Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_69/2022
Arrêt du 23 septembre 2022
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Hohl, Présidente, Kiss, Niquille,
Rüedi et May Canellas.
Greffier: M. O. Carruzzo.
Participants à la procédure
République de U.________,
représentée par Mes Matthias Scherer, Catherine Anne Kunz, Louise Aellen
et Nikita Ognivtsev, avocats,
requérante,
contre
F.________,
représentée par Mes Nathalie Voser,
Anya George et Anne-Carole Cremades,
avocats,
intimée.
Objet
arbitrage international,
demande de révision de la sentence finale rendue
le 23 décembre 2016 par un Tribunal arbitral, avec
siège à Genève, constitué conformément au Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (PCA n° 2014-15).
Faits :
A.
A.a. En 1990, la République de U.________ (ci-après: U.________) a privatisé G.________, une entreprise énergétique d'État fondée en 1964, dont elle est devenue le principal actionnaire.
En 2003, à l'initiative de U.________, F.________, la plus importante compagnie pétrolière et gazière de l'État V.________, a acquis 25 % du capital de G.________ plus une action. Le 17 juillet de la même année, elle a conclu, avec U.________, une convention d'actionnaires (
Shareholders Agreement; ci-après: SHA), laquelle a fourni un cadre juridique à la relation durable nouée par les cocontractantes.
Le 10 octobre 2008, F.________, suite à des offres publiques d'achat lancées par elle sur les actions de G.________, a obtenu 47,15 % des actions de cette société, ce qui a fait d'elle le plus grand actionnaire de G.________.
Le 30 janvier 2009, U.________ et F.________ ont conclu le
GAS Master Agreement (ci-après: GMA) et le
First Amendment to the Shareholders Agreement (ci-après: FASHA). Lesdits contrats ont été approuvés à l'unanimité par les membres du gouvernement de U.________. Selon U.________, la conclusion de ces deux contrats aurait entraîné le transfert à F.________ du contrôle de la gestion de G.________.
A.b. Le 1er juillet 2009, A.________, qui avait accédé au poste de Premier Ministre de U.________ en décembre 2003, a annoncé sa démission et son retrait de la vie politique.
Le 20 novembre 2009, le Bureau U.________ de lutte contre la corruption et le crime organisé (ci-après: K.________) a indiqué avoir ouvert une enquête en vue de déterminer si le FASHA et le GMA étaient préjudiciables aux intérêts de U.________.
Après avoir annoncé son retour en politique le 3 janvier 2010, A.________ a été exclu de son parti.
Le 18 mars 2010, une commission d'enquête parlementaire a été créée aux fins de se pencher sur la privatisation de G.________ et sur les contrats conclus dans ce cadre-là.
A.c. Le 9 décembre 2010, A.________ et l'homme d'affaires... B.________ ont été arrêtés. Le premier était accusé d'avoir usé de son influence pour forcer une entreprise électrique publique... (O.________) à fournir de l'électricité à une autre entité... (L.________), dont B.________ était l'actionnaire unique, à un prix inférieur à celui du marché moyennant le versement d'un pot-de-vin.
B.________ a été libéré le 21 avril 2011 après plus de quatre mois de détention provisoire. Le 25 mai 2011, il a indiqué à K.________ que A.________ lui aurait demandé d'organiser le transfert d'un pot-de-vin promis par le PDG de F.________, C.________, pour s'assurer du changement de contrôle de la gestion de G.________. A la suite des déclarations faites par B.________ à K.________, A.________ a été placé en examen le 23 septembre 2011. Selon les propos tenus par B.________, deux contrats conclus en juin 2009 par la société suisse H.________ avec les entités chypriotes I.________ et J.________ prévoyant le versement d'une commission de respectivement 5,2 et 4,8 millions d'euros en faveur de H.________ auraient eu pour objectif de dissimuler le paiement d'un pot-de-vin de 10'000'000 euros au profit de A.________ aux fins d'obtenir l'accord de son Gouvernement lors de la conclusion du FASHA et du GMA en janvier 2009. Pour organiser ce montage financier, B.________, qui était l'un des actionnaires de H.________, aurait fait appel à son conseiller fiscal suisse, D.________, lequel était également administrateur de ladite société. Ce dernier lui aurait indiqué être ensuite entré en contact avec E.________, un homme d'affaires... oeuvrant notamment en tant que consultant de F.________, au sujet du paiement de ce prétendu pot-de-vin.
En juin 2009, H.________ a reçu respectivement 2,6 et 2,4 millions d'euros de la part de I.________ et de J.________.
A.d. Le premier procès pénal de A.________ a débuté le 17 novembre 2011. Statuant par jugement du 20 novembre 2012, le Tribunal situé dans la capitale de U.________ (ci-après: le Tribunal de première instance de U.________) a condamné A.________ à une peine privative de liberté de sept ans et demi pour avoir accepté un pot-de-vin en lien avec l'affaire G.________.
Par arrêt du 3 avril 2014, la Cour suprême de U.________ a confirmé cette condamnation.
Le 24 juillet 2015, la Cour constitutionnelle de U.________ a annulé cet arrêt et renvoyé la cause à l'autorité de première instance pour qu'elle rende une nouvelle décision.
Le Tribunal de première instance de U.________ a rendu un nouveau jugement le 27 décembre 2019. Il a condamné A.________ et C.________ à des peines privatives de liberté de six et deux ans pour avoir accepté respectivement promis un pot-de-vin en vue de la conclusion du FASHA et du GMA.
Statuant par arrêt du 7 juillet 2021, la Cour suprême de U.________ a confirmé ledit jugement.
En décembre 2021, A.________ et C.________ ont contesté cette décision auprès de la Cour constitutionnelle de U.________, ladite saisine ne faisant pas obstacle à l'entrée en force de l'arrêt attaqué. Le 12 juillet 2022, la Cour constitutionnelle de U.________ a rejeté la requête introduite devant elle par A.________.
B.
B.a. Le 25 octobre 2013, F.________ a initié une procédure d'arbitrage à l'encontre de U.________, conduite sous l'égide du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), aux fins d'obtenir le paiement de dommages-intérêts pour cause de violation du Traité du 17 décembre 1994 sur la Charte de l'énergie (RS 0.730.0).
B.b. Le 17 janvier 2014, U.________ a engagé une procédure d'arbitrage contre F.________, conformément au Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI). Alléguant que le FASHA et le GMA avaient été conclus grâce à un pot-de-vin de 10 millions d'euros offert par le PDG de F.________ à A.________, elle a requis, entre autres conclusions, la constatation de la nullité
ab initio de ces deux contrats. F.________ a conclu au rejet intégral de la demande.
Un Tribunal arbitral de trois membres a été constitué et son siège a été fixé à Genève.
Après avoir instruit la cause, le Tribunal arbitral, par sentence finale du 23 décembre 2016, a débouté U.________ des fins de sa demande. Les motifs qui l'ont amené à statuer de la sorte seront examinés plus loin dans la mesure utile à la compréhension des critiques émises par U.________.
B.c. Le 1er février 2017, U.________ a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral suisse, assorti d'une requête d'effet suspensif, et, subsidiairement, une demande de révision. Elle y a pris des conclusions tendant à l'annulation de la sentence précitée et à ce qu'ordre soit donné à l'un des arbitres de se récuser.
Statuant le 17 octobre 2017, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevables le recours et la demande de révision (arrêt 4A_53/2017 partiellement publié aux ATF 143 III 589). En substance, il a constaté que les conventions d'arbitrage pertinentes, insérées dans le SHA et dans le GMA, contenaient une clause faisant indubitablement ressortir la commune volonté des parties de renoncer à tout droit de recourir contre toute décision du Tribunal arbitral devant quelque tribunal étatique que ce soit (consid. 2.2). Le recours en matière civile interjeté par U.________ s'en trouvait ainsi frappé d'irrecevabilité. Le Tribunal fédéral a laissé indécise la question de savoir si, nonobstant ladite clause de renonciation, U.________ était en droit d'invoquer, par la voie de la révision, un motif de récusation à l'encontre de l'un des arbitres, puisqu'il n'était de toute manière pas possible d'entrer en matière sur la demande de révision déposée par U.________ pour une autre raison (consid. 3).
C.
Le 8 février 2022, U.________ (ci-après: la requérante) a présenté une demande de révision de la sentence finale rendue le 23 décembre 2016 aux fins d'obtenir l'annulation de celle-ci.
A l'appui de sa demande de révision, fondée sur l'art. 190a let. a et b de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), la requérante fait valoir que C.________ et A.________ ont tous deux été définitivement reconnus coupables de corruption par arrêt du 7 juillet 2021 de la Cour suprême de U.________ pour avoir respectivement promis et accepté un pot-de-vin en vue de la conclusion du GMA et du FASHA. Elle estime dès lors que l'arrêt précité constitue un moyen de preuve concluant au sens de l'art. 190a let. a LDIP et considère en outre que la sentence attaquée a été influencée par un crime ou un délit.
Dans sa réponse du 12 mai 2022, F.________ (ci-après: l'intimée) a conclu, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête de révision et, subsidiairement, à son rejet.
Par lettre du 18 mars 2022, le Tribunal arbitral a souligné que la demande de révision reposait sur des événements survenus bien après le prononcé de la sentence, raison pour laquelle il n'était pas nécessaire pour lui de formuler des observations sur cette écriture.
La requérante a répliqué spontanément, suscitant une duplique de l'intimée.
Le 5 août 2022, la requérante a déposé des observations sur la duplique.
Considérant en droit :
1.
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, elles ont employé le français. Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français.
2.
Le siège du Tribunal arbitral se trouve à Genève. Aucune des parties n'avait son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP).
3.
3.1. Dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2021 (RO 2020 p. 4184), la LDIP contient des dispositions relatives à la révision des sentences arbitrales internationales. Celles-ci s'appliquent aux demandes de révision introduites devant le Tribunal fédéral après le 1er janvier 2021, même lorsque la sentence attaquée a été rendue avant cette date (art. 132 LTF; ATF 144 I 214 consid. 1.1; arrêts 4A_422/2021 du 14 octobre 2021 consid. 4.2; 4A_210/2021 du 28 septembre 2021 consid. 1 et les références citées).
3.2. Le Tribunal fédéral est l'autorité judiciaire compétente pour connaître d'une demande de révision visant une sentence arbitrale internationale (art. 191 LDIP). Selon l'art. 119a al. 2 LTF, la procédure de révision est régie par les art. 77 al. 2bis et 126 LTF . Si le Tribunal fédéral admet la demande de révision, il annule la sentence et renvoie la cause au tribunal arbitral pour qu'il statue à nouveau, ou fait les constatations nécessaires (art. 119a al. 3 LTF).
4.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des moyens de droit qui lui sont soumis (ATF 138 III 46 consid. 1).
4.1. En l'espèce, la requérante invoque deux motifs de révision prévus par la loi (la découverte de faits pertinents ou de moyens de preuve concluants [art. 190a al. 1 let. a LDIP] et la reddition d'une sentence dont le résultat a été influencé par la perpétration d'un crime ou d'un délit [art. 190a al. 1 let. b LDIP]).
4.2.
4.2.1. La demande de révision doit être déposée devant le Tribunal fédéral, sous peine de déchéance, dans les 90 jours qui suivent la découverte du motif de révision, compte tenu de la suspension de ce délai légal dans les hypothèses prévues à l'art. 46 LTF (art. 190a al. 2 LDIP; arrêt 4A_247/2014 du 23 septembre 2014 consid. 2.3). Le droit de demander la révision se périme par dix ans à compter de l'entrée en force de la sentence, à l'exception des cas prévus à l'art. 190a al. 1 let. b LDIP (art. 190a al. 2 LDIP). Il s'agit là d'une question qui relève de la recevabilité, et non du fond. Il appartient à la partie requérante d'établir les circonstances déterminantes pour la vérification du respect du délai (arrêts 4A_464/2021 du 31 janvier 2022 consid. 6.2.2; 4A_247/2014, précité, consid. 2.3; 4A_570/2011 du 23 juillet 2012 consid. 4.1).
Lorsque plusieurs motifs de révision sont invoqués, le délai commence à courir séparément pour chacun d'eux (arrêt 4A_666/2012 du 3 juin 2013 consid. 5.1).
S'agissant de l'hypothèse visée par l'art. 190a al. 1 let. a LDIP, la découverte du motif de révision implique que la requérante a une connaissance suffisamment sûre du fait nouveau pour pouvoir l'invoquer, même si elle n'est pas en mesure d'en apporter une preuve certaine; une simple supposition ne suffit pas. Quant au moyen de preuve concluant, le requérant doit pouvoir disposer d'un titre l'établissant ou en avoir une connaissance suffisante pour en requérir l'administration (arrêt 4A_666/2012, précité, consid. 5.1).
Dans le cas prévu à l'art. 190a al. 1 let. b LDIP, le délai court dès que la partie requérante apprend la condamnation passée en force ou, si celle-ci n'est plus possible, l'existence de l'infraction et les preuves de celle-ci (arrêt 4A_596/2008 du 6 octobre 2009 consid. 3.3).
4.2.2. En l'occurrence, la requérante soutient avoir eu connaissance le 25 octobre 2021 des deux motifs de révision invoqués à l'appui de sa demande, lors de la publication de l'arrêt de la Cour suprême de U.________ du 7 juillet 2021 ayant abouti à la condamnation des accusés A.________ et C.________ (demande de révision, n. 106 ss). Pour confirmer ses dires, elle produit une déclaration écrite de son Gouvernement ainsi qu'une lettre du Tribunal de première instance de U.________ indiquant qu'ils ont reçu l'arrêt en question le 25 octobre 2021. L'intimée tente de remettre en cause les allégations de son adverse partie. Les éléments qu'elle met en avant dans son mémoire de réponse (n. 200 ss) ne suffisent toutefois pas à infirmer la thèse de la requérante, étayée par divers documents, selon laquelle celle-ci n'a pris connaissance de l'arrêt précité que le 25 octobre 2021. Déposée le 8 février 2022, la demande de révision soumise à l'examen du Tribunal fédéral est recevable en tant qu'elle est fondée sur l'art. 190a al. 1 let. b LDIP, puisqu'elle a été déposée dans le respect du délai de 90 jours suivant la découverte du motif de révision, lequel a été suspendu durant les fériés judiciaires entre le 18 décembre 2021 et le 2 janvier 2022 inclus.
L'intimée souligne, en revanche, à juste titre, que la demande de révision est tardive et, partant, irrecevable en tant que la requérante fonde sa demande sur la découverte de moyens de preuve concluants au sens de l'art. 190a al. 1 let. a LDIP qui seraient " contenus " dans l'arrêt précité de la Cour suprême de U.________. Dans sa demande de révision (n. 134 ss), l'intéressée indique en effet que l'arrêt en question " contient lui-même des preuves que la requérante n'avait pas pu invoquer durant la procédure arbitrale ", à savoir " les nouveaux témoignages sur lesquels se sont fondés les juges... que la République de U.________ avait sollicités durant la procédure arbitrale " (n. 135), notamment ceux de D.________ (n. 136) et de E.________ (réplique, n. 48). Or, l'intimée observe, sans être contredite par son adversaire, que tous les moyens de preuve en question ont été administrés lors de la procédure devant le Tribunal de première instance de U.________, laquelle a été clôturée en 2019. Dans ces conditions, force est de relever que si certains témoignages constituaient réellement, aux yeux de la requérante, des moyens de preuve concluants au sens de l'art. 190a al. 1 let. a LDIP, il lui appartenait de solliciter la révision de la sentence pour ce motif dans les 90 jours à partir du moment où elle en a eu connaissance, ou, à la rigueur, lorsqu'elle s'est vu notifier le jugement pénal de première instance fin 2019. Ne l'ayant pas fait, la requérante ne saurait par conséquent fonder sa demande de révision sur les déclarations faites par diverses personnes lors de la procédure pénale de première instance. Il est en effet indéniable que l'intéressée avait une connaissance suffisamment sûre des témoignages en question lorsqu'ils ont été recueillis en 2019. La requérante tente de contourner cet obstacle dirimant en soutenant que les témoignages précités n'auraient " acquis force probante " qu'au stade du jugement sur appel de la Cour suprême de U.________. Semblable argumentation n'apparaît nullement convaincante. Comme le relève à bon droit l'intimée, le caractère concluant ou non d'un moyen de preuve au sens de l'art. 190a al. 1 let. a LDIP ne dépend en effet pas du point de savoir si une juridiction d'appel pénale y attache ou non de l'importance au moment de rendre sa décision.
4.3. Indépendamment de ce qui précède, la demande de révision, en tant qu'elle est fondée sur le motif prévu par l'art. 190a al. 1 let. a LDIP, apparaît de toute manière irrecevable pour un autre motif.
4.3.1. En l'espèce, les conventions d'arbitrage figurant dans les contrats topiques conclus par les parties contiennent le passage suivant:
" Awards rendered in any arbitration hereunder shall be final and conclusive and judgment thereon may be entered into any court having jurisdiction for enforcement thereof. There shall be no appeal to any court from awards rendered hereunder. "
La recevabilité de la présente demande de révision suppose, ainsi, que les parties n'aient pas exclu la possibilité de solliciter la révision de la sentence attaquée.
4.3.2. Dans l'arrêt rendu le 17 octobre 2017 dans le cadre de la présente affaire, le Tribunal fédéral a jugé que la clause précitée constituait assurément une renonciation valable au recours au sens de l'art. 192 aLDIP (ATF 143 III 589 consid. 2.2). En revanche, il a laissé indécise la question de savoir si la disposition précitée était applicable ou non à la révision (ATF 143 III 589 consid. 3).
4.3.3. Depuis lors, la situation a évolué sur le plan législatif. Dans sa nouvelle version en vigueur depuis le 1er janvier 2021, l'art. 192 al. 1 LDIP dispose que si les parties n'ont ni domicile, ni résidence habituelle, ni siège en Suisse, elles peuvent, par une déclaration dans la convention d'arbitrage ou dans une convention ultérieure, exclure tout ou partie des voies de droit contre les sentences du tribunal arbitral; elles ne peuvent exclure la révision au sens de l'art. 190a al. 1 let. b LDIP; la convention doit satisfaire aux conditions de forme de l'art. 178 al. 1 LDIP.
Dans sa nouvelle teneur, l'art. 192 al. 1 LDIP n'exige ainsi plus que la renonciation fasse l'objet d'une " déclaration expresse ". Il résulte également du texte de cette disposition que les parties peuvent exclure toutes les voies de droit permettant de contester une sentence arbitrale internationale auprès du Tribunal fédéral, y compris celle de la révision, sous réserve du cas visé par l'art. 190a al. 1 let. b LDIP.
Dans son Message du 24 octobre 2018, le Conseil fédéral précise que les nouvelles dispositions de la LDIP seront également applicables aux conventions d'arbitrage conclues avant leur entrée en vigueur et souligne qu'il en ira de même pour les conditions formelles permettant de renoncer aux voies de droit selon l'art. 192 al. 1 LDIP (Message concernant la modification de la loi fédérale sur le droit international privé [Chapitre 12: Arbitrage international], FF 2018 p. 7191). Ce passage tend à démontrer qu'une renonciation aux voies de droit figurant dans une convention d'arbitrage, conclue avant le 1er janvier 2021, peut aussi permettre d'exclure le droit de demander la révision d'une sentence, dans les limites de l'art. 192 LDIP (cf. dans le même sens: BERGER/KELLERHALS, International and Domestic Arbitration in Switzerland, 4e éd. 2021, n. 1863 et 1983; RETO ANDREA TETTAMANTI, Intertemporales Schiedsrechts, Die für die Revision des 12. Kapitels IPRG relevanten Übergangsbestimmungen, in Bull. ASA 2020 p. 838 s.).
Selon la jurisprudence rendue sous l'empire de l'ancien art. 192 LDIP, il est nécessaire, mais suffisant, que la clause considérée fasse ressortir sans conteste la commune volonté des parties de renoncer à tout recours. En revanche, lorsque les parties ne souhaitent exclure le recours que pour l'un ou l'autre des motifs énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP, le Tribunal fédéral a précisé que celles-ci devaient en principe mentionner expressément le ou les motifs exclus dans la clause arbitrale, que ce soit par l'indication de la ou des lettres correspondantes de l'art. 190 al. 2 LDIP, la reprise du texte légal ou toute autre formulation permettant d'identifier à coup sûr le motif exclu (ATF 131 III 173 consid. 4.2.3.1). On peut dès lors légitimement se demander si les parties qui souhaiteraient renoncer uniquement au recours en matière civile à l'exclusion de la voie extraordinaire de la révision ne devraient pas l'indiquer clairement dans la clause de renonciation. En l'absence de précision quant à la portée exacte d'une clause de renonciation libellée de façon très large, on conçoit en effet difficilement que celle-ci n'emporte pas exclusion de la demande de révision, laquelle est un moyen de droit extraordinaire obéissant à des règles encore plus strictes que le recours. Il apparaît également douteux de vouloir limiter la portée d'une telle clause sous prétexte que des parties, qui proviennent d'horizons les plus divers et qui n'ont pas de rattachement territorial avec la Suisse, n'ont pas spécifiquement mentionné la voie de la révision de la sentence dans leur clause de renonciation. Cela étant, point n'est besoin ici de pousser plus avant l'examen de cette question et de poser des règles générales applicables à toutes les situations envisageables.
Savoir si, en l'occurrence, la clause d'exclusion conclue par les parties vaut renonciation au seul recours en matière civile ou si elle vise également la demande de révision est affaire d'interprétation. Le Tribunal fédéral a déjà précisé que le mot " appeal ", dans son acception large, est un terme générique qui embrasse les moyens de droit les plus divers. Dans cette acception, les dictionnaires bilingues anglais-allemand, plus explicites que les dictionnaires bilingues anglais-français, en font le synonyme, tout à la fois, de " Berufung ", de " Revision ", de " Beschwerde ", d'" Einspruch " ou encore de " Rechtsbehelf " (ATF 131 III 173 consid. 4.2.3.2 et les références citées). Dans son arrêt rendu le 17 octobre 2017 dans le cadre de la présente affaire, la Cour de céans, après avoir soigneusement examiné la clause de renonciation litigieuse, a estimé que le mot " appeal " utilisé par les parties devait manifestement être compris, en l'espèce, dans son acception générique (ATF 143 III 589 consid. 2.2). Elle a ainsi jugé qu'il ressortait de manière claire et nette de cette clause que les parties avaient entendu exclure
tout recours contre d'éventuelles sentences futures. Elle en a conclu que ladite clause constituait assurément une renonciation valable au recours, dès lors qu'elle faisait indubitablement ressortir la volonté des parties de renoncer à tout droit de recourir contre toute décision du Tribunal arbitral devant quelque tribunal étatique que ce soit (ATF 143 III 589 consid. 2.2). Dans ces conditions, vu la volonté claire des parties, mise en évidence dans l'arrêt précité, de soustraire tout litige aux autorités étatiques, il y a lieu d'admettre que la clause de renonciation litigieuse emporte également exclusion de la révision en tant que celle-ci repose sur le motif prévu à l'art. 190a al. 1 let. a LDIP.
La requérante tente vainement de paralyser les effets de ladite renonciation respectivement d'en limiter la portée (demande de révision, n. 93 ss; réplique, n. 51 ss). Sa démonstration n'apparaît toutefois pas convaincante. Contrairement à ce que semble suggérer l'intéressée, on ne saurait en effet apprécier différemment la validité d'une clause de renonciation en fonction de la nature des faits ou moyens de preuve nouveaux invoqués. Par ailleurs, c'est en vain que la requérante reproche à l'intimée de commettre un abus de droit en se prévalant d'une telle clause, dès lors que le Tribunal fédéral examine d'office les conditions de recevabilité des actes qui lui sont soumis et vérifie ainsi librement si les parties ont valablement renoncé, conformément à l'art. 192 LDIP, aux voies de droit permettant de contester une sentence arbitrale. En tout état de cause, on ne discerne pas pour quelle raison les condamnations prononcées par les autorités pénales à l'encontre de personnes physiques non parties au litige empêcheraient l'intimée de pouvoir se prévaloir de la clause de renonciation.
4.4. A titre superfétatoire, force est d'admettre que, même s'il fallait admettre la recevabilité de la demande de révision fondée sur le motif prévu par l'art. 190a al. 1 let. a LDIP, celle-ci serait de toute manière vouée à l'échec. Il ressort en effet clairement du texte de la disposition précitée qu'une partie ne peut pas fonder sa demande de révision sur des faits ou des moyens de preuve postérieurs à la sentence querellée. Or, l'intéressée se prévaut en l'occurrence de l'arrêt de la Cour suprême de U.________ du 7 juillet 2021 et des moyens de preuve qu'il " contient ", c'est-à-dire exclusivement d'éléments postérieurs à la sentence entreprise. L'argumentation proposée par la requérante visant à démontrer que les moyens de preuve en question devraient néanmoins être jugés recevables en l'espèce ne saurait prospérer, dès lors que pareille solution irait à l'encontre du texte clair de l'art. 190a al. 1 let. a LDIP.
4.5. Au vu de ce qui précède, la demande de révision est recevable uniquement en tant qu'elle est fondée sur l'art. 190a al. 1 let. b LDIP. Dans ces conditions, le Tribunal fédéral restreindra son examen au motif de révision prévu par la disposition précitée. La demande de révision sera déclarée irrecevable pour le surplus.
5.
5.1. Aux termes de l'art. 190a al. 1 let. b LDIP, la révision peut être demandée si une procédure pénale établit que la sentence a été influencée au préjudice de la partie requérante par un crime ou un délit, même si aucune condamnation n'est intervenue; si l'action pénale n'est pas possible, la preuve peut être administrée d'une autre manière.
La formulation de l'art. 190a al. 1 let. b LDIP correspond, en substance, à celle de l'art. 123 al. 1 LTF. Aussi peut-on se référer à la jurisprudence relative à la disposition précitée de la LTF (arrêt 4A_210/2021, précité, consid. 4 publié in SJ 2022 p. 91).
Il est sans importance que l'information pénale ait été conduite à l'étranger, pour autant qu'elle ait respecté les garanties minimales de procédure prescrites par les art. 6 par. 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH; RS 0.101) et 14 al. 2 à 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II; RS 0.103.2; arrêt 4A_596/2008, précité, consid. 4.1).
Il importe peu que l'infraction pénale ait été commise par une partie ou par un tiers (arrêt 4A_596/2008, précité, consid. 4.1). L'élément essentiel est qu'il existe un rapport de causalité entre l'infraction commise et le dispositif de la sentence dont la révision est requise. Autrement dit, l'infraction, peu importe la date de sa survenance, doit avoir exercé une influence effective, directe ou indirecte, sur la décision en cause au préjudice du requérant, lequel a ainsi pâti d'un résultat défavorable pour lui (ATF 81 II 475 consid. 2a; arrêts 4A_210/2021, précité, consid. 4 publié in SJ 2022 p. 91; 4A_509/2013 du 27 janvier 2014 consid. 3.2.1; 4A_596/2008, précité, consid. 4.1).
L'influence de l'arrêt au détriment du requérant par un crime ou un délit doit avoir été établie par une décision mettant fin à une procédure pénale distincte de celle ayant conduit à la décision dont la révision est sollicitée, telle qu'une ordonnance de clôture d'enquête ou de jugement; la décision rendue par le juge pénal doit démontrer que les conditions objectives d'un crime ou d'un délit sont réalisées. Il n'est toutefois pas nécessaire que la procédure pénale ait abouti à une condamnation, comme cela ressort explicitement du libellé de l'art. 190a al. 1 let. b LDIP (arrêt 4A_596/2008, précité, consid. 4.1).
Cela étant, un tribunal arbitral n'est pas lié par un jugement pénal rendu dans le cadre d'un même complexe de faits, raison pour laquelle il peut aboutir à une solution différente de celle retenue par l'autorité pénale.
5.2. Dans sa sentence du 23 décembre 2016, le Tribunal arbitral, après avoir analysé les éléments probatoires que la requérante lui avait fournis afin d'étayer son allégation de corruption visant A.________ lors de la conclusion du FASHA et du GMA, a estimé que cette allégation n'avait pas été prouvée ("... The Tribunal has come to the confident conclusion that U.________ has failed to establish that F.________ did in fact bribe A.________.... "; sentence, n. 333).
Le Tribunal arbitral a observé que la requérante s'appuyait sur trois éléments principaux pour fonder ses accusations de corruption, à savoir (sentence, n. 80 ss) :
- la condamnation de A.________ pour cause de corruption par les autorités pénales de U.________;
- le témoignage de B.________;
- la déclaration faite par D.________ devant K.________.
Après avoir relevé que les condamnations prononcées par les autorités pénales de U.________ ne liaient pas le Tribunal arbitral, ce que ne prétendait du reste pas la requérante lors de la procédure arbitrale (sentence, n. 81), les arbitres ont observé que la Cour constitutionnelle de U.________ avait annulé la condamnation de A.________ et ordonné qu'il soit jugé à nouveau (sentence, n. 138). S'agissant des moyens de preuve administrés lors des procédures pénales diligentées par les autorités de U.________, la formation arbitrale a indiqué ce qui suit (sentence, n. 139) :
" 139. (...) The Tribunal will consider the testimony and findings collected at the A.________ Trial with the utmost caution. When ruling on this case, the Tribunal will favour the evidence directly introduced by the Parties in this arbitration rather than second-hand evidence from the A.________ Trial. "
En ce qui concerne le témoignage de B.________, le Tribunal arbitral a précisé qu'il s'agissait de la seule preuve
directe avancée par la requérante au soutien de son allégation de corruption (sentence, n. 298). Le témoin précité a été entendu pendant une dizaine d'heures lors de la procédure arbitrale (sentence, n. 85). Examinant soigneusement le témoignage de l'intéressé, la formation arbitrale a observé que B.________ entretenait une relation conflictuelle avec l'intimée (sentence, n. 249). Elle a en outre souligné que B.________ - qui prétendait avoir agi en tant qu'intermédiaire pour organiser le versement d'un pot-de-vin en faveur de A.________ et soutenait que l'une des sociétés (H.________) dont il était actionnaire avait reçu dans ce cadre-là la somme de 5'000'000 euros - n'avait non seulement pas restitué ledit montant à la requérante alors qu'il s'était engagé sous serment à le faire et n'avait en outre jamais été poursuivi pénalement dans le cadre de la présente affaire (sentence, n. 16 et 225). Le Tribunal arbitral a aussi relevé que ledit témoin gardait des souvenirs aléatoires voire lacunaires des événements litigieux, qu'il était incapable de fournir des réponses satisfaisantes à certaines questions, qu'il avait modifié à diverses reprises sa version des faits et qu'il existait de nombreuses contradictions entre les déclarations faites par lui devant K.________ et lors de la procédure arbitrale (sentence, n. 304). Sous n. 305 de sa sentence, la formation arbitrale a pris le soin de détailler, sur quatre pages, les principales incohérences dans les propos tenus par B.________. Au terme de son examen des déclarations faites par l'intéressé, elle a considéré ce qui suit:
" 329. (...) the Tribunal is quite satisfied that no judge or tribunal seeing or reading Mr B.________'s evidence would come to any other conclusion but that he was a wholly unreliable witness. (...)
330. The Tribunal has no choice but to conclude that Mr B.________ is a witness unworthy of belief, who had a strong motive to shift the blame onto A.________. (...) ".
Nonobstant les propos contradictoires tenus par B.________, le Tribunal arbitral s'est néanmoins penché sur les autres éléments avancés par la requérante pour vérifier s'ils pouvaient, le cas échéant, corroborer la version des faits du témoin précité (sentence, n. 90 s.). A ce titre, il a examiné la recevabilité des déclarations faites par D.________ devant K.________ (sentence, n. 143-146), les contrats passés entre H.________, d'une part, et J.________ respectivement I.________, d'autre part (sentence, n. 228-253), ainsi que les conditions entourant la négociation du FASHA et du GMA (sentence, n. 254-296). La formation arbitrale s'est également prononcée sur la recevabilité des documents transmis à K.________ par l'Autriche dans le cadre d'une demande d'entraide en matière pénale présentée par la requérante (sentence, n. 147-198). Au terme de son analyse, elle a considéré ce qui suit:
" 330. (...) The Tribunal has carefully analysed the other evidence submitted by U.________ such as the bank statements showing years of money transfers from F.________ to I.________ and the consultancy agreements signed by H.________, I.________ and J.________. But none of these documents traces back to A.________. Mr B.________'s testimony apart, nothing that has been presented to the Tribunal in this case over the past two years has permitted a finding that, even on the balance of probabilities, the money received by H.________ from I.________ and J.________ was ultimately intented to A.________ rather than any other purposes. "
La formation arbitrale a jugé que deux éléments faisaient défaut pour relier le versement d'un pot-de-vin provenant de l'intimée au profit de A.________ (" the money trail allegedly established by U.________ is flawed by two missing links "; sentence, n. 331). Premièrement, il n'était pas établi que l'argent ayant transité par la société J.________ provenait à l'origine de l'intimée. Secondement, rien ne permettait de démontrer que les fonds reçus par B.________ constituaient un pot-de-vin destiné à A.________ (sentence, n. 331). Le Tribunal arbitral a en outre relevé qu'il était peu vraisemblable que le PDG d'une société de l'importance de l'intimée ait confié à un individu entretenant des relations conflictuelles avec ladite société la mission de transmettre un pot-de-vin de 10 millions d'euros à l'ancien Premier Ministre de U.________, s'exposant au chantage potentiel de cet intermédiaire, avec le risque, qui s'est concrétisé en l'occurrence, que l'argent ne parvienne jamais à son destinataire présumé (sentence, n. 249).
5.3. Dans ses écritures, la requérante, pour étayer sa demande de révision fondée sur le motif prévu à l'art. 190a al. 1 let. b LDIP, indique que les condamnations pénales de A.________ et de C.________ pour cause de corruption sont désormais définitives, raison pour laquelle cette circonstance est nécessairement de nature à influer sur le sort du litige. La sentence querellée, qui entérine des contrats entachés de corruption, devrait dès lors être annulée. Eu égard au résultat de la procédure pénale, la requérante estime que les deux hommes se sont rendus coupables de faux témoignages lors de la procédure arbitrale lorsqu'ils ont catégoriquement nié les accusations de corruption les visant. A cet égard, elle relève certes que l'arrêt rendu par la Cour suprême de U.________ le 7 juillet 2021 n'a pas reconnu les deux accusés coupables de faux témoignages lors de la procédure d'arbitrage. Cela étant, elle estime que ledit arrêt établit sans ambiguïté et de manière définitive les faits de corruption, raison pour laquelle les déclarations faites par les deux hommes pour nier les accusations de corruption sont manifestement fausses. L'intéressée considère ainsi que l'arrêt précité démontre que la sentence attaquée a été influencée à son détriment par une infraction.
5.4. Semblable argumentation n'emporte pas la conviction de la Cour de céans.
La lecture de la sentence arbitrale et des décisions pénales rendues par les autorités judiciaires de U.________ met en lumière une divergence portant essentiellement sur l'appréciation différente des témoignages de plusieurs protagonistes de cette affaire, et, singulièrement, des déclarations de B.________. Il appert, en effet, que les tribunaux de U.________ ont considéré, contrairement au Tribunal arbitral, que B.________ était un témoin crédible. Ceux-ci ont, en outre, estimé que les déclarations faites par D.________ permettaient de corroborer la version des faits de B.________. Cela étant, cette divergence d'opinions entre l'autorité juridictionnelle appelée à statuer sur le plan civil du litige et les tribunaux chargés de régler le volet pénal de l'affaire ne suffit pas à démontrer que le résultat de la sentence querellée aurait été influencé par un crime ou un délit. A cet égard, il sied d'emblée de rappeler qu'un tribunal arbitral n'est pas lié par un jugement pénal rendu dans le cadre d'un même complexe de faits, comme l'ont relevé à juste titre les arbitres dans la sentence entreprise. En d'autres termes, l'autorité juridictionnelle civile n'est pas liée par l'état de fait arrêté par le juge pénal. Elle décide selon sa propre appréciation de reprendre ou non les faits constatés au pénal et se prononce librement sur l'illicéité d'un acte juridique. Ensuite, il est établi, en l'occurrence, que le Tribunal arbitral a rendu sa sentence en pleine connaissance de l'existence de la procédure pénale visant A.________. La formation arbitrale a, toutefois, clairement indiqué qu'elle apprécierait les preuves récoltées lors de ladite procédure pénale avec la plus grande prudence (" with the utmost caution "; sentence, n. 139). Ceci démontre que le Tribunal arbitral a accordé une importance toute relative à la procédure pénale conduite par les autorités de U.________ et qu'il a préféré fonder sa décision sur la base des moyens de preuve qu'il avait lui-même administrés. Aussi ne saurait-on suivre la requérante lorsqu'elle affirme, de manière péremptoire, que l'arrêt rendu le 7 juillet 2021 par la Cour suprême de U.________ constitue une preuve qui aurait suffi au Tribunal arbitral pour retenir que la conclusion du FASHA et du GMA était entachée de corruption (réplique, n. 44).
Contrairement à ce que tente aussi de faire accroire la requérante, la condamnation de A.________ et de C.________ pour cause de corruption prononcée par les tribunaux de U.________ ne signifie pas qu'il s'agirait là de " la seule vérité pertinente ", laquelle s'imposerait nécessairement à toutes les autorités juridictionnelles appelées à se prononcer sur le point de savoir si le FASHA et le GMA ont été effectivement conclus à la suite d'actes de corruption. C'est ainsi, en vain, que l'intéressée soutient que A.________ et C.________ se seraient rendus coupables de faux témoignages, lorsqu'ils ont nié lors de la procédure arbitrale avoir commis des actes de corruption, au motif qu'ils ont été reconnus coupables de corruption sur le plan pénal. Cette seule circonstance ne signifie en effet pas
per se qu'ils ont effectivement menti aux arbitres lorsqu'ils ont nié toute accusation de corruption. C'est le lieu du reste de souligner que les deux hommes n'ont jamais été reconnus coupables de faux témoignages par les autorités de U.________. En tout état de cause, force est d'observer que les dénégations des deux individus précités n'ont visiblement pas exercé une influence directe sur le résultat auquel ont abouti les arbitres, puisque ceux-ci ne se sont pas focalisés sur leurs déclarations pour déterminer si l'allégation de corruption avait été prouvée, mais ont, au contraire, examiné l'ensemble des éléments avancés par la requérante. L'argumentation développée par cette dernière ne permet ainsi pas de démontrer en quoi le résultat de la sentence querellée aurait pu être influencé par un crime ou un délit.
A titre superfétatoire, on soulignera, comme le relève l'intimée, que le Tribunal arbitral, dans le cadre de l'arbitrage parallèle divisant les mêmes parties conduit sous l'égide du CIRDI, a également considéré, dans sa sentence finale du 5 juillet 2022, que les accusations de corruption n'avaient pas été établies à satisfaction de droit par la requérante (n. 543). Ledit Tribunal arbitral est parvenu à cette conclusion en ayant pleine connaissance de l'arrêt de la Cour suprême de U.________ du 7 juillet 2021 (sentence CIRDI, n. 345) ainsi que des déclarations faites par D.________ et E.________ devant le Tribunal de première instance de U.________ en 2019. Il a souligné que l'allégation de corruption reposait intégralement sur le témoignage de B.________ (sentence CIRDI, n. 532). Or, les déclarations faites par celui-ci souffraient de nombreuses incohérences et de contradictions (sentence CIRDI, n. 538 ss). Le Tribunal arbitral a par ailleurs considéré que ni le témoignage de E.________ ni celui de D.________ devant le Tribunal de première instance de U.________ ne permettaient de corroborer la version des faits de B.________ (sentence CIRDI, n. 541 s.). On ne voit pas comment il pourrait en aller différemment dans le cadre du présent litige. Dans la sentence attaquée, le Tribunal arbitral, après avoir soigneusement examiné l'ensemble des preuves à sa disposition, a exposé, par le menu, les raisons pour lesquelles il considérait que l'allégation de corruption n'avait pas été établie à satisfaction de droit. Il a, en particulier, identifié deux éléments manquants dans le schéma de corruption présenté par la requérante. Or, l'argumentation développée par cette dernière dans ses écritures ne permet nullement de discerner en quoi les preuves administrées par les autorités pénales de U.________ permettraient d'établir ces deux éléments manquants, comme le relève à bon droit l'intimée dans ses écritures.
Au vu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'examiner si, comme le prétend l'intimée, la procédure pénale conduite par les autorités de U.________ à l'encontre de A.________ et de C.________ ne respectait pas les garanties minimales de procédure prescrites par les standards internationaux en matière de droit à un procès équitable.
6.
Il s'ensuit le rejet de la demande de révision dans la mesure de sa recevabilité. La requérante, qui succombe, devra payer les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et verser à l'intimée une indemnité à titre de dépens ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
La demande de révision est rejetée dans la mesure où elle est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 200'000 fr., sont mis à la charge de la requérante.
3.
La requérante versera à l'intimée une indemnité de 250'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué à la requérante, à l'intimée (avec copie de l'écriture du 5 août 2022 [Act. 36] et de son annexe [Act. 37]) et au Tribunal arbitral avec siège à Genève.
Lausanne, le 23 septembre 2022
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Hohl
Le Greffier : O. Carruzzo