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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1298/2020, 6B_1310/2020  
 
 
Arrêt du 28 septembre 2021  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Juge présidant, Muschietti et Koch. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
6B_1298/2020 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
recourant 1, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Laïla Batou, avocate, 
intimé, 
 
et 
 
6B_1310/2020 
B.________ SA, 
représentée par Maîtres Vincent Jeanneret et Clara Poglia, avocats, 
recourante 2, 
 
contre  
 
1. Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
2. A.________, 
représenté par Me Laïla Batou, avocate, 
intimés. 
 
Objet 
6B_1298/2020 
Dommages à la propriété; état de nécessité, 
 
6B_1310/2020 
Dommages à la propriété; état de nécessité, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 14 octobre 2020 
(P/24123/2018 AARP/339/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 20 février 2020, le Tribunal de police du canton de Genève a reconnu A.________ coupable de dommages à la propriété (art. 144 CP) et l'a condamné à une peine pécuniaire de dix jours-amende à 30 fr. le jour, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de trois ans. Il a, en outre, condamné l'intéressé à payer 2'252 fr. à B.________ SA à titre de réparation du dommage matériel. 
 
B.  
Par arrêt du 14 octobre 2020, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a admis l'appel formé par A.________ contre ce dernier jugement. Elle a en conséquence acquitté A.________ du chef d'accusation de dommages à la propriété et renvoyé B.________ SA à agir par la voie civile pour faire valoir ses prétentions. 
 
Elle a retenu les faits suivants: 
 
En tant que membre du collectif C.________, A.________ a participé à la marche pour le climat, qui a eu lieu à Genève le 13 octobre 2018. Lors de cette marche, plusieurs manifestants, dont A.________ et une femme demeurée non identifiée, se sont extraits du cortège et ont maculé de peinture et de tracts la façade du bâtiment de B.________ SA, sis dans le passage D.________. De très nombreuses mains, formées de peinture rouge, ont été apposées sur les murs, les rideaux métalliques et les plaques d'identification du bâtiment. Selon les manifestants, ces mains rouges symbolisaient le sang des différentes victimes du réchauffement climatique et l'apposition de celles-ci sur le bâtiment de la banque devait permettre de désigner les coupables. Par cette action, A.________ et les autres manifestants entendaient amener B.________ SA à réduire ses investissements dans les énergies fossiles. 
 
C.  
Contre cet arrêt cantonal, le Ministère public genevois dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Principalement, il conclut à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que A.________ est condamné pour dommages à la propriété à une peine pécuniaire de dix jours-amende à 30 fr. le jour, peine assortie du sursis avec un délai d'épreuve de trois ans. A titre subsidiaire, il requiert l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement. 
B.________ SA forme également un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à l'annulation de l'arrêt attaqué et à ce que A.________ soit reconnu coupable de dommages à la propriété et condamné à lui verser 2'253 fr. à titre de réparation du dommage matériel. A titre subsidiaire, il requiert l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
Invités à se déterminer sur les recours, l'intimé A.________ a déposé des déterminations, alors que la cour cantonale y a renoncé. B.________ SA a répliqué, réplique qui a été communiquée à l'intimé et à la cour cantonale. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les deux recours, dirigés contre le même jugement, concernent le même complexe de faits et portent dans une large mesure sur les mêmes questions de droit. Il se justifie de les joindre et de statuer par une seule décision (art. 71 LTF et 24 PCF). 
 
2.  
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 144 II 184 consid. 1; 144 V 280 consid. 1). 
 
2.1. En application de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF, l'accusateur public a qualité pour former un recours en matière pénale.  
 
Savoir quelle autorité au sein d'un canton constitue l'accusateur public est une question qui doit se résoudre à l'aune de la LTF. Lorsqu'il existe un ministère public compétent pour la poursuite de toutes les infractions sur l'ensemble du territoire, seule cette autorité aura la qualité pour recourir au Tribunal fédéral. En revanche, savoir qui, au sein de ce ministère public, a la compétence de le représenter est une question d'organisation judiciaire, à savoir une question qui relève du droit cantonal (ATF 142 IV 196 consid. 1.5.2). 
 
Dans le canton de Genève, il existe un ministère public pour l'ensemble du canton. Il est doté d'un poste de procureur général et de 43 postes de procureurs. Le procureur général dirige le ministère public; chaque section du ministère public est sous la surveillance d'un premier procureur (art. 76, 78 et 79 de la loi genevoise sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ/GE; RSGE E 2 05)). Tout magistrat du ministère public a qualité pour interjeter les recours prévus par la loi (art. 38 al. 1 de la loi genevoise d'application du code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale, du 27 août 2009; LaCP/GE, RSGE E 4 10). 
 
En l'espèce, le mémoire de recours est signé par l'un des premiers procureurs. Le recours 1 est donc recevable. 
 
2.2. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. En cas d'acquittement du prévenu, cela suppose que la partie plaignante fasse valoir dans la procédure pénale, autant que cela pouvait raisonnablement être exigé d'elle, des prétentions civiles découlant de l'infraction (ATF 137 IV 246 consid. 1.3.1 p. 247 s.).  
 
En l'espèce, la recourante 2 a pris part à la procédure devant les juridictions précédentes, notamment devant la dernière instance cantonale. Elle a pris des conclusions civiles sur le fond à hauteur de 2'252 fr., montant qui correspond aux coûts de remplacement de deux plaques en métal inoxydable ainsi qu'aux heures de nettoyage et de conciergerie engendrées par les déprédations. Compte tenu de l'acquittement prononcé par la cour cantonale, celle-ci a renvoyé la recourante 2 à agir par la voie civile. La qualité pour recourir doit ainsi être reconnue à la recourante 2. 
 
3.  
Les recourants font grief à la cour cantonale d'avoir fait une mauvaise application de l'art. 17 CP
 
3.1. Selon l'art. 17 CP, quiconque commet un acte punissable pour préserver d'un danger imminent et impossible à détourner autrement un bien juridique lui appartenant ou appartenant à un tiers agit de manière licite s'il sauvegarde ainsi des intérêts prépondérants.  
 
 
3.2. Le danger est imminent lorsqu'il n'est ni passé ni futur, mais actuel et concret (ATF 129 IV 6 consid. 3.2 p. 14; 122 IV 1 consid. 3a p. 5). Il y a danger imminent lorsque le péril se concrétise à brève échéance, à savoir à tout le moins dans les heures suivant l'acte punissable commis par l'auteur (arrêt 6B_1295/2020 du 26 mai 2021 consid. 2.3 destiné à la publication). Cette disposition ne vise que la protection des biens juridiques individuels; celle des intérêts collectifs, respectivement des intérêts de l'État, relève de l'art. 14 CP (cf. ATF 94 IV 68 consid. 2 p. 70; arrêt 6B_176/2010 du 31 mai 2010 consid. 2.1, in JdT 2010 I 565).  
 
Le Tribunal fédéral a admis l'existence de dangers imminents fondant un état de nécessité dans des situations où le péril menaçait l'auteur de manière pressante. Il a ainsi retenu l'imminence du danger dans le cas d'une femme fuyant un époux violent qui venait de lui lancer un couteau et de la menacer de mort si elle ne quittait pas les lieux (ATF 75 IV 49). Dans un arrêt publié aux ATF 122 IV 1, il a estimé qu'un état de nécessité pouvait entrer en considération en présence d'un danger durable et imminent, s'agissant d'une femme tyrannisée et martyrisée par son époux qui avait exécuté ce dernier avant qu'il ne mît à exécution les menaces de mort proférées à son endroit. Dans ce cas, le danger apparaissait comme brûlant, puisque, le soir des faits, l'époux avait montré un revolver à l'intéressée, avait expliqué l'avoir acheté pour elle et avait précisé qu'il aurait déjà tué celle-ci si les enfants n'avaient pas crié auparavant, lorsque l'arme avait été présentée (cf. consid. 4 p. 7; cf. aussi, pour une situation analogue, ATF 125 IV 49, en particulier consid. 2b, dans lequel le Tribunal fédéral évoquait un " danger permanent et durable pouvant se concrétiser à tout moment "). 
 
Dans un arrêt récent relatif aux activistes du climat, le Tribunal fédéral a précisé la notion de danger imminent évoqué à l'art. 17 CP. Il a exposé que les catastrophes naturelles pouvaient représenter des dangers imminents si un auteur, constatant qu'un tel événement était sur le point de se produire, devait agir afin de préserver un bien juridique déterminé. En revanche, les phénomènes naturels susceptibles de se produire en raison du réchauffement climatique ne pouvaient pas être assimilés à un danger durable et imminent, car de tels périls pouvaient frapper indistinctement chacun, en tout lieu et en tout temps, sans qu'il soit possible d'identifier un bien juridique spécifiquement menacé. Au demeurant, en voulant protéger toutes les personnes sur le globe de tels dangers, les activistes du climat entendaient défendre un intérêt collectif, à savoir l'environnement, la santé ou le bien-être de la population dans son ensemble; or, le législateur n'entendait protéger, par l'art. 17 CP, que des biens individuels (arrêt 6B_1295/2020 du 26 mai 2021 consid. 2.5 destiné à la publication). 
 
3.3. L'art. 17 CP exige en outre que le danger n'ait pas pu être détourné autrement. L'impossibilité que le danger puisse être détourné autrement implique une subsidiarité absolue (ATF 146 IV 297 consid. 2.2.1 p. 303; arrêts 6B_1379/2019 du 13 août 2020 consid. 7.2; 6B_713/2018 du 21 novembre 2018 consid. 4.1; 6B_693/2017 du 24 août 2017 consid. 3.1; cf. aussi ATF 125 IV 49 consid. 2c p. 55 s.; 116 IV 364 consid. 1b p. 367 s.). La question de savoir si cette condition est réalisée doit être examinée en fonction des circonstances concrètes du cas (cf. ATF 122 IV 1 consid. 4 p. 7 s.; 101 IV 4 consid. 1 p. 5 s.; 94 IV 68 consid. 2 p. 70; arrêts 6B_231/2016 du 21 juin 2016 consid. 2.2; 6B_603/2015 du 30 septembre 2015 consid. 4.2; 6B_176/2010 du 31 mai 2010 consid. 2.1, in JdT 2010 I 565). En particulier, celui qui dispose de moyens licites pour préserver le bien juridique menacé ne peut pas se prévaloir de l'état de nécessité (arrêts 6B_693/2017 précité consid. 3.1; 6B_343/2016 du 30 juin 2016 consid. 4.2; 6B_1056/2013 du 20 août 2014 consid. 5.1 et les références citées). L'exécution de l'acte préjudiciable doit constituer le moyen unique et adéquat pour préserver le bien en danger.  
 
3.4. La cour cantonale a retenu que " l'urgence climatique est une réalité établie scientifiquement de manière indubitable, qu'elle est reconnue de longue date par les autorités suisses et que le réchauffement planétaire met en danger certains des biens individuels les plus précieux du code pénal: la vie, l'intégrité corporelle, la propriété " (arrêt attaqué p. 22, 2e paragraphe). Pour la cour cantonale, " un tel risque doit être qualifié d'actuel et concret, étant souligné que s'il était urgent d'agir en 1993, alors qu'aucune manifestation concrète du réchauffement n'était pas encore perceptible, il ne peut qu'être retenu que l'urgence est aiguë à la date des faits, 25 ans plus tard et alors que le risque décrit se matérialise quotidiennement " (arrêt attaqué p. 22, 4e paragraphe).  
 
La cour cantonale a ensuite considéré que l'intimé avait " agi pour amener la Banque, par ses actes et le dégât d'image qu'il a cherché à lui occasionner, à revoir sa politique d'investissements et à réfléchir à son rôle et à son influence sur les changements climatiques, dans la droite ligne des constatations du Conseil fédéral qui soulignait la méconnaissance, par les acteurs financiers, de leur responsabilité dans ce contexte " (arrêt attaqué p. 24, 2e paragraphe). Il ressortait d'un article du Temps que " c'est en 2019 que la Banque a finalement pris, semble-t-il, la mesure de l'importance de son rôle dans le réchauffement climatique " (arrêt attaqué p. 24, 3e paragraphe). La cour cantonale en a conclu que " les actes entrepris étaient bien de nature, sinon à écarter, du moins à contribuer à réduire le danger présenté par les investissements carbonés de la Banque " (arrêt attaqué p. 24, 5e paragraphe). 
 
La cour cantonale a laissé ouverte la question de savoir si un autre moyen aurait été apte à écarter le danger causé par la politique d'investissement de la banque pour la vie, la santé et les biens du recourant et de la population en général. Elle a retenu que l'intimé, " dans la situation où il se trouvait au moment des faits, et compte tenu de sa formation, de son activité dans le maraîchage (domaine particulièrement concerné par les impacts des changements climatiques), des informations à sa disposition, notamment des prises de position contradictoires des autorités fédérales, s'est de bonne foi convaincu qu'il n'avait pas d'autre choix que d'agir comme il l'a fait, de façon proportionnée et mesurée, réfléchie, assumée et revendiquée et somme toute avec un résultat concret. Ainsi, à supposer qu'il y aurait eu un autre moyen de parvenir au même résultat, il faudrait retenir que l'appelant, comme la victime d'un tyran domestique, se trouvait dans une situation d'état de nécessité putatif, sous l'emprise d'une erreur de fait. " (arrêt attaqué p. 25, 1er paragraphe). 
 
3.5. Le raisonnement de la cour cantonale ne peut pas être suivi, notamment pour deux motifs.  
 
3.5.1. Comme vu ci-dessus, l'état de nécessité suppose un danger imminent.  
 
La cour cantonale semble voir un " danger imminent " selon l'art. 17 CP dans le réchauffement climatique, voire dans les phénomènes naturels en découlant. 
 
Le Tribunal fédéral a récemment jugé que les phénomènes naturels liés au réchauffement climatique ne représentaient pas un danger imminent selon l'art. 17 CP, dans la mesure où ces catastrophes pouvaient frapper indistinctement chacun, en tout lieu et en tout temps, sans que l'on puisse identifier un bien juridique spécifiquement menacé (arrêt 6B_1295/2020 du 26 mai 2021 consid. 2.5 destiné à la publication). 
On ne saurait ainsi assimiler le réchauffement climatique à la notion juridique de danger imminent au sens de l'art. 17 CP
 
En conclusion, la cour cantonale a retenu, à tort, que la première condition de l'état de nécessité, à savoir l'existence d'un danger imminent, était réalisée en l'espèce. Les recours doivent en conséquence déjà être admis pour ce motif. 
 
3.5.2. Selon l'art. 17 CP, le comportement de l'auteur doit, en outre, préserver les biens juridiques menacés du " danger imminent ".  
 
En l'espèce, la cour cantonale a admis que, " les actes entrepris étaient de nature, sinon à écarter, du moins à contribuer à réduire le danger présenté par les investissements carbonés de la banque ". 
 
Comme l'exposent les différents rapports versés à la procédure et l'arrêt attaqué, les facteurs qui pèsent dans l'équation climatique sont nombreux et ne se limitent pas aux investissements des instituts financiers dans les énergies fossiles. Il ne suffit donc pas de démontrer que les agissements de l'intimé ont influencé la politique environnementale de la recourante 2, laquelle ne constitue qu'une simple étape dans une chaîne d'événements envisagée par l'auteur pour combattre le " danger imminent ". Il faudrait au contraire établir que les agissements de l'intimé ont eu un impact direct sur le réchauffement climatique en tant que tel ou sur les risques en découlant. Or, il est manifeste que le fait d'apposer de la peinture rouge sur le mur d'un bâtiment n'est pas en mesure de stopper le réchauffement climatique ni de réduire les risques qui y sont liés. 
 
La seconde condition de l'art. 17 CP (danger impossible à détourner autrement) n'est donc pas non plus réalisée. 
 
Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner les griefs de la recourante 2 relatifs à cette seconde condition et notamment de déterminer si les actes de l'intimé ont eu un effet sur la politique d'investissement de la banque et si l'intimé était victime d'une erreur sur les faits. 
 
3.6. Au vu de ce qui précède, les conditions de l'art. 17 CP ne sont pas réalisées, de sorte qu'il est exclu de considérer que l'intimé aurait commis les infractions qui lui sont reprochées dans un état de nécessité, même putatif.  
 
 
4.  
L'intimé se prévaut, à titre subsidiaire, de la liberté d'expression et de réunion. Il soutient que sa condamnation serait incompatible avec les art. 10 et 11 CEDH ainsi que les art. 16 al. 2 et 22 Cst. 
 
4.1. Les libertés d'opinion et d'information sont garanties par l'art. 16 al. 1 Cst. Toute personne a le droit de former, d'exprimer et de répandre librement son opinion (art. 16 al. 2 Cst.). Selon l'art. 10 § 1 CEDH, la liberté d'expression comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière.  
 
L'art. 22 Cst. garantit la liberté de réunion (al. 1), toute personne ayant le droit d'organiser des réunions et d'y prendre part ou non (al. 2). L'art. 11 § 1 CEDH (en relation avec l'art. 10 CEDH), qui consacre notamment le droit de toute personne à la liberté de réunion et à la liberté d'association, offre des garanties comparables (ATF 132 I 256 consid. 3 p. 260); son exercice est soumis aux restrictions qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (art. 11 § 2 1re phrase CEDH). 
 
4.2. L'art. 11 CEDH ne protège que le droit à la liberté de " réunion pacifique ", notion qui ne couvre pas les manifestations dont les organisateurs et participants ont des intentions violentes (arrêts CourEDH Csiszer et Csibi contre Roumanie du 5 mai 2020, § 65; Yaroslav Belousov contre Russie du 4 octobre 2016, § 168; Stankov et Organisation macédonienne unie Ilinden contre Bulgarie du 2 octobre 2001, Recueil CourEDH 2001-IX p. 313 § 77). Les garanties de cette disposition s'appliquent donc à tous les rassemblements, à l'exception de ceux où les organisateurs ou les participants sont animés par des intentions violentes, incitent à la violence ou renient d'une autre façon les fondements de la société démocratique (arrêts CourEDH Navalnyy contre Russie du 15 novembre 2018, § 145; Frumkin contre Russie du 5 janvier 2016, § 98; Yaroslav Belousov contre Russie précité, § 168; tous avec les références citées).  
 
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, pour bénéficier de la protection de la liberté de réunion, les manifestations doivent aussi être pacifiques (arrêt 6B_1217/2017 du 17 mai 2018 consid. 6.2 et 6.3). L'ordre public ne tolère pas les manifestations militantes comportant des actes illicites (tels des déprédations) ou appelant à des violences (ATF 143 I 147 consid. 3.2 p. 152; 111 Ia 322 consid. 6a p. 322). Dans le cadre de l'octroi d'autorisations de manifestations, l'autorité doit tenir compte, d'une part, des intérêts des organisateurs à pouvoir se réunir et s'exprimer et, d'autre part, de l'intérêt de la collectivité et des tiers à limiter les nuisances, notamment à prévenir les actes de violence (ATF 127 I 164 consid. 3 p. 167 ss et les références citées). Plus simplement, il s'agit d'assurer l'utilisation adéquate des installations publiques disponibles dans l'intérêt de la collectivité et du voisinage ainsi que de limiter l'atteinte portée par la manifestation aux libertés des tiers non-manifestants (ATF 143 I 147 consid. 3.2 p. 152; 132 I 256 consid. 3 p. 259). 
 
4.3. En l'espèce, l'intimé a maculé de peinture rouge les murs, les rideaux et les plaques métalliques du bâtiment de la banque et a de ce fait causé un dommage à la propriété à la recourante 2. Le fait de barbouiller le bien d'autrui avec un spray constitue un acte de violence (à propos de l'art. 260 CP: ATF 124 IV 269 consid. 2b p. 270 s.; 108 IV 175 consid. 4). Par son comportement, l'intimé a donc commis un acte de vandalisme incompatible avec la liberté d'expression et d'opinion. Il lui aurait été possible de participer à la marche contre le climat, à l'instar des autres participants, sans maculer de peinture rouge les murs du bâtiment de la banque.  
 
L'intimé cite plusieurs arrêts de la CourEDH, où celle-ci a admis que des opinions pouvaient être exprimées, non seulement par le biais d'une oeuvre artistique, mais aussi par des comportements (Tatar et Faber contre Hongrie du 12 juin 2012, § 36; Shvydka contre Ukraine du 30 octobre 2014, § 37-38; Sinkova contre Ukraine du 27 février 2018, § 107; Mariya Alekhina et autres contre Russie du 3 décembre 2018, § 204-206). En particulier, dans l'arrêt Murat Vural contre Turquie, la CourCEDH a considéré que le fait de verser de la peinture sur des statues d'Atatürk en guise de protestation contre le régime politique de l'époque constituait une forme d'expression protégée par l'art. 10 CEDH (Murat Vural contre Turquie du 21 octobre 2014). Cet arrêt se distingue toutefois du présent cas sur plusieurs points. En effet, en l'espèce, l'intimé a porté atteinte aux droits de particuliers (dommages à la propriété), alors que, dans le cas Murat Vural, le requérant n'avait pas été reconnu coupable de vandalisme, mais uniquement d'avoir insulté la mémoire d'Atatürk. Mais surtout, la peine infligée à l'intimé en première instance et requise par le ministère public (peine pécuniaire de dix jours-amende à 30 fr., assortie du sursis pendant trois ans) n'est pas comparable à celle prononcée par les autorités turques à l'encontre de Murat Vural (treize ans d'emprisonnement). A cet égard, on relèvera que la CourEDH a admis qu'une sanction pénale pour, par exemple, jet de pierres sur les forces de l'ordre lors d'une manifestation ne pouvait pas être exclue, dans la mesure où la sanction était proportionnée aux intérêts publics protégés (Yaroslav Belousov contre Russie du 4 octobre 2016, § 177-183; Gülcü contre Turquie du 19 janvier 2016, § 116-117). 
 
Au vu de ce qui précède, les art. 10 et 11 CEDH ainsi que les art. 16 al. 2 et 22 Cst., dont se prévaut l'intimé, ne sauraient avoir pour effet de rendre licite le comportement incriminé. 
 
5.  
Les deux recours doivent donc être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouveau jugement. 
 
La recourante 2, qui obtient gain de cause, peut prétendre à une indemnité de dépens à la charge de l'intimé (art. 68 al. 1 LTF). En revanche, le recourant 1 n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
L'intimé, qui succombe, supporte les frais judiciaires. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 6B_1298/2020 et 6B_1310/2020 sont jointes. 
 
2.  
Les deux recours sont admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
3.  
L'intimé versera à la recourante 2 une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 28 septembre 2021 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
La Greffière : Kistler Vianin