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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_315/2019  
 
 
Arrêt du 24 septembre 2019  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Fonjallaz et Muschietti. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
B.________, 
C.________, 
D.________, 
tous les quatre représentés par Me Michel Ducrot, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Olivier Vergères, Procureur, Office régional du Ministère public du Valais central, 
intimé. 
 
Objet 
Procédure pénale; récusation, 
 
recours contre l'ordonnance du Tribunal cantonal du canton du Valais, Chambre pénale, du 22 mai 2019 
(P3 19 27). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 25 avril 2013, E.________ est décédée à l'Hôpital de Sion, après avoir rencontré de nombreuses complications ensuite d'une intervention chirurgicale au pancréas effectuée le 8 mars 2013 dans le même établissement.  
Le 4 juillet 2013, l'époux de la défunte, soit A.________, ainsi que les enfants de celle-ci, soit B.________, C.________ et D.________ (ci-après: les plaignants), ont dénoncé pénalement, avec constitution de parties plaignantes au pénal, les chirurgiens F.________ et G.________ pour homicide par négligence (art. 117 CP). 
Ensuite de cette dénonciation, l'Office régional du Ministère public du Valais central, par le Procureur Olivier Vergères, a ouvert une enquête pénale contre les chirurgiens précités. 
 
A.b. En cours d'instruction, les plaignants ont produit trois avis médicaux distincts émanant respectivement des Prof. H.________, I.________ et J.________, desquels il ressort que la prise en charge médicale de E.________ est critiquable à plusieurs égards. Les prévenus ont quant à eux produit un rapport d'expertise médicale privée, établie par le Prof. K.________, laquelle conclut au contraire que le décès de E.________ ne peut pas être considéré comme la suite d'une erreur médicale ou d'une négligence.  
Dans leur rapport du 29 mars 2016, les Prof. L.________ et M.________, qui avaient été mandatés par le Procureur en qualité d'experts judiciaires, ont pour leur part conclu qu'il n'y avait pas dans le dossier d'éléments qui démontraient un manquement dans le suivi ou dans la prise en charge médicale de E.________. 
 
A.c. Le 26 juillet 2016, les plaignants ont dénoncé pénalement F.________ et G.________ pour faux dans les titres (art. 251 CP) et faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques (art. 317 CP), puis le 16 mars 2017, pour meurtre par dol éventuel (art. 111 CP), subsidiairement pour lésions corporelles graves par dol éventuel (art. 122 CP).  
 
A.d. Par ordonnance du 16 août 2017, le Procureur a ordonné le classement de la procédure ouverte contre F.________ et G.________ pour homicide par négligence (art. 117 CP). Par ordonnance du même jour, il a en outre refusé d'entrer en matière sur les dénonciations des 26 juillet 2016 et 16 mars 2017.  
Statuant par ordonnance du 28 mars 2018, la Chambre pénale du Tribunal cantonal valaisan a admis les recours formés par les plaignants contre les ordonnances du 16 août 2017, celles-ci étant annulées et la cause renvoyée au Procureur notamment pour qu'il mette en oeuvre un complément d'expertise par les mêmes experts judiciaires, à qui devront également être soumis pour prise de position les avis médicaux produits par les plaignants. La Chambre pénale a par ailleurs estimé qu'il y avait lieu d'entendre les prévenus sur la problématique de la confection, pour la seule intervention du 8 mars 2013, de deux protocoles opératoires au contenu différent sur un point central aux yeux des plaignants. 
 
A.e. Le 8 novembre 2018, le Procureur a délivré un mandat d'expertise complémentaire à l'attention du Prof. L.________.  
Une séance d'instruction s'est tenue le 1 er février 2019 en présence de l'expert et des parties.  
 
B.   
Le 5 février 2019, les plaignants ont requis du Procureur Olivier Vergères sa récusation. 
Le 8 février 2019, le Procureur, qui s'est opposé à la demande de récusation, a transmis cette dernière à la Chambre pénale du Tribunal cantonal valaisan comme objet de sa compétence. 
Par ordonnance du 22 mai 2019, la Chambre pénale a rejeté la demande de récusation. 
 
C.   
A.________, B.________, C.________ et D.________ forment un recours en matière pénale contre l'ordonnance du 22 mai 2019. Ils concluent, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que la récusation du Procureur Olivier Vergères est prononcée. 
Invitée à se déterminer, la Chambre pénale a indiqué qu'elle n'avait pas d'observations à formuler, se référant aux considérants de son ordonnance. Quant au Procureur, il ne s'est pas déterminé. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision relative à la récusation d'un magistrat pénal peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale. Le recourant, auteur de la demande de récusation, a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile (art. 46 al. 1 let. c et 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF) et les conclusions prises sont recevables (art. 107 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Selon l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. En l'espèce, la pièce produite par les recourants en annexe à leur recours, à savoir l'ordonnance du 7 juin 2019 de la Chambre pénale prononçant la récusation des experts judiciaires, ne peut pas être prise en considération par le Tribunal fédéral. Cette pièce, de même que les faits qui en découlent, sont nouveaux au sens de l'art. 99 LTF et, partant, irrecevables. 
 
3.   
Invoquant des violations des art. 29 al. 1 Cst. et 56 let. f CPP, les recourants contestent le rejet de leur demande tendant à la récusation du Procureur intimé. Ils font valoir que celui-ci a réalisé, systématiquement à leur détriment, toute une série de manquements et d'erreurs dans le cadre de l'enquête en cours, en particulier en lien avec l'établissement de l'expertise judiciaire et de son complément. Ils soutiennent que les violations invoquées, de même que, d'une manière générale, l'attitude adoptée par l'intimé à leur égard, sont propres à établir un soupçon de prévention. 
 
3.1. Un magistrat est récusable, aux termes de l'art. 56 let. f CPP, lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à le rendre suspect de prévention. Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 143 IV 69 consid. 3.2 p. 74 et les références citées).  
Dans le cadre de l'instruction, le ministère public est tenu à une certaine impartialité même s'il peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête (ATF 138 IV 142 consid. 2.2.1 p. 145); tel est notamment le cas lorsqu'il décide de l'ouverture d'une instruction (qui suppose l'existence de soupçons suffisants au sens de l'art. 309 al. 1 CPP) ou lorsqu'il ordonne des mesures de contrainte (arrêt 1B_150/2016 du 19 mai 2016 consid. 2.2). Tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste cependant tenu à un devoir de réserve et doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2 p. 180; 138 IV 142 ibidem). De manière générale, ses déclarations doivent être interprétées de façon objective, en tenant compte de leur contexte, de leurs modalités et du but apparemment recherché par leur auteur (arrêts 1B_46/2019 du 24 avril 2019 consid. 3.1; 1B_150/2016 du 19 mai 2016 consid. 2.3). 
Des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que le juge est prévenu ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. En effet, la fonction judiciaire oblige à se déterminer rapidement sur des éléments souvent contestés et délicats. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises notamment par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid. 3.2 p. 74 s.). 
 
3.2.  
 
3.2.1. La cour cantonale a tenu pour établi que, dans le cadre de l'établissement des modalités du complément d'expertise, en janvier 2019, le Procureur intimé s'était entretenu au téléphone avec le mandataire du prévenu G.________, alors qu'il refusait systématiquement toute conversation téléphonique avec le mandataire des recourants depuis 2016. L'entretien en cause n'avait de surcroît pas fait l'objet d'une consignation au procès-verbal, en violation de l'art. 76 al. 1 CPP (cf. ordonnance entreprise, p. 10).  
Une autre violation de cette même disposition, réparée depuis lors, a également été constatée s'agissant de l'absence de production au dossier d'une dizaine d'e-mails échangés entre l'intimé et l'expert L.________ dans le cadre de la mise en oeuvre de l'expertise médicale (cf. ordonnance entreprise, p. 11 s.). Enfin, il a été relevé que l'intimé n'avait pas respecté le droit d'être entendu des recourants en établissant les modalités de la séance tenue le 1 er février 2019 en présence de l'expert, sans leur remettre préalablement la prise de position écrite y relative du prévenu G.________ (cf. ordonnance entreprise, p. 9).  
 
3.2.2. En sus des éléments qui précèdent, il convient encore de prendre en considération que le magistrat intimé a déjà rendu dans la présente cause, au détriment des recourants, des ordonnances de non-entrée en matière et de classement à l'égard des prévenus. Il ressort en effet du dossier cantonal que ces décisions avaient été annulées sur recours des plaignants, la Chambre pénale ayant alors constaté que le Procureur n'avait, à tort, pas estimé utile de soumettre aux experts judiciaires les rapports et avis médicaux produits par les recourants, ni d'instruire la cause quant à l'éventuelle confection de faux protocoles opératoires par les prévenus (cf. ordonnance du 28 mars 2018, p. 8 s.).  
L'annulation d'une ordonnance de classement rend la reprise de la procédure plus délicate pour le magistrat instructeur. Néanmoins, la jurisprudence considère que le magistrat appelé à statuer à nouveau après l'annulation d'une de ses décisions est en principe à même de tenir compte de l'avis exprimé par l'instance supérieure et de s'adapter aux injonctions qui lui sont faites (cf. ATF 143 IV 69 consid. 3.4 p. 74). Il n'y a pas lieu de revenir sur cette jurisprudence puisque l'annulation d'une décision judiciaire par l'instance de recours constitue un événement ordinaire dans une procédure judiciaire. 
 
3.2.3. Dans la présente cause cependant, au caractère délicat d'une reprise de cause après annulation d'une ordonnance de classement, s'ajoutent des violations répétées de diverses règles de procédure pénale réalisées au détriment des recourants après l'annulation de l'ordonnance de classement, respectivement du refus d'entrer en matière, alors que l'annulation de l'ordonnance de classement était déjà justifiée par des erreurs de procédure. En outre, certaines des violations commises par l'intimé sont loin d'être anodines, s'agissant en particulier de son refus de s'entretenir par téléphone avec le mandataire des recourants, alors même qu'il a eu un entretien téléphonique avec le mandataire de l'un des prévenus sans le consigner au procès-verbal. L'ensemble de ces circonstances particulières - reprise de cause après annulation d'un classement et erreurs de procédure au détriment des recourants - conduisent à considérer, au moins en apparence, le magistrat instructeur intimé suspect de vouloir persister à privilégier la position défendue par les prévenus.  
Au vu de ces éléments, la cour cantonale a violé le droit fédéral en rejetant la demande de récusation du Procureur intimé. 
 
4.   
Il s'ensuit que le recours doit être admis. L'ordonnance attaquée est annulée et la demande de récusation du Procureur intimé est admise. Les recourants, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat, ont droit à des dépens pour les procédures fédérale et cantonale à la charge du canton du Valais (art. 68 al. 1 et 5 LTF). Il n'est pas perçu de frais judiciaires pour les procédures fédérale et cantonale (art. 66 al. 4 et 67 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis. L'ordonnance du 22 mai 2019 de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais est annulée. La demande de récusation du Procureur Olivier Vergères est admise. 
 
2.   
Une indemnité de dépens, fixée à 2500 fr., pour les procédures fédérale et cantonale est allouée au mandataire des recourants, à la charge du canton du Valais. 
 
3.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires pour les procédures fédérale et cantonale. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Chambre pénale, ainsi qu'à l'Office régional du Ministère public du Valais central. 
 
 
Lausanne, le 24 septembre 2019 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
Le Greffier : Tinguely