Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_416/2022  
 
 
Arrêt du 29 août 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Merz. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Philippe Girod, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la Confédération, Guisanplatz 1, 3003 Berne. 
 
Objet 
Prolongation de la détention provisoire, 
 
recours contre la décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, du 19 juillet 2022 (BH.2022.9). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 17 décembre 2021, A.________, ressortissant italien et ivoirien, a été arrêté notamment pour lésions corporelles simples (art. 123 CP), menaces (art. 180 CP) et viol (art. 190 CP). B.________ et C.________ ont porté plainte contre lui. Le premier, à raison de faits survenus le 27 juillet 2021 à Onex: A.________ lui aurait asséné un coup de poing derrière la tête, le blessant; le plaignant serait tombé au sol puis aurait chuté dans les escaliers sous la force du coup; A.________ l'aurait également menacé en lui disant «la prochaine fois, je vous tue, comme les autres». La plainte de C.________ (ci-après: la plaignante) porte sur des faits survenus à Genève, à des dates indéterminées entre 2011 et mai 2021: à plusieurs reprises, alors qu'il la frappait régulièrement, le prénommé l'aurait contrainte à entretenir avec lui des relations sexuelles qu'elle ne voulait pas, cette dernière ne s'opposant pas, de crainte qu'il la frappe à nouveau. Il est aussi reproché à A.________ d'avoir infligé des violences psychologiques, physiques et à caractère sexuel à D.________ au cours de la relation qu'il entretenait avec elle. 
 
Par ordonnance du 19 décembre 2021, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Genève a prononcé la détention de A.________ pour une durée de trois mois, en raison des risques de fuite, collusion et réitération. Le Ministère public du canton de Genève a demandé au Ministère public de la Confédération (MPC) de reprendre la procédure, comme celui-ci avait déjà ouvert une instruction pénale en 1995 à l'encontre du prévenu des chefs de meurtre (art. 111 CP), subsidiairement assassinat (art. 112 CP). Dans le cadre de cette procédure, A.________ avait été arrêté le 30 octobre 2018 et placé en détention provisoire le 1er novembre 2018 pour une durée de trois mois, plusieurs fois prolongée et confirmée par le Tribunal pénal fédéral, puis le Tribunal fédéral. A la suite de l'admission de son ultime recours par le Tribunal fédéral, le recourant a été remis en liberté le 19 mai 2020 (arrêt 1B_195/2020 du 18 mai 2020). Ce dernier arrêt relevait que les faits reprochés au prénommé et commis - à titre d'auteur principal ou accessoire - en 1995 étaient prescrits s'ils n'étaient pas qualifiés d'assassinat. Cet arrêt avait aussi relevé l'absence d'avancement de l'enquête. 
Par ordonnance du 18 janvier 2022, le MPC a rendu une ordonnance de jonction et d'extension et a repris la procédure ouverte à Genève. Le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Berne (Tmc) a régulièrement prolongé la détention provisoire, en dernier lieu par ordonnance du 21 juin 2022 jusqu'au 17 septembre 2022, vu l'existence d'un risque de fuite. Par décision du 19 juillet 2022, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (ci-après: le TPF) a rejeté le recours déposé par A.________ contre l'ordonnance du 21 juin 2022. En substance, l'instance précédente a considéré que les charges étaient suffisantes, que des risques de collusion et de fuite existaient et que le principe de la proportionnalité était respecté. 
 
B.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit pénal, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral de refuser la demande de prolongation de la détention provisoire et d'ordonner sa libération immédiate. Il conclut subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. Il requiert aussi l'assistance judiciaire. 
 
Le Tribunal pénal fédéral renonce à se déterminer et le Ministère public de la Confédération conclut au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Selon l'art. 79 LTF, le recours en matière pénale est recevable contre les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral qui portent sur des mesures de contrainte au sens des art. 196 ss CPP, dont font partie les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté (ATF 143 IV 85 consid. 1.2). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le recourant, prévenu détenu, a qualité pour recourir. Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et les conclusions qui y sont prises sont recevables (art. 107 al. 2 LTF). Partant, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, les mémoires de recours adressés au Tribunal fédéral doivent être motivés sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF). Selon l'art. 42 al. 2 LTF, les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Pour satisfaire à cette exigence, il appartient à la partie recourante de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse et d'expliquer en quoi ceux-ci seraient contraires au droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1). En outre, les griefs de violation des droits fondamentaux sont soumis à des exigences de motivation accrues (art. 106 al. 2 LTF). La partie recourante doit alors mentionner les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 146 I 62 consid. 3). 
 
3.  
Une mesure de détention pour des motifs de sûreté n'est compatible avec la liberté personnelle garantie aux art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par un risque de fuite ou par un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, à l'égard de l'intéressé (art. 221 al. 1 CPP). 
 
4.  
Le recourant ne conteste pas l'existence de charges suffisantes à son encontre notamment s'agissant des infractions de viols dénoncés par C.________ (cf recours p. 7). S'agissant des infractions de menaces et de lésions corporelles, il se contente d'affirmer que "de nombreuses contradictions des plaignants ou déclarations contraires à la réalité (notamment sur la nature intime de leur relation qui a été cachée par eux) ont été mises à jour", sans exposer lesquelles. Partant, il ne développe aucune argumentation conforme aux exigences de motivation (art. 42 al. 2 LTF). 
 
Le recourant ne met pas non plus en cause l'existence de risques de fuite ou de collusion. Il se plaint uniquement d'une appréciation arbitraire du principe de la proportionnalité de la détention provisoire et d'une appréciation arbitraire des faits dans l'examen de ce principe. Il reproche au Tribunal pénal fédéral d'avoir pris en compte l'infraction de meurtre et les 18 mois de détention provisoire subis en lien avec cette infraction pour évaluer la durée probable de la sanction encourue, lors de l'examen du principe de la proportionnalité. Il fait valoir une violation des art. 9 Cst. et 212 al. 3 CPP. 
 
4.1. En vertu des art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH, toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée pendant la procédure pénale. L'art. 212 al. 3 CPP prévoit ainsi que la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté ne doit pas durer plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible.  
 
Le juge peut dès lors maintenir une telle mesure aussi longtemps qu'elle n'est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation. Il convient d'accorder une attention particulière à cette limite, car il y a lieu de veiller à ce que les autorités de jugement ne prennent pas en considération dans la fixation de la peine la durée de la détention avant jugement à imputer selon l'art. 51 CP (ATF 145 IV 179 consid. 3.1 et les arrêts cités). 
 
4.2. En l'espèce, la peine-menace pour l'infraction de viol consiste en une peine privative de liberté comprise entre un an et dix ans (art. 190 CP). Ainsi, même en ne prenant en compte que l'infraction de viol (indépendamment des autres chefs de prévention et en particulier de celui de meurtre et indépendamment des règles de concours susceptibles de s'appliquer avec les infractions de lésions corporelles simples et de menaces [art. 49 CP]), la durée de la détention provisoire de neuf mois (et même de 24 mois et demi si on prend en compte la détention subie entre le 1er novembre 2018 et le 19 mai 2020) ne viole pas le principe de la proportionnalité au regard de la durée de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement, compte tenu des reproches qui peuvent être qualifiés de graves et de la longue période (10 ans) sur laquelle ils se sont déroulés.  
 
Le recourant se contente à cet égard d'affirmer que les faits liés aux infractions de viol ne sont pas décrits spécifiquement, que ce soit dans la demande de prolongation du MPC, dans l'ordonnance du Tmc ou dans la décision attaquée; il n'expose cependant pas quels éléments manqueraient au juge de la détention pour apprécier la durée de la peine à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation. Cette critique est ainsi insuffisamment motivée et partant irrecevable (art. 42 al. 2 LTF). Au demeurant, les faits reprochés sont très détaillés, sur plus de quatre pages dans la demande de prolongation de détention du MPC du 10 mars 2022 et sur cinq pages dans celle du 10 juin 2022. Quant à l'arrêt attaqué, contrairement à ce que soutient péremptoirement le recourant, il consacre des développements suffisants sur les infractions qui sont reprochées à ce dernier (cf arrêt attaqué consid. 2.2 et 2.3). De surcroît, ces faits sont étayés par différents dossiers médicaux, photographies de blessures ou de tuméfactions subies en 2017 et 2018 et reposent sur les explications de plusieurs témoins. 
 
C'est par conséquent sans violer le droit fédéral que le TPF a nié une violation du principe de la proportionnalité. Ce grief peut être écarté. 
 
4.3. Le recourant mentionne encore une violation de l'art. 197 al. 1 let. c et d CPP. Il n'expose cependant aucune motivation en lien avec ce grief, de sorte que celui-ci doit être déclaré irrecevable (art. 42 al. 2 LTF).  
 
5.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
 
Les conditions posées à l'art. 64 al. 1 LTF n'étant pas réunies, la demande d'assistance judiciaire est rejetée. Compte tenu des circonstances, le présent arrêt sera cependant exceptionnellement rendu sans frais (art. 66 al. 1, 2ème phrase, LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la Confédération et à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral. 
 
 
Lausanne, le 29 août 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Tornay Schaller