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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
5A_877/2018  
 
 
Arrêt du 25 octobre 2019  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
Marazzi, von Werdt, Schöbi et Truttmann, suppléante. 
Greffier : M. Braconi. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Laurent Chassot, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ SA, en liquidation, représentée par Me Julie Lavoir, liquidatrice, 
représentée par Me Camille Froidevaux, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
mainlevée définitive de l'opposition (compensation, sentences arbitrales), 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre civile 
de la Cour de justice du canton de Genève 
du 11 septembre 2018 (C/21210/2017 ACJC/1215/2018). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 13 décembre 2007, B.________ SA, société française active dans le commerce d'engrais, et A.________ SA, société suisse active dans le commerce international de produits chimiques et de matières premières, ont conclu un contrat portant sur la vente et la livraison d'engrais à destination de l'Afrique. Cet accord comportait une clause d'arbitrage et était soumis au droit anglais.  
En septembre 2008, A.________ SA a initié une procédure d'arbitrage en conformité du Règlement de la London Maritime Arbitrators Association afin de réclamer des surestaries à sa cocontractante. 
Par sentences des 6 mai 2015 et 4 janvier 2016, un arbitre unique a condamné B.________ SA - entrée en liquidation le 1er août 2013 - à verser à A.________ SA la somme de 1'000'000 USD, avec intérêts à 4.5% dès le 28 mars 2008, à titre de surestaries, ainsi que les sommes de 231'696.54 USD, 13'616.66 EUR et 9'852.81 GBP, avec intérêts à 4.5% dès le 6 mai 2015, à titre de frais de la procédure arbitrale. Ces sentences n'ont pas été attaquées. 
 
A.b. Le 28 janvier 2009, à la suite de soupçons de malversation et de corruption en lien avec le contrat, B.________ SA a déposé plainte pénale à Paris avec constitution de partie civile.  
Statuant le 12 mai 2016, le Tribunal correctionnel de Paris a condamné A.________ SA, solidairement avec des tiers, à payer à B.________ SA la somme de 100'000 USD à titre de réparation du préjudice résultant des délits de faux et usage de faux liés à l'émission d'une fausse facture de A.________ SA et la somme de 852'544 USD à titre de commissions occultes versées par celle-ci au directeur du secteur engrais auprès de la société lésée; A.________ SA a outre été astreinte à verser à la plaignante 2'000 EUR à titre de frais de procédure. Aucun appel n'a été formé contre ce jugement. 
 
B.   
Le 18 mai 2017, B.________ SA (  poursuivante) a fait notifier à A.________ SA (poursuivie) un commandement de payer la somme de 216'348 fr. 94 avec intérêts à 5% dès le 12 mai 2016, fondée sur le jugement du Tribunal correctionnel de Paris; la poursuivie a fait opposition totale (  poursuite n° xxx de l'Office des poursuites de Genève).  
Le 15 septembre 2017, la poursuivante a saisi le Tribunal de première instance de Genève d'une requête tendant à la reconnaissance et à l'exécution du jugement du Tribunal correctionnel de Paris (let. A.b), ainsi qu'à la mainlevée définitive de l'opposition. 
Lors de l'audience du 9 février 2018, la poursuivie a conclu au rejet des conclusions de la requête; elle a opposé en compensation sa propre créance découlant des sentences des 6 mai 2015 et 4 janvier 2016. La poursuivante a contesté ce moyen, faisant valoir que celles-ci n'étaient pas exécutoires; elle a produit, à cet égard, un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 27 septembre 2016 et un arrêt de la Cour de cassation du 13 septembre 2017 refusant l'exequatur de ces sentences en raison de leur contrariété à l'ordre public français. La poursuivie a rétorqué que ces décisions n'avaient pas été reconnues en Suisse et ne pouvaient dès lors faire obstacle à l'exécution des sentences. 
 
C.   
Par jugement du 26 avril 2018, le Tribunal de première instance de Genève a rejeté la requête de mainlevée définitive; en bref, il a retenu que les sentences arbitrales étaient exécutoires et que les conditions de la compensation étaient remplies en vertu du droit français. 
Par arrêt du 11 septembre 2018, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a admis le recours de la poursuivante, annulé ce jugement et levé définitivement l'opposition de la poursuivie. 
 
D.   
Par mémoire du 23 octobre 2018, la poursuivie exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral; elle conclut au rejet de la requête de mainlevée définitive. 
Invitées à présenter des observations, la cour cantonale s'en rapporte à justice, alors que l'intimée propose le rejet du recours. 
Les parties ont procédé à un échange ultérieur d'écritures, tout en maintenant leurs conclusions. 
 
E.   
Par ordonnance présidentielle du 12 novembre 2018, l'effet suspensif a été attribué au recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours a été déposé en temps utile ( art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale ( art. 90 LTF) prise par un tribunal supérieur ayant statué sur recours ( art. 75 al. 1 et 2 LTF) en matière d' exequatur d'un jugement étranger à l'occasion d'une procédure de mainlevée définitive d'opposition (art. 72 al. 2 let. aet let. b ch. 1LTF, en relation avec les art. 81 al. 3 LP et 38 ss CL -2007; ATF 143 III 404 consid. 5.2.1, avec les références citées). La valeur litigieuse atteint le seuil légal ( art. 74 al. 1 let. b LTF). La poursuivie, qui a succombé devant la juridiction précédente et a un intérêt digne de protection à la modification de la décision attaquée, a qualité pour recourir ( art. 76 al. 1 LTF).  
 
1.2. La décision statuant sur la mainlevée définitive de l'opposition et, de manière incidente sur l'exequatur d'un jugement étranger, ne porte pas sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 135 III 670 consid. 1.3.2 et les références), en sorte que la cognition de la Cour de céans n'est pas restreinte à l'arbitraire. Toutefois, la présente contestation étant de nature pécuniaire, la partie recourante n'est pas admise à se plaindre d'une fausse application du droit étranger (art. 96 let. b LTFa contrario); sur ce point, la décision ne peut être attaquée que pour violation de l'art. 9 Cst., à savoir pour application arbitraire du droit étranger (ATF 138 III 489 consid. 4.3 et les arrêts cités).  
 
1.3. Abstraction faite de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF; ATF 141 I 36 consid. 1.3), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est toutefois lié ni par les moyens des parties, ni par les motifs de l'autorité précédente; en particulier, il peut rejeter le recours en procédant à une substitution de motifs (ATF 145 IV 228 consid. 2.1; 143 V 19 consid. 2.3).  
 
2.  
 
2.1. Selon l'art. 81 al. 1 LP - applicable à tous les titres de mainlevée définitive (ABBET,  in : La mainlevée de l'opposition, 2017, p. 69/70 n° 3, avec les citations) -, lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire, le juge prononce la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou encore qu'il ne se prévale de la prescription. Par «extinction de la dette», la loi ne vise pas seulement le paiement, mais aussi toute autre cause de droit civil, notamment la compensation (ATF 136 III 624 consid. 4.2.1, avec la jurisprudence citée). Le Tribunal fédéral a cependant précisé que le poursuivi ne peut se prévaloir que de l'extinction de la dette survenue «postérieurement au jugement valant titre de mainlevée»; celle qui est intervenue avant ou durant la procédure au fond ne peut être prise en considération, sauf à attribuer au juge de la mainlevée la compétence d'examiner matériellement l'obligation de payer, qui n'appartient qu'au juge du fond (ATF 138 III 583 consid. 6.1.2 et la jurisprudence citée; arrêt 5D_8/2019 du 24 juin 2019 consid. 3.2.2; pour la doctrine, parmi d'autres: ABBET, op. cit., p. 70 n° 4; STAEHELIN,  in : Basler Kommentar, SchKG I, 2e éd., 2010, n° 5 ad art. 81 LP; VOCK,  in : Kurzkommentar SchKG, 2e éd., 2014, n° 2 ad art. 81 LP, avec les références citées par ces auteurs). Cette condition ne relève pas des traités internationaux relatifs à la reconnaissance et à l'exécution des jugements étrangers, mais de la  lex  fori suisse (ATF 105 Ib 37 consid. 4c; arrêt 5P.514/2006 du 13 avril 2007 consid. 3.1).  
 
2.2. En l'espèce, il ressort des constatations de la juridiction cantonale (art. 105 al. 1 LTF) que la créance opposée en compensation se fonde sur des sentences arbitrales rendues  avant le jugement dont est issue la créance de l'intimée. La recourante n'établit pas qu'il ne lui était pas possible, à teneur de la procédure applicable (  cf. STAEHELIN, loc. cit.; ABBET, op. cit., p. 73 n° 14, avec les citations), de déduire sa prétention dans la procédure française sur le fond, point qu'il n'appartient pas à la Cour de céans de rechercher d'office (art. 106 al. 2 LTFcfsupra, consid. 1.2).  
 
2.3. La recourante n'est toutefois pas définitivement forclose. Comme le jugement de mainlevée n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée (ATF 136 III 583 consid. 2.3; 100 III 48 consid. 3, avec les citations), le poursuivi dont l'opposition a été définitivement levée peut renouveler dans l'action en annulation de la poursuite prévue par l'art. 85a LP les moyens - en l'espèce la compensation - que le juge de la mainlevée a écartés (arrêt 5P.283/2002 du 16 octobre 2002 consid. 2.1.2).  
 
3.   
Vu ce qui précède, le présent recours doit être rejeté (par substitution de motifs), avec suite de frais et dépens à la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1; art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Une indemnité de 8'000 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile. 
 
 
Lausanne, le 25 octobre 2019 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
Le Greffier : Braconi