Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5C.134/2005 /frs 
 
Arrêt du 30 septembre 2005 
IIe Cour civile 
 
Composition 
M. et Mmes les Juges Raselli, Président, 
Nordmann et Hohl. 
Greffier: M. Fellay. 
 
Parties 
A.________, 
B.________, 
défenderesses et recourantes, toutes deux représentées par Me Gregory J. Connor, avocat, 
 
contre 
 
Masse en faillite de X.________ SA, 
demanderesse et intimée, représentée par Mes Pascal Marti et Jean-Yves Schmidhauser, avocats, 
 
Objet 
action révocatoire selon l'art. 286 al.1 LP
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 15 avril 2005. 
 
Faits: 
A. 
A.a X.________ SA à Genève était détenue à 100 % par C.________ à Miami (USA), société qui regroupait une centaine de sociétés actives dans la distribution de matériel électronique. Au sein du groupe, X.________ SA jouait le rôle de banque, chargée de rechercher et d'accorder des financements, de gérer la trésorerie et de couvrir les risques de change. Pour ce faire, elle sollicitait des crédits auprès des banques, lesquels étaient garantis par C.________. L'une de ses sources de revenus était le différentiel d'intérêts, les intérêts créditeurs perçus au sein des sociétés du groupe étant supérieurs aux intérêts débiteurs dus aux banques. X.________ SA n'avait aucun pouvoir décisionnel et suivait les instructions qui lui étaient données par C.________. 
 
Le groupe X.________ était dominé par D.________, fondateur et directeur de C.________. Celui-ci a également été administrateur vice-président de X.________ SA en 1998 et 1999, société qu'il engageait par sa seule signature. 
 
Entrée en bourse en 1997 (NASDAQ) et 1998 (NYSE), C.________ a amorcé son déclin dès 1998 et a requis en avril 2000 l'application du chapitre 11 du Code des faillites des Etats-Unis. La faillite de X.________ SA a été prononcée le 22 mai 2000 à Genève. 
A.b Le 14 mai 1998, C.________ et les actionnaires des sociétés turques B.________ et A.________, ont conclu un accord d'échange d'actions, à teneur duquel C.________. s'engageait à payer le prix d'achat du capital-actions de ces sociétés par un versement au comptant et en actions de C.________. En outre, C.________ s'engageait à fournir un financement à B.________ et A.________. 
A.c Le 14 août 1998, sur instruction de C.________ et en application de l'accord précité, X.________ SA a accordé à chacune des deux sociétés turques un prêt pour une durée d'une année, se montant respectivement à 1'200'000 USD pour B.________ et 800'000 USD pour A.________, avec intérêts à 7,75 % l'an. Ces sommes ont été versées aux sociétés turques. 
A.d En octobre 1998, C.________ a négocié et obtenu le droit de s'acquitter du solde du prix par versements en liquide et non plus en actions, parce que la dévaluation de ses actions l'aurait obligée à en livrer un nombre considérable. Par avenants du 30 octobre 1998, elle a convenu avec les actionnaires de B.________ et A.________ que, d'une part en contrepartie de leur renonciation à recevoir des actions à titre de paiement et, d'autre part, en cas d'inexécution de sa propre obligation d'acquitter le solde du prix, B.________ et A.________ seraient libérées de leurs obligations respectives de remboursement envers C.________ X.________ SA n'était ni partie à ces avenants, ni mentionnée dans ceux-ci. La libération précitée a été confirmée par avenants du 13 août 1999, auxquels X.________ SA n'était pas non plus partie. Toutefois, ces derniers avenants mentionnaient explicitement la libération de B.________ et de A.________ envers X.________ SA. 
A.e Le 4 octobre 1999, par la signature de D.________, X.________ SA s'est engagée à abandonner le remboursement des sommes prêtées à B.________ et à A.________ en cas d'inexécution contractuelle de C.________ à leur égard. Devenue effective le 16 février 2000, cette inexécution contractuelle a entraîné l'abandon desdites créances par X.________ SA, qui a comptabilisé ces abandons de créances dans son compte de pertes et profits avec effet rétroactif au 1er octobre 1999. 
A.f B.________, qui a admis n'avoir fourni aucune contre-prestation à X.________ SA, a comptabilisé la libération de sa dette comme revenu dans un premier temps, puis a inscrit provisoirement la somme due dans les comptes "autres dettes à court terme", aussi longtemps que son caractère de libéralité demeurait litigieux. B.________ a comptabilisé la libération de sa dette comme bénéfice extraordinaire. 
 
Ni B.________ ni A.________ n'ont établi avoir subi un dommage à la suite du manquement de C.________. 
B. 
Le 17 mai 2002, la masse en faillite de X.________ SA a introduit devant le Tribunal de première instance du canton de Genève deux actions révocatoires et en paiement, dirigées l'une contre B.________ et l'autre contre A.________. 
 
Ordonnant la jonction des deux causes et faisant droit aux conclusions de la demanderesse, le Tribunal de première instance a, par jugement du 23 septembre 2004, révoqué tous les actes conclus par ou au nom de X.________ SA comportant renonciation à demander le remboursement des prêts que celle-ci avait consentis aux défenderesses le 14 août 1998. Il a en outre condamné ces dernières à rembourser lesdits prêts à la masse, soit 1'200'000 USD à charge de B.________ et 800'000 USD à charge de A.________, plus intérêts à 7,75 % dès le 14 août 1998, avec suite de frais et dépens. 
 
Sur appel des défenderesses, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement de première instance par arrêt du 15 avril 2005, communiqué le 19 du même mois aux parties. 
C. 
Agissant le 20 mai 2005 par la voie du recours en réforme, les défenderesses concluent, avec suite de frais et dépens, principalement au rejet des conclusions de la demanderesse, subsidiairement, au renvoi de la cause à la Cour de justice pour compléter l'état de fait et rendre une nouvelle décision dans le sens des considérants du Tribunal fédéral. 
 
Une réponse n'a pas été sollicitée. 
 
Le recours de droit public formé parallèlement par les défenderesses a été rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, par arrêt de ce jour. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 II 58 consid. 1 p. 60; 130 II 65 consid. 1 p. 67). 
1.1 L'action paulienne de l'art. 286 LP est une action du droit des poursuites qui a un effet réflexe sur le droit matériel; il ne s'agit pas d'une contestation civile. Toutefois, la jurisprudence admet la recevabilité du recours en réforme en cette matière pour autant que la valeur litigieuse de l'art. 46 OJ soit atteinte (ATF 130 III 235 consid. 1; 93 II 436 consid. 1 p. 437; Pra 2002 n° 89 p. 508). Tel est le cas en l'espèce puisque la valeur litigieuse dépasse 2'000'000 fr. Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile et il est dirigé contre une décision finale prise par l'autorité suprême du canton, de sorte qu'il est recevable au regard des art. 46, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. 
1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il n'y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est pas ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4; 129 III 618 consid. 3). 
Par certains de leurs allégués, les recourantes s'en prennent aux constatations de fait de l'arrêt attaqué: ainsi lorsqu'elles laissent entendre que C.________ aurait avancé des fonds à X.________ SA avant que celle-ci leur concède les crédits en cause ou lorsqu'elles affirment qu'elles ont subi des dommages, que X.________ SA aurait reçu des contre-prestations suite à l'abandon de créances ou que les créances en cause auraient été abandonnées le 30 octobre 1998 déjà. Dans la mesure où les recourantes font valoir que lesdites constatations de fait violent des dispositions de preuve au sens de l'art. 43 al. 3 OJ, leur grief est irrecevable faute par elles de préciser les règles fédérales de preuve prétendument violées. Dès lors, pour le surplus, qu'elles ont soulevé les mêmes griefs dans leur recours de droit public, ceux-ci ont été traités dans le cadre dudit recours. 
1.3 La partie qui entend obtenir le renvoi de l'affaire à l'instance cantonale sur la base de l'art. 64 OJ doit démontrer que le fait omis est pertinent, qu'il a été régulièrement allégué devant les juridictions cantonales et que l'allégation était assortie d'une offre de preuve en bonne et due forme (ATF 119 II 353 consid. 5c/aa p. 357 et les arrêts cités). Les recourantes soutiennent que l'état de fait de l'arrêt attaqué est manifestement incomplet et ne permet pas au Tribunal fédéral de statuer. Elles allèguent de très nombreux faits qui ne ressortent pas de l'arrêt attaqué. Pour certains de ces nova elles indiquent des preuves. Elles ne prétendent pas, ni ne prouvent a fortiori, qu'elles ont allégué ces faits régulièrement devant les instances cantonales et offert les preuves y relatives en bonne et due forme. Les faits nouveaux ainsi que la conclusion subsidiaire en renvoi de l'affaire à l'autorité cantonale sont dès lors irrecevables. La cour de céans fondera son arrêt sur l'état de fait retenu par l'autorité cantonale. 
2. 
Sur le fond, les recourantes se prévalent essentiellement d'une violation des art. 8 CC et 286 LP. Elles invoquent également, pêle-mêle d'autres violations, comme celles de l'art. 2 CC et du droit à une motivation. 
2.1 S'agissant de ce dernier grief, tiré de la violation du droit d'être entendu garanti par la Constitution (art. 29 al. 2 Cst.), il est irrecevable, car il ne peut être soulevé que dans un recours de droit public (art. 43 al. 1 OJ). 
2.2 A l'appui de leur grief de violation de l'art. 8 CC, les recourantes reprochent à l'autorité cantonale de ne pas avoir admis, dans ses considérants en droit, que les sociétés mère et fille étaient liées par une convention de fiducie. 
 
La Cour de justice a retenu que la faillie n'avait perçu aucune avance de fonds de sa société mère, ce qui excluait le prétendu caractère fiduciaire des prêts. Ce faisant, elle a qualifié juridiquement des faits, ce qui relève du droit (art. 43 al. 4 OJ). Or, en appréciant juridiquement les faits, la cour cantonale n'a pas pu violer l'art. 8 CC. Le grief de violation de cette disposition devient d'ailleurs sans objet lorsque, comme en l'espèce, le juge acquiert la conviction que la réalité d'un fait ou l'inexistence d'un fait est établie (ATF 119 III 60 consid. 2c p. 63; 118 II 142 consid. 3a p. 147). 
3. 
Sous l'angle de l'art. 286 LP, les recourantes font valoir que la masse en faillite de X.________ SA n'est pas titulaire du droit qu'elle invoque, que le délai d'une année prévu par cette disposition a été dépassé et que l'abandon des créances s'est fait en échange d'une contre-prestation. 
3.1 Aux termes de l'art. 286 al. 1 LP, toute donation et toute disposition à titre gratuit, à l'exception des cadeaux usuels, sont révocables si elles ont été faites par le débiteur dans l'année qui précède la saisie ou la déclaration de faillite. Selon la jurisprudence, l'art. 286 LP ne se rapporte pas seulement aux véritables donations; il se rapporte aussi aux actes de disposition gratuits de toute sorte et en outre aux actes juridiques dans lesquels les prestations réciproques sont disproportionnées et cela au détriment du débiteur. Un acte de disposition est gratuit au sens de l'art. 286 al. 1 LP lorsque, sans recevoir de contre-prestation, le débiteur effectue une prestation qu'il n'était pas juridiquement tenu d'accomplir (ATF 95 III 47 consid. 2). 
 
Pour le calcul du délai d'un an - rétrograde à compter de l'ouverture de la faillite - est décisive la date où les effets de l'acte se sont produits, soit au moment où l'acte de disposition à titre gratuit a été exécuté et que l'actif est sorti du patrimoine du débiteur (Adrian Staehelin, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, n. 12 ad art. 286 LP). 
3.2 Selon l'arrêt attaqué, X.________ SA a prêté 1'200'000 USD à B.________ et 800'000 USD à A.________; elle était donc titulaire des créances en remboursement desdites sommes; le 4 octobre 1999, elle s'est engagée à abandonner ces créances en cas d'inexécution par C.________ de ses obligations contractuelles envers les sociétés précitées; elle a effectivement abandonné lesdites créances le 16 février 2000, tout en les comptabilisant dans son compte de pertes et profits avec effet rétroactif au 1er octobre 1999; la faillite de X.________ SA ayant été prononcée le 22 mai 2000, l'abandon des créances a ainsi eu lieu dans l'année avant l'ouverture de la faillite; enfin, les recourantes ont expressément admis n'avoir pas fourni de contre-prestations à X.________ SA. 
3.3 Lorsqu'elles soutiennent que X.________ SA, société sans pouvoir décisionnel, n'avait pas d'indépendance juridique par rapport à C.________, que les prêts étaient fiduciaires et que dans la comptabilité de X.________ SA il s'agissait d'une opération blanche, que le titulaire du droit au remboursement était donc C.________ et que, partant, c'est contre cette société qu'il y aurait la possibilité d'invoquer la révocation, les recourantes se basent sur un autre état de fait que celui retenu par la cour cantonale. 
 
Dès lors qu'il est établi en fait que l'abandon de créances est intervenu sans contre-prestation de la part des sociétés turques et qu'il ne résulte pas du dossier que X.________ SA aurait été juridiquement tenue envers ces sociétés d'abandonner ses créances - auquel cas on ne parlerait même pas d'abandon de créances -, il y a acte de disposition à titre gratuit au sens de l'art. 286 al. 1 LP. Lorsqu'elles soutiennent que X.________ SA était tenue d'exécuter les instructions de C.________ et d'abandonner les prêts, les recourantes se trompent sur la nature de l'obligation visée par "une prestation que le débiteur était tenu d'accomplir": il ne s'agit pas, en effet, d'une obligation que X.________ SA aurait dû accomplir sur ordre de C.________, mais d'une obligation qu'en tant que société indépendante elle aurait elle-même contractée, antérieurement à l'acte de disposition, directement à l'égard des sociétés turques; une telle obligation pouvait résulter de l'avenant du 4 octobre 1999 par lequel X.________ SA s'était engagée elle-même. 
 
Contrairement à ce que les recourantes soutiennent, la même exigence d'une contre-prestation s'applique également dans les groupes de sociétés lorsque, comme en l'espèce, les bénéficiaires de l'acte révocable sont des personnes externes au groupe (cf. Henry Peter, L'action révocatoire dans les groupes de sociétés, thèse Genève 1990, p. 50 ss, 75 et 92 ch. 2°). 
 
Enfin, le fait - encore avancé par les recourantes - que l'exécution des contrats du 14 mai 1998 aurait entraîné pour X.________ SA l'obligation de payer le solde du prix et même de financer les deux sociétés turques n'est qu'une hypothèse qui ne s'est pas réalisée et dont on ne peut rien déduire. 
3.4 En faisant valoir que l'abandon de créances a son origine dans l'avenant du 30 octobre 1998 - et que c'est cette date qui est déterminante -, les recourantes se trompent sur le moment auquel l'acte de disposition a lieu au sens de l'art. 286 al. 1 LP, soit le moment où le débiteur est effectivement appauvri, c'est-à-dire en l'occurrence le 16 février 2000, même si la comptabilisation a eu lieu avec effet rétroactif au 1er octobre 1999. Au demeurant, X.________ SA ne s'est pas engagée par l'avenant en question, mais par l'acte du 4 octobre 1999, qui n'est toutefois pas déterminant pour le délai légal d'une année, mais seulement pour déterminer si l'acte de disposition a été fait à titre gratuit. 
3.5 Il résulte de ce qui précède que la cour cantonale n'a pas violé l'art. 286 LP en admettant les actions révocatoires introduites par l'intimée. 
4. 
Le recours doit par conséquent être rejeté et les recourantes, qui succombent, condamnées au paiement des frais de justice solidairement entre elles (art. 156 al. 1 et 7 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à déposer une réponse. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 12'000 fr. est mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 30 septembre 2005 
Au nom de la IIe Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: