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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_458/2017  
   
   
 
 
 
Arrêt du 28 novembre 2017  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Fonjallaz et Eusebio. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
recourant, 
 
contre  
 
Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
procédure pénale; demande de levée de scellés, 
déni de justice, 
 
recours pour déni de justice contre le Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève (P/5272/2015). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Dans le cadre d'une enquête pénale ouverte à Genève contre deux gestionnaires de fortune pour gestion déloyale, abus de confiance, escroquerie et faux dans les titres, le Ministère public genevois a étendu l'instruction notamment à un ancien employé de A.________, prévenu de défaut de vigilance puis de complicité d'escroquerie et de blanchiment d'argent. Le 1er décembre 2016, le Ministère public a ordonné le dépôt, par A.________, de l'intégralité des courriers électroniques de l'ex-employé, du 1er mai 2008 au 16 avril 2016. La banque s'est exécutée le 20 décembre en remettant les données sous forme informatique, et en demandant leur mise sous scellés. Le 3 janvier 2017, le Ministère public a adressé une demande de levée des scellés au Tribunal des mesures de contrainte (Tmc). Le Ministère public a requis en vain de pouvoir participer à la procédure de tri des données (cf. arrêt 1B_92/2017 du 17 mars 2017). Il a demandé au Tmc des nouvelles sur la procédure en cours, menaçant le 30 mai 2017 de déposer un recours pour déni de justice. Le Tmc fit savoir, le 7 juin 2017, qu'il examinait les pièces et qu'une décision devrait intervenir vers la fin du mois. Après avoir obtenu copie de la notification des charges, il a demandé au Ministère public une liste des relations bancaires soumises à l'enquête, relevant que l'un des supports de données contenait plus de 166'000 éléments. Le 29 septembre 2017, le Ministère public a à nouveau réclamé une décision d'ici au 13 octobre, faute de quoi un recours pour déni de justice serait déposé. 
 
B.   
Par acte du 24 octobre 2017, le Ministère public genevois forme un recours en matière pénale par lequel il demande au Tribunal fédéral de constater "le déni de justice matériel du Tribunal des mesures de contrainte", et d'enjoindre ce tribunal de rendre sans délai une décision sur la demande de levée des scellés. 
Le Tmc conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet; il relève que deux décisions partielles ont été rendues et expédiées le 3 novembre 2017. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Conformément à l'art. 78 al. 1 et 2 let. b LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions de dernière instance cantonale rendues en matière pénale, en particulier les décisions de levée des scellés au sens de l'art. 248 al. 3 CPP. Dans cette mesure, il l'est également contre un retard à statuer au sens de l'art. 94 LTF
 
1.1. Le Tmc relève que le recours est formé pour déni de justice matériel, sans que le Ministère public ne démontre l'existence d'un préjudice irréparable. Il ressort toutefois clairement des motifs et des conclusions du recours que celui-ci tend à sanctionner un déni de justice formel, soit un retard ou un refus de statuer sur la demande de levée des scellés. Un tel recours ne dépend pas de l'existence d'un préjudice irréparable (ATF 138 IV 258 consid. 1.1 p. 261).  
 
1.2. Il n'est par ailleurs soumis à aucun délai (art. 100 al. 7 LTF) et la qualité pour agir du Ministère public ne prête pas à discussion (art. 81 al. 1 LTF), celui-ci se disant entravé dans la poursuite d'infractions qui se prescrivent par de courts délais.  
 
1.3. Dans sa réponse, le Tmc indique avoir rendu deux décisions de levée des scellés le 3 novembre 2017. Le Ministère public précise toutefois que ces décisions statuent sur le sort de 6000 documents environ, et qu'il en resterait ainsi quelque 159'000 à traiter. Le recours pour déni de justice conserve ainsi l'essentiel de son objet.  
 
2.   
Invoquant le principe de célérité garanti par l'art. 29 al. 1 Cst., le Ministère public relève que le délai pour statuer sur une demande de levée des scellés est d'un mois en vertu de l'art. 248 al. 3 CPP. Il s'agit certes d'un délai d'ordre mais il serait en l'espèce dépassé de près de dix fois, puisque la demande a été déposée le 3 janvier 2017. L'existence de charges suffisantes serait déjà établie, ainsi que la pertinence des pièces recueillies. 
 
2.1. Aux termes de l'art. 29 al. 1 Cst., toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit jugée dans un délai raisonnable. Cette disposition consacre le principe de la célérité ou, en d'autres termes, prohibe le retard injustifié à statuer. L'autorité viole cette garantie constitutionnelle lorsqu'elle ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (cf. ATF 130 I 312 consid. 5.1 p. 331). Le caractère raisonnable du délai s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l'affaire, à l'enjeu du litige pour l'intéressé, à son comportement ainsi qu'à celui des autorités compétentes (ATF 135 I 265 consid. 4.4 p. 277). En matière pénale, le principe de célérité est consacré à l'art. 5 CPP et, s'agissant de levée des scellés, à l'art. 248 al. 3 CPP qui précise que le tribunal doit statuer dans le mois qui suit le dépôt de la demande. Il s'agit d'un délai d'ordre qui peut être prolongé, notamment en raison de la quantité des pièces à examiner, de la complexité technique de l'évaluation et/ou si la procédure requiert la participation d'un expert. En fixant ce délai, le législateur entendait rappeler que l'instruction pénale ne devait pas être bloquée par l'examen d'une demande de levée des scellés et qu'au contraire, tout devait être mis en oeuvre pour que l'autorité statue dans le délai indiqué (arrêt 1B_261/2014 du 8 septembre 2014 consid. 2.1).  
 
2.2. En l'occurrence, la demande de levée des scellés a été déposée depuis près de onze mois. Le Tmc tente de justifier la durée de la procédure par l'attitude du Ministère public qui a d'emblée requis la levée des scellés, et a conclu à pouvoir participer au tri et à consulter les pièces. Ces prétentions initiales ont toutefois été écartées en février 2017 déjà. Le nombre de pièces restant à examiner est certes très élevé. Il appartient toutefois au Tmc d'obtenir la collaboration de l'autorité de poursuite (dans les limites de l'admissible) et de l'ayant droit, en l'occurrence la banque; celle-ci est en effet tenue de désigner les pièces qui sont, de son point de vue, couvertes par le secret invoqué ou qui ne présentent manifestement aucun lien avec l'enquête pénale. Cette obligation de collaboration s'impose notamment lorsque les documents ou données dont la mise sous scellés a été requise sont, comme en l'espèce, très nombreux ou très complexes (ATF 141 IV 77 consid. 5.6 p. 87; 138 IV 225 consid. 7.1 p. 229; 137 IV 189 consid. 4.2 p. 194 s.). Le Tmc évoque une extension indue de la période pénale, mais rien ne l'empêche d'examiner en priorité les documents couvrant la période considérée comme la plus pertinente. Compte tenu du nombre de pièces, l'autorité pourrait recourir à des critères plus schématiques, ou selon des mots-clé ou tous autres critères fournis par l'autorité d'instruction. L'intervention d'un expert - qui aurait pu être désigné dès la demande de levée des scellés - pourrait également permettre de procéder à un tri plus rapide si l'autorité s'estime surchargée.  
En définitive, le Tmc ne fournit aucune indication permettant de supposer que la procédure de levée des scellés pourrait être menée à bien dans un délai encore raisonnable; il estime au contraire qu'il lui faudrait trois ans pour achever son examen, à raison de 3 minutes par document. Le principe de célérité consacre toutefois une obligation de résultat et l'autorité ne saurait invoquer des motifs tenant à sa charge de travail pour en justifier la violation. Au demeurant, le temps employé pour la rédaction de prolixes et virulentes écritures aurait pu être avantageusement consacré, par les autorités intéressées, à l'avancement de ce dossier. 
 
3.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être admis et il doit être constaté que la durée de la procédure de levée des scellés viole le principe de célérité. La cause doit être renvoyée au Tmc afin qu'il statue dans un délai raisonnable. On ne saurait, comme le demande le Ministère public, lui enjoindre de statuer "sans délai", compte tenu notamment du nombre de pièces à examiner. Il n'y a pas lieu de percevoir de frais judiciaires, ni d'allouer de dépens. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis; il est constaté que la procédure de levée des scellés viole le principe de célérité; la cause est renvoyée au Tmc afin qu'il statue dans un délai raisonnable. 
 
2.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 28 novembre 2017 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
Le Greffier : Kurz