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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_50/2022  
 
 
Arrêt du 24 juin 2022  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Hohl, Présidente, Kiss et Niquille. 
Greffière: Mme Raetz. 
 
Participants à la procédure 
A.________ AG, 
représentée par Me Serge Patek, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représentée par Me Romolo Molo, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
contrat de bail à loyer indexé; majoration de loyer, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2021 par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève (C/15181/2018, ACJC/1683/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 13 avril 1983, A.________ AG, propriétaire de l'immeuble sis à l'avenue du T.________ à U.________, et B.________ ont conclu un contrat de bail portant sur un appartement de quatre pièces situé au 2ème étage de cet immeuble.  
Le bail a été conclu pour une durée initiale de 15 mois, du 1er juillet 1983 au 30 septembre 1984, et était ensuite renouvelable tacitement d'année en année, sauf résiliation signifiée trois mois avant l'échéance. 
 
A.b. Par avis de majoration de loyer du 22 février 2012, la bailleresse a déclaré porter le loyer annuel de l'appartement de 10'812 fr. à 12'012 fr., charges non comprises, dès le 1er octobre 2012 et a proposé une nouvelle échéance du bail au 30 septembre 2017. L'avis officiel était motivé comme suit:  
 
" Adaptation aux loyers usuels du quartier selon art. 269a CO - Proposition d'un nouveau bail de 5 ans au loyer indexé (art. 269b CO) renouvelable de 5 ans en 5 ans, indice janvier 2012 base 2010. En cas de prestations supplémentaires au sens des art. 269a let. b CO et 14 OBLF, le bailleur se réserve expressément le droit de majorer le loyer en cours de bail, en sus de l'adaptation de celui-ci à l'évolution de l'ISPC [indice suisse des prix à la consommation]. Il est pris note entre les parties que le locataire peut résilier son bail dès la 2ème année, moyennant un préavis de résiliation de 3 mois pour une échéance annuelle. En annexe: clause d'indexation. " 
La locataire a contesté cette hausse de loyer auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers. Selon le procès-verbal de conciliation du 23 mai 2012, le loyer annuel a été fixé à 10'812 fr. dès le 1er octobre 2012, montant auquel s'ajoutaient les provisions pour chauffage et eau chaude de 1'380 fr. par année. Le taux hypothécaire de référence pris en compte était de 2.5 %. Le bail, conclu pour cinq ans jusqu'au 30 septembre 2017, renouvelable de cinq ans en cinq ans, était indexé à l'ISPC, l'indice de référence étant celui de janvier 2012. Pour le surplus, les clauses du bail liant les parties demeuraient inchangées. 
 
A.c. La bailleresse a par la suite procédé à des travaux de rénovation dans l'immeuble.  
 
A.d. Par avis de majoration du 1er juin 2018, la bailleresse a fixé le loyer annuel de l'appartement à 13'620 fr., charges non comprises, dès le 1er octobre 2018. L'avis officiel était motivé comme suit: " DCTI selon art. 269a CO let. b prestations supplémentaires du bailleur. "  
 
B.  
 
B.a. La locataire a à nouveau contesté l'augmentation de loyer auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers. Elle a simultanément sollicité une réduction de loyer, celui-ci devant être fixé à 8'124 fr. par an en raison de la baisse du taux hypothécaire.  
Tant la demande de hausse que la demande de baisse de loyer n'ont pas été conciliées. Elles ont été portées par la bailleresse, représentée par Me Serge Patek, respectivement la locataire, alors représentée par l'Asloca, auprès du Tribunal des baux et loyers du canton de Genève. 
Par jugement du 12 février 2021, le tribunal a fixé à 13'344 fr., charges non comprises, le loyer annuel dès le 1er octobre 2018 (ch. 2), en tenant compte des travaux de rénovation effectués. Il a débouté les parties de toutes autres conclusions. 
 
B.b. La locataire a appelé de ce jugement auprès de la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève. Dans sa réponse, la bailleresse a conclu à la confirmation du jugement entrepris. Elle a également déposé un appel joint.  
Par arrêt du 20 décembre 2021, la cour cantonale a annulé le chiffre 2 du jugement attaqué et, statuant à nouveau, a dit que l'avis de majoration de loyer du 1er juin 2018 n'était pas valable et que le loyer annuel s'élevait à 10'812 fr., charges non comprises. Elle a confirmé le jugement pour le surplus et a débouté les parties de toutes autres conclusions. 
La cour cantonale a retenu que l'avis de majoration du loyer litigieux était fondé uniquement sur des prestations supplémentaires de la bailleresse, et non sur la hausse de l'ISPC. Elle a ensuite relevé que le bail reconduit devant la Commission de conciliation le 23 mai 2012 était un bail indexé, qui avait couru du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2017 puis, faute de résiliation par les parties, avait été renouvelé pour une nouvelle période de cinq ans, jusqu'au 30 septembre 2022. Ni les clauses du bail du 13 avril 1983, ni celles contenues dans l'accord de reconduction du bail conclu devant la Commission de conciliation le 23 mai 2012 ne réservaient la faculté, pour la bailleresse, de notifier une hausse de loyer fondée sur des prestations supplémentaires. Les parties étaient ainsi convenues que l'unique motif d'augmentation ou de diminution du loyer pendant la durée du bail serait l'évolution de l'ISPC. Ainsi, la hausse du loyer du 1er juin 2018 n'était pas valable. 
 
C.  
La bailleresse (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral à l'encontre de cet arrêt. Elle a conclu à sa réforme en ce sens que le loyer annuel soit fixé à 13'344 fr., charges non comprises, dès le 1er octobre 2018. Elle a produit les " conditions générales et règles et usages locatifs appliqués dans le canton de Genève ", dans leur édition de 1978, en soutenant que selon le contrat de bail, elles en faisaient partie intégrante, et qu'elles prévoyaient la possibilité de majorer le loyer en cas de prestations supplémentaires du bailleur. 
La locataire (ci-après: l'intimée), désormais représentée par Me Romolo Molo, a conclu au rejet du recours. 
La cour cantonale s'est référée à son arrêt. 
La recourante a déposé une réplique spontanée, laquelle a été communiquée à l'intimée avec un délai pour formuler d'éventuelles observations. Cette dernière n'en a pas fait usage. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF) et au délai de recours (art. 46 al. 1 let. c et 100 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 III 115 consid. 2).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). " Manifestement inexactes " signifie ici " arbitraires " (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
 
2.3. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). Cette exception vise les faits qui sont rendus pertinents pour la première fois par la décision attaquée; peuvent notamment être introduits des faits nouveaux concernant le déroulement de la procédure devant l'instance précédente, afin d'en contester la régularité (par exemple une violation du droit d'être entendu lors de mesures probatoires) ou encore des faits postérieurs à l'arrêt attaqué permettant d'établir la recevabilité du recours (ATF 139 III 120 consid. 3.1.2; 136 III 123 consid. 4.4.3; arrêt 4A_434/2021 du 18 janvier 2022 consid. 2.2 et les références). En revanche, le recourant ne saurait introduire des faits ou moyens de preuve qu'il a négligé de soumettre aux autorités cantonales (ATF 136 III 123 consid. 4.4.3).  
 
2.4. La recourante a produit les règles et usages locatifs genevois, dans leur édition de 1978. Elle soutient qu'il s'agit d'un fait notoire, de sorte qu'elle pourrait s'en prévaloir.  
Cette pièce, et les faits qu'elle atteste, ne ressortent pas de l'état de fait de l'arrêt attaqué, alors que le Tribunal fédéral doit se fonder sur la base des faits constatés par l'instance précédente. De plus, ils ne relèvent manifestement pas de l'exception prévue à l'art. 99 al. 1 LTF. Ainsi, devant le Tribunal fédéral, la recourante ne peut alléguer pour la première fois un fait - qu'il soit notoire ou non - et produire une pièce attestant de ce fait. Il n'en sera donc pas tenu compte. 
 
3.  
Il y a toutefois lieu d'examiner si, comme le soutient la recourante, la Cour d'appel aurait dû tenir compte de cette pièce. 
 
3.1. Conformément à l'art. 269b CO, les parties peuvent, à deux conditions, conclure un bail à loyer indexé en convenant d'une clause d'indexation: (1) le bail doit être conclu pour une période de cinq ans au moins et (2) l'indice d'indexation est l'ISPC.  
Selon la jurisprudence, il est exclu de par la loi de prévoir d'autres facteurs d'adaptation du loyer, à moins que la majoration ne soit justifiée par des prestations supplémentaires du bailleur et que le contrat de bail n'ait réservé expressément cette possibilité (ATF 147 III 32 consid. 3.1; ATF 124 III 57 consid. 3a). 
 
3.2. En substance, la recourante soutient que les parties étaient convenues de la possibilité de majorer le loyer en cas de prestations supplémentaires de la bailleresse. Sur cette base, elle se prévaut de différents arguments.  
 
 
3.2.1. En vertu du principe de l'épuisement des griefs, le recours au Tribunal fédéral n'est ouvert qu'à l'encontre des décisions rendues par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), ce qui signifie que les voies de droit cantonales doivent avoir été non seulement utilisées sur le plan formel, mais aussi épuisées sur le plan matériel (ATF 143 III 290 consid. 1.1). Lorsque l'autorité de dernière instance cantonale peut se limiter à examiner les griefs régulièrement soulevés, le principe de l'épuisement matériel veut que les griefs soumis au Tribunal fédéral aient déjà été invoqués devant l'instance précédente (arrêts 4A_40/2021 du 10 juin 2021 consid. 3.2; 5A_451/2020 du 31 mars 2021 consid. 2.3 et les références citées).  
Aux termes de l'art. 57 CPC, le tribunal applique le droit d'office. Cela ne signifie pas que la cour cantonale doive examiner toutes les questions de fait et de droit qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 311 al. 1 CPC s'agissant de l'appel, il appartient à l'appelant de motiver son appel. La même obligation incombe à l'appelé, qui doit soulever ses griefs dans sa réponse. Selon la jurisprudence, la cour cantonale n'est pas tenue, comme un tribunal de première instance, d'examiner toutes les questions de fait et de droit qui pourraient se poser lorsque les parties ne soulèvent pas de griefs correspondants en deuxième instance. A moins que la violation du droit ne soit manifeste, la cour cantonale se limitera en principe à examiner les griefs que les parties adressent à la motivation du premier jugement dans le mémoire et dans la réponse (ATF 144 III 394 consid. 4.1.4; arrêt 4A_40/2021 précité et les références). 
 
3.2.2. En l'occurrence, dans son appel déposé auprès de la cour cantonale, la locataire a allégué que les parties n'avaient prévu aucune possibilité pour la bailleresse de majorer le loyer en cours de bail en sus de l'évolution de l'ISPC.  
Dans son mémoire de réponse à l'appel et appel joint, la bailleresse n'a pas abordé ce point. Elle n'a pas allégué que les parties avaient effectivement prévu cette possibilité, ni allégué le renvoi, dans le contrat de bail, aux règles et usages locatifs genevois dans leur édition de 1978, ni produit ces derniers. Les juges cantonaux n'ont ainsi pas examiné cela. 
Dès lors, les griefs formulés par la recourante devant le Tribunal fédéral ne sont pas admissibles au regard du principe de l'épuisement des griefs. 
 
4.  
A titre superfétatoire, on peut ajouter que la recourante ne s'en prend pas au fait que la cour cantonale a tenu compte de l'allégation précitée formée pour la première fois en appel par la locataire. Elle reproche uniquement aux juges cantonaux de ne pas l'avoir expressément invitée à compléter ses moyens de preuve en lien avec cette allégation. Elle dénonce à cet égard une violation de la maxime inquisitoire sociale consacrée à l'art. 55 al. 2 CPC, dans la mesure où ils n'ont pas fait usage, à son égard, de leur devoir d'interpellation accru. Toutefois, même lorsque cette maxime s'applique, le tribunal peut et doit faire preuve de retenue, comme dans un procès soumis à la procédure ordinaire, si les parties sont représentées par un avocat (ATF 141 III 569 consid. 2.3.1 et les références). En l'occurrence, la recourante était représentée par un avocat tant au stade de la première instance que devant la cour cantonale. Au demeurant, l'allégation précitée était soulevée de manière claire par la locataire appelante. Il appartenait ainsi à la bailleresse d'invoquer d'elle-même, dans sa réponse à l'appel, ses allégués et ses moyens de preuve en lien avec cette allégation. 
Par ailleurs, puisque les règles et usages locatifs genevois, dans leur édition de 1978, ainsi que le renvoi à leur égard prévu dans le contrat de bail, n'ont pas été invoqués, la cour cantonale n'avait pas à en tenir compte. Sur la base des faits constatés, on ne saurait lui reprocher d'avoir enfreint l'art. 151 CPC en ne prenant pas en considération de prétendus faits notoires, étant au demeurant précisé qu'à tout le moins, le renvoi précité ne constitue en aucun cas un fait notoire. 
Bien que la recourante ne l'invoque pas, on doit encore souligner que les juges de première instance n'ont pas non plus violé le droit fédéral en ne tenant pas compte de ces éléments. La bailleresse demanderesse devait alléguer et prouver ses moyens en temps utile. Le fait qu'ils reposeraient sur de prétendus faits notoires ne dispense pas le demandeur qui est assisté d'un avocat de les invoquer devant le premier juge, même lorsque la maxime inquisitoire sociale est applicable (cf. arrêt 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid. 4.2.2). 
Enfin, lorsque la recourante tire de l'avis de majoration de loyer du 22 février 2012 le droit d'augmenter le loyer, elle perd de vue que, selon la jurisprudence en matière de bail à loyer indexé, une majoration du loyer justifiée par des prestations supplémentaires n'est autorisée que si le contrat de bail prévoit cette possibilité. 
 
5.  
En définitive, le recours doit être rejeté, pour autant qu'il soit recevable. 
La recourante, qui succombe, prendra en charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Elle versera en outre une indemnité de dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 24 juin 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
La Greffière : Raetz