loc. cit.). 
 
5.2. Comme le fait valoir à juste titre le recourant, la doctrine n'est ainsi pas unanime à ce sujet. Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a admis la transcription d'un acte de naissance et d'une reconnaissance en paternité intervenus au Brésil en l'absence de lien biologique entre le père et l'enfant, estimant qu'une reconnaissance sciemment erronée ne heurtait pas, sauf en cas de fraude manifeste, l'ordre public suisse, l'action en contestation étant réservée (arrêt 5A_822/2020 précité consid. 3.8, mentionné par BUCHER, op. cit., Mise à jour, état au 27 avril 2022, www.andreasbucher-law.ch, n° 1 ad art. 73 LDIP). La Cour de céans a notamment jugé qu'une reconnaissance socioaffective étrangère n'était pas contraire à l'ordre public suisse au regard des règles sur l'adoption (arrêt 5A_822/2020 précité consid. 3.8.3 in fine, en lien avec le consid. 3.4.2). Les considérations de l'autorité cantonale à ce sujet ne sont dès lors pas décisives.  
Il convient de garder à l'esprit que, comme dans l'arrêt 5A_822/2020 précité, il s'agit ici de se prononcer sur la transcription en Suisse d'une reconnaissance en paternité valable à l'étranger. Or, dans des cas de ce type, l'application de la réserve de l'ordre public est plus restrictive que dans le domaine de l'application directe des règles de loi (cf. supra consid. 5.1.1), afin d'éviter dans toute la mesure du possible la création de situations boiteuses préjudiciables aux intéressés. A l'aune de cette règle, et compte tenu des principes exposés plus haut (cf. supra consid. 5.1.2), il n'apparaît pas qu'en procédant à la reconnaissance de paternité en France voisine - pays de résidence et de nationalité de l'enfant et de la mère -, le recourant ait commis un abus de droit ou voulu contourner la loi (cf. arrêt 5A_822/2020 précité consid. 3.8), notamment en matière de droit des étrangers. C'est le lieu de relever que les circonstances de la présente cause ne sont pas comparables à celles de l'arrêt 5A_10/2019 précité, où le mari, qui avait reconnu l'enfant de sa femme en Ukraine, s'était tourné vers l'Allemagne - pays avec lequel le seul lien de rattachement était sa nationalité - pour obtenir la reconnaissance de l'acte ukrainien après que celle-ci lui eut été refusée en Suisse, situation que le Tribunal fédéral n'a au demeurant pas tranchée (cf. supra consid. 5.1.2). De surcroît, la paternité du recourant n'apparaissait pas invraisemblable d'un point de vue objectif, les doutes de l'autorité de surveillance à ce sujet n'ayant d'ailleurs été confirmés qu'après qu'elle eut insisté auprès du recourant pour qu'il confirme ou pas son lien biologique avec l'enfant (cf. supra let. A.c à A.f). A cela s'ajoute encore que le recourant et la mère de l'enfant se sont mariés en France en 2019, mariage qui reste dans l'attente d'une inscription au registre de l'état civil suisse. La cour cantonale ne s'est certes pas prononcée sur l'existence d'une vie familiale au sens de l'art. 8 CEDH, estimant que cette disposition ne pouvait être violée au motif - à lui seul erroné - que la transcription de la reconnaissance en paternité était contraire à l'ordre public suisse. L'arrêt entrepris contient toutefois suffisamment d'éléments - en particulier le mariage des intéressés - permettant de retenir que les conjoints entendent vivre avec l'enfant une véritable vie de famille, qui mérite d'être protégée. 
 
Vu ce qui précède, la reconnaissance de paternité étrangère satisfait, dans le cas particulier, aux conditions de l'art. 73 al. 1 LDIP. Partant, il se justifie d'admettre le recours et d'ordonner la transcription dans les registres suisses de l'état civil de la reconnaissance en paternité et de l'acte de déclaration conjointe de changement de nom précités. 
 
6.  
L'État de Vaud, qui succombe, est dispensé des frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Il versera en revanche des dépens au recourant qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis et l'arrêt entrepris annulé. 
L'autorité de surveillance en matière d'état civil du canton de Vaud est invitée à transcrire dans les registres de l'état civil la reconnaissance de paternité et l'acte de déclaration conjointe de changement de nom de l'enfant établis respectivement le 4 octobre 2018 à W.________ (France) et le 18 octobre 2018 à U.________ (France). 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Une indemnité de 2'500 fr., à verser au recourant à titre de dépens, est mise à la charge de l'État de Vaud. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Département de l'économie, de l'innovation et du sport du canton de Vaud (DEIS), à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à l'Office fédéral de l'état civil. 
 
 
Lausanne, le 22 juillet 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : Mairot