Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_659/2024
Arrêt du 2 mai 2025
I
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Hurni, Président, Denys et May Canellas.
Greffière : Mme Raetz.
Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par Mes Philippe Conod, Carole Sonnenberg et Ingrid Cueva Molnar, avocats,
recourante,
contre
B.________,
représenté par Me Joël Crettaz, avocat,
intimé.
Objet
contrat de bail à loyer; dommage consécutif au défaut de la chose louée,
recours contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2024 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (XZ19.021147-231279, XZ19.021147-231280, 496).
Faits :
A.
A.a. Le 24 octobre 1994, la Société Anonyme C.________ et B.________ (ci-après: le locataire) ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur un cabinet médical situé à la rue... à.... Le locataire exerce la profession de..., avec plusieurs sous-spécialités. Il pratique à titre indépendant au sein des locaux loués et en clinique.
Le 30 juillet 2001, A.________ SA (ci-après: la bailleresse) a acquis une parcelle constituée d'un îlot d'immeubles, dont celui comprenant le cabinet médical.
Dès le 1er janvier 2009, le loyer mensuel net a été fixé à 3'805 fr., auquel s'ajoutait un montant de 200 fr. à titre d'acompte de chauffage, eau chaude et frais accessoires.
A.b. À partir de février 2013 et jusqu'en 2019, la bailleresse a procédé à d'importants travaux d'aménagement et de rénovation dans plusieurs immeubles de l'îlot, dont celui où se situent les locaux loués.
En particulier, des travaux extrêmement bruyants ont été exécutés dès le début du deuxième semestre de l'année 2016 dans les parties communes de cet immeuble.
À compter de septembre 2018, d'importants travaux ont débuté concernant les locaux commerciaux D.________, situés en-dessous d'une partie du cabinet médical. Selon plusieurs témoins, ces travaux ont été très pénibles et ont généré des nuisances particulièrement intenses telles que du bruit, de la poussière et des vibrations.
B.
B.a. Après une tentative infructueuse de conciliation, le locataire a saisi le Tribunal des baux du canton de Vaud d'une demande à l'encontre de la bailleresse. Au dernier état de ses conclusions, il a notamment requis l'octroi d'une réduction de loyer de 40 % de novembre 2012 à avril 2019 et à ce que la bailleresse soit condamnée à lui verser, avec intérêts, les sommes de 118'716 fr. à titre de trop-perçu et de 350'000 fr. à titre de dommages et intérêts.
Le tribunal a procédé à une inspection locale et a entendu plusieurs témoins, dont E.________, employée du locataire.
F.________ a été mandaté afin de procéder à une expertise sur l'évolution du chiffre d'affaires et des consultations du locataire pour les années 2013 à 2020 afin de déterminer si ce dernier avait subi une perte de gain due aux nuisances occasionnées par les travaux.
Dans son rapport du 31 mai 2021, l'expert a expliqué que le chiffre d'affaires du locataire se composait principalement de quatre sources, à savoir les consultations et interventions chirurgicales des malades avec assurances complémentaires (facturées à travers G.________ AG), les versements par des cliniques pour quelques interventions chirurgicales de patients en service général, les expertises pour les assurances, ainsi que les honoraires de consultant. L'expert a indiqué que les consultations et interventions facturées à travers G.________ AG représentaient 93.75 % du chiffre d'affaires total de la période 2013-2019, selon son récapitulatif, basé sur les comptes de profits et pertes du locataire. Il n'existait pas de statistiques pour les activités accessoires, lesquelles représentaient seulement 6.25 % du chiffre d'affaires total de cette période, raison pour laquelle celles-ci n'avaient pas été retenues dans l'expertise. L'expert s'est focalisé essentiellement sur l'activité principale du cabinet, reflétée à travers les statistiques de facturation émises par G.________ AG. Les écarts entre la comptabilité et les statistiques de G.________ AG résultaient du fait que la comptabilité était tenue selon les encaissements tandis que G.________ AG établissait ses statistiques sur la base de la facturation.
L'expert a rendu un rapport d'expertise complémentaire le 28 mars 2022, en y intégrant le premier semestre 2020, ce qui a permis l'élaboration du tableau suivant détaillant l'évolution du chiffre d'affaires du locataire:
"2013: 777'797 fr. 45 pour 1'312 patients et 2'611 consultations;
2014: 759'406 fr. 30 pour 1'150 patients et 2'458 consultations;
2015: 1'038'861 fr. 30 pour 1'395 patients et 2'911 consultations;
2016: 947'529 fr. 85 pour 1'308 patients et 2'852 consultations;
2017: 1'015'598 fr. 40 pour 1'327 patients et 2'904 consultations;
2018: 836'689 fr. 30 pour 1'220 patients et 2'255 consultations;
2019: 1'137'028 fr. 20 pour 1'411 patients et 2'981 consultations;
2020: 1'018'827 fr. 67 (sic) pour 1'378 patients et 2'761 consultations."
Concernant les charges d'exploitation du cabinet, l'expert a expliqué qu'elles avaient évolué avec une certaine stabilité, tel que cela ressortait de l'annexe au rapport d'expertise, qui pouvait être résumée comme suit:
"2013: 451'043 fr. 60
2014: 436'564 fr. 56
2015: 384'590 fr. 60
2016: 384'541 fr. 19
2017: 337'962 fr. 23
2018: 365'446 fr. 21
2019: 380'302 fr. 51."
L'expert a encore produit le tableau récapitulatif suivant du taux d'activité du locataire: 75 % du 1er janvier 2013 jusqu'au 30 septembre 2015; 100 % dès le 1er octobre 2015 et jusqu'à la fin de l'année 2019. Il a constaté que le locataire avait déposé quatre brevets entre octobre 2014 et juin 2015, activité de recherche nécessitant un investissement en temps relativement important pouvant impacter le temps consacré à l'activité ordinaire du cabinet. Le locataire avait également complété sa formation en obtenant, en 2013, un diplôme de... comprenant des cours à... et à..., avec rédaction et soutenance d'un mémoire; en 2014, un diplôme de spécialiste en...; en 2017, un diplôme de spécialiste en...; en 2018, un diplôme de spécialiste en.... L'expert a relevé que compte tenu de l'obtention de divers brevets et du temps que le locataire avait dû consacrer à ces formations, en 2013 l'activité ordinaire du cabinet avait été réduite au minimum d'environ 8 %. Cette réduction ne concernait qu'une formation, sans tenir compte du temps d'étude y relatif. Quant aux autres formations et temps investi au dépôt de brevets, il ne lui avait pas été possible de chiffrer leur incidence sur le temps consacré à l'activité ordinaire du cabinet.
Par jugement du 7 décembre 2022, le tribunal a notamment condamné la bailleresse à payer au locataire la somme de 81'046 fr. 50 avec intérêts à titre de réduction de loyer du 1er juin 2013 au 30 avril 2019. Il a arrêté le taux de réduction à 30 % pendant cette période. Concernant les prétentions du locataire en dommages et intérêts, le tribunal a retenu que le préjudice concret quant à une éventuelle perte de gain n'était pas établi par l'expertise consacrée à l'évolution du chiffre d'affaires et des consultations du locataire.
B.b. Par arrêt du 5 novembre 2024, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel formé par la bailleresse à l'encontre de ce jugement et partiellement admis celui déposé par le locataire. Elle a complété le dispositif du jugement attaqué en ce sens que la bailleresse devait également payer au locataire les sommes de 91'282 fr. et 183'027 fr. avec intérêts à titre de dommages et intérêts.
C.
La bailleresse (ci-après: la recourante) a exercé un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet arrêt, assorti d'une requête d'effet suspensif. Elle a conclu à sa réforme dans le sens de la confirmation du jugement du tribunal, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.
Le locataire (ci-après: l'intimé) a conclu au rejet du recours.
La cour cantonale s'est référée à son arrêt.
La requête d'effet suspensif a été admise par ordonnance du 22 janvier 2025, faute d'opposition de l'intimé.
La recourante a répliqué, suscitant une duplique de l'intimé.
Considérant en droit :
1.
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF) et au délai de recours (art. 100 al. 1 LTF).
2.
2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, compte tenu de l'obligation de motiver qui incombe au recourant en vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il n'examine pas, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, mais uniquement celles qui sont soulevées devant lui, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2). Il ne traite donc pas les questions qui ne sont plus discutées par les parties (ATF 140 III 86 consid. 2). Il n'examine pas non plus les griefs qui n'ont pas été soumis à l'instance cantonale précédente (principe de l'épuisement des griefs, ATF 147 III 172 consid. 2.2; 143 III 290 consid. 1.1). Le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 140 III 86 consid. 2).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 115 consid. 2; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1).
En matière d'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral se montre réservé, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en ce domaine aux autorités cantonales. Il n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 140 III 26 consid. 2.3). L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2).
3.
Il n'est pas contesté que les locaux loués ont présenté un défaut pendant la période du 1er juin 2013 au 30 avril 2019 du fait des importants travaux entrepris par la bailleresse, ayant donné lieu à l'octroi d'une réduction de loyer de 30 %. Seule demeure litigieuse l'allocation des sommes de 91'282 fr. et 183'027 fr. à titre de dommage consécutif à ce défaut.
La recourante dénonce un établissement arbitraire des faits sur plusieurs points et une violation des art. 259e CO, 97 CO, 42 al. 2 CO, 44 CO et 8 CC.
4.
Tout d'abord, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir constaté les faits arbitrairement en relation avec l'existence d'un dommage.
4.1. Selon l'art. 259e CO, le locataire qui a subi un dommage en raison d'un défaut de la chose louée a droit à des dommages-intérêts, si le bailleur ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable. Il s'agit d'un cas d'application de la responsabilité contractuelle (art. 97 ss CO), qui présuppose un défaut de la chose louée, un préjudice, un lien de causalité entre les deux ainsi qu'une faute du bailleur, laquelle est présumée. Il incombe donc au locataire d'établir les trois premiers éléments, tandis que le bailleur doit prouver qu'il n'a commis aucune faute (arrêts 4A_114/2023 du 20 décembre 2024 consid. 8.1; 4A_510/2023 du 11 octobre 2024 consid. 6.1; 4A_442/2020 du 11 novembre 2020 consid. 4.2).
La jurisprudence définit le dommage comme une diminution involontaire de la fortune nette; il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant que ce même patrimoine aurait eu si l'événement dommageable ne s'était pas produit (ATF 149 III 105 consid. 5.1; 147 III 463 consid. 4.2.1). Le dommage peut se présenter sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (ATF 147 III 463 consid. 4.2.1; 133 III 462 consid. 4.4.2).
4.2. La cour cantonale s'est fondée sur les chiffres des tableaux ressortant de l'expertise, qu'elle a résumés dans un nouveau tableau pour 2013 à 2019 (année / chiffre d'affaires / charges d'exploitation / bénéfice / nombre de patients / nombre de consultations). Elle a précisé que le bénéfice résultait du chiffre d'affaires diminué des charges courantes. Le bénéfice s'élevait en 2013 à 326'753 fr. 85, en 2014 à 322'841 fr. 74, en 2015 à 654'270 fr. 70, en 2016 à 562'988 fr. 66, en 2017 à 677'636 fr. 17, en 2018 à 471'243 fr. 09 et en 2019 à 756'725 fr. 69.
La cour cantonale a relevé que durant les années 2013 à fin septembre 2015, le locataire, du fait de ses formations, ne travaillait au cabinet qu'à 75 %. Dès lors, si l'on ramenait ces chiffres à 100 %, son bénéfice potentiel pour les années en question se situerait donc à 586'019 fr. 66 pour 2013 et 575'977 fr. 17 pour 2014. En 2015, le locataire avait partiellement travaillé à plein temps et, au vu de ces chiffres, il convenait de considérer que son bénéfice aurait été en progression, l'augmentation de celui-ci étant également liée à la baisse des charges d'exploitation cette année-là. Autrement dit, l'activité du locataire était en progression et si l'on exceptait les années 2016 et 2018, son bénéfice pour 2015, 2017 et 2019 se situait entre 650'000 fr. et 750'000 fr. pour une moyenne de 1'377 patientes et 2'932 consultations.
Selon la cour cantonale, en 2016, le bénéfice du locataire se montait à 562'988 fr. 66, soit environ 100'000 fr. de moins que la moyenne des trois années considérées pour environ 70 patientes et 80 consultations de moins qu'en 2015. En 2018, le bénéfice du locataire se montait à 471'243 fr., soit à 179'000 fr. de moins (montant arrondi) que les années 2015, 2017 et 2019, en prenant comme bénéfice de référence la somme de 650'000 francs. Durant cette année, le nombre de patientes avait diminué d'environ 157 patientes et 677 consultations par rapport à la moyenne des années 2015, 2017 et 2019.
La cour cantonale a indiqué que les deux parties admettaient que les travaux les plus pénibles s'étaient déroulés en 2016 et 2018. Les témoignages concordaient également dans ce sens et cette pénibilité particulière correspondait notamment aux travaux chez D.________. C'était aussi à cette période que le locataire avait allégué, respectivement prouvé, avoir dû annuler des rendez-vous et refuser certaines patientes référées. Au vu de ces éléments, l'existence d'un préjudice était suffisamment établie. On ne discernait aucune explication autre que les travaux pouvant expliquer la baisse du bénéfice les deux années en question. Cela était confirmé par le fait que le bénéfice de l'année 2019 avait été supérieur. Le chiffre d'affaires de l'année 2020 - seule donnée disponible, les charges courantes pour cette année n'ayant pas été établies - était également en augmentation par rapport à 2018, malgré la crise sanitaire. Par ailleurs, les charges avaient été stables et avaient même baissé par rapport aux années 2013 et 2014, ce qui asseyait encore la preuve du dommage.
4.3. La recourante soutient que la cour cantonale a versé dans l'arbitraire en retenant les différents chiffres d'affaires et les charges d'exploitation avancés par l'expert, qui se fondaient sur les comptes de pertes et profits non signés établis par l'intimé et des attestations non signées de G.________ AG. La recourante ajoute que la cour cantonale a arbitrairement accepté de constater les différents bénéfices de l'intimé, puisque la perte de bénéfice n'avait pas été alléguée en première instance mais uniquement dans le cadre de l'appel, soit tardivement; la perte de bénéfice ne ressortait pas non plus de l'expertise. Enfin, la cour cantonale aurait fait preuve d'arbitraire en retenant les taux d'activité au cabinet de l'intimé ressortant du tableau récapitulatif de l'expert, qui se limitait à résumer les taux allégués par l'intimé sans les confirmer; ils n'étaient d'ailleurs pas confirmés par E.________ et étaient contredits par les différents diplômes obtenus par l'intimé et l'exercice d'activités accessoires.
Or, tous ces éléments, soit les différents chiffres d'affaires, charges d'exploitation, bénéfices et taux d'activité pour la période de 2013 à 2019, étaient déjà invoqués par l'intimé dans son appel, qui se fondait sur ceux-ci pour établir son dommage. Ils ont ensuite été retenus par la cour cantonale, sans qu'elle ne discute les arguments tels que présentés désormais par la recourante. Cette dernière ne prétend pas avoir, auprès de la cour cantonale, articulé les griefs dont elle se prévaut devant le Tribunal fédéral, alors qu'il lui aurait été loisible de le faire en réponse à l'appel de l'intimé. Son argumentation est ainsi irrecevable faute d'épuisement des instances.
La recourante soutient encore que l'expert a expressément relevé ne pas avoir pu déterminer le chiffre d'affaires quotidien et le nombre de consultations quotidiennes réalisés par l'intimé. Quoi qu'il en soit, ce point n'a aucune incidence dès lors que la cour cantonale a fondé son raisonnement sur le chiffre d'affaires et le nombre de consultations annuels.
La recourante se fonde sur ses précédents arguments, lesquels sont irrecevables, pour affirmer qu'il est arbitraire de considérer que le préjudice est suffisamment établi. Son grief doit donc être écarté.
4.4. La recourante invoque également que la cour cantonale a versé dans l'arbitraire en retenant que l'intimé avait allégué et prouvé avoir dû annuler des rendez-vous et refuser certaines patientes référées en 2016 et 2018. Selon la recourante, il avait uniquement argué que cela était arrivé "tout au long des années qu' (avaient) duré les travaux", ce qui avait été contesté, et il n'avait pas apporté de preuve à cet égard.
Toutefois, les travaux ayant duré de 2013 à 2019, la cour cantonale n'a, quoi qu'il en soit, pas versé dans l'arbitraire ni violé le droit fédéral en retenant que les allégations concernant l'annulation de rendez-vous ou le refus de patientes en 2016 et 2018 étaient suffisantes. S'agissant de la preuve de ces allégations, il ressort des faits constatés que des travaux extrêmement bruyants ont eu lieu dans les parties communes de l'immeuble où se situe le cabinet médical dès le début du deuxième semestre de l'année 2016. Selon les déclarations d'E.________, à la fin de l'année 2016, avant les Fêtes, il avait même été nécessaire de fermer le cabinet durant une dizaine de jours car le bruit était devenu insoutenable. Elle a encore déclaré que les travaux concernant les locaux D.________ - lesquels ont débuté en septembre 2018, selon les faits constatés - avaient été particulièrement intenses du fait de leurs immissions. Elle a confirmé que les nuisances avaient amené à réorganiser l'agenda du cabinet, en précisant que l'intimé avait dû renoncer à des urgences aussi bien de ses patientes que de patientes référées à cause du bruit et qu'elles ne pouvaient être reportées. Par ailleurs, la recourante ne conteste pas avoir admis que les travaux les plus pénibles s'étaient déroulés en 2016 et 2018. Dans ces conditions, la cour cantonale n'a pas sombré dans l'arbitraire en retenant que les déclarations d'E.________, notamment, disposaient d'une force probante suffisante et, dès lors, qu'il était établi que des consultations avaient dû être annulées et des patientes refusées en 2016 et 2018 en raison des nuisances dues aux travaux.
5.
La recourante soutient encore que la cour cantonale a déterminé le montant du dommage de manière arbitraire. Elle dénonce aussi une violation de l'art. 42 al. 2 CO. Elle affirme que l'intimé serait déchu du bénéfice de cette disposition, car en omettant d'alléguer une perte de bénéfice en première instance et de produire des comptes de pertes et profits et/ou déclarations fiscales signées, il n'avait pas satisfait à son devoir de fournir les éléments utiles à l'estimation de son dommage.
5.1. Le locataire doit en principe prouver non seulement l'existence du dommage, mais aussi son montant (art. 42 al. 1 CO). Cependant, lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée (art. 42 al. 2 CO). Cette disposition instaure une preuve facilitée en faveur du demandeur lorsque le dommage est d'une nature telle qu'une preuve certaine est objectivement impossible à rapporter ou ne peut pas être raisonnablement exigée, au point que le demandeur se trouve dans un état de nécessité quant à la preuve (
Beweisnot) (ATF 147 III 463 consid. 4.2.3 et les arrêts cités). Tel peut être le cas lorsqu'il s'agit de déterminer le gain manqué (ATF 105 II 87 consid. 3). Le demandeur n'est pas pour autant dispensé de fournir au juge, dans la mesure où c'est possible et où on peut raisonnablement l'exiger de lui, tous les éléments de fait qui constituent des indices de l'existence du dommage et qui permettent ou facilitent son estimation. Par conséquent, si le lésé ne satisfait pas entièrement à son devoir de fournir des éléments utiles à l'estimation, l'une des conditions dont dépend l'application de l'art. 42 al. 2 CO n'est pas réalisée, alors même que, le cas échéant, l'existence d'un dommage est certaine. Le lésé est déchu du bénéfice de cette disposition (ATF 144 III 155 consid. 2.3 et les arrêts cités).
5.2. La cour cantonale a relevé que le locataire avait allégué les défauts admis par les premiers juges, qu'il avait allégué et prouvé sa pratique, son taux d'activité, son chiffre d'affaires, le nombre de ses patientes et de ses consultations et soumis ses allégations à un expert qui les avait confirmées. Il lui était en revanche impossible de déterminer avec précision ce qu'il aurait gagné par patiente refusée, pour les consultations reportées ou annulées en raison des travaux. En conséquence, il se justifiait de faire application de l'art. 42 al. 2 CO pour établir la quotité de son dommage. Afin de tenir compte des éventuels reports de rendez-vous de 2016 sur 2017 et de 2018 sur 2019, la cour cantonale a pris en considération un bénéfice de référence de 654'270 fr. 70 qui correspondait au bénéfice de l'année 2015, soit le plus bas de la moyenne considérée. La perte de bénéfice pour l'année 2016 pouvait ainsi être arrêtée au montant arrondi de 91'282 fr. (654'270 fr. 70 - 562'988 fr. 66). Pour 2018, la perte pouvait être estimée à 183'027 fr. (654'270 fr. 70 - 471'243 fr. 09), montant arrondi. Le montant total du dommage s'élevait donc à 274'309 fr. (91'282 fr. + 183'027 fr.).
5.3. La cour cantonale a implicitement considéré que l'intimé avait satisfait à son obligation de fournir des éléments utiles à l'estimation de son dommage, au vu de ses diverses allégations confirmées par l'expertise. La recourante répète ses arguments quant aux comptes de pertes et profits non signés, à l'allégation tardive de la perte de bénéfice, et au manque d'information sur le taux d'activité, qui ne lui sont toutefois d'aucun secours devant le Tribunal fédéral (cf.
supra consid. 4.3).
Pour le surplus, dire si le montant exact du dommage a été prouvé ou non est une question de fait, dont la correction ne peut être obtenue du Tribunal fédéral que si le résultat, soit le montant arrêté par la cour cantonale, se révèle aussi arbitraire (art. 97 al. 1 et 106 al. 2 LTF en relation avec l'art. 9 Cst.; arrêt précité 4A_510/2023 consid. 6.4). En l'occurrence, au vu des circonstances, il n'est pas insoutenable de retenir qu'il était impossible à l'intimé de chiffrer avec exactitude à quels montants il a dû renoncer pour chaque patiente dont le rendez-vous a été annulé ou qui a dû être refusée en raison des nuisances dues aux travaux. Dès lors que la cour cantonale a retenu sans arbitraire que le montant exact du dommage n'a pas été prouvé, la solution consistant à arrêter l'indemnité en équité, en appliquant l'art. 42 al. 2 CO, n'est pas critiquable. Enfin, la recourante ne prétend pas que la méthode d'estimation du dommage utilisée par la cour cantonale et les montants auxquels elle a aboutis, soit 91'282 fr. pour 2016 et 183'027 fr. pour 2018, seraient arbitraires.
6.
La recourante reproche aussi à la cour cantonale d'avoir retenu arbitrairement l'existence d'un lien de causalité naturelle entre le préjudice et les travaux réalisés en 2016 et 2018.
6.1. Il y a causalité naturelle entre deux événements lorsque, sans le premier, le second ne se serait pas produit (arrêts 4A_349/2022 du 14 février 2023 consid. 4.1.2; 4A_133/2021 du 26 octobre 2021 consid. 9.1.1). Savoir s'il existe un rapport de causalité naturelle est une question de fait (ATF 136 III 513 consid. 2.6; arrêt 4A_354/2022 du 14 novembre 2022 consid. 3.4).
6.2. La cour cantonale a relevé qu'elle ne discernait aucune explication autre que les travaux pouvant expliquer la baisse du bénéfice les deux années en question; ils constituaient la condition sans laquelle le préjudice du locataire ne se serait pas produit, à tout le moins sous l'angle de la vraisemblance prépondérante.
6.3. Puisque la cour cantonale a retenu, sans arbitraire, qu'il était établi que des consultations avaient dû être annulées et des patientes refusées en 2016 et 2018 en raison des nuisances dues aux travaux, elle pouvait assurément considérer sans arbitraire qu'il existait un lien de causalité naturelle entre la perte de bénéfice et les travaux en 2016 et 2018. La recourante revient encore une fois sur le taux d'activité de l'intimé en lien avec les diplômes qu'il a obtenus en 2017 et 2018, ce qui doit être écarté (cf.
supra consid. 4.3).
7.
La recourante nie un lien de causalité adéquate entre les nuisances occasionnées par les travaux et le préjudice.
7.1. D'après la cour cantonale, s'agissant du lien de causalité adéquate, il convenait de retenir que les fortes nuisances dues aux travaux étaient propres à entraîner, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, les pertes de bénéfice subies par le locataire durant les années 2016 et 2018. La valeur constante des chiffres d'affaires avant et après ces deux années le démontraient. Les pertes en cause paraissaient notamment dues aux fermetures du cabinet, aux annulations et aux renvois de consultations, à l'incapacité de prendre en rendez-vous des patientes en urgence ou référées et aux conditions non appropriées de prise en charge des patientes.
7.2. La recourante se fonde uniquement sur le fait que les causes de fluctuations du chiffre d'affaires de l'intimé n'ont pas été établies. Or, selon les faits constatés sans arbitraire par la cour cantonale, tel n'est pas le cas. Dans ces conditions, la recourante ne parvient pas à remettre en cause le raisonnement opéré par la cour cantonale.
8.
La recourante reproche également aux juges cantonaux d'avoir admis qu'elle avait commis une faute, sans même analyser ce point.
8.1. Ils ont retenu, s'agissant de la faute présumée de la recourante, que cette dernière n'avait fourni aucun élément permettant de renverser cette présomption, de sorte que la faute devait être admise.
8.2. Il appartenait à la recourante de prouver qu'elle n'avait commis aucune faute (cf.
supra consid. 4.1). Elle ne soutient pas, références précises à l'appui, avoir allégué et démontré devant la cour cantonale l'absence de faute. Dès lors, le raisonnement des juges cantonaux n'est pas critiquable.
9.
9.1. Pour finir, la recourante invoque une violation de l'art. 44 CO, dans la mesure où la cour cantonale n'a pas examiné l'obligation de l'intimé de réduire son dommage. Elle soutient qu'il avait la possibilité, pendant la durée des travaux, tant de réduire ses charges que de favoriser ses autres activités accessoires, ce qu'il n'avait pas fait. Elle ajoute que le dommage sera également partiellement compensé par la somme de 81'046 fr. 50 qu'elle avait été condamnée à verser à l'intimé à titre de réduction de loyer du 1er juin 2013 au 30 avril 2019, ce dont la cour cantonale n'avait pas tenu compte.
9.2. Certes, l'art. 44 CO s'applique d'office (ATF 111 II 156 consid. 4). Toutefois, cela ne dispense pas le débiteur de présenter correctement ses allégations et de les prouver (art. 8 CC; ATF 112 II 439 consid. 2; arrêts 4A_171/2015 du 19 octobre 2015 consid. 6.3; 4C.365/1999 du 11 janvier 2000 consid. 2). La recourante ne soutient pas avoir allégué ni démontré, quels montants, du moins approximatifs, auraient pu être épargnés par l'intimé en raison des nuisances dues aux travaux, respectivement auxquels il aurait renoncé.
Enfin, la question de la réparation d'un dommage subi par le locataire en raison du défaut de la chose louée (art. 259e CO) est distincte de celle concernant la réduction de loyer liée à une limitation dans l'usage de la chose louée (art. 259d CO), laquelle vise à rétablir l'équilibre des prestations entre les parties (ATF 142 III 557 consid. 8.3.4; 126 III 388 consid. 11c). Dès lors, c'est à bon droit que la cour cantonale n'a pas pris en considération le montant alloué à l'intimé à titre de réduction de loyer du fait des nuisances dues aux travaux.
10.
En définitive, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable.
La recourante, qui succombe, prendra en charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Elle versera en outre une indemnité de dépens à l'intimé ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 7'500 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 2 mai 2025
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Hurni
La Greffière : Raetz