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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_801/2021  
 
 
Arrêt du 28 juin 2022  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Maillard, Heine, Viscione et Abrecht. 
Greffière : Mme Elmiger-Necipoglu. 
 
Participants à la procédure 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Monica Zilla, avocate, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-accidents (revenu d'invalide), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 5 novembre 2021 (CDP.2020.325-AA/ia). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ a été engagé par la société B.________ SA sur la base d'un contrat de mission temporaire et a travaillé en tant qu'aide monteur en lignes aériennes. A ce titre, il était assuré de manière obligatoire contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accident (ci-après: la CNA). Le 18 décembre 2007, alors qu'il était monté sur le toit d'une maison, sa ceinture s'est décrochée lorsqu'il tirait sur le câble de téléphone et il a fait une chute de 5 mètres. Il a subi un polytraumatisme avec une fracture type Burst de L1, une fracture du bassin branche illio-ischio-pubienne gauche, une fracture luxation du coude gauche (Mason III), une fracture comminutive du radius distal gauche (Gustilo I) et une fracture comminutive du radius distal droit, atteintes qui ont été traitées par voie chirurgicale. La CNA a pris en charge le cas. Ensuite d'un reclassement professionnel, l'assuré a obtenu un CFC d'automaticien et a été engagé à un taux d'activité de 100 % par l'entreprise C.________ SA en juillet 2011. Par décision du 28 juin 2012, la CNA lui a alloué une indemnité pour atteinte l'intégrité (ci-après: IPAI) d'un taux de 22 % et lui a refusé le droit à une rente d'invalidité, au motif que les suites de l'accident ne réduisaient pas sa capacité de gain de manière importante.  
 
A.b. En mars 2015, la CNA a pris en charge une rechute annoncée par l'assuré en raison de l'augmentation d'une douleur à la face postérieure du poignet droit et à l'avant-bras droit, respectivement de la persistance d'une hyperesthésie sur le versant cubital du poignet gauche, ce qui a donné lieu à une nouvelle intervention chirurgicale. L'employeur ayant résilié le contrat de travail avec l'assuré, une orientation professionnelle et plus spécifiquement des stages d'évaluation dans le domaine de la planification électrique ont été mis en place par l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel. A deux reprises, soit le 5 décembre 2017 puis le 18 janvier 2018, l'assuré a été percuté par une voiture au niveau du coude droit.  
 
A.c. Sur la base de rapports de son médecin d'arrondissement, la CNA a rendu le 25 mars 2020 une décision, confirmée sur opposition le 14 août 2020, par laquelle elle a reconnu à l'assuré le droit à une rente d'invalidité fondée sur un taux de 14 %, calculé, en ce qui concerne le revenu d'invalide, sur la base des salaires statistiques de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) et en tenant compte d'un niveau de compétence 2. Elle lui a également alloué une IPAI complémentaire de 23 %.  
 
B.  
Par arrêt du 5 novembre 2021, la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel a partiellement admis le recours interjeté par l'assuré contre la décision sur opposition du 14 août 2020, qu'elle a réformée en ce sens qu'elle lui a reconnu le droit à une rente d'invalidité fondée sur un taux de 18 %. 
 
C.  
La CNA forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme dans le sens de la confirmation de la décision sur opposition du 14 août 2020. 
L'intimé conclut au rejet du recours. La cour cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
 
2.1. Compte tenu des conclusions et motifs du recours, est seul litigieux le point de savoir si la cour cantonale était fondée à reconnaître le droit de l'intimé à une rente d'invalidité d'un taux de 18 % dès le 1er mars 2020 en se référant au niveau de compétence 1 du tableau TA1 des salaires statistiques de l'ESS 2018 pour déterminer le revenu d'invalide.  
 
2.2. Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) et n'est limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Cela étant, le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF (ATF 145 V 304 consid. 1.1; 141 V 234 consid. 1).  
 
2.3. Les premiers juges ont exposé de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels applicables à la notion d'invalidité (art. 8 LPGA) et à l'évaluation du taux d'invalidité selon la méthode ordinaire de la comparaison des revenus (art. 16 LPGA), s'agissant en particulier de l'évaluation du revenu d'invalide sur la base de l'ESS lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité lucrative dans une activité adaptée (ATF 129 V 472 consid. 4.2.1).  
On rappellera en outre que depuis la 10e édition des ESS (ESS 2012), les emplois sont classés par l'Office fédéral de la statistique (OFS) par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. L'accent est ainsi mis sur le type de tâches que la personne concernée est susceptible d'assumer en fonction de ses qualifications (niveau de ses compétences) et non plus sur les qualifications en elles-mêmes. Quatre niveaux de compétence ont été définis en fonction de neuf groupes de profession (voir tableau T17 de l'ESS 2012 p. 44) et du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l'expérience professionnelle (voir tableau TA1_skill_level de l'ESS 2012; ATF 142 V 178 consid. 2.5.3). Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques ou manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs/trices, les cadres de direction et les gérant[e]s, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement de données et les tâches administratives, l'utilisation de machines et d'appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (arrêt 8C_268/2021 du 15 octobre 2021 consid. 3.2.1 avec renvoi à l'arrêt 8C_46/2018 du 11 janvier 2019 consid. 4.4 et les références). 
 
3.  
 
3.1. Pour déterminer le revenu d'invalide, les juges cantonaux se sont fondés sur le salaire mensuel brut de 5417 fr. tiré du tableau TA1 de l'ESS 2018, niveau de compétence 1, Total, Hommes. Ils ont en particulier retenu qu'en raison des séquelles accidentelles, l'intimé ne pouvait plus accomplir son activité habituelle d'automaticien à plein temps et qu'il ne pouvait pas non plus mettre à profit les compétences acquises dans cette profession dans une activité adaptée correspondant au niveau de compétence 2.  
 
3.2. La recourante soutient qu'au vu du niveau de formation et de l'expérience professionnelle de l'intimé, celui-ci serait en mesure d'exercer une activité requérant l'utilisation de machines et d'appareils électroniques du niveau de compétence 2. Elle estime que, lorsqu'il est fait référence aux métiers qualifiés de l'industrie, il faudrait interpréter cette notion de manière large, en considérant qu'elle englobe les travaux de conception et d'élaboration de plans, pour lesquels l'intimé ne serait pas limité. Il serait ainsi erroné de considérer que celui-ci ne peut plus se prévaloir de ses connaissances et de son expérience dans le domaine de l'utilisation de machines et des appareils électroniques, voire dans le domaine plus spécifique des machines automatisées.  
 
3.3. Le choix du niveau de compétence applicable dans le cadre de l'utilisation des tableaux statistiques de l'ESS est une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement (ATF 143 V 295 consid. 2.4).  
 
3.4. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, si la personne assurée ne peut plus effectuer l'activité exercée avant la survenance de l'invalidité, l'application du niveau de compétence 2 se justifie uniquement si elle dispose de compétences ou de connaissances particulières (arrêts 8C_131/2021 du 2 août 2021 consid. 7.4.1, publié in SVR 2022 UV n° 3 p. 7; 8C_226/2021 du 4 octobre 2021 consid. 3.3.3.1; 8C_5/2020 du 22 avril 2020 consid. 5.3.2 et l'arrêt cité).  
Cela a récemment été admis dans le cas d'un entrepreneur de jardinage indépendant qui avait travaillé pendant de nombreuses années en tant que contremaître (arrêt 8C_276/2021 du 2 novembre 2021 consid. 5.4.1), chez une vendeuse de textiles qui avait terminé son apprentissage avec d'excellentes notes et avait ensuite rapidement accédé à un poste de responsable de filiale (arrêt 8C_374/2021 du 13 août 2021 consid. 5.3 à 5.7), chez un gérant et directeur d'une entreprise de construction qui disposait à la base d'une formation de charpentier et qui avait fait une formation continue pour devenir contremaître et directeur de projet (arrêt 8C_5/2020 du 22 avril 2020 consid. 5.3.2), chez un charpentier indépendant qui, au sein de son entreprise, effectuait aussi des tâches administratives et qui était responsable de quatre collaborateurs et de deux apprentis (arrêt 8C_732/2018 du 26 mars 2019 consid. 8.2) ou encore chez un assuré qui n'avait pas de diplôme d'apprentissage mais qui était chef d'une entreprise dans l'industrie de la construction et avait, avant son atteinte à la santé, un revenu nettement supérieur à celui qu'il aurait pu obtenir en tant qu'employé (arrêt 8C_457/2017 du 11 octobre 2017). 
En revanche, dans le cas d'un carreleur qui, durant les 30 ans de son activité lucrative indépendante, n'avait jamais effectué des tâches administratives, le Tribunal fédéral a considéré que l'assuré ne disposait pas de compétences ou de connaissances particulières et qu'il fallait donc déterminer le revenu d'invalide en appliquant le niveau de compétence 1 (arrêt 8C_227/2018 du 14 juin 2018 consid. 4.2.2). Il en a fait de même dans le cas d'une assurée qui avait travaillé de nombreuses années en tant qu'infirmière mais qui n'avait pas de formation commerciale ni d'expérience dans ce domaine (arrêt 8C_226/2021 du 4 octobre 2021 consid. 3.3.3). 
 
3.5. Au vu de cette jurisprudence, avec la recourante, il y a lieu d'admettre que le niveau de formation et l'expérience acquise par l'intimé justifient que son revenu d'invalide soit déterminé sur la base du niveau de compétence 2 des statistiques salariales de l'ESS. En effet, sur le plan professionnel, il ressort des constatations de la cour cantonale et du dossier de l'intimé que celui-ci a suivi le lycée technique à D.________ et qu'il a ensuite intégré l'Armée de l'Air E.________, où il a fait une formation de parachutiste. Arrivé en Suisse en 2006, il a travaillé dans le cadre de contrats de missions temporaires comme aide monteur en lignes aériennes jusqu'au 18 décembre 2007, jour de son accident. En 2008, sous l'égide de l'assurance-invalidité, il a effectué une formation d'automaticien. Pendant six ans, il a exercé ce métier, dans lequel il était chargé d'études de schémas électropneumatiques et de câblage électrique et pneumatique des machines.  
Sur le plan médical, il est constant qu'ensuite de la rechute en 2015, l'intimé n'a pas pu reprendre son ancienne activité d'automaticien. Le médecin d'arrondissement a d'ailleurs confirmé que cette activité n'est plus exigible. Il a toutefois relevé que les limitations fonctionnelles de l'intimé étaient probablement compatibles avec l'activité de planificateur-électricien telle qu'elle avait été envisagée par ce dernier et l'assurance-invalidité. Peu importe à cet égard que cette formation n'ait finalement pas pu être réalisée pour des raisons budgétaires, dès lors qu'il s'agit de déterminer le revenu d'invalide hypothétique. On relèvera en outre que l'activité d'automaticien que l'intimé a exercée pendant plusieurs années était non seulement composé de travaux manuels, mais également de travaux conceptuels et administratifs. D'après les déclarations de l'intimé, il recevait des projets et devait faire des plans, des schémas électropneumatiques et choisir le matériel. Or, rien n'empêche qu'il mette à profit les compétences et connaissances acquises dans le cadre de son activité d'automaticien dans un autre domaine tombant sous le large éventail d'activités pratiques prévues par le niveau de compétence 2, dont font notamment partie les tâches administratives (cf. consid. 2.3 supra). C'est dès lors à tort que la cour cantonale a déterminé le revenu d'invalide sur la base du niveau de compétence 1 des salaires statistiques de l'ESS. 
 
3.6. Par conséquent, le taux d'invalidité doit être recalculé. Comme l'a relevé à juste titre la cour cantonale, il convient de se référer aux salaires statistiques de l'ESS de l'année 2018, la décision sur opposition ayant été rendue postérieurement à la publication de ceux-ci (cf. ATF 143 V 295 consid. 4.1.2 et 4.1.3 et les références). Il faut ensuite se fonder sur le salaire auquel peuvent prétendre les hommes ("Total") du niveau de compétence 2, soit 5649 fr. par mois, montant qui doit être adapté à l'horaire de travail moyen (41,7 heures par semaine) ainsi qu'à l'indice des salaires nominaux (+ 0.9 % en 2019; + 0,8 % en 2020). De ce montant, les parties s'accordent à déduire 15 % à titre d'abattement. Le revenu d'invalide s'élève ainsi à 61'094 fr. 13 par année. Compte tenu d'un revenu sans invalidité - non contesté - de 71'370 fr., il résulte un taux d'invalidité de 14.9 %, qui doit être arrondi au pour-cent supérieur de 15 % (ATF 130 V 121 consid. 3.2).  
 
4.  
Vu l'issue du litige, les frais et dépens de la procédure fédérale peuvent être répartis à raison de trois quarts à la charge de l'intimé et d'un quart à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci versera à l'intimé une indemnité à titre de dépens réduits (art. 68 al. 1 LTF). La cause sera en outre renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure cantonale (art. 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, du 5 novembre 2021 est réformé en ce sens que l'intimé a droit à une rente d'invalidité fondée sur un taux de 15 %. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis pour 200 fr. à la charge de la recourante et pour 600 fr. à la charge de l'intimé. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé la somme de 700 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 28 juin 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Elmiger-Necipoglu