Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_25/2024
Arrêt du 2 septembre 2024
I
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, Juge présidant, Hohl et May Canellas.
Greffière : Mme Fournier.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Frédéric Serra et Me Melina Haralabopoulos,
recourant,
contre
1. B.________ SA,
2. C.________ AG,
3. D.________ SA,
toutes les trois représentées par Me Olivier Nicod, avocat,
intimées.
Objet
appel en cause (art. 81 CPC)
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 21 novembre 2023 (C/10946/2021 ACJC/1546/2023).
Faits :
A.
A.a. A.________ (ci-après: le recourant) détenait l'entier du capital-actions des sociétés C.________ SA (ci-après: C.________) à Lucerne et B.________ SA (ci-après: B.________) à Genève. Il en était administrateur.
Ces sociétés sont actives dans le domaine pharmaceutique, notamment dans la recherche, le développement, la production et la commercialisation de produits pharmaceutiques et de dispositifs médicaux.
Par contrat du 23 janvier 2019 (
Share purchase agreement; SPA), A.________ a vendu l'ensemble des actions de C.________ et de B.________ à la société E.________ SA, devenue par la suite D.________ SA (ci-après: D.________).
A.b. Par la suite, un litige est survenu entre A.________ et D.________, respectivement les sociétés acquises par cette dernière, qui s'affrontent en procédure dans plusieurs cantons.
A.c. A.________ et D.________ sont adverses parties dans deux procédures ouvertes à Genève (complément d'office sur la base du dossier).
Par mémoire du 17 mai 2021, D.________ a saisi le Tribunal de première instance de Genève d'une demande concluant principalement au paiement par A.________ de 1'920'465 fr. (sic) au total, plus intérêts moratoires, dont 1'536'560 fr. en raison d'insuffisances de refacturations entre B.________ et C.________, 180'586 fr. 19 pour les charges fiscales et sociales engendrées par les frais privés mis par le prénommé à la charge de B.________, 18'720 fr. en raison de l'insuffisance de provisions comptabilisées dans les comptes de C.________ annexés au SPA, 57'580 fr. 78 vu la défaillance du système informatique de B.________ et C.________, 88'806 fr. 54 pour destruction ou du déplacement de données informatiques, 38'212 fr. 83 en raison de la surfacturation des clients de B.________.
Par mémoire du 25 novembre 2021, A.________ a saisi le même tribunal d'une demande en paiement dirigée contre D.________ et l'actionnaire de celle-ci. Fondé sur l'invalidation du SPA pour dol, qui aurait été acceptée par D.________, il a conclu principalement et notamment au paiement par les défendeurs de 14'308'901 fr. à titre de dommage subi en lien avec le dol qu'il impute à D.________, incluant notamment la perte de valeur des actions des sociétés C.________ et B.________.
Une autre action est pendante à Lucerne. Le 2 novembre 2021, C.________ a en effet saisi le Bezirksgericht de Lucerne d'une demande concluant au paiement par A.________ de 5'645'957 fr. avec intérêts à titre de dédommagement, respectivement de restitution des dividendes que le défendeur se serait versés au travers de cette société entre 2016 et 2018.
B.
B.a. Le 29 octobre 2021, B.________ a formé une demande en paiement à l'encontre de A.________ pour un montant total de 7'169'877 fr. 22. En substance, elle fait valoir que, lors de l'établissement de ses comptes 2019, il est apparu que A.________ avait mis à la charge de la société - lorsqu'il en était actionnaire unique et administrateur - des frais privés à hauteur de 224'266 fr. 30, lesquels auraient donné lieu à un impôt anticipé de 52'500 fr. qu'elle serait en droit de lui réclamer; elle n'aurait pas facturé, ou pas suffisamment facturé des prestations à sa société soeur C.________, ce qui lui aurait causé un dommage de 6'256'352 fr.; enfin, A.________ se serait versé indûment un dividende de 636'758 fr. 92.
Dans son mémoire de réponse, A.________ a principalement conclu au déboutement de B.________ de toutes ses conclusions et, à titre reconventionnel, à ce que celle-ci soit condamnée à lui verser la somme de 312'000 fr. avec intérêts à titre de remboursement d'un prêt qu'il lui aurait concédé.
Dans ce même mémoire, il a appelé en cause à la fois C.________ et D.________ concluant à ce que chacune d'entre elles soit condamnée à lui verser la somme de 6'256'352 fr. avec intérêts.
Par écritures du 13 janvier 2023, D.________, C.________ et B.________ se sont déterminées sur l'appel en cause. Elles ont conclu à l'irrecevabilité de la requête et des conclusions y relatives. Subsidiairement, elles ont requis la limitation de la procédure aux conclusions prises par B.________ dans sa demande, et, plus subsidiairement, la division de causes en fonction de chaque société.
Ces écritures n'ont pas été transmises à A.________.
Par jugement du 27 février 2023, le Tribunal de première instance de Genève a rejeté la requête d'appel en cause.
B.b. Par arrêt du 21 novembre 2023, la Chambre civile de la Cour de justice de Genève a rejeté le recours de A.________ et confirmé cette décision. Ses motifs seront évoqués dans les considérants en droit qui suivront.
C.
A.________ forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral en concluant principalement à l'admission de sa requête d'appel en cause.
Dans leur réponse commune, B.________, C.________ et D.________ (ci-après: les intimées) proposent le rejet du recours.
La cour cantonale s'est pour sa part référée aux considérants de son arrêt.
Considérant en droit :
1.
La décision rejetant une requête d'appel en cause est une décision partielle au sens de l'art. 91 let. b LTF, dès lors qu'elle met fin à la procédure à l'égard des appelées que la défenderesse assignait en justice (ATF 134 III 379 consid. 1.1; arrêt 4A_375/2015 du 26 janvier 2016 consid. 1.1, non publié aux ATF 142 III 102; arrêt 5A_191/2013 du 1er novembre 2013 consid. 3.1). Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision rendue sur recours par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF), le recours en matière civile est en principe recevable.
2.
Sous réserve de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal (art. 105 al. 1 LTF). Il n'est toutefois lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité).
3.
Chaque partie au procès principal peut appeler en cause un tiers contre lequel elle estime avoir des prétentions pour le cas où elle succomberait sur la demande principale (art. 81 al. 1 CPC). Il peut ainsi être statué dans un seul procès sur les prétentions des diverses parties. Un seul procès offre maints avantages: la décision unique évite le risque de jugements contradictoires pouvant résulter de deux procès successifs, épargne aux parties les inconvénients liés à des fors différents et permet de procéder en même temps à l'administration des preuves pour les deux actions. En revanche, il présente l'inconvénient de retarder et de compliquer la procédure sur la demande principale (ATF 147 III 166 consid. 3; 139 III 67 consid. 2.1, avec référence au Message du Conseil fédéral, ad art. 79 et 90; arrêt 4A_51/2013 du 8 janvier 2014 consid. 3).
3.1. Il résulte du texte même de l'art. 81 al. 1 CPC ("estime avoir contre [le dénoncé], pour le cas où il succomberait") que la prétention revendiquée dans l'appel en cause doit présenter un lien de connexité matérielle (
sachlicher Zusammenhang) avec la demande principale. Ainsi, seules les prétentions qui dépendent de l'existence de la demande principale peuvent être exercées dans l'appel en cause. Il s'agit notamment des prétentions en garantie contre un tiers, des prétentions récursoires ou en dommages-intérêts, ainsi que des droits de recours contractuels ou légaux (ATF 139 III 67 consid. 2.4.3).
Selon la jurisprudence, il est également nécessaire que ces prétentions soient soumises à la même compétence matérielle et à la même procédure (ATF 139 III 67 consid. 2.4.2).
3.2. Procéduralement, dans une première étape, l'appelant en cause dépose une requête d'admission de l'appel en cause (art. 82 al. 1 CPC;
Zulassungsgesuch), qui doit être introduite avec la réponse (si l'appel en cause est formé par le défendeur) ou avec la réplique (si l'appel en cause est formé par le demandeur). Après avoir entendu la partie adverse et l'appelé en cause (art. 82 al. 2 CPC), le tribunal statue sur l'admissibilité de l'appel en cause, décision qui peut faire l'objet d'un recours limité au droit de l'art. 319 let. b ch. 1 CPC (art. 82 al. 4 CPC).
Ce n'est que dans une deuxième étape, en cas d'admission de l'appel en cause, que l'appelant déposera sa demande dans l'appel en cause (art. 82 al. 3 CPC;
Streitverkündungsklage), laquelle, comme toute demande en justice, doit satisfaire aux conditions de recevabilité (art. 59 CPC; ATF 147 III 166 consid. 3.2; 142 III 102 consid. 3; 139 III 67 consid. 2.4) et doit contenir des conclusions (art. 221 al. 1 let. b CPC), des allégations de fait (art. 221 al. 1 let. d CPC), qui doivent être suffisamment motivées (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.1), et les moyens de preuves proposés à l'appui de celles-ci (art. 221 al. 1 let. e CPC) (ATF 147 III 166 consid. 3.2; 144 III 519 consid. 5).
3.3. En ce qui concerne la première étape et, plus précisément, la requête d'admission de l'appel en cause (
Zulassungsgesuch; "Antrag zur Zulassung der Streitverkündungsklage"), l'art. 82 al. 1 2e phr. CPC dispose qu'elle doit énoncer les conclusions que l'appelant en cause entend prendre contre l'appelé en cause, et les motiver succinctement.
3.3.1. Le but de cette exigence est de permettre au juge de vérifier qu'est bien remplie la condition de la connexité matérielle (
sachlicher Zusammenhang) entre la créance qui est l'objet de l'appel en cause et la demande principale. Il suffit donc que la motivation présentée par l'auteur de l'appel en cause fasse apparaître que sa propre prétention dépend de l'issue de la procédure principale et qu'il démontre ainsi son potentiel intérêt à l'appel en cause (ATF 147 III 166 consid. 3.3; 146 III 290 consid. 4.3.1; 139 III 67 consid. 2.4.3; arrêt 4A_51/2013 précité consid. 3). En effet, dans cette étape, le juge n'a pas à procéder à un examen sommaire de l'appel en cause, de sorte qu'il n'est pas nécessaire que l'appelant en cause rende vraisemblable la réalisation des conditions de la prétention qu'il invoque dans l'appel en cause; il n'a pas non plus à examiner si, dans l'hypothèse où l'auteur de l'appel en cause devait succomber au principal, ses prétentions envers le tiers seraient matériellement fondées (ATF 147 III 166 consid. 3.3.1; 146 III 290 consid. 4.3.1; 139 III 67 consid. 2.4.3; arrêt 4A_51/2013 précité consid. 3).
3.3.2. Les conclusions qui, selon l'art. 82 al. 1 2e phr. CPC, doivent être prises dans la requête d'appel en cause sont les mêmes que celles que l'appelant fera valoir dans la demande d'appel en cause elle-même (ATF 147 III 166 consid. 3.3.2; 146 III 290 consid. 4.3.1). Comme pour toute action tendant au paiement d'une somme d'argent (art. 84 al. 2 CPC), les conclusions doivent être chiffrées. Si le Tribunal fédéral a imposé cette exigence de chiffrer les conclusions, c'est notamment parce que, sous réserve du cas de l'art. 85 CPC, seules des conclusions chiffrées sont susceptibles d'interrompre la prescription, et ce pour le montant qui y est réclamé (art. 135 ch. 2 CO; ATF 133 III 675 consid. 2.3.2; 122 III 195 consid. 9c
in fine). Cette exigence stricte de procédure est manifestement dans l'intérêt du créancier - l'appelant en cause -, dont les droits risquent sans cela de se prescrire (en particulier lorsque le délai est de courte durée) (ATF 147 III 166 consid. 3.3.2; 142 III 102 consid. 5.3.2
in fine), à moins qu'il n'ait interrompu la prescription par un autre moyen idoine. Il semble que cet avantage ait échappé à la doctrine, qui s'est focalisée sur les frais de l'appel en cause, alors que les conclusions prises peuvent être réduites en tout temps en cours de procédure, notamment en fonction du résultat de l'administration des preuves (cf. projet d'art. 82 al. 1 3e phr. et Message relatif à la modification du Code de procédure civile [Amélioration de la praticabilité et de l'application du droit] du 26 février 2020, in FF 2020 2607 ss, p. 2645). Ce n'est que si la demande principale elle-même n'est pas chiffrée et n'a pas besoin de l'être en vertu de l'art. 85 CPC que l'appelant en cause est dispensé de chiffrer ses conclusions tant dans sa requête d'admission que dans sa demande d'appel en cause. Il en découle que l'appelant ne peut pas se prévaloir de l'art. 85 CPC et renoncer à chiffrer les conclusions de sa requête d'appel en cause au seul motif qu'il ignore s'il succombera dans la procédure principale et, le cas échéant, quel montant il sera condamné à payer (ATF 142 III 102 consid. 3.3; arrêt 4A_235/2016 du 7 mars 2017 consid. 2.2).
L'art. 82 al. 1 CPC a été révisé sur cet aspect; cela étant, la troisième phrase que le législateur lui a greffée et qui dispose nouvellement que les conclusions ne doivent pas être chiffrées si elles portent sur la prestation que le dénonçant serait condamné à fournir dans la procédure principale, n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2025.
3.3.3. Quant à la motivation "succincte" exigée par l'art. 82 al. 1 2e phr. CPC, il suffit qu'elle délimite l'objet du litige (
Streitgegenstand) et fasse apparaître que la prétention de l'appelant contre l'appelé dépend de l'issue de la procédure principale (ATF 147 III 166 consid. 3.3.3; 139 III 67 consid. 2.4.3; arrêt 4A_51/2013 précité consid. 3).
Selon la jurisprudence, ce sont les conclusions et le complexe de faits à l'appui de celles-ci qui permettent au juge de fixer l'objet du litige (
Streitgegenstand; ATF 142 III 210 consid. 2.1; 139 III 126 consid. 3.2.3; 136 III 123 consid. 4.3.1).
3.3.4. Lorsque l'appelant en cause entend faire valoir des prétentions contre plusieurs appelés en cause comme consorts simples (art. 71 al. 1 CPC), il doit satisfaire à cette exigence de délimitation de l'objet du litige pour chacune de ses prétentions. Il doit ensuite indiquer l'objet spécifique de la demande principale avec lequel celui-là est en relation et dont son sort dépend. Si la requête ne satisfait pas à ces exigences, le juge doit déclarer la requête d'admission de l'appel en cause irrecevable (ATF 147 III 166 consid. 3.3.3). Cela étant, il existe des cas dans lesquels il n'est pas nécessaire de déterminer quelle partie de la dette - objet de l'action principale - est réclamée à chacun des appelés en cause, parce que l'appelant en cause entend obtenir la totalité de chacun des appelés en cause. Tel peut notamment être le cas si ceux-ci sont débiteurs solidaires (dans ce sens, MATHIEU ZUFFEREY, LES CONCLUSIONS DE L'APPEL EN CAUSE CONTRE DES CONSORTS SIMPLES, in Revue de l'avocat 6/2021 p. 297 ss, p. 300 s.).
4.
4.1. En l'espèce, le recourant a déposé, avec son mémoire de réponse, une requête d'admission de l'appel en cause à l'encontre de C.________ et de D.________ envers chacune desquelles il compte prendre des conclusions en paiement de 6'256'352 fr., avec intérêts, s'il devait succomber dans la procédure qui l'oppose à B.________. La cour cantonale a rejeté cette requête.
S'agissant de C.________, elle s'en est expliquée de la manière suivante. Le recourant faisait l'objet d'une action en responsabilité en sa qualité d'ancien administrateur de B.________. Il faisait valoir à son tour des prétentions contre C.________ s'il venait à succomber. Il avait exposé que la somme de 6'256'352 fr. qui lui était réclamée correspondait à une prétendue refacturation insuffisante de C.________ envers sa société soeur (sic), ayant créé un enrichissement illégitime de C.________ et non de lui-même personnellement. Selon ses explications, il tenait C.________ pour solidairement responsable du dommage subi par B.________, puisque C.________ avait encaissé le montant réclamé et avait reconnu avoir une dette du même montant envers B.________. S'il succombait dans le cadre de la présente procédure, il entendait agir contre C.________ sur la base des art. 41 et 50 CO . Cela étant, ces explications ne permettaient pas de comprendre quel type de prétentions il détiendrait contre C.________, ni même la nature de celles-ci. Le recourant se limitait à affirmer vouloir agir contre C.________ s'il devait être condamné à payer à B.________ la somme de 6'256'352 fr. sans autre développement. A cela s'ajoutait le fait qu'il était lui-même seul administrateur et actionnaire unique de C.________ au moment des faits qui lui étaient reprochés, de sorte que les éventuels manquements de celle-ci étaient susceptibles de relever de son propre fait. La cour cantonale a déclaré peiner à comprendre à quel titre ou pour quel motif C.________ devrait répondre du dommage réclamé au recourant par B.________ en raison de la violation de ses obligations d'administrateur. Ainsi, elle a considéré qu'il échouait à démontrer qu'il détiendrait des prétentions à faire valoir contre C.________.
S'agissant de D.________, la cour cantonale a considéré que le recourant soutenait avoir droit à un dividende en vertu de l'art. 7.3 du SPA. Bien que cette prétention présentât un certain lien avec le procès principal, dans la mesure où elle reposait sur le même complexe de faits, elle constituait une prétention indépendante contre un tiers qui portait sur un autre aspect du litige. Il ne se justifiait pas de juger celle-ci avec les prétentions principales, ce qui ne ferait qu'alourdir encore davantage l'instruction de l'action principale dans une mesure incompatible avec le principe de célérité et de l'économie de la procédure.
4.2. Le recourant se plaint que l'arrêt cantonal consacre une violation de l'art. 81 CPC.
4.2.1. S'agissant de C.________, le recourant estime avoir été suffisamment clair s'agissant de la prétention dont il serait titulaire envers elle.
Il ressort de la demande de B.________ contre le recourant qu'elle lui reproche, en sa qualité d'ancien administrateur, d'avoir omis de facturer des prestations à C.________ (et non le contraire, comme évoqué dans l'arrêt attaqué; cf.
supra consid. 4.1), lesquelles représenteraient 6'256'352 fr. C'est d'ailleurs ce que le recourant explique dans sa requête d'admission de l'appel en cause. S'il est condamné à lui verser la somme que ces prestations représentent, le recourant indique vouloir se retourner contre C.________ en vertu de l'art. 50 CO.
Il est vrai que dans sa requête, le recourant était très succinct. Visiblement, il a pris l'art. 82 al. 1 2e phr. CPC très à la lettre, ce qui ne poserait pas de problème majeur si ses explications étaient d'une parfaite clarté, ce qui n'est pas tout à fait le cas. La requête mentionne que B.________ prétendait que C.________ aurait encaissé à sa place une somme équivalente, ce qui correspond certes à la demande de B.________ où il est notamment question de cet encaissement, mais n'en demeure pas moins confondant. S'y ajoute que tant le recourant que ses adverses parties utilisent le terme "refacturation" pour désigner apparemment des services que B.________ aurait dû facturer à C.________, ce qui prête à confusion puisque cela recouvre en principe une prestation facturée à une société qui elle-même la refacture à un tiers; or, ce n'est pas la refacturation de C.________ à un tiers qui est en cause ici.
Toujours est-il que la requête d'admission de l'appel en cause fait (aussi) référence au reproche, formulé par B.________ à l'encontre du recourant, de n'avoir pas "refacturé" (
recte: facturé) des montants de B.________ à C.________, ce qui est plus explicite. On parvient donc à cerner, en élaguant quelques éléments, que le coeur du litige tient à une problématique de facturation ou de prix de transfert entre sociétés apparentées. Si le recourant est condamné à verser à B.________ le montant de 6'256'352 fr. qu'il lui est reproché, en sa qualité d'ancien administrateur, d'avoir omis de facturer à C.________, il entend se retourner contre cette dernière société qui serait alors, à ses yeux, pareillement responsable. Le lien de connexité matérielle est donné.
Autre est la question de savoir si cette prétention serait matériellement fondée. La cour cantonale, que cette potentielle créance a laissée perplexe, a noté à ce propos que, comme le recourant était seul administrateur et actionnaire de C.________ au moment des faits, les éventuels manquements de cette société relèveraient de son propre fait. Quant à l'intimée, elle soutient que l'art. 50 CO ne trouverait pas application s'agissant d'une responsabilité fondée sur le droit des sociétés, régie par l'art. 759 CO. Le recourant a étoffé la liste des dispositions légales sur lesquelles il entend asseoir sa prétention en lui ajoutant, dans son recours, les art. 51 CO (référence faite à l'arrêt 4A_164/2016 du 18 octobre 2016), 148 et 149 CO. Ces éléments ne doivent toutefois pas influencer la décision puisque, au stade de la requête d'admission de l'appel en cause, le juge n'a pas à se préoccuper de savoir si la prétention dont il s'agit est fondée ou non.
Le recours fait donc mouche sur ce point. Par ailleurs, aucune des autres conditions auxquelles l'art. 81 CPC subordonne l'appel en cause ne pose problème. Il demeurera à examiner l'argument que les intimées opposent à un appel en cause tout à la fois de C.________ et D.________ (
infra consid. 4.2.3).
4.2.2. S'agissant de D.________, la cour cantonale a fort bien saisi que le recourant, défendeur dans l'action en responsabilité en vertu de son statut d'ancien administrateur de B.________, entendait réclamer le montant qu'il pourrait devoir à B.________ à D.________ en vertu du SPA. Le contrat de vente d'actions prévoirait, à l'en croire, une clause l'autorisant à prélever, avant la vente, des dividendes de B.________ dont il affirme qu'ils seraient plus élevés s'il était amené à lui verser le montant litigieux. Ce n'est donc pas au niveau de l'articulation de cette prétention que se trouve le noeud du problème.
La cour cantonale a estimé que si la prétention invoquée par le recourant présentait "un certain lien avec le procès principal", il n'en s'agissait pas moins d'une prétention indépendante contre un tiers portant sur un autre aspect du litige. Ce à quoi le recourant lui rétorque que l'existence de cette prétention dépend pleinement de l'issue de la procédure principale, de sorte qu'elle présenterait un lien de connexité matérielle au sens de l'art. 81 CPC, dont il dénonce derechef la violation.
Le recourant a toutefois tort sur ce chapitre. Dans sa logique, un jugement prononcé à son détriment dans l'action principale se traduirait par une créance de B.________, respectivement un paiement au profit de celle-ci, augmentant d'autant son bénéfice et par là même, le dividende qu'il aurait pu en retirer en vertu du SPA (rétroactivement, puisque la date du
closing est depuis longtemps révolue). Ceci ne suffit toutefois pas pour retenir une connexité matérielle. L'éventuel dividende auquel il pourrait prétendre n'est qu'un effet réflexe de l'issue de la présente procédure. Il y a bien un lien entre l'éventuel jugement condamnatoire, les comptes de B.________ - respectivement l'éventuelle rectification de ceux-ci - et une créance en versement du dividende dont il deviendrait par pure hypothèse titulaire, mais pas une connexité matérielle au sens de l'art. 81 CPC.
Compte tenu de cette conclusion, il est inutile de se pencher sur les arguments de l'intimée tirés du SPA, qui ont trait à la question de savoir si la prétention en cause est matériellement fondée ou non.
Quant aux considérations tirées de la complexité que l'appel en cause imprimerait à la procédure pendante et aux intérêts de la célérité et de l'économie de la procédure, le souci exprimé par les juges cantonaux se comprend aisément. Au contraire de certains codes cantonaux de procédure auxquels il s'est substitué (cf. à cet égard, arrêt 4A_431/2009 du 18 novembre 2009 consid. 2.3), le CPC n'offre plus au juge la possibilité d'écarter un appel en cause pour ce motif (ATF 139 III 67 consid. 2.2 et 2.3 et les références citées). Ce principe a été ancré en jurisprudence il y a plus de dix ans, à une époque où il s'agissait d'éviter que l'institution de l'appel en cause - nouvelle pour un grand nombre de cantons - ne demeure lettre morte; il ne fait pas l'objet d'une fronde doctrinale, même si certains soulignent avec bon sens que des cas particulièrement complexes impliquant de nombreux appelés en cause pourraient être appréciés différemment (cf. DAVID HOFMANN/CHRISTIAN LÜSCHER, Le Code de procédure civile, 3e éd. 2023, p. 122). Seules demeurent les possibilités de diviser les procédures, de suspendre l'une d'entre elles, ou de limiter la procédure à des questions ou des conclusions déterminées, ce que l'art. 82 al. 3 CPC rappelle en réservant l'art. 125 CPC. C'est d'ailleurs précisément une division de causes, alternativement une limitation de la procédure, que l'intimée a réclamée à titre subsidiaire, dans sa prise de position du 12 janvier 2023 (complément d'office sur la base du jugement de première instance), requête sur laquelle le Tribunal de première instance ne s'est pas encore prononcé, mais qu'il lui incombera de trancher vu le sort du présent recours. Quoi qu'il en soit, ceci ne change rien à l'affaire puisque - en l'absence de connexité matérielle - le recourant ne pouvait appeler en cause D.________.
C'est donc à bon droit que la cour cantonale a rejeté la requête d'admission de l'appel en cause à l'endroit de D.________.
4.2.3. L'intimée, dans sa réponse, estime que le recourant aurait dû individualiser les prétentions à l'égard de chacune des appelées en cause. Il se serait dérobé à cette obligation en se contentant de prendre des conclusions en paiement de 6'256'352 fr. contre chacune d'entre elles, sommes qui - additionnées - représenteraient près du double du montant que B.________ réclame au recourant.
Cela étant, il tombe sous le sens que le recourant n'entend pas réclamer à chacune des appelées en cause une partie seulement de la somme qu'il pourrait devoir à B.________. Il entend de toute évidence couvrir toutes les hypothèses, ce qui peut s'expliquer tant par les sommes litigieuses que par la complexité des questions juridiques, et réclamer l'entier à chacune d'entre elles, quitte à essuyer le rejet de l'une (à tout le moins) de ses deux actions. Rien dans les allégations qu'il a formulées ne permet d'inférer qu'il en serait autrement. En cela, le présent cas se distingue de l'ATF 147 III 166 où il s'agissait de défauts affectant un immeuble pour lesquels l'appelante en cause, bien qu'ayant indiqué que certaines des appelées en cause ne répondaient que d'un seul des défauts pour lesquels elle était elle-même actionnée, n'en réclamait pas moins le tout à chacune d'entre elles (ATF 147 III 166 consid. 3.4).
Pour répondre à un autre de ses arguments, il est clair que le recourant a conclu au paiement de 6'256'352 fr. car cette somme correspond au montant dont il pourrait lui-même répondre, pour ne pas l'avoir facturé à C.________ lorsqu'il était administrateur de B.________.
Ceci scelle le sort de la requête d'admission de l'appel en cause à l'endroit de C.________, laquelle doit être admise.
5.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être partiellement admis et le jugement cantonal réformé sur le point suivant; la requête d'admission de l'appel en cause dirigée contre C.________ est admise.
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr. sont mis à la charge du recourant pour 5'000 fr., et de B.________ et C.________, débitrices solidaires, pour le solde, comme elles se sont opposées à l'admission de l'appel en cause.
B.________ et C.________ doivent, solidairement entre elles, une indemnité de 6'000 fr. au recourant à titre de dépens.
Le recourant doit une indemnité de 6'000 fr. à B.________ et D.________ à titre de dépens.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis et l'arrêt cantonal est annulé.
La requête d'admission de l'appel en cause formée par A.________ à l'endroit de C.________ AG est admise.
La requête d'admission de l'appel en cause formée par A.________ à l'endroit de D.________ SA est rejetée.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge du recourant pour 5'000 fr., et de B.________ SA et C.________ AG, débitrices solidaires, pour les 5'000 fr. subsistants.
3.
B.________ SA et C.________ AG doivent, solidairement entre elles, une indemnité de 6'000 fr. à A.________ à titre de dépens.
4.
A.________ doit une indemnité de 6'000 fr. à B.________ SA et D.________ SA, créancières solidaires, à titre de dépens.
5.
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
6.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile.
Lausanne, le 2 septembre 2024
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant : Kiss
La Greffière : Fournier