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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_494/2019  
 
 
Arrêt du 25 juin 2020  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Présidente, Hohl et May Canellas. 
Greffière : Mme Godat Zimmermann. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Mike Hornung, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représentée par Me Michel Bergmann et Me Clio Herrmann, 
intimée. 
 
Objet 
responsabilité du mandataire; contrat de réassurance; règlement de prévoyance professionnelle; congruence, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 29 août 2019 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/22911/2013 ACJC/1257/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ SA (anciennement C.________ SA; ci-après: sous la désignation uniforme A.________) a pour but social les opérations en rapport avec l'actuariat, l'expertise, le conseil, le courtage, la gestion et la comptabilité dans le domaine de la prévoyance professionnelle, de l'assurance et de la réassurance. Elle est enregistrée auprès de la FINMA comme intermédiaire d'assurance.  
Le 16 novembre 1993, A.________ et deux autres personnes morales ont conclu une convention dans le but de collaborer pour la création d'une institution de prévoyance professionnelle des salariés de toute entreprise adhérente. Le 9 septembre 1994, la fondation de prévoyance professionnelle D.________ (ci-après: D.________ ou la fondation) a été ainsi inscrite au registre du commerce de Genève; son but social est la prévoyance professionnelle dans le cadre de la LPP, en faveur du personnel de tout employeur qui adhère à la fondation et de prémunir le personnel, ainsi que les proches et survivants, contre les conséquences économiques de l'âge, du décès et de l'invalidité. D.________ transférera l'intégralité de ses actifs et passifs à B.________ le 21 juin 2012. 
La convention du 16 novembre 1993 prévoit notamment qu'un mandat est confié à A.________, qui s'engage à préparer et créer l'ensemble des outils nécessaires à la gestion de D.________ et à en assurer la gestion selon le mandat donné par le conseil de fondation; ce dernier mandat, conclu oralement, portait sur la gestion technique, administrative et comptable de D.________. 
Par contrat du 1 er avril 2005, D.________ a mandaté exclusivement A.________ pour la planification, la réalisation et l'administration de l'assurance-risque de personnes dans le cadre de la prévoyance professionnelle obligatoire et surobligatoire. Les clauses suivantes figurent dans le contrat:  
 
"C.________ SA est autorisée à demander des offres d'assurance au nom de la Fondation D.________, à mener les négociations correspondantes et à placer les assurances avec l'accord de la Fondation D.________. " 
" En outre, avec le présent contrat de mandat, C.________ SA est autorisée à demander des renseignements en vue d'informations relatives à l'assurance (couverture de risque, sinistralité, etc.) nécessaires à l'établissement de l'offre et à la négociation du contrat auprès des assureurs privés et sociaux y impliqués. " 
Par contrat de mandat du 27 août 2009, D.________ a délégué à A.________ sa gestion administrative, technique et comptable, à l'exclusion des opérations de placement de fonds, ainsi que la gestion et le suivi des offres et l'actuariat-conseil. 
 
A.b. Le 18 avril 2005, D.________ a conclu un contrat, négocié par A.________, portant sur la réassurance des risques d'invalidité et de décès avec E.________, qui deviendra F.________ Société d'Assurances sur la Vie (ci-après: F.________). A cette occasion, I.________, administrateur de A.________, a écrit à D.________, en date du 22 avril 2005, que A.________ avait "éliminé quelques lacunes de couverture qui subsistaient dans le contrat précédent" et "veillé à la concordance de la réassurance avec la nouvelle version du règlement de D.________ suite à la 1 ère révision de la LPP". D'une durée de trois ans à compter du 1 er janvier 2005, ce contrat a été renouvelé tacitement jusqu'au 31 décembre 2008.  
Le 30 juillet 2008, D.________ et F.________ ont conclu un nouveau contrat de réassurance, qui entrera en vigueur le 1 er janvier 2009.  
 
A.c. Du 15 octobre 2007 au 21 janvier 2008, G.________ a travaillé auprès d'un employeur affilié à D.________, puis est tombée malade. Son droit à une demi-rente d'invalidité pour elle-même et à une demi-rente d'enfant pour son fils à partir du 1er janvier 2009 a été reconnu par l'Office de l'assurance-invalidité (OAI) le 8 juin 2009. Le 14 juillet 2009, D.________ lui a reconnu des droits identiques au titre de la prévoyance professionnelle.  
Par décisions des 8 novembre 2010 et 15 juillet 2011, l'OAI a alloué une rente entière d'invalidité pour G.________ et une rente entière d'enfant pour son premier fils à compter du 1er novembre 2009, puis, pour son second fils, à compter du 1er février 2011. D.________, respectivement B.________, ont reconnu des droits identiques. 
A l'occasion du cas G.________, un problème de congruence entre règlement de prévoyance et contrat de réassurance est apparu. En cas d'augmentation subséquente de l'invalidité pour la même cause d'une personne affiliée, lorsque celle-ci n'était plus assurée auprès de D.________, le règlement de prévoyance de la fondation ne contenait aucune disposition limitant les prestations dues; en revanche, selon les conditions générales des contrats de réassurance susmentionnés, les prestations versées dans une telle hypothèse étaient réduites au minimum prévu par la LPP. Ainsi, D.________ ne disposait envers F.________ d'aucune prétention pour les prestations excédant le minimum LPP qu'elle devait verser à G.________, laquelle n'était plus assurée auprès de la fondation lorsque son degré d'invalidité avait augmenté. 
 
A.d. De 1994 à 2011, H.________ a été l'experte en prévoyance professionnelle de D.________.  
Le 12 juin 2009, elle a établi une «attestation de l'expert agréé en matière de prévoyance professionnelle conformément à l'art. 53 al. 2 LPP». Elle y constate que D.________ a conclu un contrat de réassurance collective avec F.________, pour les risques invalidité et décès. Par ailleurs, son rapport au 31 décembre 2010, daté du 25 mai 2011, contient le passage suivant: "Comme [D.________] est entièrement réassurée pour les risques invalidité et décès auprès de la [F.________], aucune mesure de sécurité supplémentaire n'est nécessaire." 
Entendue comme témoin le 4 mai 2017, H.________ déclarera notamment: 
 
"Dans ce cas précis [G.________], F.________ a décidé qu'elle ne couvrirait que les prestations minimales LPP. Je précise encore que D.________ offrait des conditions supérieures de prise en charge, ils avaient un plan englobant la LPP qui était supérieur aux minimaux. Je me souviens qu'en 2009, j'avais signalé ce cas car j'avais constaté que les réserves n'étaient pas suffisantes. Ces réserves étaient mal calculées et trop basses. Je ne l'ai pas mentionné dans mon rapport, car un gestionnaire de D.________ m'avait répondu que c'était ce que F.________ assurait et c'est pourquoi le montant des réserves avait été calculé ainsi." 
Elle ajoutera que la gestion de D.________ était assurée à l'époque par A.________. Elle confirmera en outre que la vérification du degré de couverture de D.________ faisait partie de ses tâches en tant qu'experte et qu'il lui appartenait de proposer toutes les mesures de sécurité supplémentaires nécessaires. 
 
B.   
Par acte déposé le 14 avril 2014, B.________ a saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève d'une demande tendant, principalement, à ce que A.________ et H.________ soient condamnées solidairement à lui payer 252'405 fr.60 avec intérêts, subsidiairement, à ce que A.________ soit condamnée à lui payer cette somme et, plus subsidiairement, à ce que H.________ soit condamnée à lui payer cette somme. Cette prétention correspond au dommage que la fondation estimait avoir subi du fait que les prestations qu'elle devait verser à G.________ n'étaient pas couvertes par le réassureur. 
Par jugement du 27 mai 2015, le tribunal a pris acte, d'une part, du retrait par B.________ de la demande en paiement, sans désistement, à l'encontre de H.________ et, d'autre part, de l'acceptation du retrait par cette défenderesse. 
Par jugement du 13 juin 2016, le tribunal a dit que B.________ disposait de la légitimation active. 
Selon le rapport d'expertise judiciaire du 24 mai 2017, le dommage subi par la fondation en lien avec les prestations dues à G.________ s'élève à un total de 246'513 fr.50, soit: 
Libération des primes du 01.11.2009 au 30.06.2011          4'620 fr. 
Rentes versées du 01.11.2009 au 30.06.2011               (8'931 fr.75) 
Réserve mathématique pour les libérations 
des primes futures                                           55'202 fr.15 
Réserve mathématique pour les rentes futures              183'234 fr.85 
Provision pour longévité                                    12'517 fr.95 
Intérêts de 4% sur les libérations de primes 
et les rentes                                                     (129 fr.70) 
Par jugement du 19 octobre 2018, le tribunal a débouté B.________ de ses conclusions en paiement à l'encontre de A.________. 
Statuant le 29 août 2019 sur appel de B.________, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a annulé le jugement de première instance, puis condamné A.________ à verser à B.________ le montant de 246'513 fr.50 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2009. Contrairement au premier juge, la cour cantonale a considéré comme démontré que la stratégie de D.________ était de couvrir entièrement ses risques par un contrat de réassurance et que cette volonté avait été communiquée à A.________. Elle a jugé ensuite que A.________ - peu importe qu'elle soit mandataire ou courtière - avait violé ses obligations contractuelles en omettant de vérifier la congruence complète entre le contrat de réassurance et le règlement de prévoyance de la fondation tout en assurant à la fondation que tel était le cas. Ce comportement présumé fautif avait conduit à l'absence de couverture par le réassureur des montants à verser en faveur de G.________, lesquels devaient être couverts par la fondation, de sorte que le lien de causalité naturelle et adéquate entre la violation du contrat et la survenance du dommage était donné. Enfin, l'éventuelle violation subséquente de ses devoirs par l'experte en prévoyance n'était pas de nature à interrompre ce lien de causalité. 
 
C.   
A.________ interjette un recours en matière civile, concluant au déboutement de B.________ de toutes ses conclusions. 
B.________ propose le rejet du recours. 
Pour sa part, la cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. 
La demande d'effet suspensif présentée par la recourante a été rejetée par ordonnance présidentielle. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par le tribunal supérieur institué comme autorité cantonale de dernière instance, lequel a statué sur recours (art. 75 LTF). La cause atteint la valeur litigieuse de 30'000 fr. ouvrant le recours en matière civile dans les affaires pécuniaires ne relevant ni du droit du travail, ni du droit du bail à loyer (art. 74 al. 1 let. b LTF). La recourante, dont les conclusions libératoires ont été rejetées, a la qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). Déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, le recours est en principe recevable, sous réserve de l'examen des griefs particuliers. 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 89; 138 II 331 consid. 1.3 p. 336; 137 II 313 consid. 1.4; 135 III 397 consid. 1.4 p. 400). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 139 I 22 consid. 2.3; 137 III 580 consid. 1.3; 135 III 397 consid. 1.4 in fine).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 140 III 115 consid. 2 p. 117; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi les conditions précitées seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes en conformité avec les règles de procédure les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 90). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). 
 
3.  
 
3.1. La présente affaire implique de poser au préalable les principes en matière de couverture des risques décès et invalidité dans la prévoyance professionnelle, tels qu'ils ont été décrits par les experts judiciaires et retenus dans l'arrêt attaqué de manière incontestée par les parties.  
Au cas où elle décide de ne pas assumer elle-même la totalité des risques, l'institution de prévoyance, par son organe suprême, peut opter pour une réassurance complète ou partielle (cf. actuellement art. 51a al. 2 let. l LPP). La première stratégie implique une congruence totale entre les risques couverts par le règlement de prévoyance et ceux couverts par le contrat de réassurance. Dans la seconde stratégie, la congruence n'est que partielle, en fonction des choix de la caisse de pension; même si la loi ne l'impose pas, la pratique uniforme des fondations de prévoyance consiste alors à constituer des réserves financières appropriées pour les risques non couverts par le contrat de réassurance. 
 
3.2. A ce stade, il est également établi que la recourante était liée à D.________ par un contrat portant sur la négociation des contrats de réassurance. La recourante ne conteste pas qu'elle devait faire preuve, dans cette tâche, de la diligence incombant à un mandataire, ce qui supposait, le cas échéant, de respecter la stratégie de l'organe suprême de l'institution de prévoyance (le conseil de fondation) en matière de réassurance.  
 
4.   
Le litige porte tout d'abord sur la stratégie adoptée par la fondation et la connaissance de cette volonté par la recourante. 
 
4.1. En matière d'interprétation des manifestations de volonté (cf. art. 18 CO), le juge doit, dans un premier temps, rechercher la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. S'il parvient à la conclusion que les parties se sont comprises ou, au contraire, qu'elles ne se sont pas comprises, il s'agit de constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles ne soient arbitraires (art. 9 Cst.). Ce n'est que s'il ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre que le juge recourra à l'interprétation normative (ou objective). Fondée sur le principe de la confiance, cette interprétation consiste à déterminer le sens qu'une partie pouvait et devait raisonnablement prêter à la manifestation de volonté de l'autre partie. Il s'agit là d'une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (cf. ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et 5.2.3 p. 98 s. et les arrêts cités).  
 
4.2. Selon l'arrêt attaqué, la stratégie de D.________ était de couvrir entièrement ses risques par un contrat de réassurance et la recourante était informée de cette volonté. Appréciant les preuves à disposition (déclarations des parties, témoignages, courrier du 22 avril 2005 de l'administrateur de la recourante, expertise judiciaire), la cour cantonale a établi la volonté de la fondation et a retenu que cette volonté avait été comprise par la recourante. Il s'agit là de constatations de fait résultant d'une interprétation subjective. Dans un raisonnement subsidiaire fondé sur une interprétation objective, la Cour de justice a déduit de l'attitude de la recourante - l'absence d'ordre tendant à la limitation de la couverture de réassurance sur un point ou un autre - que la recourante pouvait et devait comprendre que la réassurance devait être complète.  
Vu la priorité de l'interprétation subjective, il convient d'examiner en premier lieu les griefs soulevés dans le recours en rapport avec l'art. 9 Cst. 
 
5.   
La recourante reproche aux juges genevois d'avoir retenu de manière arbitraire qu'elle était informée de la volonté de D.________ de conclure un contrat de réassurance couvrant intégralement les prestations prévues par son règlement de prévoyance. 
Premièrement, par une appréciation arbitraire d'un moyen de preuve, la cour cantonale aurait déduit de manière insoutenable du courrier du 22 avril 2005 de l'administrateur de la recourante, d'une part, que celle-ci connaissait la volonté de congruence complète de D.________ et, d'autre part, que cette concordance était garantie par le contrat de réassurance négocié. La recourante relève à cet égard que le courrier en question concerne le contrat de réassurance conclu en avril 2005, alors que la fondation s'est vu refuser la prise en charge des prestations allouées à G.________ sur la base du contrat de réassurance du 30 juillet 2008, entré en vigueur le 1er janvier 2009. Par ailleurs, l'annonce du comblement de quelques lacunes de couverture, figurant dans le courrier du 22 avril 2005, ne signifierait manifestement pas que la réassurance devait être complète. Enfin, la concordance de la réassurance mentionnée dans ledit courrier n'est garantie expressément qu'avec la nouvelle version du règlement de D.________ "suite à la 1ère révision de la LPP", et non pas de manière générale. 
La recourante fait également grief à la Cour de justice d'avoir établi la volonté de la fondation d'assurer une concordance totale en se fondant arbitrairement sur le témoignage de J.________, ancien membre du comité de gestion de D.________ - dont les propos n'étaient étayés par aucune pièce de l'époque - ainsi que sur les déclarations de K.________ en qualité de partie - qui a rejoint l'intimée bien après la conclusion des contrats de réassurance -, tout en écartant les déclarations de l'administrateur de la recourante, qui a fait état du flou de D.________ en matière de réassurance et de l'absence d'instructions au sujet du degré de réassurance. 
 
5.1. En matière de constatations de fait et d'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral se montre réservé, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en ce domaine aux autorités cantonales. Il n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 137 III 226 consid. 4.2 p. 234; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3).  
 
5.2. En ce qui concerne la stratégie du conseil de fondation en matière de réassurance, la cour cantonale était confrontée à deux versions: selon l'administrateur de l'intimée et le membre du comité de gestion de D.________, la fondation a toujours voulu couvrir intégralement, par un contrat de réassurance, les risques de devoir payer des prestations à ses affiliés, alors que, selon l'administrateur de la recourante, la stratégie de la fondation était floue. Les juges genevois ont tenu la première version pour établie, car elle était confirmée par plusieurs éléments, dont le courrier du 22 avril 2005 de l'administrateur de la recourante elle-même.  
Contrairement à ce que la recourante soutient, la cour cantonale n'a pas manifestement méconnu le sens et la portée de ce dernier moyen de preuve. L'administrateur précité y attire expressément l'attention de la fondation sur l'élimination, dans le contrat négocié avec un nouveau réassureur, de "quelques lacunes de couverture qui subsistaient dans le contrat précédent" et enchaîne en précisant qu'elle a "également veillé à la concordance de la réassurance avec la nouvelle version du règlement de D.________ suite à la 1ère révision de la LPP". De la conjonction de ces deux informations, effectuée par la recourante elle-même, il n'était pas insoutenable de déduire qu'une congruence complète était désormais garantie entre contrat de réassurance et règlement de prévoyance dans sa teneur d'alors. Il n'apparaît pas non plus arbitraire de conclure que, si la recourante a veillé à une telle concordance et l'a fait savoir à la fondation, c'est qu'elle connaissait la volonté de l'institution de prévoyance de conclure un contrat de réassurance en matière de risques décès et invalidité totalement congruent avec son règlement. En l'absence de tout élément indiquant un changement de stratégie par la suite, il importe peu que la lettre de l'administrateur susmentionnée ait été envoyée en rapport avec le contrat de réassurance d'avril 2005, et non avec celui conclu en juillet 2008, également négocié par la recourante, qui était en vigueur lors du cas G.________. 
Au surplus, d'autres éléments - non critiqués par la recourante - ont conforté la cour cantonale dans ses constatations sur la volonté réelle de la fondation en matière de réassurance et sa connaissance par la société chargée de négocier avec le réassureur. Il s'agit, d'une part, de la mention - même erronée - dans le rapport de 2010 de l'experte en prévoyance professionnelle d'une réassurance complète des risques par un contrat avec un assureur. D'autre part, la cour cantonale a constaté que la recourante était nécessairement consciente du fait que la fondation s'en remettait entièrement au contrat de réassurance pour couvrir les risques décès et invalidité; en effet, la recourante, chargée de la comptabilité de la fondation et spécialiste en la matière, ne pouvait ignorer ni la pratique uniforme imposant la constitution de réserves pour des risques non couverts par une réassurance, ni,  in concreto, l'absence de telles réserves dans les comptes de la fondation.  
Il s'ensuit que le grief fondé sur une appréciation arbitraire des preuves et un établissement manifestement inexact des faits doit être rejeté. 
 
6.  
 
6.1. Selon la recourante, la cour cantonale a violé l'art. 8 CC de deux manières. D'une part, elle aurait renversé le fardeau de la preuve en retenant que la recourante pouvait et devait comprendre la volonté de la fondation; les juges genevois auraient en effet tiré argument de l'absence d'une contre-preuve, à savoir qu'aucune volonté de la fondation de ne pas couvrir certains risques n'avait été démontrée et que, de l'aveu même de l'administrateur de la recourante, la fondation ne lui avait pas demandé de limiter la couverture de réassurance sur un point ou un autre. D'autre part, la Cour de justice a tenu pour établie la stratégie de réassurance complète de la fondation alors qu'il n'y aurait pas le commencement d'une preuve d'une telle volonté.  
 
6.2. Le grief est sans objet. En effet, la cour cantonale a constaté, au terme d'une appréciation des preuves dénuée d'arbitraire (consid. 5.2 supra), la volonté réelle de la fondation et sa bonne compréhension par la recourante. Or, si l'art. 8 CC interdit de tenir pour exactes les allégations non prouvées d'une partie, nonobstant leur contestation par l'autre (ATF 130 III 591 consid. 5.4 p. 601 s.; 114 II 289 consid. 2a p. 291), cette disposition ne régit pas l'appréciation des preuves, ressortissant au juge du fait, qu'elle ne saurait servir à corriger (ATF 128 III 22 consid. 2d p. 25; 127 III 248 consid. 3a p. 253, 519 consid. 2a p. 522). De même, dès l'instant où le résultat de l'interprétation subjective de la volonté des parties résiste au grief d'arbitraire, il est vain de critiquer, en invoquant une violation de l'art. 8 CC, la motivation subsidiaire de l'arrêt attaqué, fondée sur une interprétation objective.  
 
7.   
En dernier lieu, la recourante invoque le comportement de l'experte en prévoyance professionnelle à titre d'acte interruptif de causalité. Elle fait valoir que la responsabilité de l'intéressée, fondée sur l'art. 52 LPP, n'est pas une responsabilité contractuelle ordinaire, à mettre sur le même pied que la responsabilité du mandataire comme la cour cantonale l'aurait admis à tort. Pour la recourante, l'experte a commis une négligence grave en ne vérifiant pas correctement le rapport de couverture, en ne décidant pas la mise en place de mesures de sécurité supplémentaires et en n'avisant pas le conseil de fondation. Ces lacunes importantes et totalement imprévisibles constitueraient la cause - naturelle et adéquate - exclusive du dommage. 
 
7.1. En l'espèce, l'obligation de diligence incombant au mandataire chargé de la négociation avec le réassureur impliquait de vérifier la congruence complète entre le contrat de réassurance et le règlement de prévoyance. La violation de cette obligation contractuelle par la recourante, présumée fautive, a eu pour conséquence une absence de couverture par le réassureur de prestations que l'intimée doit verser à une affiliée. La cour cantonale a retenu ainsi une causalité naturelle et adéquate entre l'omission fautive de la recourante et le dommage subi par la fondation.  
La question est de savoir si l'éventuelle violation par l'experte en prévoyance professionnelle de ses obligations était susceptible d'interrompre ce lien de causalité. 
Selon la jurisprudence, la causalité adéquate peut être interrompue par un événement extraordinaire ou exceptionnel auquel on ne pouvait s'attendre - force naturelle, fait du lésé ou d'un tiers - et qui revêt une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus immédiate du dommage et relègue à l'arrière-plan les autres facteurs ayant contribué à le provoquer - y compris le fait imputable à la partie recherchée (ATF 143 III 242 consid. 3.7; 143 II 661 consid. 7.1 p. 671; 130 III 182 consid. 5.4 p. 188; 127 III 453 consid. 5d p. 457; 122 IV 17 consid. 2c/bb p. 23; 116 II 519 consid. 4b p. 524). 
 
7.2. Comme la cour cantonale le relève à juste titre, la recourante devait s'assurer, lors de la conclusion du contrat de réassurance, d'une structure financière conforme à la volonté de la fondation, alors que l'experte intervenait plus tard, en contrôlant le degré de couverture des risques supportés par la fondation et en préconisant si nécessaire des mesures de sécurité supplémentaires. A cet égard, une éventuelle défaillance dans ce contrôle  a posteriori ne saurait manifestement constituer un comportement grave, imprévisible et déraisonnable au point que le manquement de la recourante ne puisse plus être considéré comme une cause adéquate du dommage. Peu importe que, le cas échéant, la responsabilité de l'experte soit engagée sur la base de l'art. 52 LPP. Une telle responsabilité n'a pas  ipso facto pour effet d'exonérer un autre responsable qui a violé une obligation contractuelle et qui, dans les rapports externes, peut toujours être recherché pour la totalité du dommage qu'il a causé.  
Il s'ensuit que le grief tiré d'une interruption de la causalité doit être écarté. 
 
8.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours ne peut être que rejeté. 
Les frais judiciaires seront mis à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 LTF), qui versera par ailleurs des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 25 juin 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
La Greffière : Godat Zimmermann