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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_458/2022  
 
 
Arrêt du 3 avril 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Kiss, juge présidant, Hohl et Rüedi. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me David Raedler, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ Ltd, 
représentée par Me Anne-Virginie La Spada-Gaide, avocate, 
intimée. 
 
Objet 
droit des marques; dépôt abusif d'une marque, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2022 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/18296/2019, ACJC/1125/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. En 2007, B.________ Ltd, société ayant son siège aux Bahamas, qui exploite notamment les sites internet "..." et "...", a lancé l'application "..." permettant l'organisation et la gestion de tâches multiples.  
A.________ SA, société inscrite au registre du commerce genevois ayant pour but la fourniture de services internet, de réalisations graphiques et d'applications mobiles, a souscrit un abonnement à l'application précitée en juin 2014. 
 
A.b. Par la suite, B.________ Ltd a entrepris le développement d'une nouvelle application, dénommée "...", permettant de gérer des conversations et des échanges d'informations au sein d'une équipe notamment dans le domaine du télétravail.  
Le 28 janvier 2016, B.________ Ltd a déposé la marque "..." aux États-Unis d'Amérique pour divers services de la classe 42. 
Selon un extrait du registre des marques américain relatif à la marque "..." n...., celle-ci a été utilisée pour la première fois dans le commerce le 17 janvier 2017. 
Après la sortie d'une version test de l'application "..." en janvier 2017, celle-ci a fait l'objet d'un lancement officiel public en juin 2017. 
L'application "..." est accessible par trois canaux différents: 
 
- (1) téléchargement via des appareils mobiles fonctionnant sous les systèmes d'exploitation iOS et Android; 
- (2) téléchargement sur des ordinateurs disposant des systèmes d'exploitation macOS, Windows et Linux à partir du site internet "...", lequel est accessible sans restriction (absence de système de "geoblocking") depuis la Suisse et disponible en dix-huit langues; 
- (3) utilisation de l'application web, sans restriction géographique (absence de système de "geoblocking"), directement sur le site internet "..." sans qu'il soit nécessaire de procéder à un téléchargement. 
 
A.c. Le 10 décembre 2013, A.________ SA a conclu avec C.________ une convention intitulée "contrat de cession de droit et marque". A teneur dudit contrat, C.________ était le propriétaire intellectuel et légal de la solution commercialisée depuis 2007 qu'il souhaitait "revendre". Il assurait qu'il était le seul bénéficiaire des droits légaux sur les solutions "..." et sur la base logicielle "...". Il n'était toutefois au bénéfice d'aucun enregistrement des marques "..." ou "..." à la date de la signature du contrat précité. A teneur d'un communiqué de presse du 27 novembre 2017, C.________ avait créé l'outil "..." en novembre 2007.  
 
A.d. Le 15 mai 2017, A.________ SA, qui prétendait utiliser la marque "..." en 2013 déjà, a sollicité l'enregistrement du signe "..." en tant que marque suisse. La marque suisse "..." n.... a été enregistrée le 2 novembre 2017 pour les classes 9 ("logiciels; applications logicielles informatiques téléchargeables; logiciel téléchargeable via smartphones, téléphones mobiles, terminaux mobiles ou autres applications d'ordinateurs portables et de bureau; logiciels d'intégration d'applications et de bases de données; logiciels de conception/fabrication assistées par ordinateur; logiciels de communication; logiciel de commerce électronique permettant aux utilisateurs d'effectuer des transactions commerciales par voie électronique par le biais d'un réseau informatique mondial; logiciels de bioinformatique; logiciels d'application") et 42.  
A.________ SA est également titulaire de la marque "A.________ SA" (n....) et d'une marque figurative reprenant son logo (n....) depuis le 15 mai 2017 pour les classes 9 et 42 ainsi que d'une autre marque figurative depuis le 18 mai 2017 pour la classe 9. 
 
A.e. Le 12 décembre 2017, A.________ SA s'est plainte auprès d'Apple de l'utilisation de la marque "..." par B.________ Ltd via son application disponible sur l'AppStore.  
Le 3 janvier 2018, B.________ Ltd a fait savoir à Apple et à A.________ SA qu'elle avait procédé à l'enregistrement de la marque "..." aux États-Unis d'Amérique. A.________ SA a dès lors précisé que sa plainte concernait l'Union européenne et la Suisse, où elle utilisait le signe "..." pour des services de communication depuis 2010. 
Le 8 mars 2018, B.________ Ltd a proposé d'acquérir les droits de A.________ SA sur sa marque en Suisse. Jugeant disproportionné le prix de 220'000 euros articulé par A.________ SA, elle lui a répondu qu'elle n'était pas disposée à lui offrir plus de 5'000 euros. A.________ SA a décliné cette proposition. 
A la suite des discussions infructueuses menées par les parties, A.________ SA a invité Apple à retirer l'application litigieuse de l'AppStore, ce que cette dernière a fait le 18 mai 2018. 
Après une intervention de B.________ Ltd, l'application litigieuse a été réintroduite sur l'AppStore, à l'exclusion du marché suisse, quelques jours après. B.________ Ltd a par la suite supprimé l'application litigieuse du store GooglePlay pour la Suisse. 
 
A.f. En parallèle, B.________ Ltd et A.________ SA ont déposé une demande d'inscription de la marque "..." pour l'Union européenne en avril 2018.  
Considérant que B.________ Ltd jouissait d'un droit prioritaire sur la marque en question, A.________ SA a limité la liste des produits et services visés par sa demande pour en exclure, par requête du 10 septembre 2018, les logiciels ou applications permettant des communications aisées et interactives dans des environnements personnels et professionnels, cette limitation excluant, à son avis, toute atteinte aux droits de marque de B.________ Ltd au sein de l'Union européenne. 
 
B.  
Le 12 août 2019, A.________ SA a assigné B.________ Ltd devant la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. Elle a conclu à ce qu'il soit fait interdiction à la défenderesse de faire usage de la marque verbale "..." en Suisse par tout moyen et média, et d'offrir ou mettre autrement sur le marché en Suisse, de toute manière et par tout moyen, tout produit, service ou prestation de la marque verbale "...", y compris par tout site internet accessible depuis la Suisse, et à ce qu'il lui soit ordonné de bloquer toute utilisation de l'application web et mobile "..." en Suisse, notamment par l'installation d'un système de "geoblocking", ainsi que la consultation et l'utilisation du site web et application web hébergés sous l'URL "...", à tout utilisateur situé en Suisse, d'empêcher l'utilisation de toute application mobile et web sous la marque "..." en Suisse, y compris toute application ayant déjà été téléchargée au moment de l'entrée en force du jugement, d'inscrire dans les versions existantes et à venir des conditions d'utilisateur de l'application web et mobile "..." une mention indiquant notamment une interdiction d'utiliser ce service en Suisse, sous quelque forme que ce soit, le tout sous la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse (CP; RS 311.0). 
A l'appui de sa demande, l'intéressée a affirmé qu'elle mettait en avant le produit "..." depuis 2013. Elle a exposé qu'elle était titulaire de tous les droits liés à la marque "..." en Suisse pour les classes 9 et 42 et que, par conséquent, l'utilisation de la marque faite par B.________ Ltd pour individualiser son application disponible en Suisse violait ses droits. Le site internet de la défenderesse était en effet accessible depuis la Suisse sans qu'aucun système de "geoblocking" ou toute autre forme de restriction territoriale ne soit appliquée et aucune référence ni mention ne figurait sur ledit site s'agissant de l'exclusion d'utilisation qui s'appliquerait au territoire suisse. La demanderesse estimait en outre que plusieurs éléments caractéristiques du site internet en question laissaient penser qu'il ciblait les consommateurs suisses. 
Le 14 janvier 2020, la défenderesse a conclu à l'irrecevabilité de la demande et, subsidiairement, à son rejet. Elle a également formé une demande reconventionnelle aux fins de faire constater la nullité de la marque suisse "..." n.... et d'obtenir qu'il soit ordonné sa radiation. 
Statuant en qualité d'instance unique en vertu de l'art. 5 al. 1 let. a du Code de procédure civile suisse (CPC; RS 272), la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, par arrêt du 13 septembre 2022, a constaté la nullité de la marque verbale suisse "..." n. 708990 et a débouté les parties de toutes autres conclusions. Les motifs qui étayent cette décision seront discutés plus loin dans la mesure utile à la compréhension des griefs dont celle-ci est la cible. 
 
C.  
Le 17 septembre 2022, A.________ SA (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile à l'encontre de cet arrêt. Elle sollicite, principalement, la réforme de la décision entreprise et reprend les mêmes conclusions que celles formulées devant la cour cantonale. Subsidiairement, elle requiert l'annulation de l'arrêt querellé et le renvoi de la cause à l'autorité précédente. 
En tête de sa réponse, B.________ Ltd (ci-après: l'intimée) a conclu à ce que le recours soit déclaré sans objet et la cause rayée du rôle. Subsidiairement, elle a proposé le rejet du recours. Elle a produit une nouvelle pièce en annexe à son écriture. 
La cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt. 
La recourante a répliqué spontanément. Elle a maintenu ses conclusions initiales et a produit une pièce nouvelle. 
L'intimée a déposé une duplique dans laquelle elle a persisté dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours dont il est saisi (ATF 143 III 140 consid. 1; 142 II 363 consid. 1 et les références citées). 
 
1.1. Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, qui a statué en instance cantonale unique en vertu de l'art. 5 al. 1 let. a CPC.  
Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF) et, contrairement à la règle générale (cf. art. 75 al. 2 LTF), le tribunal supérieur désigné comme autorité cantonale de dernière instance n'a pas à statuer sur recours (art. 75 al. 2 let. a LTF). 
 
1.2.  
 
1.2.1. Selon l'art. 76 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière civile quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), pour autant qu'il soit particulièrement touché par la décision attaquée et ait un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification (let. b). L'intérêt digne de protection consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait à son auteur, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 137 II 40 consid. 2.3). L'intérêt doit être actuel, c'est-à-dire qu'il doit exister non seulement au moment du dépôt du recours, mais encore au moment où l'arrêt est rendu (ATF 137 I 296 consid. 4.2; 137 II 40 consid. 2.1). Le Tribunal fédéral déclare le recours irrecevable lorsque l'intérêt digne de protection fait défaut au moment du dépôt du recours. En revanche, si cet intérêt disparaît en cours de procédure, le recours devient sans objet (ATF 137 I 23 consid. 1.3.1 et les références citées).  
 
1.2.2. Dans sa réponse, l'intimée soutient que le recours serait devenu sans objet. A cet égard, elle fait valoir, preuve à l'appui, que la marque litigieuse a été radiée du registre des marques en date du 15 novembre 2022.  
Il ressort toutefois d'une pièce produite par la recourante que la marque a été radiée par erreur le 15 novembre 2022, erreur qui a été corrigée le 10 janvier 2023, la marque étant ainsi à nouveau "active" dans Swissreg. Nonobstant les dénégations de l'intimée, il appert ainsi que la recourante conserve bel et bien un intérêt digne de protection à l'annulation de l'arrêt entrepris. 
 
1.3. Pour le reste, qu'il s'agisse du délai de recours ou des conclusions prises par la recourante, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen de la recevabilité des différents griefs formulés par l'intéressée.  
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 139 I 22 consid. 2.3; 137 III 580 consid. 1.3; 135 III 397 consid. 1.4).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1). Il ne suffit pas qu'une appréciation différente puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 144 I 170 consid. 7.3; 142 II 369 consid. 4.3; 140 III 167 consid. 2.1). 
 
3.  
La cause présente un élément d'extranéité puisque le siège de l'intimée se situe à l'étranger. En l'occurrence, la cour cantonale a fondé sa compétence à raison du lieu pour connaître du présent litige sur l'art. 109 al. 2 de la loi sur le droit international privé (LDIP; RS 291) et appliqué le droit suisse en vertu de l'art. 110 al. 1 LDIP. Les parties ne contestent ni la compétence de la cour cantonale ni le droit appliqué par elle, de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'attarder sur ces questions. 
 
4.  
 
4.1. Aux termes de l'art. 1 al. 1 de la loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (LPM; RS 232.11), la marque est un signe propre à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux proposés par d'autres entreprises. La marque a donc une fonction de différenciation, dans l'intérêt de l'entreprise. Selon la jurisprudence, le rôle de la marque est de distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises; son but est d'individualiser les prestations ainsi désignées et de les différencier des autres, de telle sorte que le consommateur puisse retrouver, dans l'abondance de l'offre, un produit ou un service qu'il apprécie (ATF 122 III 382 consid. 1, 469 consid. 5f; 119 II 473 consid. 2c).  
 
4.2. La protection d'une marque vaut sur le territoire suisse dès l'enregistrement (art. 5 LPM). Son titulaire dispose du "droit exclusif" de faire usage de la marque pour distinguer les produits ou services enregistrés (art. 13 al. 1 LPM). Il peut notamment interdire à des tiers l'usage de signes identiques ou similaires pour caractériser des produits ou services identiques ou similaires (art. 13 al. 2 LPM en lien avec l'art. 3 LPM; arrêt 4A_509/2021 du 3 novembre 2022 consid. 3.3 et les références citées). La personne qui subit une violation de son droit à la marque peut ainsi demander au juge de la faire cesser, si elle dure encore (art. 55 al. 1 let. b LPM).  
 
4.3. Pour pouvoir maintenir son droit à la marque enregistrée, le titulaire doit utiliser celle-ci de façon effective (art. 11 al. 1 LPM; sur la raison d'être de cette incombance, ATF 139 III 424 consid. 2.2.1; arrêt 4A_509/2021, précité, consid. 3.3 et les références citées). Il n'est pas tenu d'agir dès l'enregistrement: la loi lui laisse un délai de carence de cinq ans (art. 12 al. 1 LPM), qui recommence à courir s'il interrompt ultérieurement cet usage (arrêt 4A_509/2021, précité, consid. 3.3 et les références citées). Le titulaire a ainsi le temps d'introduire sa marque sur le marché ou de s'adapter à la situation économique (arrêt 4A_509/2021, précité, consid. 3.3 et les références citées).  
Le législateur ne dit pas ce qu'il entend par "usage de la marque". Doctrine et jurisprudence admettent que l'usage doit se faire en Suisse (ATF 107 II 356 consid. 1c; arrêt 4A_509/2021, précité, consid. 3.3 et les références citées). En effet, la marque est protégée en Suisse, champ d'application de la LPM (cf. ATF 105 II 49 consid. 1a); aussi exige-t-on qu'elle exerce sa fonction distinctive sur ce territoire (arrêt 4A_509/2021, précité, consid. 3.3 et la référence citée). L'usage doit intervenir conformément à la fonction de la marque, c'est-à-dire pour distinguer les produits ou les services ("usage à titre de marque"). En d'autres termes, l'usage doit être public, la marque devant être utilisée de telle façon que le marché y voie un signe distinctif (ATF 139 III 424 consid. 2.4). Il découle implicitement de l'art. 11 al. 1 LPM que l'usage de la marque doit également être sérieux (arrêt 4A_509/2021, précité, consid. 3.3). Notamment, un usage purement symbolique, fait à seule fin de ne pas perdre le droit à la marque, ne suffit pas; le titulaire doit manifester l'intention de satisfaire toute demande de marchandise ou de service (ATF 102 II 111 consid. 3). Par ailleurs, l'usage doit être économiquement raisonnable et intervenir dans le commerce. L'usage à des fins privées ou à l'intérieur de l'entreprise ne suffit pas à maintenir le droit. Les usages commerciaux habituels sont déterminants (arrêt 4A_464/2022 du 3 janvier 2023 consid. 3.2 et les références citées). Dans l'examen du caractère sérieux de l'usage, il convient de se fonder sur toutes les circonstances du cas particulier, notamment les produits, les services et le type d'entreprise concernée, le chiffre d'affaires usuel ainsi que l'étendue géographique, la nature et la durée de l'usage (arrêt 4A_464/2022, précité, consid. 3.2 et les références citées). 
 
4.4. Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion d'affirmer que celui qui dépose à titre de marque un signe déjà utilisé par un tiers ne pourra se prévaloir de son enregistrement s'il a agi avec une intention déloyale (cf. ATF 129 III 353 consid. 3.4; 127 III 160 consid. 1a; arrêts 4A_265/2020 du 28 décembre 2020 consid. 6.3.4 et les références citées; 4A_181/2019 du 27 août 2019 consid. 2.1; 4A_100/2013 du 10 juillet 2013 consid. 2.2 et les références citées). Ainsi, aucune protection ne peut être accordée à une marque qui n'aurait pas été enregistrée dans le but d'en faire usage, mais pour en empêcher l'enregistrement par un tiers ou, autre cas de figure, pour élargir le domaine de protection d'une marque effectivement utilisée. De même aucune protection ne peut être accordée à une marque enregistrée non pour l'utiliser, mais pour obtenir une compensation financière ou quelque autre avantage de l'utilisateur préexistant de ce signe (arrêt 4A_242/2009 du 10 décembre 2009 consid. 6.4). Dans un tel cas, la marque est nulle (ATF 127 III 160 consid. 1a; arrêt 4A_181/2019, précité, consid. 2.1 et les références citées).  
Pour déterminer le caractère abusif ou non d'un enregistrement, le tribunal doit apprécier l'ensemble des faits (arrêt 4A_242/2009, précité, consid. 6.4 et les références citées). Il s'agit de définir l'intention, au moment du dépôt, de celui qui est devenu titulaire de l'enregistrement. Il faut tenir compte des buts et motifs du déposant à ce moment-là. Des circonstances postérieures au dépôt peuvent être prises en compte si elles permettent de fournir des indices quant à l'intention du titulaire au moment du dépôt de la marque (arrêt 4A_100/2013, précité, consid. 2.2 et la référence citée). 
 
5.  
Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale constate que la recourante est titulaire, en Suisse, de la marque "...", enregistrée le 2 novembre 2017. Elle observe aussi que l'intimée propose à la vente une application dénommée "...", disponible sur son site internet, accessible depuis la Suisse. 
Sur la base des preuves à sa disposition, la juridiction cantonale retient qu'il n'est pas établi que la recourante utiliserait la marque précitée en relation avec les produits enregistrés (logiciels et applications logicielles) ni même que l'usage qu'elle en ferait aurait lieu sur le marché. Selon les constatations des juges cantonaux, la recourante n'a utilisé la dénomination "..." qu'en lien avec un "framework web" (composant d'un logiciel), ce qui est corroboré par les pièces produites par l'intéressée - à savoir des documents internes non datés - ainsi qu'un extrait de son site internet, lequel mentionne ce terme. La désignation "..." vise ainsi le composant d'un logiciel, et non pas un logiciel à proprement parler destiné à un usage commercial. Il ne s'agit dès lors pas d'un élément qui pourrait être acheté et installé séparément par un utilisateur, étant précisé que la recourante n'a pas établi qu'il serait possible pour un client d'acquérir une licence d'utilisation sur ledit "produit". La juridiction cantonale estime également que les preuves disponibles ne permettent pas d'étayer l'allégation de la recourante selon laquelle elle continuerait d'exploiter la marque litigieuse mais qu'elle aurait renoncé à développer une application "...". Elle relève, par ailleurs, que l'intéressée n'a pas allégué ni établi avoir développé des applications sous d'autres marques. L'autorité précédente constate ainsi que l'usage actuel que fait la recourante du signe "..." ne concerne pas les produits ou les services enregistrés et n'a pas lieu sur le marché. Elle observe toutefois que le délai quinquennal dont dispose la titulaire d'une marque pour l'utiliser à partir de son enregistrement n'est en l'occurrence pas échu. Elle souligne néanmoins qu'un tel délai ne commence à courir que pour autant qu'il existe une intention sérieuse de la part du titulaire d'utiliser la marque concernée. 
Poursuivant le fil de son raisonnement, la cour cantonale examine si la recourante a déposé le signe enregistré en agissant de mauvaise foi. Elle aboutit à la conclusion que tel est bien le cas en l'espèce, car l'intéressée a procédé à l'enregistrement de la marque "..." dans le but d'entraver la bonne marche des affaires de l'intimée. Pour parvenir à ce résultat, elle constate que la recourante était une cliente de longue date de l'intimée, active dans le même domaine, et qu'elle a nécessairement pris connaissance des annonces de lancement de l'application "..." parues sur le site internet de l'intimée, d'abord dans une version test début 2017, puis dans sa version définitive le 12 mai 2017. La demande d'enregistrement de la marque suisse "..." a du reste été déposée trois jours après, soit le 15 mai 2017. La recourante a par ailleurs porté plainte auprès d'Apple pour que l'application de l'intimée soit retirée du marché dans le mois qui a suivi l'enregistrement de sa marque en Suisse, raison pour laquelle elle devait savoir, au moment de son dépôt, que l'intimée faisait usage de la marque sur son site internet aux fins de commercialiser une application. La cour cantonale estime que les circonstances postérieures au dépôt, singulièrement les négociations menées entre les parties à la suite de la plainte en question, constituent des indices de l'intention déloyale de l'intéressée lors du dépôt de la marque concernée. A cet égard, elle observe que la recourante s'est prévalue d'un usage de ladite marque au sein de l'Union européenne qu'elle n'a jamais établi afin de justifier, vraisemblablement, le prix de vente considérable qu'elle exigeait de la part de l'intimée. Selon la cour cantonale, le prix articulé par l'intéressée de 220'000 euros apparaît particulièrement exagéré, étant donné que celle-ci a chiffré la valeur litigieuse de la présente action à 20'000 fr. L'autorité précédente estime, par ailleurs, que la recourante ne peut rien tirer du contrat qu'elle a conclu le 10 décembre 2013 avec C.________, qui aurait servi de base pour apprécier la valeur de sa marque, dès lors que ledit contrat ne visait pas le même produit. Elle considère, enfin, que le simple fait que la recourante ait requis l'enregistrement d'autres marques en mai 2017 ne suffit pas à retenir l'existence d'une stratégie de marque conforme au principe de la bonne foi, compte tenu des éléments susmentionnés. 
En définitive, la cour cantonale juge que la recourante a décidé de faire passer son "framework web" pour un produit similaire à celui proposé par l'intimée en déposant la marque pour des logiciels et autres applications logicielles informatiques, ce qui a eu pour effet de bloquer l'intimée et de lui permettre de réclamer une compensation financière à cette dernière. L'enregistrement présentant un caractère abusif, la marque litigieuse est dès lors à son avis frappée de nullité. 
 
6.  
En premier lieu, la recourante, dénonçant un établissement manifestement inexact des faits (art. 97 al. 2 LTF), s'en prend à diverses constatations opérées par la cour cantonale concernant l'absence d'usage de la marque concernée. 
 
6.1. Premièrement, la recourante fait valoir que l'autorité précédente, en retenant qu'elle ne faisait aucune utilisation de la marque litigieuse en lien avec les produits enregistrés, aurait totalement fait fi des pièces 35 à 39 qu'elle avait produites. Elle soutient que, contrairement à ce qu'a indiqué la juridiction cantonale, il ne s'agit pas de documents internes mais bel et bien d'offres et de communications qui ont été transmises à des clients respectivement qui étaient destinées à des tiers. Elle reproche également à la cour cantonale de n'avoir pas tenu compte respectivement de s'être écartée des déclarations faites par son représentant selon lesquelles l'outil "..." constitue bel et bien un logiciel pouvant être pris sous licence par un client.  
Deuxièmement, la recourante fait grief à l'autorité précédente d'avoir retenu que l'objet visé par le contrat qu'elle avait conclu en 2013 avec C.________ n'était pas le même que celui qu'elle exploite aujourd'hui sous sa marque. A cet égard, elle relève que les termes du contrat visent expressément les solutions "..." et la base logicielle "...". Elle indique également que son représentant a déclaré, en cours de procédure, que le logiciel... était présenté en tant que "...". L'intéressée estime dès lors que le constat selon lequel "..." et "..." sont deux éléments distincts sans lien entre eux est erroné. 
Troisièmement, la recourante reproche à l'autorité précédente d'avoir retenu qu'elle n'avait ni allégué ni établi avoir entrepris le développement d'applications sous d'autres marques. A son avis, la juridiction cantonale remettrait ainsi en cause ses activités ainsi que son but social, sans fondement concret ni pertinence. 
 
6.2. Force est d'emblée de relever que la recourante, par ses explications revêtant un caractère appellatoire marqué, se contente, dans une très large mesure, de substituer sa propre appréciation des preuves à celle des précédents juges. Sa démonstration ne permet ainsi nullement d'établir que la cour cantonale aurait effectué des déductions insoutenables sur la base des éléments recueillis. C'est le lieu du reste de préciser que l'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait envisageable, voire préférable.  
Contrairement à ce que laisse entendre la recourante, la juridiction cantonale n'a pas ignoré les pièces 35 à 39, puisqu'elle a fait expressément référence aux documents en question, en précisant que l'intéressée avait produit des documents internes et non datés ainsi qu'un courriel caviardé que cette dernière avait qualifiés d'extraits de proposition commerciale, d'appel d'offres et d'offre de conception. La recourante se borne à affirmer qu'il s'agit bel et bien de documents ayant été communiqués à des tiers, que leur datation est possible et à indiquer les raisons pour lesquelles ceux-ci sont en partie caviardés. Ses explications se révèlent toutefois impropres à démontrer que l'autorité précédente aurait sombré dans l'arbitraire en retenant l'absence d'un quelconque usage de la part de l'intéressée de la marque "..." pour les produits enregistrés lors du dépôt de la marque ou ultérieurement. Même à supposer que les pièces 35 à 39 aient été effectivement communiquées à des tiers, force est de constater que la cour cantonale a considéré, sur la base d'une appréciation des preuves qui ne saurait être taxée d'arbitraire, que les documents en question permettaient simplement d'établir que l'intéressée avait simplement désigné par le terme "...", à un moment ou à un autre, un "framework web", lequel ne constitue pas un logiciel. C'est également de manière exempte d'arbitraire que l'autorité précédente a jugé que la recourante avait échoué à établir que l'outil "..." constituait bel et bien un logiciel pouvant être remis sous licence à des clients, puisque le seul élément avancé par l'intéressé pour étayer ses allégations était l'audition de son administrateur. 
La recourante ne peut pas davantage être suivie lorsqu'elle se plaint de ce que la cour cantonale aurait retenu, de manière erronée, que l'objet du contrat qu'elle avait conclu en 2013 avec C.________ n'était pas le même "que ce qui est aujourd'hui exploité par la recourante" sous la marque enregistrée. Comme l'expose de manière convaincante l'intimée, les pièces produites par son adversaire opéraient une distinction entre les solutions "..." et "..." et indiquaient que "..." était le premier service web basé sur le "framework...". Ces deux pièces pouvaient ainsi tout au plus corroborer un éventuel usage de la mention "..." pour désigner un "framework web" mais non un logiciel. On ne saurait par ailleurs reprocher aux juges précédents de n'avoir pas tenu compte des déclarations du représentant de la recourante, lequel avait laissé entendre que les termes "..." et "..." se référaient à un seul et même objet, dès lors que le contrat conclu en 2013 distinguait les deux. On ne discerne ainsi pas en quoi le contrat conclu en 2013 serait pertinent pour l'issue du litige, dans la mesure où la cour cantonale a admis un certain usage du terme "..." pour désigner un "framework web", soit un produit non visé par ceux couverts par l'enregistrement de la marque concernée. 
C'est également, en vain, que l'intéressée se plaint de ce que la cour cantonale a constaté qu'elle n'avait pas établi le développement d'applications sous d'autres marques. Force est tout d'abord de souligner que semblable constatation n'est pas décisive pour l'issue du litige, comme le reconnaît du reste elle-même l'intéressée. Quoi qu'il en soit, la constatation critiquée ne se rapporte manifestement pas à l'ensemble des activités de la recourante, qui ne sont pas remises en cause, mais à ses allégations relatives à l'usage prétendument projeté de sa marque "...". Comme le souligne l'intimée, son adversaire a allégué en procédure qu'elle avait eu l'intention de lancer une application de messagerie et de collaboration "...", sans toutefois en apporter la preuve, mais qu'elle y avait renoncé par crainte du risque de confusion important avec le produit proposé par l'intimée. Or, si la recourante avait développé une application de messagerie mais estimait qu'elle ne pouvait pas la commercialiser sous la marque "..." pour le motif précité, elle aurait logiquement choisi un autre nom. La cour cantonale a dès lors manifestement fait allusion à ces allégations, lorsqu'elle a retenu que l'intéressée n'avait pas établi le développement d'applications sous d'autres marques. 
En définitive, la cour cantonale n'a pas sombré dans l'arbitraire en constatant l'absence d'usage par la recourante de la marque litigieuse en relation avec les produits enregistrés. 
 
6.3. Dans ses écritures, la recourante revient à la charge sur ce point, en soutenant que l'autorité précédente aurait également enfreint les art. 5, 11 et 12 LPM ainsi que l'art. 2 al. 2 du Code civil suisse (CC; RS 210) et l'art. 2 de la la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241), en retenant l'absence d'utilisation de sa part de la marque litigieuse en lien avec les produits enregistrés. Sa critique vise, dans une large mesure, à démontrer qu'elle a bel et bien fait usage du signe litigieux. Il a cependant déjà été fait justice à cette critique, qui relève en réalité du fait. En tout état de cause, force est de constater que l'intéressée s'emploie à démontrer qu'elle faisait un usage sérieux de la marque concernée et qu'elle remplissait ainsi les exigences visées par les art. 11 et 12 LPM en vue de maintenir la validité d'une marque enregistrée. Or, la cour cantonale n'avait pas besoin d'examiner cette question, puisque celle-ci n'est pas décisive pour l'issue du litige. En revanche, la question d'un éventuel usage par la recourante du signe "..." avant et après son enregistrement présentait un intérêt au moment de déterminer l'intention qui l'animait lors du dépôt.  
 
7.  
 
7.1. En second lieu, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir établi les faits de manière manifestement inexacte, en ne retenant pas que le dépôt de la marque litigieuse était intervenu au même moment que l'enregistrement d'autres marques qu'elle utilisait au cours du mois de mai 2017, dans le cadre d'une "mise à plat" de la protection de ses appellations et marques. Elle fait également grief aux juges cantonaux d'avoir constaté qu'elle avait connaissance de l'application "..." lors du dépôt de la marque concernée, au seul motif qu'elle disposait d'une licence d'utilisation sur une autre application développée par l'intimée.  
Sous la rubrique de son mémoire de recours intitulée "De la violation des articles 5, 11 al. 1 et 12 al. 1 LPM cum articles 2 CC et 2 LCD", l'intéressée reproche à la cour cantonale d'avoir jugé que le dépôt de la marque litigieuse était en l'occurrence intervenu de manière abusive. A cet égard, elle se plaint de ce que les juges cantonaux ont tenu compte de la circonstance - non pertinente à son avis - selon laquelle elle ne disposait pas d'une stratégie de marque conforme au principe de la bonne foi lors du dépôt de la marque concernée. Ensuite, elle fait grief à la cour cantonale de n'avoir pas tenu compte de ce que la marque litigieuse ne correspondait pas à un produit nouveau que l'intéressée souhaitait introduire sur le marché, puisqu'il était question d'un produit qu'elle avait acquis en 2013 de C.________. Ceci démontrerait ainsi qu'elle n'était pas mue par de mauvaises intentions lors du dépôt de la marque litigieuse. L'intéressée reproche, enfin, à la juridiction cantonale d'avoir retenu l'existence d'un dépôt frauduleux, aux motifs qu'elle avait ultérieurement requis, d'une part, le retrait de l'application de l'intimée de l'AppStore et, d'autre part, proposé à celle-ci d'acquérir les droits sur la marque concernée pour un prix de 220'000 euros.  
Enfin, l'intéressée reproche à la cour cantonale de ne pas avoir examiné s'il existait un risque de confusion entre la marque litigieuse et l'application développée par l'intimée, ce qu'elle aurait pourtant dû faire au regard du principe de la spécialité. 
 
7.2. Par ses critiques mêlant les faits et le droit de manière inextricable, la recourante vise, en réalité, essentiellement à démontrer qu'elle n'a pas eu, au moment du dépôt du signe litigieux, d'intention contraire à la bonne foi. Or, savoir quelle était l'intention de la recourante au moment du dépôt de la marque en Suisse est une question de fait, et non de droit, que le Tribunal fédéral ne revoit dès lors que sous l'angle restreint de l'arbitraire (arrêts 4A_100/2013, précité, consid. 2.2; 4A_202/2009, précité, consid. 6.6).  
En l'occurrence, l'intéressée fait une lecture par trop simpliste des considérations détaillées émises par l'autorité précédente pour aboutir à la solution retenue par elle. Il appert, en effet, que la cour cantonale s'est fondée sur un ensemble d'éléments pour retenir que la recourante avait déposé la marque litigieuse en vue de parasiter les activités de l'intimée et d'obtenir une compensation financière de sa part. L'autorité précédente a, en effet, retenu que la recourante était une cliente de longue date de l'intimée et qu'elle avait nécessairement eu connaissance des annonces faites par cette dernière sur son site internet, au début de l'année 2017 et le 12 mai 2017, à propos du lancement de son application "...". Elle a également constaté que la recourante avait sollicité l'enregistrement de la marque litigieuse quelques jours après, soit le 15 mai 2017. La recourante affirme, comme s'il fallait la croire sur parole, qu'elle n'avait pas eu connaissance du lancement de ladite application à ce moment-là. Elle soutient également, de manière péremptoire, que l'annonce du lancement de l'application litigieuse était intervenue au début de l'année 2017 et non pas le 12 mai 2017. Ce faisant, elle se contente d'opposer sa propre appréciation des preuves à celle de la cour cantonale, sans nullement démontrer que celle-ci aurait sombré dans l'arbitraire. L'autorité précédente a du reste tenu compte d'autres éléments pour retenir l'existence d'une intention frauduleuse du déposant. Elle a notamment constaté, de manière exempte d'arbitraire, que la recourante n'avait jamais établi avoir utilisé le signe "..." en relation avec les produits enregistrés (logiciels et applications logicielles), aucune pièce produite ne laissant au demeurant apparaître qu'elle songerait à faire usage de la marque pour désigner autre chose que son "framework web". L'intéressée était en outre intervenue auprès d'Apple un mois seulement après l'enregistrement de sa marque en Suisse, ce qui tendait à confirmer qu'elle avait connaissance, lors du dépôt, du fait que l'intimée faisait usage de la marque "..." sur internet pour commercialiser son application. Que la démarche entreprise par la recourante ait débouché sur le retrait de l'application litigieuse ne signifie pas que la cour cantonale aurait apprécié les faits de manière arbitraire en retenant, en substance, que pareille intervention visait à faire pression sur l'intimée. Il appert du reste que l'initiative entreprise par la recourante a débouché, dans la foulée, sur l'ouverture de négociations entre les parties visant à monnayer les droits sur la marque litigieuse. Or, la cour cantonale a considéré de façon tout à fait défendable que le prix articulé par la recourante dans ce cadre-là était manifestement exagéré. L'intéressée se lance dans des explications peu convaincantes visant à soutenir que le prix ne s'avérait pas disproportionné ni dénué de fondement. Ce faisant, elle n'établit pas que l'autorité précédente aurait apprécié les faits de manière arbitraire en jugeant le montant en question clairement exagéré. 
Par ailleurs, on relèvera que, selon la jurisprudence, celui qui se voit reprocher d'avoir procédé à un dépôt frauduleux, peut être tenu, en vertu de son devoir de collaborer à l'établissement des faits et compte tenu des difficultés inhérentes à la preuve du fait interne et négatif que représente l'absence d'intention du déposant d'utiliser une marque enregistrée, de documenter ou à tout le moins d'exposer les raisons pour lesquelles, dans le cas concret, le dépôt litigieux, nonobstant les incohérences pointées du doigt par l'autre partie, faisait partie d'une stratégie de marque raisonnable (arrêt 4A_227/2022 du 8 septembre 2022 consid. 3.1 et les références citées). Or, la recourante affirme, à tort, que seule la volonté générale de protéger un produit, indépendamment d'une quelconque stratégie liée au dépôt, était décisive. On relèvera encore que, contrairement à ce que sous-entend la recourante, la cour cantonale n'a nullement négligé le fait qu'elle avait déposé d'autres marques que la marque litigieuse au cours de la même période. L'autorité précédente a toutefois refusé, de manière exempte d'arbitraire, d'accorder un poids prépondérant à cette circonstance par rapport aux autres éléments plaidant en faveur du caractère abusif de l'enregistrement de la marque concernée. En d'autres termes, elle a estimé que cet élément, à lui seul, ne suffisait pas à retenir l'existence d'une stratégie de marque conforme au principe de la bonne foi. 
Enfin, c'est à tort que la recourante se plaint de ce que la cour cantonale n'aurait fait aucune mention ni analyse du risque de confusion entre la marque litigieuse et l'application "..." de l'intimée, étant précisé que l'intéressée concède elle-même, dans son mémoire de recours, qu'un tel risque existe. 
En définitive, la cour cantonale n'a ni établi les faits de manière manifestement inexacte ni méconnu le droit en jugeant que le dépôt de la marque litigieuse était abusif, puisque celle-ci avait été enregistrée non pas dans le but d'en faire usage mais pour parasiter l'intimée et obtenir une compensation financière de sa part. Vu la nullité de la marque litigieuse, il n'y a pas lieu d'examiner les critiques formulées par l'intéressée sous l'angle des art. 3 et 13 LPM aux fins de faire valoir ses droits sur ladite marque. 
 
8.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 3 avril 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Kiss 
 
Le Greffier : O. Carruzzo