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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_273/2022  
 
 
Arrêt du 23 août 2022  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffière : Mme Perrenoud. 
 
Participants à la procédure 
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
représentée par Me Murat Julian Alder, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 20 avril 2022 (A/2146/2021 - ATAS/365/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ (née en 1977), originaire de Turquie et entrée en Suisse en septembre 2012, a présenté une demande de prestations de l'assurance-invalidité en juillet 2020. Au terme de la procédure d'instruction, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) a rejeté la demande de prestations au motif que l'intéressée ne remplissait pas les conditions générales d'assurance (décision du 25 mai 2021). En bref, il a considéré que l'assurée présentait une incapacité de travail totale depuis 2006 et que l'atteinte à la santé était donc antérieure à son entrée en Suisse. 
 
B.  
Le 23 juin 2021, l'assurée a déféré cette décision devant la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales. Après avoir notamment entendu la doctoresse B.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et psychiatre traitante, ainsi que A.________ (procès-verbaux d'enquêtes et de comparution des parties du 25 février 2022), le Tribunal cantonal a admis le recours (arrêt du 20 avril 2022). Il a annulé la décision du 23 juin 2021 [recte: 25 mai 2021] et reconnu le droit de l'assurée à une rente entière d'invalidité dès le 1er janvier 2021. 
 
C.  
L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont il demande l'annulation. Il conclut principalement à la confirmation de sa décision du 23 juin 2021 [recte: 25 mai 2021]. Subsidiairement, il requiert le renvoi de la cause pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Il sollicite également l'octroi de l'effet suspensif au recours. 
Le 4 juin 2022, A.________ a sollicité le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération. 
 
2.  
Les constatations de l'autorité cantonale de recours sur l'atteinte à la santé, la capacité de travail de la personne assurée et l'exigibilité - pour autant qu'elles ne soient pas fondées sur l'expérience générale de la vie - relèvent d'une question de fait et ne peuvent donc être contrôlées par le Tribunal fédéral que sous un angle restreint (ATF 132 V 393 consid. 3.2). On rappellera, en particulier, qu'il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle de l'autorité cantonale semble concevable, voire préférable (ATF 141 I 70 consid. 2.2; 140 I 201 consid. 6.1). Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4). 
 
3.  
 
3.1. Le litige porte sur le droit de l'intimée à une rente de l'assurance-invalidité, en particulier sur le point de savoir si, conformément à l'art. 36 al. 1 LAI, elle comptait au moins trois années de cotisations au moment de la survenance de l'invalidité, fixée par la juridiction cantonale au mois d'avril 2020.  
 
3.2. A la suite des premiers juges, on rappellera qu'a droit à une rente ordinaire l'assuré qui, lors de la survenance de l'invalidité, compte trois années au moins de cotisations (art. 36 al. 1 LAI) et que la condition de la durée minimale de cotisations pour ouvrir le droit à une rente ordinaire doit être remplie au moment de la survenance de l'invalidité (ATF 126 V 5 consid. 2c et les arrêts cités; arrêt 9C_145/2019 du 29 mai 2019 consid. 4.1).  
 
4.  
En se fondant sur les déclarations et conclusions de la doctoresse B.________ (procès-verbal d'enquêtes du 25 février 2022 et rapport du 29 août 2020), la juridiction cantonale a admis que l'assurée était en incapacité totale de travail depuis avril 2019. S'il ne pouvait être nié que l'intimée présentait déjà des troubles psychiques lorsqu'elle est entrée en Suisse, en 2012, soit notamment une modification durable de la personnalité après un événement de catastrophe, à la suite du trouble de stress post-traumatique survenu en 2008 (au moment où sa fille aînée, alors âgée de douze ans, lui avait fait part des abus commis par son père), ceux-ci n'étaient cependant pas incapacitants. A cet égard, l'intéressée avait en effet travaillé à plein temps comme cuisinière dans une famille en Turquie, jusqu'à son départ pour la Suisse. Si elle n'avait certes pas exercé une activité lucrative depuis son entrée en Suisse, cela pouvait s'expliquer en raison de son statut de requérante d'asile, qui lui interdisait de travailler au début, ainsi que de la méconnaissance de la langue française. Après avoir constaté que l'intimée remplissait la condition de la durée minimale de cotisations pour ouvrir le droit à une rente ordinaire prévue par l'art. 36 al. 1 LAI (dès lors qu'il ressortait de son compte individuel qu'elle avait cotisé depuis octobre 2012), les premiers juges lui ont reconnu le droit à une rente entière d'invalidité depuis le 1er janvier 2021, compte tenu de la date du dépôt de la demande de prestations, en juillet 2020 (art. 29 al. 1 LAI). 
 
5.  
 
5.1. L'office recourant invoque une violation du droit fédéral et de l'interdiction de l'arbitraire, ainsi qu'un établissement manifestement inexact des faits. Il reproche à la juridiction de première instance d'avoir admis que l'incapacité de travail de l'assurée avait débuté en avril 2019 et non à tout le moins depuis son arrivée en Suisse, en 2012. Il allègue en particulier que l'appréciation de l'incapacité de travail de la doctoresse B.________ serait insuffisante pour admettre que l'état de santé de l'assurée s'est modifié en 2019 et reproche à la juridiction cantonale de ne pas avoir procédé à des "investigations pertinentes afin de clarifier la situation médicale, notamment la question de la survenance de l'incapacité de travail, qui revêt en l'espèce une importance primordiale pour statuer sur le fond du litige".  
 
5.2.  
 
5.2.1. Conformément à l'art. 43 LPGA, il incombe en premier lieu à l'administration de prendre d'office les mesures d'instruction nécessaires, singulièrement de recueillir un avis médical circonstancié lui permettant de statuer en connaissance de cause.  
Or en l'espèce, la juridiction cantonale a dûment apprécié le rapport médical de la doctoresse B.________ du 29 août 2020, en procédant également à l'audition de ce médecin (procès-verbal d'enquêtes du 25 février 2022). Elle a exposé les raisons pour lesquelles elle a considéré que les conclusions et déclarations de la psychiatre traitante étaient suffisantes pour admettre que l'état de santé de l'assurée s'était modifié depuis 2019 et que celle-ci présentait une incapacité totale de travail depuis le 26 avril 2019. Les premiers juges ont en effet expliqué que la doctoresse B.________, qui avait suivi l'assurée à compter de 2017, n'avait pas tout de suite constaté d'incapacité de travail puisqu'elle n'en avait attestée une que depuis le 26 avril 2019, en faisant alors état d'une aggravation de l'état de santé de sa patiente (cf. rapport du 29 août 2020). Lors de son audition du 25 février 2022, la doctoresse B.________ avait précisé que l'intimée présentait seulement, au début du suivi, un état dépressif léger à moyen en relation avec les difficultés avec sa fille aînée et qu'elle était capable de travailler, le trouble dépressif s'étant ensuite aggravé lorsque les troubles psychiques de sa fille s'étaient péjorés avec des crises classiques et un comportement violent. 
 
5.2.2. La simple affirmation du recourant, selon laquelle ce n'est qu'après la décision litigieuse, par laquelle il a nié le droit de l'assurée à une rente d'invalidité pour défaut de condition d'assurance, que la psychiatre traitante a indiqué que les limitations psychiatriques de sa patiente étaient en lien avec le comportement de sa fille aînée (et non pas avec la situation dramatique vécue lorsqu'elle était en Turquie), n'est pas suffisante pour remettre en cause la valeur probante du rapport médical sur lequel les premiers juges se sont fondés. Au vu des informations claires et motivées contenues dans le rapport de la doctoresse B.________ du 29 août 2020 quant à la date de la survenance de l'incapacité de travail (le 26 avril 2019), il eût appartenu à l'office AI de compléter l'instruction médicale avant de rendre sa décision du 25 mai 2021 s'il avait des doutes quant aux conclusions de la psychiatre traitante, mais à tout le moins d'expliquer les motifs pour lesquels il s'en est distancié et a considéré que l'incapacité de travail existait depuis 2006 déjà. A cet égard, le rapport du docteur C.________, médecin au Service médical régional de l'AI (SMR), du 17 mars 2021, n'est d'aucun secours au recourant. Appelé à se prononcer au sujet du rapport de la doctoresse B.________ du 29 août 2020, le médecin du SMR s'est en effet contenté d'indiquer que la psychiatre traitante expliquait "très clairement" que les atteintes à la santé psychique avaient débuté en Turquie et qu'à la lecture de son rapport, il était manifeste que l'état psychique de l'assurée ne lui permettait pas d'exercer une activité professionnelle depuis 2006. Ce faisant, le médecin mentionne une incapacité de travail bien antérieure à celle attestée par la psychiatre traitante sans aucunement motiver son affirmation et expliquer son appréciation divergente sur ce point; son avis ne saurait dès lors être suivi. Partant, le recours est mal fondé sur ce point.  
 
5.3. L'argumentation de l'office recourant à l'appui de l'"évaluation de la vraisemblance prépondérante arbitraire en violation du droit fédéral" à laquelle la juridiction de première instance aurait procédé pour admettre que l'incapacité de travail de l'intimée avait débuté en 2019, au moment de l'aggravation de son état de santé attestée par la doctoresse B.________, et non lors de son arrivée en Suisse, en 2012, voire antérieurement, n'est pas davantage fondée. On rappellera à cet égard que compte tenu de son pouvoir d'examen restreint en la matière (consid. 1 supra), il n'appartient pas au Tribunal fédéral de procéder une nouvelle fois à l'appréciation des preuves administrées, mais à la partie recourante d'établir en quoi celle opérée par l'autorité précédente serait manifestement inexacte ou incomplète, ou en quoi les faits constatés auraient été établis au mépris de règles essentielles de procédure. Or en l'occurrence, le recourant n'expose pas d'éléments concrets et objectifs susceptibles de remettre en cause l'appréciation des preuves effectuée par les premiers juges.  
En particulier, c'est en vain que l'office recourant se réfère à la demande de prestations déposée par l'assurée en juillet 2020. S'il y est certes fait mention d'une incapacité de travail depuis 2012, les premiers juges ont cependant expliqué de manière convaincante que ce document avait été rempli par deux personnes différentes, à savoir la psychiatre traitante, et, probablement, l'assistante sociale de l'intimée, et que la doctoresse B.________ y avait indiqué, au point 6.1, que l'atteinte à la santé existait depuis 2019. La mention d'une incapacité de travail depuis le 18 septembre 2012, au point 4.3, n'émanait pas de la doctoresse B.________, si bien qu'il s'agissait manifestement d'une erreur. Quoi qu'en dise l'office recourant à cet égard, l'évaluation de la capacité de travail relève de l'appréciation médicale. Par conséquent, le fait que l'assurée a également indiqué (notamment lors de son audition du 25 février 2021) qu'elle n'avait pas réussi à travailler lors de son arrivée en Suisse, en 2012, en raison de ses problèmes de santé - des troubles de mémoire l'empêchant d'apprendre le français selon elle - n'est pas déterminant. Le recours est mal fondé sur ce point également. 
 
6.  
Le présent arrêt rend sans objet la demande d'effet suspensif présentée par le recourant. 
 
7.  
Vu l'issue de la procédure, les frais judiciaires y afférents sont mis à la charge du recourant (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens, aucun échange d'écritures n'ayant été ordonné (art. 68 LTF). La demande d'assistance judiciaire de l'intimée est sans objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 23 août 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
La Greffière : Perrenoud