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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
2C_986/2017  
 
 
Arrêt du 28 juin 2018  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président, 
Zünd, Aubry Girardin, Donzallaz et Stadelmann. 
Greffier: M. Tissot-Daguette. 
 
Participants à la procédure 
A.X.________ et B.X.________, 
représentés par Me Michel Lambelet, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Administration fiscale cantonale de la République 
et canton de Genève. 
 
Objet 
Impôt fédéral direct et impôts cantonal et communal 2010 et 2011, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 10 octobre 2017 (ATA/1384/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.   
B.X.________ et A.X.________ sont domiciliés dans le canton de Genève. B.X.________, qui exerce une activité indépendante de physiothérapeute, est seule héritière de feu son père, décédé le 5 novembre 2005, la veuve de celui-ci ayant répudié la succession. Le défunt exploitait un cabinet d'architecte et était actif dans le domaine immobilier. Pour les périodes fiscales 2002 à 2005, l'Administration fiscale cantonale de la République et canton de Genève (ci-après: l'Administration fiscale) a taxé le défunt sur un revenu nul en raison des pertes subies dans son activité indépendante (pertes de 150'332 fr. en 2002, de 507'501 fr. en 2003, de 231'411 fr. en 2004 et de 330'702 fr. en 2005). A la suite du décès de son père, B.X.________ a poursuivi l'activité indépendante de ce dernier dès l'année 2006 en reprenant ses comptes commerciaux. 
Dans leurs déclarations fiscales 2006 à 2008, les époux X.________ ont fait valoir en déduction de leurs revenus les pertes subies par le père de l'intéressée. L'Administration fiscale a refusé de prendre en considération ce report de pertes, mais a tenu compte des actifs et passifs de la succession dans la détermination de la fortune imposable du couple. Elle a rejeté les réclamations élevées par les intéressés, faute d'intérêt actuel, leurs revenus imposables pour ces années étant nuls, même sans prendre en compte les pertes de l'activité du défunt. Pour l'année fiscale 2009, l'Administration fiscale, sur réclamation, a ramené le revenu imposable des époux à 0 fr., admettant la déduction des pertes commerciales des exercices 2006 à 2008 de l'activité indépendante de l'intéressée. Ce montant de revenu imposable a été confirmé sur recours par le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif de première instance) le 31 mars 2014. Celui-ci a toutefois annulé les tableaux de report de pertes annexés aux décisions sur réclamation. 
Pour l'année fiscale 2010, les époux X.________ ont déclaré le revenu issu de l'activité indépendante de physiothérapeute de l'intéressée et de celle du bureau d'architecte repris en 2006, cette dernière activité faisant en particulier état d'une perte commerciale de 5'211 fr. pour l'exercice 2010 et de pertes reportées de 1'633'070 francs. Pour l'exercice 2011, les époux intéressés ont notamment déclaré des pertes non compensées de 519'569 fr. provenant de l'activité d'architecte. 
 
B.   
Par quatre bordereaux du 27 août 2014, l'Administration fiscale a taxé les contribuables pour l'impôt fédéral direct (ci-après: IFD) et les impôts cantonal et communal (ci-après: ICC) des années 2010 et 2011. Elle a admis les pertes reportées pour un montant de 97'483 fr. correspondant aux pertes subies par B.X.________, mais a refusé le report des pertes subies par feu le père de celle-ci. Les pertes admises ayant été absorbées par les revenus de l'exercice 2010, aucun report n'a été admis pour l'exercice 2011. L'Administration fiscale a rejeté les réclamations formées par les contribuables, confirmant ses quatre décisions et l'impossibilité de reporter des pertes provenant d'une succession. Les contribuables ont contesté les quatre décisions sur réclamation les 27 et 31 mars 2015 auprès du Tribunal administratif de première instance en demandant en particulier que l'ensemble des pertes du défunt héritées par sa fille soit pris en compte. Par jugement du 18 avril 2016, le Tribunal administratif de première instance a rejeté le recours quant à la possibilité de déduire B.X.________ des pertes subies par le défunt. Il l'a admis sur d'autres points qui n'ont plus été contestés par la suite. Le 30 mai 2016, les époux X.________ ont interjeté un recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) contre ce jugement. Par arrêt du 10 octobre 2017, la Cour de justice a rejeté le recours. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, B.X.________ et A.X.________ demandent en substance au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt de la Cour de justice du 10 octobre 2017 et de prendre en compte les pertes héritées de feu le père de B.X.________ dans la détermination de leur revenu imposable, aussi bien pour l'IFD que pour l'ICC des années 2010 et 2011. Ils se plaignent de violation du droit fédéral. 
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Administration fiscale conclut au rejet du recours. L'Administration fédérale des contributions se rallie au dispositif et aux considérants de l'arrêt entrepris. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF. Il est donc en principe recevable comme recours en matière de droit public s'agissant des deux catégories d'impôts (cf. art. 146 LIFD [RS 642.11], art. 73 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14]; ATF 134 II 186 consid. 1.3 p. 188 s.). Le recours a en outre été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF) par les contribuables destinataires de l'acte attaqué (art. 89 al. 1 LTF), de sorte qu'il convient d'entrer en matière. 
 
2.   
Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3 p. 156). Le recourant ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 II 355 consid. 6 p. 358). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. Les faits et les critiques invoqués de manière appellatoire sont irrecevables (ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375). Par ailleurs, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut en principe être présenté devant le Tribunal fédéral (art. 99 al. 1 LTF). 
 
3.   
 
3.1. Il ressort de l'arrêt entrepris que, dès 2006, en plus de sa précédente activité indépendante de physiothérapeute, la recourante a poursuivi, en raison individuelle, l'activité indépendante de son père décédé. Elle a repris les comptes commerciaux de celui-ci et a fait valoir des pertes issues des exercices antérieurs à 2006 en déduction de ses revenus et de ceux de son mari pour les années 2010 et 2011. Pour ces deux années fiscales, les revenus imposables du couple ont été fixés par l'Administration fiscale (sur réclamation) à 0 fr. pour l'ICC 2010, à 43'000 fr. pour l'IFD 2010, à 92'828 fr. pour l'ICC 2011 et à 149'300 fr. pour l'IFD 2011. Cette autorité a refusé de reporter des pertes subies par le père de la recourante dans l'exercice de son activité indépendante, considérants que la possibilité de reporter de telles pertes ne pouvait être héritée.  
 
3.2. Dans l'arrêt entrepris, la Cour de justice a jugé que le report des pertes invoqué par les recourants était lié à la personne du contribuable et que la seule exception permettant de déroger à cette règle, en l'occurrence celle du transfert d'une exploitation à une personne morale, n'était pas remplie en l'espèce. Elle a de ce fait confirmé la position de l'Administration fiscale et exclu de déduire du revenu des recourants les pertes subies par le père de la recourante dans l'exercice de son activité indépendante.  
 
3.3. Pour leur part, les recourants sont d'avis que le report des pertes constitue un droit ayant une valeur économique. Ils estiment en outre que, lors d'une succession, l'ensemble des actifs et des passifs passe aux héritiers, ceux-ci obtenant ainsi l'entier des biens, droits et obligations du défunt du seul fait de sa mort. Les recourants en déduisent que les droits passant aux héritiers comprennent le droit de reporter des pertes. Ils mentionnent en outre que les héritiers doivent supporter les dettes du défunt, notamment les dettes fiscales. Les recourants invoquent ainsi une violation des art. 560 CC, 12 LIFD et 11 de la loi genevoise du 27 septembre 2009 sur l'imposition des personnes physiques (LIPP/GE; RSGE D 3 08), qui traitent de l'acquisition de la succession par les héritiers, respectivement de la succession fiscale fédérale et cantonale. Les recourants se prévalent en outre des dispositions de droit fiscal introduites par la loi du 23 mars 2007 sur la réforme de l'imposition des entreprises II (RO 2008 2893; ci-après: RIE II) et en particulier de l'art. 37b LIFD, ainsi que des art. 11 et 12 de l'ordonnance du 17 février 2010 sur l'imposition des bénéfices de liquidation en cas de cessation définitive de l'activité lucrative indépendante (OIBL; RS 642.114).  
 
3.4. Le litige porte donc sur le point de savoir si, pour l'ICC et l'IFD, les recourants peuvent déduire de leurs revenus des années 2010 et 2011 les pertes de l'activité indépendante d'architecte subies antérieurement à 2006, c'est-à-dire avant que la recourante héritière reprenne cette activité de son père décédé.  
 
I.       Impôt fédéral direct  
 
4.   
 
4.1. L'impôt sur le revenu des personnes physiques a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD). Sont notamment imposables le produit de l'activité lucrative dépendante et celui de l'activité lucrative indépendante (art. 17 et 18 LIFD). Selon l'art. 25 LIFD, le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33 LIFD.  
 
4.2. Les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante (art. 18 al. 1 LIFD) peuvent ainsi notamment déduire les frais qui sont justifiés par l'usage commercial ou professionnel (art. 27 al. 1 LIFD). Font en particulier partie de ces frais les pertes effectives sur des éléments de la fortune commerciale, à condition qu'elles aient été comptabilisées (art. 27 al. 2 let. b LIFD). A ce propos, l'art. 31 al. 1 LIFD dispose que les pertes des sept exercices précédant la période fiscale (art. 40 LIFD) peuvent être déduites pour autant qu'elles n'aient pas pu être prises en considération lors du calcul du revenu imposable des années concernées. Lors des périodes 2010 et 2011 sous revue, c'est l'ancien art. 211 LIFD (RO 1991 1184) qui trouvait application, sa teneur étant matériellement semblable à celle de l'art. 31 al. 1 LIFD (arrêt 2C_189/2016 du 13 février 2017 consid. 6.3 et les références citées, in Archives 85 p. 743, RDAF 2017 II 446).  
 
4.3. Il résulte des dispositions précitées et de la jurisprudence que le report de pertes n'est possible qu'à certaines conditions (cf. arrêt 2C_189/2016 du 13 février 2017 consid. 6.4 et les références citées). Ainsi, seules les pertes provenant d'une activité lucrative indépendante peuvent être reportées. Ces pertes peuvent être compensées non seulement avec le revenu de l'activité indépendante, mais également avec d'autres revenus, comme par exemple, en cas de taxation commune (art. 9 LIFD), avec ceux de l'époux ou du partenaire enregistré. Les pertes ne sont toutefois déductibles qu'aussi longtemps que le contribuable exerce l'activité indépendante les ayant engendrées ou que si, ayant cessé cette activité indépendante, il en commence ou en poursuit une autre à la suite de la précédente. Il faut en outre que les pertes commerciales dont le report est demandé n'aient pas pu être prises en considération lors du calcul du revenu imposable des années précédentes, le contribuable ne pouvant pas          choisir à son bon vouloir le moment du report de pertes. Finalement,     
pour être prises en considération, il faut que ces pertes aient été comptabilisées. 
 
4.4. Dans son arrêt 2C_33/2009 du 27 novembre 2009 consid. 3.4, le Tribunal fédéral a rappelé qu'à compter de la période fiscale suivant celle durant laquelle l'activité indépendante a été abandonnée, le contribuable ne peut plus bénéficier du report de pertes (cf. arrêt 2C_101/2008 du 18 juin 2008 consid. 3.3). Par ailleurs, il découle de la possibilité pour le contribuable de continuer de reporter les pertes subies lorsqu'il exerce une autre activité indépendante (cf. consid. 4.3 ci-dessus), que ce report de pertes est en principe lié à la personne du contribuable exerçant une telle activité, dépendant ainsi généralement du statut d'indépendant et non de l'entreprise éventuellement exploitée. Citant la circulaire n° 5 du 1er juin 2004 de l'Administration fédérale des contributions sur les restructurations (ch. 3.2.3.3 p. 25 s.), le Tribunal fédéral a cependant relevé que la règle selon laquelle le report de pertes est lié à la personne du contribuable exerçant une activité indépendante connaît une exception dans le cas où une entreprise individuelle ou une entreprise exploitée sous la forme d'une société de personnes est transférée à une personne morale aux conditions de l'art. 19 al. 1 let. b LIFD. Dans un tel cas, le report de pertes est lié à l'entreprise transférée et non au statut d'indépendant: le report de pertes reste possible, alors que le contribuable qui, par hypothèse, est désormais employé par la personne morale à laquelle il a transféré son entreprise individuelle a perdu ce statut.  
 
4.5. Sur le vu de ce qui précède, et en particulier de la règle selon laquelle les dettes sont liées à la personne du contribuable et pas à l'entreprise indépendante, on peut retenir que le report de pertes ne passe en principe pas à l'héritier qui continue l'activité indépendante ayant généré ces pertes. A ce propos, l'autorité précédente a justement expliqué qu'il n'est en l'occurrence pas question d'un cas constituant une exception à la règle précitée. Au surplus, on mentionnera ici, comme l'a déjà fait le Tribunal fédéral dans l'arrêt 2C_33/2009 du 27 novembre 2009 consid. 3.3, que les dispositions sur le report de pertes ne doivent pas être interprétées de manière trop large, dès lors qu'elles vont à l'encontre du principe de périodicité ancré dans la loi (cf. art. 40 LIFD).  
 
5.   
Malgré les considérations qui précèdent et qui ont été justement développées par l'autorité précédente, les recourants sont d'avis qu'en application des art. 560 CC et 12 LIFD, les pertes subies par le défunt passent à ses héritiers, dans la mesure où ceux-ci continuent l'activité indépendante les ayant générées. Ils font donc implicitement valoir une autre exception au principe liant le report de pertes à la personne du contribuable. 
 
5.1. Aux termes de l'art. 8 al. 2 LIFD, l'assujettissement prend notamment fin le jour du décès du contribuable. Les héritiers d'un contribuable défunt lui succèdent dans ses droits et ses obligations. Ils répondent solidairement des impôts dus par le défunt jusqu'à concurrence de leur part héréditaire, y compris les avancements d'hoirie (art. 12 al. 1 LIFD). Il s'agit d'un cas de succession fiscale des héritiers qui intervient lors de l'acquisition de la succession au sens de l'art. 560 al. 1 CC (cf. BLUMENSTEIN/LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 7e éd. 2016, p. 91). La succession fiscale, qui n'est pas une conséquence de la succession universelle du droit privé, mais constitue un institut propre au droit fiscal (RICHNER/FREI/ KAUFMANN/MEUTER, Handkommentar zum DBG, 3e éd. 2016, n. 2 ad art. 12 LIFD), implique le transfert des droits et des obligations de procédure du défunt au jour du décès (cf. HUGUES SALOMÉ, in Commentaire romand, Impôt fédéral direct, Noël/Aubry Girardin [éd.], 2e éd. 2017, n. 3 ad art. 12 LIFD; RYSER/ROLLI, Précis de droit fiscal suisse, 4e éd. 2002, n. 16 p. 15). Elle vise ainsi à liquider les impôts dus par le défunt qui n'ont pas encore été taxés ou perçus au jour de sa mort (cf. HUNZIKER/MAYER-KNOBEL, in Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, Zweifel/Beusch [éd.], 3e éd. 2017, n. 1 ad art. 12 LIFD; PETER LOCHER, Kommentar zum DBG, I. Teil, 2001, n. 1 ad art. 12 LIFD). Cela signifie que la succession fiscale ne vise qu'à mettre un terme au rapport de droit fiscal ayant existé avec le contribuable défunt, grâce aux héritiers de celui-ci. Les héritiers sont ainsi tenus de s'acquitter des impôts dus au jour de la mort du défunt ("  Zahlungssukzession "; cf art. 12 al. 1 phr. 2 LIFD; HUNZIKER/MAYER-KNOBEL, op. cit., n. 3 ss ad art. 12 LIFD; PETER LOCHER, op. cit, n. 8 ss ad art. 12 LIFD) et d'intervenir dans les rapports fiscaux du défunt, quel que soit le stade de la procédure auquel ils se trouvent au jour du décès ("  Verfahrenssukzession "; cf. art. 12 al. 1 phr. 1 LIFD; HUNZIKER/MAYER-KNOBEL, op. cit., n. 9 ss ad art. 12 LIFD; PETER LOCHER, op. cit., n. 4 ss ad art. 12 LIFD; cf. également BLUMENSTEIN/ LOCHER, op. cit., p. 92; RICHNER/FREI/KAUFMANN/MEUTER, po. cit., n. 5 ad art. 12 LIFD; MARTIN ZWEIFEL, Die verfahrens- und steuerstrafrechtliche Stellung der Erben, in Archives 64 p. 337 ss, p. 338 s.). La succession fiscale ne crée donc pas de nouveau rapport de droit fiscal avec les héritiers (BLUMENSTEIN/LOCHER, op. cit., p. 92; MARTIN ZWEIFEL, op. cit., p. 340 s.), mais uniquement une substitution de partie.  
 
5.2. En l'occurrence, à la mort du père de la recourante en 2005, celle-ci lui a succédé dans ses droits et obligations, conformément à l'art. 12 al. 1 LIFD. L'épouse survivante ayant répudié la succession, elle n'est en revanche pas concernée par la succession fiscale (cf. PETER LOCHER, op. cit, n. 4 ad art. 12 LIFD). La recourante est donc devenue débitrice d'éventuelles anciennes dettes fiscales de feu son père, mais uniquement jusqu'à concurrence de sa part héréditaire (art. 12 al. 1 phr. 2 LIFD). Elle s'est en outre substituée à celui-ci en tant que partie dans les procédures fiscales encore pendantes, étant en particulier tenue de remplir la déclaration d'impôt 2005 du défunt (art. 12 al. 1 phr. 1 LIFD), afin de permettre la taxation de celui-ci pour cette année. Une fois cette taxation entrée en force, elle répondra du paiement de cette dette fiscale. Lors de la déclaration 2005, qui intervient dans le rapport de droit fiscal du défunt (également chapitre fiscal; "  Steuerrechtsverhältnis "), il sera possible à la recourante de déduire d'éventuelles pertes survenues dans l'activité lucrative indépendante de celui-ci, conformément à l'art. 31 LIFD (respectivement ancien art. 211 LIFD). En revanche, la recourante ne pourra pas faire valoir de droit issu du chapitre fiscal de son père décédé dans son propre chapitre fiscal, que ce soit pour 2005 ou pour les années suivantes. L'art. 12 LIFD, contrairement à ce qu'elle semble penser, ne permet pas le transfert par succession de déductions d'un rapport de droit fiscal à un autre. Le fait qu'elle continue l'activité indépendante du défunt n'y change rien. Elle hérite certes des actifs et des passifs issus de cette activité, conformément aux dispositions de droit privé, mais est taxée à titre personnel, ne pouvant faire valoir que les déductions, notamment organiques (c'est-à-dire les dépenses liées à l'acquisition du revenu), issues de son propre chapitre fiscal. Elle pourra ainsi déduire de son revenu d'éventuelles pertes issues de ses activités indépendantes exercées avant le décès de son père, mais pas des activités de ce dernier. Les références faites par les recourants à des dispositions de droit civil ne sont pas pertinentes, dans la mesure où le droit fiscal ne permet pas l'acquisition, par les héritiers, de la possibilité de faire valoir des déductions issues du rapport de droit fiscal du défunt dans leur propre rapport de droit fiscal. L'application de l'art. 12 LIFD ne saurait par conséquent créer une autre exception à la règle liant le report de pertes à la personne du contribuable.  
 
 
6.   
Les recourants, citant l'art. 127 Cst., mentionnent encore le principe de la capacité contributive et sont d'avis que le cadre légal a été modifié avec l'entrée en vigueur de la RIE II. 
 
6.1. Il est fortement douteux que la motivation des recourants relative à la violation de l'art. 127 al. 2 Cst. réponde aux conditions accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF. Quand bien même il faudrait en traiter, force serait de constater que le Tribunal fédéral a déjà jugé qu'au vu de l'importance du principe de périodicité, en raison de son ancrage dans la loi, celui-ci doit être préféré au principe de l'imposition du bénéfice total ("  Totalgewinn "; cf. arrêt 2C_33/2009 du 27 novembre 2009 consid. 3.2) lors de la mise en oeuvre du principe de l'imposition selon la capacité contributive (cf. arrêt 2C_33/2009 du 27 novembre 2009 consid. 3.3). Le principe du bénéfice total, à l'exception de la disposition relative aux restructurations, ne se rapporte d'ailleurs en règle générale qu'à un seul et unique chapitre fiscal. Par conséquent, ne pas permettre à un contribuable de déduire des pertes issues d'un rapport de droit fiscal tiers ne saurait constituer une violation du principe de l'imposition selon la capacité contributive. Associé au principe de périodicité, le principe de l'imposition selon la capacité contributive veut en effet que l'on mesure la capacité contributive lors de la période fiscale et que le contribuable soit imposé sur cette base (cf. arrêt 2C_33/2009 du 27 novembre 2009 consid. 3.2).  
 
6.2. Quant à la référence des recourants à la RIE II, la plus grande partie de cette réforme (à tout le moins celle citée par les recourants, en l'occurrence l'art. 37b LIFD) est entrée en vigueur au 1er janvier 2011 (cf. RO 2008 2893) et ne pourrait donc s'appliquer qu'à la taxation 2011, à l'exclusion de celle de 2010. En tout état de cause, l'art. 37b LIFD (de même que les art. 11 et 12 OIBL qui le concrétisent) ne concerne que le cas où les héritiers ne poursuivent pas l'exploitation de l'activité indépendante du défunt. Il n'est par conséquent pas pertinent pour la présente cause. Au demeurant, aucune des dispositions de la RIE II n'a d'incidence sur le report des pertes d'un contribuable décédé, ces dispositions ne traitant que de l'imposition des héritiers dans leur propre chapitre fiscal.  
 
7.   
Sur le vu des considérants qui précèdent, le recours doit donc être rejeté en tant qu'il concerne l'impôt fédéral direct des années 2010 et 2011. 
 
II.       Impôts cantonal et communal  
 
8.   
Les principes juridiques précités, qui concernent le report des pertes issues d'une activité lucrative indépendante, trouvent leur parallèle en matière d'ICC (cf. art. 10 al. 1 let. c et al. 2 LHID [ancien art. 67 al. 1 LHID; RO 2001 1050]; art. 30 let. f de la loi genevoise du 27 septembre 2009 sur l'imposition des personnes physiques [LIPP/GE; RSGE D 3 08]). Il en va de même quant à la succession fiscale, l'art. 11 al. 1 LIPP/GE ayant la même teneur que celle de l'art. 12 al. 1 LIFD. La jurisprudence rendue en matière d'impôt fédéral direct est donc également valable pour l'application des dispositions cantonales harmonisées correspondantes (ATF 140 II 88 consid. 10 p. 101 et les références citées). Il peut ainsi être renvoyé, s'agissant de l'ICC, à la motivation développée en matière d'IFD. Le recours doit par conséquent également être rejeté en tant qu'il concerne les impôts cantonal et communal 2010 et 2011. Au demeurant, pour 2010, les recourants on été taxés sur la base d'un revenu nul (cf. consid. 3.1 i.f. ci-dessus). 
 
9.   
Succombant, les recourants doivent supporter les frais judiciaires, solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté en tant qu'il concerne l'impôt fédéral direct. 
 
2.   
Le recours est rejeté en tant qu'il concerne les impôts cantonal et communal. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à l'Administration fiscale cantonale et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève, ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions. 
 
 
Lausanne, le 28 juin 2018 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Seiler 
 
Le Greffier : Tissot-Daguette