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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_393/2019  
 
 
Arrêt du 22 octobre 2019  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, présidente, Klett et Hohl. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
3. C.________ SA, 
tous trois représentés par Me Franck Ammann, 
avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
D.________ SA, 
représentée par Me Joël Chevallaz, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
concurrence déloyale; mesures provisionnelles, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 16 juillet 2019 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/8758/2019, ACJC/1103/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. D.________ SA a notamment pour but la distribution de documents publicitaires et la gestion des supports nécessaires à cette diffusion. Dans le cadre de son activité, la D.________ SA édite et/ou distribue des tracts publicitaires destinés aux touristes qu'elle se charge d'exposer, pour le compte de ses clients, sur des présentoirs dans des hôtels, des restaurants et d'autres établissements.  
 
A.b. En septembre 2002, la D.________ SA a engagé A.________ en qualité de responsable commercial à plein temps, avec pour mission de développer son chiffre d'affaires dans les cantons de Genève, de Vaud et du Valais. Le contrat de travail contenait notamment une clause d'exclusivité et de non-concurrence interdisant à l'employé, pendant toute la durée du contrat, d'exercer une autre activité professionnelle, même non concurrente, ainsi que d'utiliser, en cas de cessation du contrat, les informations recueillies dans le cadre de son travail au profit de tiers oeuvrant dans le même secteur.  
B.________, frère de A.________, a lui aussi été engagé par la D.________ SA, au mois d'octobre 2003, en tant que responsable commercial, à des conditions similaires. 
 
A.c. Par courriers du 24 septembre 2018, A.________ et B.________ ont résilié leur contrat de travail pour le 31 décembre 2018. Ils sont alors devenus directeurs de la D.________ SA C.________ SA, dont le but avait été modifié, le 22 novembre 2018, afin d'englober toutes activités en lien avec la diffusion, la promotion, la communication ou la gestion d'entreprise. A la même date, ladite D.________ SA avait transféré son siège à Penthaz où est domicilié B.________.  
 
A.d. Au mois de janvier 2019, un client de D.________ SA a résilié avec effet immédiat le contrat qui le liait à celle-ci. Il a transmis à la D.________ SA une copie dudit contrat dans laquelle la clause prévoyant le renouvellement automatique du contrat d'année en année, sauf résiliation signifiée trois mois à l'avance, avait été barrée. La D.________ SA s'est déclarée surprise par cette information et a évoqué une manipulation imputable à son ancienne équipe. Elle a toutefois accepté la fin des rapports contractuels par gain de paix.  
A la même époque, un établissement, dans lequel étaient exposés des prospectus placés sur un présentoir par D.________ SA, a indiqué à cette dernière qu'un représentant de C.________ SA avait retiré lesdits documents. Ce dernier avait expliqué que les annonceurs concernés étaient sous contrat avec C.________ SA. Il avait en outre soumis à l'établissement une proposition de collaboration avec C.________ SA. 
 
A.e. Le 29 janvier 2019, par le truchement de son conseil, D.________ SA a sommé A.________, B.________ et C.________ SA de cesser immédiatement leurs agissements auprès de ses clients.  
Le 25 mars 2019, la D.________ SA a déposé plainte contre les trois prénommés pour faux dans les titres et actes de concurrence déloyale. Elle reprochait notamment à ses deux anciens collaborateurs d'avoir biffé la clause de reconduction automatique figurant dans les contrats conclus avec un grand nombre de ses clients, en vue de permettre à C.________ SA de détourner sa clientèle. 
 
A.f. Le 6 mars 2019, A.________ et B.________ ont saisi le Tribunal de prud'hommes de l'arrondissement de Lausanne d'une requête de conciliation dirigée contre D.________ SA, tendant au paiement de divers montants à titre de salaire et à la délivrance d'un certificat de travail. Les requérants ont obtenu une autorisation de procéder à l'issue de l'audience de conciliation tenue le 1 er mai 2019.  
 
A.g. En avril 2019, six établissements ont indiqué à D.________ SA mettre un terme à leur collaboration avec elle et lui ont restitué ses présentoirs, sans respecter le délai de préavis prévu contractuellement. Les courriers de résiliation adressés à la D.________ SA étaient identiques.  
 
B.  
Par requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles du 18 avril 2019, la D.________ SA a demandé à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève de faire interdiction à A.________, B.________ et C.________ SA: 
 
- d'inciter ses clients à rompre ou à résilier les contrats passés avec elle en vue d'en conclure d'autres avec eux-mêmes; 
- d'utiliser les contrats passés avec ses clients, dont la durée avait été modifiée après leur conclusion en biffant la clause de renouvellement tacite; 
- d'enlever, de manipuler ou d'utiliser à des fins concurrentielles les meubles lui appartenant; 
- de la dénigrer, elle ou ses services, par des allégations inexactes, fallacieuses ou inutilement blessantes. 
D.________ SA a également conclu à ce qu'il soit fait interdiction à ses deux anciens collaborateurs de se présenter comme étant ses employés, le tout sous la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CP
Par ordonnance du 23 avril 2019, le tribunal a prononcé les mesures superprovisionnelles réclamées et a imparti un délai aux parties intimées pour répondre à la requête. 
Dans leur écriture du 6 mai 2019, les intimés ont conclu à l'irrecevabilité des conclusions prises contre A.________ et B.________, en soulevant l'exception de litispendance. Ils ont par ailleurs conclu à ce que soit prononcée la disjonction des causes opposant la requérante à A.________ et B.________ d'une part et à C.________ SA d'autre part. 
Statuant par arrêt du 16 juillet 2019 comme instance unique, la Chambre civile de la Cour de justice genevoise a fait interdiction à A.________, B.________ et C.________ SA d'inciter les clients de D.________ SA à rompre les contrats les liant à celle-ci en vue d'en conclure d'autres avec eux-mêmes, d'enlever, de manipuler ou d'utiliser à des fins concurrentielles les présentoirs appartenant à la D.________ SA et de dénigrer D.________ SA ainsi que ses services par des allégations inexactes, fallacieuses ou inutilement blessantes. Elle a en outre interdit à A.________ et B.________ de se présenter comme collaborateurs de D.________ SA. Toutes ces injonctions étaient prononcées sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP; un délai de 30 jours était imparti à la requérante pour le dépôt d'une demande en validation des mesures provisionnelles. 
En bref, la cour a rejeté l'exception de litispendance, faute d'identité d'objet du litige entre l'action introduite devant la juridiction prud'homale et la requête de mesures provisionnelles tendant à l'interdiction d'actes de concurrence déloyale. Elle a également refusé d'accéder à la requête de disjonction des causes pour des motifs d'opportunité, vu les liens existant entre les parties. La cour cantonale a considéré que les pièces produites par la requérante rendaient vraisemblable l'existence de comportements contraires à plusieurs dispositions de la loi sur la concurrence déloyale (LCD). Elle a estimé que l'exigence d'un préjudice difficilement réparable était réalisée, dès lors que la requérante avait indiqué, sans être contredite, avoir déjà perdu six clients, représentant un chiffre d'affaires de plus de 90'000 fr. Sous l'angle de la proportionnalité, la cour a jugé que les mesures sollicitées étaient pour la plupart propres à prévenir une atteinte prolongée aux droits de la requérante et limitées à ce qui était nécessaire à cette fin. 
 
C.  
Le 22 août 2019, les trois intimés (ci-après: les recourants), agissant de conserve, ont formé un recours en matière civile ainsi qu'un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral en concluant à l'annulation de la décision cantonale et au renvoi de la cause à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève afin qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants de l'arrêt fédéral. 
La requérante (ci-après: l'intimée) et l'autorité précédente, qui a produit le dossier de la cause, n'ont pas été invitées à déposer une réponse. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 139 III 252 consid. 1.1). 
 
1.1. En vertu du principe de l'unité de la procédure, la voie de recours contre une décision incidente est déterminée par le litige principal (ATF 137 III 380 consid. 1.1). Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF) et, contrairement à la règle générale (cf. art. 75 al. 2 LTF), le tribunal supérieur n'a pas à statuer sur recours (art. 75 al. 2 let. a LTF). En l'occurrence, la cour cantonale, qui a statué en instance cantonale unique, a fondé sa compétence  ratione materiae sur l'art. 5 al. 1 let. d CPC, de sorte que la décision attaquée est sujette au recours en matière civile indépendamment de la valeur litigieuse.  
Par conséquent, le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable (art. 113 LTF). 
 
1.2. Le recours en matière civile n'est recevable que contre les décisions finales (art. 90 LTF), les décisions partielles (art. 91 LTF) et, sous réserve des cas visés à l'art. 92 LTF, les décisions incidentes notifiées séparément (art. 93 al. 1 LTF) si celles-ci peuvent causer un préjudice irréparable (let. a) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale permettant d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b).  
Le recours est dirigé contre une décision sur mesures provisionnelles. Une telle décision est finale au sens de l'art. 90 LTF lorsqu'elle est rendue dans une procédure indépendante d'une procédure principale et qu'elle y met un terme (ATF 138 III 76 consid. 1.2 p. 79; 137 III 324 consid. 1.1 p. 328; 134 I 83 consid. 3.1 p. 86). Tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que l'autorité cantonale, qui a ordonné lesdites mesures, a imparti à la requérante un délai pour faire valoir son droit en justice. Les mesures provisionnelles ici en cause sont ainsi destinées à se greffer sur une procédure principale sur le fond sans laquelle elles ne peuvent subsister. En pareil cas, la décision sur mesures provisionnelles - que la requête soit admise ou rejetée -est qualifiée de décision incidente (ATF 138 III 76, précité, consid. 1.2 p. 79; 137 III 324, précité, consid. 1.1 p. 328). 
La recevabilité du recours en matière civile suppose en conséquence que la décision entreprise soit de nature à causer aux recourants un préjudice irréparable aux termes de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, la condition de l'art. 93 al. 1 let. b LTF étant d'emblée exclue s'agissant de mesures provisionnelles (ATF 138 III 333 consid. 1.3; 137 III 589 consid. 1.2.3). 
 
1.3. Il reste donc à examiner si la décision attaquée est de nature à causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF). La réalisation de cette condition suppose que la partie recourante soit exposée à un préjudice de nature juridique (ATF 141 III 80 consid. 1.2 p. 80; 138 III 333, précité, consid. 1.3.1). En revanche, un dommage économique ou de pur fait, tel que l'accroissement des frais de la procédure ou la prolongation de celle-ci, n'est pas considéré comme un préjudice irréparable de ce point de vue (ATF 142 III 798, précité, consid. 2.2; 141 III 80, précité, consid. 1.2 p. 80; 133 III 629 consid. 2.3.1 et les arrêts cités). Cette réglementation est fondée sur des motifs d'économie de la procédure, le Tribunal fédéral ne devant en principe s'occuper d'une affaire qu'une seule fois (ATF 142 III 798, précité, consid. 2.2; 141 III 80, précité, consid. 1.2 p. 81; 134 III 188, précité, consid. 2.2). Il incombe à la partie recourante d'indiquer de manière détaillée en quoi elle se trouve menacée d'un préjudice juridique irréparable par la décision de mesures provisionnelles qu'elle conteste; à ce défaut, le recours est irrecevable (ATF 142 III 798, précité, consid. 2.2; 141 III 80, précité, consid. 1.2; 137 III 324, précité, consid. 1.1 p. 329).  
 
1.4. En l'espèce, les éléments ressortant de la décision attaquée ne laissent pas apparaître à l'évidence que les mesures provisionnelles ordonnées seraient propres à entraîner pour les recourants un préjudice irréparable au sens décrit plus haut. Il convient donc d'examiner l'argumentation développée à ce sujet dans le recours.  
Dans leur mémoire, les recourants soutiennent que l'arrêt attaqué consacrerait une grave atteinte à leur liberté économique. A les en croire, ils risqueraient de subir un préjudice allant au-delà du dommage financier résultant de la perte de certaines affaires déterminées, dès lors que les mesures provisionnelles prononcées limiteraient de façon générale leur développement économique par rapport à leur concurrent, créant ainsi le risque de voir des parts de marché leur échapper. Si les recourants n'avaient pas d'autre choix que d'attendre la décision finale, ils seraient, selon eux, dans l'impossibilité de démontrer le préjudice réellement subi et risqueraient de ne pas pouvoir être indemnisés à l'issue de la procédure. Les intéressés mettent encore en avant la crainte d'une réaction négative du public vis-à-vis de leur entreprise et le risque de perdre ainsi des parts de marché. 
Ces explications n'emportent pas la conviction. Tout d'abord, on relèvera que la motivation fournie par les recourants est très succincte et n'apparaît vraisemblablement pas suffisante au regard des exigences strictes de motivation rappelées ci-dessus. Quoi qu'il en soit, il y a lieu d'examiner concrètement les conséquences des mesures provisionnelles pour les recourants. Or, sur ce point, force est d'admettre que les interdictions en cause ne compromettent pas le développement économique des recourants puisqu'elles ne les empêchent nullement de continuer à exercer leurs activités et à offrir leurs services. A cet égard, le cas particulier n'est pas comparable avec celui qui a fait l'objet de l'arrêt rendu le 26 juin 2012 dans la cause 4A_36/2012 où le Tribunal fédéral a admis qu'une entreprise, empêchée de lancer un nouveau produit par une entreprise concurrente déjà solidement implantée sur le marché, subissait un préjudice irréparable (consid. 1.3.2). En effet, les mesures provisionnelles ordonnées en l'espèce, qui interdisent aux recourants d'inciter les clients de l'intimée à rompre les contrats les liant à celle-ci en vue d'en conclure d'autres avec eux-mêmes, et de manipuler les présentoirs appartenant à ladite D.________ SA, ne privent pas les recourants de la possibilité d'étendre leurs parts de marché en contractant avec de nouveaux clients, non liés contractuellement à l'intimée. Il convient dès lors de relativiser les craintes évoquées par les recourants s'agissant d'une éventuelle réaction négative de la clientèle et du risque de perdre des parts de marché. Par ailleurs, on peut s'étonner que les recourants, s'ils estimaient réellement que les mesures provisionnelles requises par l'intimée étaient susceptibles de leur porter gravement préjudice, n'aient pas invoqué cet élément devant l'autorité cantonale ni jugé nécessaire de requérir la fourniture de sûretés sur la base de l'art. 264 al. 1 CPC. En tout état de cause, l'on ne saurait suivre les recourants lorsqu'ils se contentent d'affirmer, sans autre démonstration, qu'ils ne pourraient pas obtenir réparation de l'éventuel préjudice subi. Quoi qu'ils soutiennent, rien ne les empêche de demander des dommages-intérêts en réparation d'un éventuel manque à gagner conformément à l'art. 264 al. 2 CPC. A cet égard, les recourants ne démontrent nullement qu'ils seraient dans l'impossibilité d'établir l'éventuel dommage subi. La condition du préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF n'est dès lors pas réalisée. 
 
2.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours est irrecevable. 
Les recourants, qui succombent, prendront à leur charge solidairement les frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Ils n'auront pas à payer des dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à déposer une réponse. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est irrecevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 22 octobre 2019 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : O. Carruzzo