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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_960/2020  
 
 
Arrêt du 28 juin 2021  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Herrmann, Président, Escher et Schöbi. 
Greffier : M. Braconi. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Marc-Alec Bruttin, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________, 
représentée par Me Philippe Currat, avocat, 
intimée, 
 
Office des poursuites de Genève, 
rue du Stand 46, 1204 Genève. 
 
Objet 
opposition au séquestre, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour 
de justice du canton de Genève du 9 octobre 2020 
(C/20838/2019 ACJC/1436/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par acte déposé le 18 septembre 2019, B.________ a requis le séquestre des avoirs de A.________ à concurrence de 179'286 fr. 45 ( i.e. 592'800 fr., sous déduction de 413'513 fr. 55); cette somme est réclamée à titre d'arriérés de contributions d'entretien pour la période du 3 juin 2016 au 31 août 2019. La requérante se fonde sur une ordonnance de mesures provisionnelles prise le 14 août 2019 par le Tribunal de première instance de Genève, invoquant ainsi le cas de séquestre prévu à l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP.  
Par jugement du 20 septembre 2019, le Tribunal de première instance de Genève a débouté la requérante; il a considéré que l'ordonnance de mesures provisionnelles - frappée d'appel - n'était pas exécutoire, en sorte qu'elle ne constituait pas un titre de mainlevée définitive au sens de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP. Le 18 décembre 2019, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a annulé cette décision; elle a retenu que l'ordonnance en question était bien exécutoire, dès lors que l'effet suspensif n'avait pas été octroyé. Statuant le 20 décembre 2019, le Tribunal de première instance a ordonné le séquestre requis. 
 
B.  
Le 4 février 2020, le débiteur séquestré a formé opposition, concluant à la révocation de l'ordonnance de séquestre et à la levée de celui-ci. 
Par jugement du 26 mai 2020, le Tribunal de première instance a rejeté l'opposition. Par arrêt du 9 octobre 2020, la Chambre civile de la Cour de justice l'a partiellement admise, confirmé le séquestre à hauteur de 178'273 fr. 15 et ordonné sa levée pour le surplus. 
 
C.  
Par acte expédié le 13 novembre 2020, le débiteur séquestré interjette un recours en matière civile au Tribunal fédéral; sur le fond, il conclut à la révocation de l'ordonnance de séquestre et à la levée immédiate de cette mesure, avec suite de frais et dépens. 
Invitées à se déterminer sur le fond, la juridiction précédente se réfère aux considérants de son arrêt, alors que l'intimée propose le rejet du recours. Les parties ont procédé à un ultérieur échange d'écritures. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de poursuite pour dettes (art. 72 al. 2 let. a LTF, en relation avec l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP) par une autorité cantonale de dernière instance ayant statué sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF). La valeur litigieuse est atteinte (art. 74 al. 1 let. b LTF, en relation avec l'art. 51 al. 1 let. a LTF). Le débiteur séquestré, qui a succombé devant l'autorité précédente et possède un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'arrêt déféré, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). 
 
2.  
Dans sa réplique, le recourant fait état d'un jugement du Tribunal de première instance de Genève du 6 avril 2021, déniant à l'ordonnance invoquée par l'intimée ( cf. supra, let. A) la valeur d'un titre justifiant la mainlevée définitive de l'opposition. Postérieure à l'arrêt entrepris, cette pièce est d'emblée irrecevable (ATF 143 V 19 consid. 1.2).  
 
3.  
La décision sur opposition au séquestre rendue par l'autorité judiciaire supérieure (art. 278 al. 3 LP) porte sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 135 III 232 consid. 1.2; arrêt 5A_593/2020 du 17 février 2021 consid. 2), de sorte que la partie recourante ne peut dénoncer qu'une violation de ses droits constitutionnels (ATF 134 II 349 consid. 3; 133 III 638 consid. 2). 
Saisi d'un recours fondé sur l'art. 98 LTF, le Tribunal fédéral ne revoit que sous l'angle limité de l'arbitraire l'application du droit fédéral. Une décision est arbitraire et viole l'art. 9 Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et incontesté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une solution différente paraisse concevable, voire préférable; pour qu'une telle décision soit censurée, encore faut-il qu'elle soit arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 144 I 113 consid. 7.1 et 170 consid. 7.3, avec les arrêts cités). 
 
4.  
 
4.1. La juridiction précédente a confirmé que l'ordonnance de mesures provisionnelles invoquée par l'intimée était exécutoire, dès lors que le recourant n'avait pas sollicité l'effet suspensif à l'appel interjeté contre cette décision, de sorte qu'elle valait bien titre de mainlevée définitive, indépendamment de son " entrée en force de chose jugée formelle ". Il n'y a pas lieu, à cet égard, de revenir sur l'arrêt du 18 décembre 2019, désormais définitif ( cf. supra, let. A); celui-ci a été rendu dans le cadre d'un recours interjeté contre le refus du séquestre, procédure à laquelle le débiteur séquestré ne participe pas, sans que l'on puisse retenir une violation de son droit d'être entendu.  
Après avoir rappelé qu'un titre à la mainlevée définitive doit comporter une condamnation à payer une somme d'argent déterminée, l'autorité précédente a considéré que cette condition était remplie. L'ordonnance sur laquelle se fonde l'intimée condamne le recourant à s'acquitter de contributions d'entretien dès le 3 juin 2016, qui sont dûment chiffrées (15'200 fr. [12'200 fr. + 3'000 fr.], sur une période de 38 mois). Quoi qu'en dise l'intéressé, le premier juge a précisé les montants à porter en déduction des pensions; certes, ils ne ressortent pas du dispositif, mais des motifs. En effet, ce magistrat a retenu, d'une part, que le loyer de l'intimée (7'060 fr. par mois) avait été payé par le recourant depuis le 3 juin 2016, ce qui correspond à 268'280 fr. (7'060 fr. x 38 mois), et, d'autre part, qu'il avait versé 33'380 fr. ( recte : 33'480 fr.) en mains de l'intimée, entre le 1er décembre 2017 et le 31 octobre 2018, ainsi que 31'800 fr. en 2016 et 1080 fr. 80 ( recte : 1'000 fr. 80) pour des primes d'assurance, à savoir 66'260 fr. 80( recte : 66'280 fr. 80). Il s'ensuit que le montant total à imputer conformément au dispositif de l'ordonnance en cause est clair: 334'540 fr. 50( recte : 334'560 fr. 80). Comme le titre exécutoire produit par l'intimée condamne le recourant au paiement de contributions d'entretien à compter du 3 juin 2016, le montant dû pour ce mois s'élève à 14'186 fr. 70, et non à 15'200 fr. En définitive, pour la période du 3 juin 2016 au 31 août 2019, la créance de l'intimée est donc de 178'273 fr. 15, compte tenu des diverses déductions qu'elle a admises (413'513 fr. 55).  
En revanche, les magistrats cantonaux ont refusé de tenir compte des versements que le recourant prétend avoir effectués pour la période antérieure à l'ordonnance de mesures provisionnelles. Celle-ci ne vaut titre à la mainlevée définitive que déduction faite des montants qui y sont indiqués. A l'instar du juge de la mainlevée, il n'appartient pas au juge du séquestre, qui statue en procédure sommaire et sur la base de la seule vraisemblance, de tenir compte d'éléments qui auraient dû être soumis au juge ayant rendu la décision exécutoire sur laquelle se fonde la requête. Cela étant, c'est à juste titre que l'autorité inférieure a pris en considération des montants supérieurs à ceux qui ressortent de l'ordonnance de mesures provisionnelles et que l'intimée a admis; le recourant ne saurait d'ailleurs s'en plaindre. Le point de savoir si les sommes payées après la décision de mesures provisionnelles auraient dû être prises en compte par le premier juge peut rester indécis; il ne concerne que les frais d'écolage de l'enfant (946 fr. 65), lesquels ne peuvent être considérés, à tout le moins au stade de la vraisemblance, comme faisant partie des contributions d'entretien et ne sont pas visés par l'ordonnance de mesures provisionnelles. Les autres paiements se recoupent avec les montants que l'intimée a reconnu avoir reçus et qui ont été portés en déduction de sa créance. 
 
4.2. Le recourant se plaint d'une application arbitraire des art. 271 al. 1 ch. 6 LP (absence de cas de séquestre) et 272 al. 1 ch. 1 LP (absence de vraisemblance de la créance). Sur le premier point, il fait valoir que l'ordonnance du juge du fond invoquée par l'intimée ne constitue pas un titre de mainlevée définitive. Sur le second point, il affirme que le calcul de l'intimée pour établir la quotité de sa réclamation est manifestement incomplet et erroné; il soutient avoir payé 604'082 fr. au total, alors que la cour cantonale a refusé de tenir compte des montants versés avant l'ordonnance de mesures provisionnelles.  
 
4.3.  
 
4.3.1. Aux termes de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse lorsqu'il possède contre celui-ci un titre de mainlevée définitive. La loi vise un titre de mainlevée définitive au sens de l'art. 80 LP (ATF 139 III 135 consid. 4.2), en l'occurrence une ordonnance de mesures provisionnelles (ABBET, in : La mainlevée de l'opposition, 2017, n° 5 ad art. 80 LP, avec les citations)  
En principe, la mainlevée définitive n'est prononcée que si le jugement comporte la condamnation à payer une somme d'argent déterminée, à savoir chiffrée (ABBET, ibid., n° 26 et les références). De jurisprudence constante, il n'est cependant pas nécessaire que son dispositif indique le montant dont le poursuivi est reconnu débiteur; en effet, le juge de la mainlevée peut se reporter aux motifs du jugement pour déterminer si et dans quelle mesure celui-ci constitue un titre apte à la continuation de la poursuite (ATF 79 I 327 consid. 2). En d'autres termes, il suffit que l'obligation du poursuivi de payer la somme en poursuite ressorte clairement des motifs ou d'autres documents, dans la mesure où le titre y renvoie; ce n'est que si le sens du dispositif s'avère douteux et que ce doute ne peut être levé à la lumière des motifs ou d'autres documents que la mainlevée doit être refusée (ATF 143 III 564 consid. 4.3.2 et les nombreuses citations; récemment: arrêt 5A_218/2019 du 11 mars 2020 consid. 2.1, avec d'autres références).  
 
4.3.2. Il n'est pas arbitraire de considérer que le créancier qui invoque le cas de séquestre de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP n'a pas - contrairement aux autres cas (art. 271 al. 1 ch. 1 à 5 LP, en lien avec l'art. 272 al. 1 ch. 2 LP) - à rendre vraisemblable sa créance; celle-ci découle en effet directement du titre produit à l'appui de la requête (arrêt 5A_824/2020 du 12 février 2021 consid. 3.4.2.2, avec les arrêts cités). En l'espèce, il est acquis que l'ordonnance matrimoniale condamne le recourant au paiement de contributions d'entretien (cumulées) de 15'200 fr. par mois et que ces créances alimentaires reposent sur une décision exécutoire (art. 315 al. 5 CPC, en relation avec l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP).  
 
4.4. Certes, l'ordonnance du 14 août 2019 n'est pas limpide quant à la prise en charge du loyer. Les versements constatés par cette décision portent sur les sommes de 33'480 fr., 31'800 fr. et 1'000 fr. 80 pour les primes LAMal et LCA (p. 7); le juge matrimonial a toutefois réservé les déductions des sommes d'ores et déjà payées au titre de l'entretien, en particulier les " loyers du domicile conjugal [...] versés depuis [le 3 juin 2016] en mains du bailleur ou de son représentant ". Comme l'intimée a expressément reconnu que sa partie adverse s'était bien acquittée de cette charge, il n'était pas arbitraire d'ajouter le montant correspondant (268'280 fr.) aux autres déductions précisément chiffrées, même s'il ne ressort pas du dispositif de l'ordonnance matrimoniale. Au reste, il n'est pas insoutenable d'admettre que le juge de la mainlevée d'opposition, respectivement le juge de l'opposition au séquestre, tienne compte des montants que le créancier reconnaît avoir perçus, lors même qu'ils ne seraient pas valablement documentés ( cf. JAEGER, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. I, 1920, n° 6 ad art. 81 LP, qui estime que la preuve par titre du moyen libératoire est " superflue " dans cette hypothèse).  
Pour le surplus, le recourant ne démontre pas à satisfaction de droit qu'il se serait acquitté d'un montant supérieur à celui qu'ont retenu les magistrats précédents; son argumentation s'épuise en un long exposé de nature appellatoire, qui leur impute de surcroît la " connaissance " de la fausseté du calcul présenté par l'intimé (n os 72 et 76). En particulier, l'autorité cantonale ne lui a pas interdit de démontrer l'extinction de sa dette à raison des paiements antérieurs à l'ordonnance sur laquelle se fonde la requête de séquestre, mais a dûment expliqué pourquoi ils ne pouvaient pas être pris en considération ( cf. supra, consid. 4.1). L'acte de recours ne comporte aucune réfutation valablement argumentée de ces motifs (art. 106 al. 2 LTF; ATF 142 III 364 consid. 2.4).  
 
4.5. Vu les prémisses de son raisonnement pour les paiements opérés avant l'ordonnance matrimoniale ( cf. supra, consid. 4.1), la juridiction cantonale devrait logiquement tenir compte de ceux qui sont intervenus après cette décision. Sans résoudre cette question, elle a retenu que seuls étaient concernés les " frais d'écolage " de l'enfant commune des parties (946 fr. 65), qui ne peuvent être considérés, du moins au stade de la vraisemblance, comme faisant partie des contributions d'entretien, faute d'être visés par l'ordonnance de mesures provisionnelles.  
 
Quoi qu'en dise de manière péremptoire le recourant, cette conclusion n'apparaît pas " opposé [e] à la vision du Juge du fond ". L'ordonnance en question est en effet totalement muette sur lesdits frais, aussi bien dans les charges de l'intimée que dans les besoins de l'enfant; seuls sont mentionnés les " frais de prise en charge de l'enfant en dehors du temps scolaire ", qui doivent être assumés au moyen de la contribution allouée pour l'entretien de l'enfant ( p. 11-12). En d'autres termes, il ne résulte pas de cette décision que les factures concernées seraient à la charge de l'intimée, qui devrait dès lors s'en acquitter " au moyen de la contribution qu'elle reçoit mensuellement ", et que le paiement litigieux effectué par le recourant " en lieu et place " de l'intéressée viendrait en déduction de ses obligations alimentaires. La position de l'intimée sur ce point n'est pas déterminante; la qualification juridique ressortit à la connaissance du juge et elle est soustraite à la libre disposition des parties ( cf. parmi plusieurs: KRAMER, in : Berner Kommentar, 1986, n° 84 ad art. 18 CO). On peut toutefois relever que, contrairement aux autres versements effectués après l'ordonnance de mesures provisionnelles, l'intéressée n'a pas imputé ce paiement sur sa prétention globale.  
Quant à ces autres versements, l'autorité cantonale a constaté qu'ils se recoupent avec les montants que l'intimée a reconnu avoir perçus et a porté en déduction de sa réclamation. Le recourant ne soulève aucun grief motivé conformément aux exigences légales à l'encontre de cette constatation (art. 106 al. 2 LTF; ATF 142 III 364 consid. 2.4), de sorte qu'il n'y a pas lieu d'en débattre plus avant. 
 
5.  
En conclusion, le présent recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité, avec suite de frais et dépens à la charge du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Sont mis à la charge du recourant: 
 
2.1. les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr.;  
 
2.2. une indemnité de 6'000 fr. à payer à l'intimée à titre de dépens.  
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Office des poursuites du canton de Genève et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 28 juin 2021 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
Le Greffier : Braconi