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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
2C_845/2020  
 
 
Arrêt du 27 avril 2021  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux 
Seiler, Président, Aubry Girardin et Hänni. 
Greffier : M. Jeannerat. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Aliasghar Kanani, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée, Schwarztorstrasse 50, 3003 Berne. 
 
Objet 
Taxe sur la valeur ajoutée (2011 à 2014; diminution de la contre-prestation imposable), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 7 septembre 2020 (A-6249/2018). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. La société A.________ SA, sise à Satigny, dans le canton de Genève, et ayant pour but l'exploitation d'une entreprise générale de construction, est inscrite au registre des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) depuis le 1 er janvier 1999. Jusqu'en 2015, B.________ - depuis lors décédé - en était l'administrateur unique.  
 
A.b. En date du 13 mars 2012, la société A.________ SA a conclu un contrat d'entreprise générale avec la société C.________ SA qui portait sur l'étude et la réalisation d'un immeuble à Carouge, à la rue D.________. Il y était notamment stipulé que la société A.________ SA réaliserait l'ouvrage à livre ouvert avec un prix plafond fixé à 9'100'000 fr., TVA incluse.  
 
A.c. Un crédit de construction s'élevant à 11'500'000 fr. a été contracté le 25 novembre 2013 auprès de la Banque cantonale de Genève par la société C.________ SA et son administrateur unique, E.________, ainsi que par B.________ et F.________. Entre le 12 décembre 2013 et le 7 octobre 2014, des acomptes d'un montant total de 8'084'646 fr. 51 ont été versés par débit dudit compte à la société A.________ SA pour la construction de l'immeuble de Carouge mentionné ci-avant. Après chaque virement, la société d'entreprise générale a émis des notes de crédit sur acompte à l'attention de E.________, B.________, F.________ et C.________ SA et a procédé à des versements correspondants - pour un total de 3'868'000 fr. - sur un compte détenu auprès de la banque UBS par les trois premiers cités. Elle a par ailleurs porté un montant de 3'544'444 fr. 45 en déduction de son chiffre d'affaires.  
 
A.d. En date du 26 septembre 2014, un contrat de courtage immobilier a été conclu pour le nouvel immeuble construit à la rue D.________ à Carouge. Ce contrat mentionnait comme mandants la société C.________ SA, F.________ et B.________.  
 
B.  
 
B.a. En mai 2016, l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'AFC) a effectué un contrôle des décomptes TVA de la société A.________ SA portant sur une période allant du 1er trimestre 2011 au 4e trimestre 2014. A la suite de ce contrôle, elle a, en date du 12 mai 2017, adressé à la société précitée une notification d'estimation fixant le montant de ses différentes créances de TVA pour les années 2011 à 2014, aboutissant à une correction de l'impôt en sa faveur de 409'241 fr. (cf. art. 105 al. 2 LTF).  
 
B.b. Par courrier du 29 mai 2017, A.________ SA a contesté devant l'AFC plusieurs points de la reprise fiscale susmentionnée. En particulier, elle a fait valoir que les notes de crédit émises dans le cadre de la construction de l'immeuble de Carouge avaient diminué la valeur de la contre-prestation obtenue pour ce travail d'entreprise générale, de sorte que son chiffre d'affaires devait être réduit en conséquence.  
Par décision du 23 avril 2018, l'AFC a refusé de considérer les virements effectués sur la base desdites notes de crédit comme des diminutions de la contre-prestation. Elle a en revanche admis la contestation sur les autres points et réduit le montant de la correction d'impôt pour les périodes fiscales contrôlées à 337'786 fr. (cf. art. 105 al. 2 LTF). 
 
B.c. Statuant sur réclamation de la société A.________ SA, l'AFC a confirmé la décision précitée en date du 28 septembre 2018.  
 
B.d. A.________ SA a recouru auprès du Tribunal administratif fédéral contre la décision sur réclamation de l'AFC, concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision. Elle prétendait que la société simple dénommée "G.________" serait la destinataire réelle des prestations de construction effectuées en lien avec l'immeuble de Carouge et que les versements opérés en sa faveur correspondraient à des remboursements d'acomptes diminuant le prix de l'ouvrage.  
Durant l'instruction, le Tribunal administratif fédéral a, par lettre du 30 juin 2020, demandé à E.________ de produire divers documents. Par courrier du 1er septembre 2020, l'intéressé a fourni des états financiers relatifs aux années 2012, 2014 et 2015 intitulés "D.________ - B.________ - F.________ - E.________". 
Par arrêt du 7 septembre 2020, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours de A.________ SA. 
 
C.   
La société A.________ SA (ci-après: la recourante) dépose un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 7 septembre 2020. Elle conclut principalement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'instance précédente, afin de pouvoir exercer son droit d'être entendue sur les pièces qui ne lui ont pas été soumises et dans le but que le Tribunal administratif fédéral procède à une instruction complémentaire des preuves avant de rendre une nouvelle décision. Subsidiairement, elle demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué ainsi que la "décision de l'AFC du 28 avril 2018" (recte: la décision du 23 avril 2018 ou la décision sur réclamation du 28 septembre 2018). 
Le Tribunal administratif a renoncé à déposer des observations sur le recours, se référant intégralement à l'arrêt attaqué. L'AFC a répondu au recours, concluant à son rejet. 
La recourante a répliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
L'arrêt entrepris, qui concerne le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), a été rendu par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) qui ne tombe sous le coup d'aucune exception figurant à l'art. 83 LTF. Il s'ensuit que la voie du recours en matière de droit public est en principe ouverte. 
Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF) par la société destinataire de l'arrêt attaqué qui, sous cet angle, a qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Il est donc recevable. 
 
2.   
Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu (ATF 132 V 387 consid. 5.1), la recourante, citant l'art. 29 al. 2 Cst., se plaint d'une violation de son droit d'être entendue. Elle reproche au Tribunal administratif fédéral d'avoir requis la production d'un certain nombre de documents de la part d'une personne tierce à la procédure, soit E.________, et de s'être ensuite partiellement fondé sur ces pièces pour rendre l'arrêt entrepris, sans l'informer cependant de leur versement au dossier, ni lui donner l'occasion de se déterminer sur leur contenu. 
 
2.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., garantit au justiciable, notamment, le droit de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision touchant sa situation juridique ne soit prise, d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 et les références). Dans cette optique, toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 139 I 189 consid. 3.2 et les références citées).  
 
2.2. Garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références). Une violation du droit d'être entendu commise en lien avec l'administration des preuves et l'établissement des faits ne peut en tous les cas pas être réparée devant le Tribunal fédéral dès lors que son pouvoir d'examen est moins étendu sur ces points que celui des instances précédentes (cf. art. 105 al. 1 LTF; ATF 138 II 77 consid. 4; 137 I 195 consid. 2.3.2; 135 I 279 consid. 2.6.1).  
 
2.3. Sur le fond, le présent litige concerne une correction d'impôt de 337'786 fr. que l'AFC réclame à la recourante au titre de la TVA pour les années 2011 à 2014 en lien, notamment, avec la réalisation d'un immeuble à Carouge. Devant le Tribunal administratif fédéral, la recourante reprochait à l'AFC de n'avoir pas admis qu'elle avait effectué des remboursements au maître d'ouvrage, lesquels avaient eu pour effet de diminuer le prix final de la construction précitée et, partant, la valeur de la contre-prestation obtenue pour l'ouvrage livré. Or, il ressort de l'arrêt attaqué que, pour trancher un tel grief, qui impliquait, notamment, d'établir l'identité exacte du maître d'ouvrage et des destinataires des remboursements allégués par la recourante, ainsi que le montant des différentes factures établies par celle-ci pour la réalisation de l'immeuble, l'autorité précédente a, par lettre du 30 juin 2020, requis la production de divers documents de la part de E.________, qui n'est autre que l'ancien administrateur de la société ayant formellement conclu le contrat d'entreprise en cause. L'intéressé a transmis en date du 1er septembre 2020 une partie des documents demandés, soit uniquement des états financiers intitulés "D.________ - B.________ - F.________ - E.________" relatifs aux années 2012, 2014 et 2015, tout en déclarant qu'il ne disposait pas des autres pièces requises ou que ces dernières n'existaient tout simplement pas (cf. art. 105 al. 2 LTF).  
 
2.4. En l'occurrence, il ne ressort ni de l'arrêt attaqué ni du dossier de la cause que le Tribunal administratif fédéral aurait informé les parties à la procédure de la production des pièces susmentionnées avant de rendre l'arrêt attaqué. Le fait que celui-ci ait été rendu quelques jours seulement après la réception du courrier de E.________ par le tribunal et qu'il ait été notifié aux parties en même temps qu'une copie de ce même courrier - comme le précise expressément son dispositif - démontre le contraire, à savoir que la recourante n'a pas été prévenue du versement de nouveaux documents au dossier avant la clôture de la procédure et qu'elle n'a dès lors pas eu l'occasion de s'exprimer à leur propos devant l'instance précédente. Invité à se déterminer en la cause, le Tribunal administratif fédéral n'a du reste pas contesté les différentes allégations que la recourante formule en lien avec son grief de violation du droit d'être entendue. Il convient ainsi de retenir que cette dernière n'a effectivement eu connaissance du versement du courrier de E.________ et des nouvelles pièces au dossier qu'à la lecture de l'arrêt attaqué.  
 
2.5. Or, il n'est pas possible de dire que ce courrier et ses annexes - dont la production avait été requise par la recourante avant d'être ordonnée par l'autorité précédente - n'ont assurément pas influé sur la décision à rendre, ni de retenir qu'une prise de position de l'intéressée à leur propos n'aurait de toute façon pas pu revêtir une quelconque pertinence en la cause. Dans son arrêt, le Tribunal administratif fédéral s'est au contraire expressément référé aux différents documents produits par E.________ pour nier l'existence d'un lien suffisant entre les versements opérés par la recourante sur le compte bancaire commun de E.________, de B.________ et de F.________ et la construction de l'immeuble de Carouge et, partant, refuser de réévaluer la contre-prestation obtenue par l'intéressée pour son travail d'entreprise générale au sens de la LTVA (cf. arrêt attaqué, consid. 3.2.2). Le simple fait que les juges ne se soient pas uniquement fondés sur ces pièces pour étayer leur raisonnement n'enlève rien au fait que ces dernières ont été effectivement utilisées, et ce au détriment de la recourante, ce qui prouve leur pertinence pour l'issue du litige. A cet égard, on peut également supposer que l'intéressée aurait défendu une autre lecture des quelques pièces remises par E.________ si elle avait eu l'occasion de se prononcer sur celles-ci, comme elle le fait d'ailleurs dans son recours au Tribunal fédéral, et qu'elle aurait peut-être proposé de nouvelles réquisitions de preuves appelées à soutenir sa cause compte tenu du caractère incomplet des documents remis, comme elle le prétend aussi dans ses écritures.  
 
2.6. Il découle de ce qui précède que le Tribunal administratif fédéral aurait dû communiquer à la recourante les documents transmis par E.________ en date du 1er septembre 2020, afin que l'intéressée ait la possibilité de se déterminer à leur sujet compte tenu de leur pertinence pour l'issue du litige, ce qu'il n'a toutefois pas fait. En omettant totalement d'informer l'intéressée du versement de ces pièces au dossier, l'autorité précédente a clairement violé le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. Ce vice de procédure ne peut par ailleurs pas être réparé par le Tribunal fédéral, qui ne revoit pas les faits ni apprécie librement les preuves (cf. supra consid. 2.2).  
 
3.   
La violation du droit d'être entendu constatée entraîne l'annulation de l'arrêt attaqué, compte tenu de la nature formelle de cette garantie procédurale, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés dans le recours et, partant, les chances de succès de celui-ci sur le fond (cf. supra consid. 2.2). La cause doit être renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle laisse à la recourante la possibilité de se prononcer sur les pièces produites par E.________ en date du 1er septembre 2020 et prenne en compte les éventuelles explications fournies dans ce cadre par l'intéressée avant de rendre une nouvelle décision. 
 
4.   
L'AFC, qui succombe et défend un intérêt patrimonial, supportera les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 et 4 LTF). La recourante, qui obtient gain de cause avec l'aide d'un mandataire professionnel, a droit à des dépens à la charge de l'AFC (cf. art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis et l'arrêt rendu le 7 septembre 2020 par le Tribunal administratif fédéral est annulé. La cause est renvoyée à cette autorité pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de l'Administration fédérale des contributions. 
 
3.   
L'Administration fédérale des contributions versera à la recourante la somme de 7'000 fr., à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à l'Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée, et au Tribunal administratif fédéral, Cour I. 
 
 
Lausanne, le 27 avril 2021 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Seiler 
 
Le Greffier : Jeannerat