Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_17/2025
Arrêt du 3 avril 2025
I
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Kiss, juge présidant, Denys et Rüedi.
Greffier: M. O. Carruzzo.
Participants à la procédure
1. Lemania Conseils Sàrl,
2. Fondation Lemania de libre passage,
toutes deux représentées par
Mes Alexandre de Senarclens et Flavien Valloggia, avocats,
recourantes,
contre
Lemania Wealth Management SA,
représentée par Me Gaspard Couchepin, avocat,
intimée.
Objet
droit des marques,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2024 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/3830/2023 ACJC/1465/2024).
Faits :
A.
A.a. Fondation Lemania de libre passage (ci-après: la Fondation Lemania), entité inscrite au registre du commerce genevois en février 2018, a pour but la sauvegarde et le développement de la prévoyance professionnelle au moyen de la gestion commune des avoirs de prévoyance qui lui sont confiés. Elle a déposé la marque verbale "Lemania" le 29 janvier 2018, laquelle a été enregistrée le 25 juin 2018 sous le n. 718084 pour divers services des classes 35, 36 et 38 de la classification de Nice. L'enregistrement de la marque précise qu'il vise tous les services provenant de la région lémanique.
En septembre 2018, la Fondation Lemania a créé une plateforme digitale, intitulée "Lemania pension hub" - accessible sur internet -, au moyen de laquelle elle propose des solutions de prévoyance professionnelle et d'épargne à une clientèle institutionnelle et à des professionnels de la finance, mais aussi aux particuliers. Ladite plateforme a fait l'objet de divers articles parus dans la presse, spécialisée ou non en matière de prévoyance professionnelle. La Fondation Lemania utilise le logo suivant sur son site internet:
A.b. Lemania Wealth Management SA (ci-après: LWM) est une société anonyme, fondée en août 2018 et sise à Lausanne, ayant pour but la gestion de patrimoine, le conseil en matière d'investissement, l'exécution de mandats et d'opérations fiduciaires ainsi que la fourniture de services et de conseils dans le domaine financier.
Depuis septembre 2018, LWM exploite un site internet sur lequel elle propose notamment des conseils en placement ainsi que des services de gestion des finances, d'optimisation fiscale, de planification de la retraite et de type "family office". Sur son site internet, elle fait usage du logo suivant:
A.c. À partir du mois de mai 2019, la Fondation Lemania a déposé plusieurs autres marques contenant le terme "Lemania" pour des services visés par les classes 35, 36 et 38.
A.d. Le 1er avril 2020, sous la plume de ses conseils, la Fondation Lemania a indiqué à LWM que l'utilisation du terme "Lemania" dans sa raison sociale et sur son site internet entraînait un risque de confusion entre ladite société et elle-même, ce qui contrevenait aux règles applicables en matière de protection des marques et de concurrence déloyale. Elle a invité LWM à la contacter en vue de trouver une solution transactionnelle, tout en se disant déterminée à procéder par toute voie de droit utile afin que cette dernière cesse de faire usage du terme "Lemania" en relation avec ses services financiers.
A.e. Le 6 avril 2020, LWM a déposé la marque combinée n. 745770, qui se présente comme suit:
L'enregistrement de ladite marque vise notamment les services financiers en classe 36, dont les services de gestion financière, les services de gestion d'actifs et de patrimoine pour des clients privés, commerciaux et institutionnels, la gestion financière via internet, la gestion des fonds de retraite, des fonds de pension et de fonds communs de placement et la gestion de caisses de pensions. Il porte aussi sur les services de gestion des affaires commerciales en classe 35.
A.f. Le 27 août 2020, la Fondation Lemania a déposé la marque "lemania wealth management" (n. 758715) pour des services visés par les classes 35, 36 et 38.
A.g. Inscrite au registre du commerce genevois depuis octobre 2021, Lemania Conseils Sàrl (ci-après: Lemania Conseils) est notamment active dans le domaine de la prestation de services fiduciaires.
Le 24 décembre 2021, Lemania Conseils a déposé la marque combinée suivante (n. 779983) :
L'enregistrement de ladite marque couvre plusieurs services des classes 35, 36 et 38, similaires à ceux de la marque verbale "Lemania" (n. 718084).
A.h. Lemania Conseils et la Fondation Lemania sont des entités proches, la première fournissant en particulier divers services administratifs à la seconde.
Le 11 janvier 2022, la Fondation Lemania a transféré à Lemania Conseils toutes les marques dont elle était titulaire.
A.i. Au début du mois de novembre 2022, le nouveau directeur de la Fondation Lemania, A.________, et B.________, administrateur de LWM, ont eu plusieurs conversations téléphoniques.
À la même époque, LWM a modifié le nom de domaine de son site internet www.lemaniawm.ch en www.lwmsa.ch.
Par courrier électronique du 23 novembre 2022 adressé à B.________, A.________ a indiqué vouloir résumer la teneur de leurs échanges téléphoniques. Il a notamment exposé que les négociations conduites depuis deux années aux fins de résoudre le litige divisant les parties n'avaient pas abouti à un accord permettant à LWM d'utiliser les marques "Lemania" et "lemania wealth management". En guise d'ultime proposition, il a offert à LWM la possibilité d'exploiter la marque "lemania wealth management", moyennant le versement mensuel d'un montant de 2'500 fr. durant cinq ans à Lemania Conseils. Invitée à se déterminer sur cette offre transactionnelle dans un délai échéant le 30 novembre 2022, LWM n'a pas réagi, nonobstant un courrier de relance du 7 décembre 2022 émanant du conseil de la Fondation Lemania.
B.
Le 2 mars 2023, Lemania Conseils et la Fondation Lemania ont introduit devant la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève une action en cessation de trouble dirigée contre LWM. Elles ont conclu à ce qu'il soit fait interdiction à la défenderesse d'utiliser en Suisse, avec effet immédiat, la dénomination "Lemania" dans sa raison sociale, dans sa publicité, dans ses papiers d'affaires, sur son site internet ou de quelqu'autre manière dans ses affaires, en relation avec des services financiers, d'assurance, de prévoyance professionnelle ou de gestion des affaires commerciales, y compris avec la gestion de patrimoines, le conseil en matière d'investissement et les services de conseils y relatifs. Les demanderesses ont également conclu à ce que la défenderesse soit tenue de requérir, à ses frais, la modification de sa raison sociale au registre du commerce afin d'en supprimer la dénomination "Lemania" dans un délai de trente jours à compter de l'entrée en force de la décision, les mesures requises devant être assorties de la peine d'amende prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse (CP; RS 311.0) ainsi que d'une amende d'ordre de 1'000 fr. pour chaque jour d'inexécution. Les intéressées ont en outre sollicité l'autorisation de faire publier, aux frais de leur adversaire, le dispositif de la décision à rendre.
Dans sa réponse, la défenderesse a proposé le rejet de la demande. À titre reconventionnel, elle à conclu au constat de la nullité de la marque "Lemania", motif pris de ce que le terme en question constituait une indication de provenance géographique, non susceptible d'être protégée par le droit des marques.
Les parties ont répliqué et dupliqué.
Par arrêt du 19 novembre 2024, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, statuant en qualité d'instance cantonale unique, a débouté les demanderesses de toutes leurs conclusions et a rejeté les prétentions élevées à titre reconventionnel. Les motifs qui sous-tendent cette décision seront examinés plus loin dans la mesure utile à la compréhension des critiques dont celle-ci est la cible.
C.
Le 10 janvier 2025, Lemania Conseils et la Fondation Lemania (ci-après: les demanderesses ou les recourantes) ont formé un recours en matière civile aux fins d'obtenir l'annulation partielle de la décision attaquée en tant qu'elle les déboute de toutes leurs conclusions. Elles reprennent également les mêmes conclusions que celles formulées devant la juridiction cantonale. Subsidiairement, elles requièrent le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Au terme de sa réponse, LWM (ci-après: la défenderesse ou l'intimée) a proposé le rejet du recours.
La cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt.
Par pli du 5 mars 2025, les recourantes ont indiqué contester intégralement l'argumentation développée par leur adversaire et ont déclaré renoncer à déposer des observations supplémentaires.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 145 I 239 consid. 2; 138 III 46 consid. 1).
1.1. Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 [LTF; RS 173.110]) et, contrairement à la règle générale (cf. art. 75 al. 2 LTF), le tribunal supérieur n'a pas à statuer sur recours (art. 75 al. 2 let. a LTF). En l'occurrence, la cour cantonale, qui a statué en instance cantonale unique, a fondé sa compétence
ratione materiae sur l'art. 5 al. 1 let. a et d du Code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC; RS 272), de sorte que la décision attaquée est sujette au recours en matière civile indépendamment de la valeur litigieuse.
1.2. Pour le reste, qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours ou des conclusions prises par les recourantes, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Il convient dès lors d'entrer en matière.
2.
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Relèvent de ces faits tant les constatations relatives aux circonstances touchant l'objet du litige que celles concernant le déroulement de la procédure conduite devant l'instance précédente, notamment les faits allégués ou les explications juridiques données par les parties, les déclarations faites en cours de procès et les réquisitions de preuves, voire la teneur d'un témoignage, le contenu d'un acte de procédure accompli ou encore les conclusions qui ont été prises (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées; arrêts 4A_608/2016 du 30 mai 2017 consid. 2.4; 4A_447/2015 du 31 mars 2016 consid. 2.2 non publié aux ATF 142 III 336; GRÉGORY BOVEY, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, no 31 ad art. 105 LTF). Le Tribunal fédéral ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3).
3.
Dans un premier moyen, les recourantes reprochent à la cour cantonale d'avoir enfreint l'art. 12 al. 3 de la loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (LPM; RS 232.11). Avant d'examiner les mérites des critiques formulées par les intéressées au soutien de ce moyen, il convient d'exposer certains principes.
3.1.
3.1.1. Selon l'art. 1 al. 1 LPM, la marque est un signe propre à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux proposés par d'autres entreprises. Selon la jurisprudence, le rôle de la marque est de distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises; son but est d'individualiser les prestations ainsi désignées et de les différencier des autres, de telle sorte que le consommateur puisse retrouver, dans l'abondance de l'offre, un produit ou un service qu'il apprécie (ATF 148 III 257 consid. 6.2.1; 122 III 382 consid. 1; 119 II 473 consid. 2c; arrêt 4A_458/2022 du 3 avril 2023 consid. 4.1).
3.1.2. La protection d'une marque vaut sur le territoire suisse dès l'enregistrement (art. 5 LPM). Son titulaire dispose du "droit exclusif" de faire usage de la marque pour distinguer les produits ou services enregistrés (art. 13 al. 1 LPM). Il peut notamment interdire à des tiers l'usage de signes identiques ou similaires pour caractériser des produits ou services identiques ou similaires (art. 13 al. 2 LPM en lien avec l'art. 3 LPM; arrêt 4A_509/2021 du 3 novembre 2022 consid. 3.3 et les références citées). La personne qui subit une violation de son droit à la marque peut ainsi demander au juge de la faire cesser, si elle dure encore (art. 55 al. 1 let. b LPM).
3.1.3. Pour pouvoir maintenir son droit à la marque enregistrée, le titulaire doit utiliser celle-ci de façon effective (art. 11 al. 1 LPM; sur la raison d'être de cette incombance, ATF 139 III 424 consid. 2.2.1; arrêt 4A_509/2021, précité, consid. 3.3 et les références citées).
Aux termes de l'art. 12 al. 1 LPM, si, à compter de l'échéance du délai d'opposition ou, en cas d'opposition, de la fin de la procédure d'opposition, le titulaire n'a pas utilisé la marque en relation avec les produits ou les services enregistrés, pendant une période ininterrompue de cinq ans, il ne peut plus faire valoir son droit à la marque, à moins que le défaut d'usage ne soit dû à un juste motif. Le titulaire n'est dès lors pas tenu d'utiliser la marque dès l'enregistrement, puisque la loi lui laisse un délai de carence de cinq ans, qui recommence à courir s'il interrompt ultérieurement cet usage (arrêt 4A_509/2021, précité, consid. 3.3 et les références citées). Le titulaire a ainsi le temps d'introduire sa marque sur le marché ou de s'adapter à la situation économique (arrêt 4A_509/2021, précité, consid. 3.3 et les références citées).
3.1.4. Celui qui invoque le défaut d'usage d'une marque doit le rendre vraisemblable; la preuve de l'usage incombe alors au titulaire de la marque, qui doit établir tous les éléments de fait qui permettront ensuite au juge, sous l'angle du droit, de déterminer que l'usage est intervenu conformément à la fonction de la marque (art. 12 al. 3 LPM; arrêts 4A_423/2024 du 17 décembre 2024 consid. 3.3.2; 4A_515/2017 du 4 juillet 2018 consid. 2.3.2; 4A_257/2014 du 29 septembre 2014 consid. 3.6). Le défaut d'usage d'une marque peut notamment être invoqué par voie d'exception pour faire échec à une action introduite par la personne qui prétend subir une violation de son droit à la marque (Eugen Marbach, in von Büren/David [édit.], SIWR vol. III/1, Markenrecht, 2e éd. 2009, n. 1355 et 1413; MARKUS WANG, in Markenschutzgesetz, Noth et al. [éd.], 2e éd. 2017, no 45 ad art. 12 LPM; BERNARD VOLKEN, in Commentaire bâlois, Markenschutzgesetz/Wappenschutzgesetz, 3e éd. 2017, no 42 ad art. 12 LPM).
L'art. 12 al. 3 LPM prévoit ainsi un mécanisme en deux étapes: il faut tout d'abord que celui qui se prévaut du non-usage de la marque le rende vraisemblable. Si celui-ci y parvient, mais alors seulement, le titulaire de la marque doit prouver le contraire. La preuve au degré de la simple vraisemblance ne nécessite pas que l'autorité soit convaincue du bien-fondé des arguments de la partie concernée; le tribunal doit simplement disposer d'indices objectifs suffisants pour que les faits allégués présentent une certaine vraisemblance, sans devoir exclure qu'il puisse en aller différemment (ATF 144 II 65 consid. 4.2.2; 142 II 49 consid. 6.2; arrêts 4A_423/2024, précité, consid. 3.3.2; 4A_464/2022 du 3 janvier 2023 consid. 3.2; 4A_299/2017 du 2 octobre 2017 consid. 3.4). Par la nature des choses, il est plus aisé de rendre vraisemblable l'usage d'une marque que son non-usage (arrêts 4A_423/2024, précité, consid. 3.3.2; 4A_464/2022, précité, consid. 3.2; 4A_515/2017, précité, consid. 2.3.2; 4A_299/2017, précité, consid. 3.4 et la référence citée). En effet, vu qu'elle porte sur un fait négatif, la preuve du défaut d'usage est dans la plupart des cas impossible à apporter (arrêts 4A_423/2024, précité, consid. 3.3.2; 4A_464/2022, précité, consid. 3.2; 4A_257/2014, précité, consid. 3.5). C'est par conséquent de manière indirecte, sur la base d'un faisceau d'indices, que le défaut d'usage doit être rendu vraisemblable (arrêts 4A_423/2024, précité, consid. 3.3.2; 4A_299/2017, précité, consid. 4.1). La jurisprudence a souligné, à plusieurs reprises, qu'une simple allégation de partie ne suffit pas à rendre le prétendu non-usage vraisemblable et qu'il appartient en principe à la partie qui invoque le défaut d'usage d'apporter des éléments de preuve à cet égard (arrêts 4A_128/2012 du 7 août 2012 consid. 5; 4A_253/2008 du 14 octobre 2008 consid. 4.1; cf. dans le même sens: arrêt 4A_299/2017, précité, consid. 4.1).
La question de savoir si le juge est parti d'une juste conception du degré de la preuve exigé par le droit fédéral, soit en l'occurrence la simple vraisemblance du défaut d'usage, relève du droit. En revanche, celle de savoir si une partie a, ou non, rendu vraisemblable un élément factuel litigieux, soit si le degré de preuve exigé par le droit fédéral est atteint dans le cas particulier, relève du fait et ressortit à l'appréciation des preuves, appréciation que le Tribunal fédéral ne corrige que si elle se révèle arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 130 III 321 consid. 5; arrêt 4A_423/2024, précité, consid. 3.3.2 et les références citées).
3.2. Dans l'arrêt attaqué, la juridiction cantonale a rejeté les prétentions des demanderesses fondées sur le droit des marques. À cet égard, elle a notamment jugé que les intéressées n'avaient pas démontré avoir fait usage, dans leurs activités, de la marque "Lemania" (n. 718084), sans autres adjonctions. Elle a en outre estimé que les recourantes n'avaient pas établi qu'elles utilisaient ladite marque en relation avec tous les services revendiqués lors de son enregistrement, en particulier en lien avec ceux proposés par la défenderesse. Poursuivant son analyse, la cour cantonale a également jugé qu'il n'y avait pas lieu de faire droit aux prétentions des demanderesses fondées sur les règles de la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241).
3.3. Dans leur mémoire de recours, les intéressées reprochent aux juges précédents d'avoir enfreint l'art. 12 al. 3 LPM. Selon elles, la juridiction cantonale ne pouvait pas rejeter leurs prétentions fondées sur la LPM motif pris de ce qu'elles n'avaient pas rapporté la preuve de l'usage de la marque "Lemania" (n. 718084). À cet égard, les recourantes font valoir que leur adversaire n'a pas fourni la moindre preuve aux fins de rendre vraisemblable le défaut d'usage de la marque concernée.
3.4. Pareil reproche est fondé. À la lecture de l'arrêt attaqué, il apparaît en effet que la juridiction cantonale n'a pas examiné si la défenderesse avait rendu vraisemblable le défaut d'usage de la marque concernée, comme l'exige pourtant l'art. 12 al. 3 LPM. La cour cantonale a ainsi enfreint ladite disposition, puisqu'elle a analysé immédiatement si les demanderesses avaient rapporté la preuve de l'usage de ladite marque, sans nullement déterminer au préalable si la défenderesse était parvenue à rendre vraisemblable un tel défaut d'usage. Elle a dès lors sauté une étape décisive.
C'est en vain que l'intimée tente de tirer un parallèle entre la présente cause et l'affaire ayant donné lieu au prononcé de l'arrêt 4A_423/2024 du 17 décembre 2024. Dans l'affaire en question, la cour cantonale a en effet considéré que le défaut d'usage de la marque concernée avait été rendu vraisemblable par la partie défenderesse, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, étant donné que l'autorité précédente a omis d'examiner cette question. Dans l'arrêt 4A_423/2024, la Cour de céans a jugé, eu égard aux circonstances procédurales tout à fait singulières de la cause en litige, que la juridiction cantonale n'avait pas versé dans l'arbitraire en retenant, sur la base des explications avancées par les parties et des pièces à sa disposition, qu'un défaut d'usage de la marque concernée avait été rendu vraisemblable. Les considérations singulières émises sous l'angle restreint de l'arbitraire au consid. 3.3.3 de l'arrêt 4A_423/2024 ne sauraient être généralisées. Contrairement à ce que prétend l'intimée, on ne saurait ainsi admettre qu'une argumentation juridique s'étendant sur plusieurs pages aux fins de rendre vraisemblable le défaut d'usage d'une marque au sens de l'art. 12 al. 3 LPM constitue, en principe, à elle seule, "une preuve ample et suffisante" du défaut d'usage.
Au vu de ce qui précède, le présent recours doit être admis en raison de la violation de l'art. 12 al. 3 LPM, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés par les recourantes. Dans leur mémoire de recours, les intéressées soutiennent que leur adversaire n'a fourni aucune preuve susceptible de rendre vraisemblable le défaut d'usage de la marque litigieuse. L'intimée rétorque, dans sa réponse, qu'elle a effectivement invoqué le défaut d'usage de la marque concernée et que cette allégation est étayée par "plusieurs pièces justificatives", sans toutefois fournir d'autres précisions à cet égard. En l'occurrence, les constatations relatives aux faits procéduraux contenues dans l'arrêt attaqué ne permettent pas au Tribunal fédéral de se prononcer lui-même sur le problème litigieux, raison pour laquelle il n'est pas en mesure de réformer l'arrêt entrepris. Il convient dès lors d'annuler partiellement l'arrêt attaqué en tant qu'il déboute les demanderesses de toutes leurs conclusions et de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il appartiendra à l'autorité précédente, en sa qualité d'instance cantonale unique, de déterminer si l'intimée a effectivement invoqué le défaut d'usage de la marque concernée dans le respect des formes procédurales et si elle est parvenue à le rendre vraisemblable. Le cas échéant, la juridiction cantonale reverra également la répartition des frais et dépens.
4.
Les recourantes obtiennent gain de cause, puisqu'elles ont conclu à l'annulation partielle de la décision attaquée. Les frais judiciaires seront dès lors mis à la charge de l'intimée qui succombe, étant donné qu'elle a conclu au rejet du recours (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée versera en outre des dépens aux recourantes, créancières solidaires ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé en tant qu'il déboute les sociétés demanderesses de toutes leurs conclusions et la cause est renvoyée à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
3.
L'intimée versera aux recourantes, créancières solidaires, une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 3 avril 2025
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant : Kiss
Le Greffier : O. Carruzzo