Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_392/2022  
 
 
Arrêt du 26 octobre 2022  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Heine et Abrecht. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Robert Assaël, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
1. Conseil administratif de la Ville de Genève, 
Palais Eynard, rue de la Croix-Rouge 4, 
1204 Genève, 
2. B.________, 
intimés. 
 
Objet 
Droit de la fonction publique (récusation), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 3 mai 2022 (A/986/2022-FPUBL ATA/461/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, née en 1974, a été engagée le 1 er juillet 2014 comme cheffe d'unité au sein du Service C.________ de la Ville de Genève (ci-après: la Ville). Le 18 novembre 2015, elle a été nommée au poste de directrice du Département D.________ avec effet au 1 er février 2016.  
Par décision du 2 mars 2022, le Conseil administratif de la Ville a ouvert une enquête administrative, qu'il a confiée à l'avocat B.________, contre A.________; à titre de mesures provisionnelles, il a confirmé la suspension de l'intéressée, prononcée le 19 janvier 2022, jusqu'au prononcé d'une éventuelle sanction ou d'un licenciement. A.________ a recouru contre cette décision auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Chambre administrative). 
Le 7 mars 2022, l'employée a sollicité la récusation de B.________, au motif d'un rapport de proximité entre son conseil et le prénommé pouvant donner l'apparence d'une partialité. Par décision du 18 mars 2022, le Conseil administratif a rejeté cette demande de récusation. 
 
B.  
Saisie d'un recours contre la décision du 18 mars 2022, la Chambre administrative a invité B.________ à se déterminer par écrit sur la requête de récusation le visant. Le 1 er avril 2022, celui-ci a répondu en substance qu'il ne discernait pas quelles circonstances pourraient donner l'apparence d'une partialité de sa part. Par arrêt du 3 mai 2022, la cour cantonale a rejeté le recours.  
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens que B.________ soit récusé. A titre de mesures provisionnelles, elle conclut à l'annulation d'une audience prévue le 16 juin 2022, consacrée notamment à l'audition des parties par B.________. 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
D.  
Par ordonnance du 15 juin 2022, le juge instructeur a rejeté la requête de mesures provisionnelles. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 333 consid. 1; 146 IV 185 consid. 2; 144 II 184 consid. 1). 
 
1.1. En vertu de l'art. 83 let. g LTF, la voie du recours en matière de droit public n'est pas ouverte contre les décisions en matière de rapports de travail de droit public qui concernent une contestation non pécuniaire, sauf si elles touchent à la question de l'égalité des sexes. En l'occurrence, la recourante, qui est liée à la Ville par des rapports de travail de droit public, conteste le rejet d'une requête de récusation de l'enquêteur désigné pour mener une enquête administrative à son encontre. Quand bien même l'enquête administrative pourrait au final déboucher sur un licenciement, la décision présentement entreprise ne semble pas concerner une contestation de nature pécuniaire, de sorte que la voie du recours de droit public ne paraît pas ouverte (cf. arrêt 8D_1/2021 du 4 novembre 2021 consid. 1.1 et la référence). Seule la voie du recours constitutionnel subsidiaire (cf. art. 113 ss LTF) paraît dès lors ouverte en l'espèce. La question peut toutefois rester indécise dans la mesure où la qualification exacte du recours déposé céans n'a pas d'incidence sur sa recevabilité ni sur le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral puisque la problématique se limite à l'examen de droits constitutionnels (cf. arrêt 8D_1/2021 précité consid. 1.1 et les références).  
 
1.2. Pour le reste, le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 et 117 LTF), dans les formes prescrites par la loi (art. 42 LTF), contre une décision prise par un tribunal qui a statué sur recours en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et 114 LTF). L'arrêt attaqué porte sur une demande de récusation et peut donc faire l'objet d'un recours immédiat quand bien même il ne met pas fin à la procédure (art. 90 et 92 al. 1 LTF). Il y a dès lors lieu d'entrer en matière sur le recours.  
 
2.  
 
2.1. La garantie minimale d'un tribunal indépendant et impartial, telle qu'elle résulte des art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, permet de demander la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité. Elle vise à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du juge est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Cependant, seules les circonstances objectivement constatées doivent être prises en considération; les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 147 III 379 consid. 2.3.1; 147 III 89 consid. 4.1; 144 I 159 consid. 4.3).  
 
2.2. Pour les autorités non judiciaires, l'art. 30 al. 1 Cst. et l'art. 6 par. 1 CEDH ne s'appliquent pas. En revanche, on déduit la garantie d'un traitement équitable et l'exigence d'impartialité de l'art. 29 al. 1 Cst., qui dispose que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement. Dans sa substance, la garantie d'impartialité impose tant au juge qu'à l'autorité administrative qu'ils ne se soient pas déjà déterminés sur les faits à apprécier. Les exigences qui valent pour les tribunaux ne se transposent toutefois pas telles quelles dans la procédure administrative. Ce sont justement les impondérables liés au système de la procédure interne à l'administration qui ont conduit à la création d'instances judiciaires indépendantes (ATF 140 I 326 consid. 5.2 et les références; arrêt 1C_44/2019 du 29 mai 2019 consid. 4.2).  
En d'autres termes, les dispositions sur la récusation sont, en principe, moins sévères pour les membres des autorités administratives et gouvernementales que pour les autorités judiciaires (ATF 140 I 326 consid. 5.2; 137 II 431 consid. 5.2). Contrairement à l'art. 30 al. 1 Cst., qui ne concerne que les procédures judiciaires, l'art. 29 al. 1 Cst. n'impose en effet pas l'indépendance et l'impartialité comme maxime d'organisation d'autorités gouvernementales, administratives ou de gestion et n'offre pas, dans ce contexte, une garantie équivalente à celle applicable aux tribunaux (ATF 125 I 119 consid. 3f, 209 consid. 8a; arrêt 1C_44/2019 consid. 4.2 précité). Comme pour la récusation des juges (cf. arrêt 1P.742/1999 du 15 février 2000 consid. 2b), l'apparence de partialité peut découler d'un comportement déterminé d'un membre de l'autorité ou de circonstances de nature fonctionnelle ou organisationnelle (ATF 147 I 173 consid. 5.1; 142 III 732 consid. 4.2.2). Cependant, les demandes de récusation dirigées contre des personnes qui participent à une décision administrative par une activité de conseil ou d'instruction ne doivent pas être admises à la légère; les circonstances faisant redouter une apparence de partialité doivent être examinées concrètement dans chaque cas d'espèce, en tenant compte de la fonction et de l'organisation de l'autorité administrative (ATF 137 II 431 consid. 5.2 et les références). 
 
2.3. Sur le plan cantonal, l'art. 15 al. 1 de la loi cantonale genevoise sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA; RS/GE E 5 10) dispose que les membres des autorités administratives appelés à rendre ou à préparer une décision doivent se récuser s'ils ont un intérêt personnel dans l'affaire (let. a), s'ils sont parents ou alliés d'une partie en ligne directe ou jusqu'au troisième degré inclusivement en ligne collatérale ou s'ils sont unis par mariage, fiançailles, par partenariat enregistré ou mènent de fait une vie de couple (let. b), s'ils représentent une partie ou ont agi pour une partie dans la même affaire (let. c) ou s'il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité (let. d).  
 
3.  
Par appréciation anticipée des preuves, les juges cantonaux ont rejeté la requête de la recourante tendant à l'audition de l'enquêteur. Relevant que celui-ci s'était déterminé par écrit le 1 er avril 2022 sur le motif de récusation invoqué par la recourante et que cette dernière n'avait pas avancé d'éléments de fait susceptibles d'être instruits davantage, ils ont estimé qu'ils disposaient d'un dossier complet leur permettant de statuer en toute connaissance de cause. Au fond, les premiers juges ont constaté que la recourante se prévalait d'un "rapport de proximité" qui "pourrait donner l'apparence d'une partialité" entre son conseil et l'enquêteur. Elle ne précisait toutefois pas la nature du rapport de proximité, se limitant à indiquer qu'il ne s'agissait pas de rapports de voisinage, d'études ou nés lors d'obligations militaires communes ou à l'occasion de contacts réguliers dans un cadre professionnel. Ce faisant, elle n'exposait pas en quoi l'enquêteur se serait trouvé concrètement dans un cas de récusation au sens de l'art. 15 al. 1 let. d LPA. En outre, le secret professionnel de son conseil ne l'empêchait pas de se prévaloir de faits à l'appui de sa requête de récusation tout en préservant l'éventuel anonymat des personnes impliquées. Enfin, l'enquêteur avait indiqué qu'il ne discernait pas quelles circonstances auraient pu donner l'apparence d'une partialité et il n'y avait pas de raison objective de douter de cette affirmation.  
 
4.  
 
4.1. Se plaignant d'une violation de l'art. 29 al. 2 Cst., la recourante reproche à l'instance précédente d'avoir versé dans l'arbitraire en rejetant sa requête tendant à l'audition de l'enquêteur. La réponse écrite de celui-ci serait insuffisante, dès lors qu'il n'aurait pas précisé quel était le rapport de proximité qu'il entretenait avec le mandataire de la recourante. Celle-ci soutient par ailleurs avoir fourni des éléments susceptibles d'être instruits par les juges cantonaux en faisant état d'un rapport de proximité - sans pouvoir en dire plus en raison du secret professionnel - entre son conseil et l'enquêteur.  
 
4.2. Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. ne comprend pas le droit d'être entendu oralement ni celui d'obtenir l'audition de témoins. En effet, l'autorité peut mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1; 134 I 140 consid. 5.3). Le refus d'une mesure probatoire par appréciation anticipée des preuves ne peut être remis en cause devant le Tribunal fédéral qu'en invoquant l'arbitraire (art. 9 Cst.) de manière claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 III 73 consid. 5.2.2; 144 II 427 consid. 3.1.3; 138 III 374 consid. 4.3.2).  
 
4.3. La cour cantonale a invité l'enquêteur à se déterminer par écrit sur la requête de récusation formée par la recourante à son endroit, en lui communiquant la requête de cette dernière du 7 mars 2022. En connaissance du motif de récusation invoqué - à savoir un rapport de proximité indéterminé entre lui-même et le mandataire de la recourante -, il a assuré ne discerner aucune circonstance pouvant donner l'apparence d'une partialité au sens de l'art. 15 al. 1 let. d LPA, en précisant que son enquête serait conduite avec diligence et impartialité. Au vu de cette prise de position sans ambiguïté et du refus de la recourante de donner plus de précisions quant à la nature du prétendu rapport de proximité en question, on ne voit pas en quoi l'audition de l'enquêteur par le tribunal cantonal aurait permis d'obtenir des éléments supplémentaires susceptibles d'aboutir à une appréciation différente de la situation. C'est ainsi sans arbitraire que les premiers juges ont rejeté la requête de la recourante tendant à l'audition de l'enquêteur, de sorte que le grief doit être rejeté. Pour le reste, la recourante ne se plaint pas d'une violation de l'art. 29 al. 1 Cst. (cf. consid. 2.2) ou de l'art. 15 al. 1 LPA (cf. consid. 2.3 supra en lien avec l'art. 106 al. 2 LTF) ni d'une violation d'autres droits constitutionnels, de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'écarter de l'appréciation de l'autorité précédente selon laquelle le motif allégué n'est pas suffisant pour retenir une apparence de partialité de la part de l'enquêteur. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté.  
 
5.  
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative. 
 
 
Lucerne, le 26 octobre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Ourny