Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_260/2024
Arrêt du 3 octobre 2024
I
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Kiss, juge présidant, Rüedi et May Canellas.
Greffier: M. O. Carruzzo.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
toutes deux représentées par
Mes Homayoon Arfazadeh et Mathieu Granges, avocats,
recourantes,
contre
1. C.________,
2. D.________S.A.R.L,
3. E.________ Inc,
toutes trois représentées par Mes Balz Gross, Bénédict Thomann et Frédéric Fitzi, avocats,
intimées.
Objet
arbitrage international,
recours en matière civile contre la sentence rendue le 18 mars 2024 par un Tribunal arbitral avec siège à Zurich (ICC 26640/FS/GL).
Faits :
A.
Depuis 2008, la société de droit polonais B.________ est propriétaire du "A.________ Centre", un immeuble de quarante-deux étages situé à..., construit à la fin des années 1980, qui comprend notamment un centre commercial, des bureaux et un hôtel de luxe. Cet établissement hôtelier cinq étoiles, le "..." (ci-après: l'Hôtel), a ouvert ses portes en 1989.
C.________, société ayant son siège aux Pays-Bas, et l'entité de droit luxembourgeois D.________S.A.R.L sont toutes deux des filiales de E.________ Inc (ci-après: E.________), société sise aux États-Unis d'Amérique.
Avant 2010, E.________ détenait une participation de 25 % dans la société polonaise A.________ - laquelle est la bailleresse du A.________ Centre - et gérait l'Hôtel en vertu d'un contrat conclu le 27 juin 1987.
Le 28 juillet 2010, C.________, D.________S.A.R.L et A.________ ont conclu un certain nombre d'accords portant sur la gestion et l'exploitation de l'Hôtel. Selon les contrats de gérance ("Management Agreement") et de maintenance ("Maintenance Services Agreement"), C.________ s'engageait à superviser, diriger et contrôler la gestion de l'Hôtel ainsi qu'à entretenir celui-ci ainsi que d'autres espaces du A.________ Centre. En vertu des conventions de services internationaux ("International Services Agreement") et de licence ("Licence and Royalty Agreement"), D.________S.A.R.L était tenue d'accorder à A.________ une licence d'utilisation des marques E.________ en lien avec l'exploitation de l'Hôtel et de lui fournir divers services promotionnels et commerciaux. En contrepartie, A.________ devait payer à ses partenaires contractuels respectifs des honoraires en fonction des revenus générés par l'Hôtel et leur rembourser les dépenses liées à la fourniture desdites prestations.
B.
Le 3 novembre 2021, C.________ et D.________S.A.R.L, se fondant sur les clauses d'arbitrage insérées dans les différents contrats conclus le 28 juillet 2010, ont initié une procédure d'arbitrage à l'encontre de A.________ et de B.________. Elles reprochaient, en substance, aux défenderesses de n'avoir pas respecté diverses obligations contractuelles à compter du début de l'année 2020.
Les défenderesses ont déposé leur réponse le 12 janvier 2022. Elles ont pris simultanément des conclusions reconventionnelles et ont présenté une requête d'appel en cause visant E.________.
E.________ a participé à la procédure d'arbitrage en tant que partie additionnelle.
Un tribunal arbitral de trois membres a été constitué, sous l'égide de la Chambre de Commerce Internationale (CCI), et son siège fixé à Zurich. L'anglais a été désigné comme langue de l'arbitrage.
Le Tribunal arbitral a tenu audience à Londres du 17 au 27 juillet 2023.
Au terme d'une procédure émaillée de nombreux incidents procéduraux ayant nécessité le prononcé de seize ordonnances procédurales, les arbitres ont rendu leur sentence finale le 18 mars 2024. Le Tribunal arbitral a fait droit aux conclusions prises par les demanderesses et a rejeté les prétentions élevées à titre reconventionnel. Dans le dispositif de sa sentence, il a formulé une série de constatations et d'injonctions à l'adresse des défenderesses. Il a notamment condamné solidairement ces dernières à payer à C.________ les sommes de 3'436'408.82 zlotys (PLN), 48'071.87 dollars américains (USD) et 31'974.38 euros (EUR) et à verser à D.________S.A.R.L les montants de 13'056'643.51 PLN, 5'677'514.11 PLN et 1'083'741.26 USD, le tout avec intérêts. Le Tribunal arbitral a également précisé que les contrats de gérance, de services et de licence conclus le 28 juillet 2010 demeuraient en force. Il a enfin mis l'intégralité des frais de la procédure à la charge des défenderesses.
C.
Le 6 mai 2024, A.________ et B.________ (ci-après: les recourantes) ont formé un recours en matière civile, assorti d'une requête d'effet suspensif, aux fins d'obtenir l'annulation de cette sentence.
La demande d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance du 10 mai 2024.
Dans leur réponse commune, C.________, D.________S.A.R.L et E.________ (ci-après: les intimées) ont conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.
Le Tribunal arbitral a formulé de brèves observations sur le recours.
Les recourantes ont déposé une réplique spontanée, suscitant le dépôt d'une duplique de la part des intimées.
Considérant en droit :
1.
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, elles ont employé le français respectant ainsi l'art. 42 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 70 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.; RS 101; ATF 142 III 521 consid. 1). Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français.
2.
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 LTF.
En l'espèce, le siège de l'arbitrage a été fixé à Zurich. Aucune des parties n'avait son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP).
3.
Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours ou des conclusions prises par les recourantes, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose, dès lors, à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen de la recevabilité, sous l'angle de leur motivation, des critiques formulées par les intéressées.
4.
4.1. Le recours en matière d'arbitrage international ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP. Le Tribunal fédéral n'examine que les griefs qui ont été invoqués et motivés conformément à l'art. 77 al. 3 LTF. Cette disposition institue le principe d'allégation (
Rügeprinzip) et consacre une obligation analogue à celle que prévoit l'art. 106 al. 2 LTF pour le grief tiré de la violation de droits fondamentaux ou de dispositions de droit cantonal et intercantonal (ATF 134 III 186 consid. 5). Les exigences de motivation du recours en matière d'arbitrage sont accrues. La partie recourante doit donc invoquer l'un des motifs de recours énoncés limitativement et montrer par une argumentation précise, en partant de la sentence attaquée, en quoi le motif invoqué justifie l'admission du recours (arrêt 4A_244/2023 du 3 avril 2024 consid. 4.1 destiné à la publication et les références citées). Les critiques appellatoires sont irrecevables (arrêt 4A_65/2018 du 11 décembre 2018 consid. 2.2).
4.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Les constatations du tribunal arbitral quant au déroulement de la procédure lient aussi le Tribunal fédéral, qu'elles aient trait aux conclusions des parties, aux faits allégués ou aux explications juridiques données par ces dernières, aux déclarations faites en cours de procès, aux réquisitions de preuves, voire au contenu d'un témoignage ou d'une expertise ou encore aux informations recueillies lors d'une inspection oculaire (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées; arrêts 4A_54/2019 du 11 avril 2019 consid. 2.4; 4A_322/2015 du 27 juin 2016 consid. 3 et les références citées).
La mission du Tribunal fédéral, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant au dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_140/2022 du 22 août 2022 consid. 4.2). Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 138 III 29 consid. 2.2.1 et les références citées).
5.
Dans un unique moyen, divisé en plusieurs branches, les recourantes, invoquant l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, soutiennent que le Tribunal arbitral aurait, lors de la procédure arbitrale, porté plusieurs fois atteinte à leur droit d'être entendues, violé leur droit à la preuve et enfreint à diverses reprises les principes de la contradiction et de l'égalité entre les parties.
5.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, permet à chaque partie de s'exprimer sur les faits essentiels pour la décision, de présenter son argumentation juridique, de proposer ses moyens de preuve sur des faits pertinents et de prendre part aux séances du tribunal arbitral. S'agissant du droit de faire administrer des preuves, il faut qu'il ait été exercé en temps utile et selon les règles de forme applicables (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1). Le tribunal arbitral peut refuser d'administrer une preuve, sans violer le droit d'être entendu, si le moyen de preuve est inapte à fonder une conviction, si le fait à prouver est déjà établi, s'il est sans pertinence ou encore si le tribunal, en procédant à une appréciation anticipée des preuves, parvient à la conclusion que sa conviction est déjà faite et que le résultat de la mesure probatoire sollicitée ne peut plus la modifier (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1).
En vertu du principe d'égalité, le tribunal arbitral doit traiter les parties de manière semblable à toutes les étapes de la procédure. Ledit principe implique ainsi que la procédure soit réglée et conduite de manière à ce que chaque partie ait les mêmes possibilités de faire valoir ses moyens (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1). Le principe de la contradiction suppose que chaque partie ait la faculté de se déterminer sur les moyens de son adversaire, d'examiner et de discuter les preuves apportées par lui et de les réfuter par ses propres preuves (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1).
Selon la jurisprudence, la partie qui s'estime victime d'une violation de son droit d'être entendue ou d'un autre vice de procédure doit l'invoquer d'emblée dans la procédure arbitrale, sous peine de forclusion (arrêts 4A_332/2021 du 6 mai 2022; 4A_668/2016 du 24 juillet 2017 consid. 3.1). Depuis le 1er janvier 2021 (RO 2020 4181), l'art. 182 al. 4 LDIP prévoit expressément qu'une partie qui poursuit la procédure d'arbitrage sans faire valoir immédiatement une violation des règles de procédure qu'elle a constatée ou qu'elle aurait pu constater en faisant preuve de la diligence requise ne peut plus se prévaloir de cette violation ultérieurement.
5.2.
5.2.1. Dans la première branche du moyen considéré, les recourantes se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendues au motif que le Tribunal arbitral aurait rejeté, sans justification valable, leurs réquisitions tendant à la production des pièces 8, 10, 15, 19 et 27. Elles estiment que ces documents étaient indispensables aux fins d'établir le bien-fondé de leurs prétentions reconventionnelles.
5.2.2. En l'occurrence, le Tribunal arbitral, dans son ordonnance de procédure no 1 du 4 mars 2022, a édicté des règles relatives à la production de preuves documentaires (section F "Documentary Evidence"). Il a notamment précisé qu'il appartenait à chaque partie de produire les documents sur lesquels elle entendait se fonder pour étayer ses allégations ou pour contester celles de ses adversaires. Il a décidé d'avoir recours à la procédure, dénommée
Redfern Schedule (sur la procédure ainsi désignée, matérialisée par un tableau comprenant diverses colonnes, qui permet au tribunal arbitral de se prononcer sur l'admissibilité des preuves requises, cf. arrêts 4A_704/2015 du 16 février 2017 consid. 3.3.1; 4A_522/2016 du 2 décembre 2016 consid. 3.2.1 et l'auteur cité), pour permettre à chacune des parties de formuler ses offres de preuve et de se déterminer sur celles de ses adversaires, ainsi que sur les objections formulées par elles, avant de statuer sur les diverses réquisitions de preuve. Selon l'ordonnance procédurale no 1, une demande de production devait notamment identifier précisément la pièce requise, démontrer le caractère pertinent du document requis au regard de l'objet du litige ainsi que son aspect déterminant pour le sort du litige et contenir des explications précises permettant de rattacher ledit document à des faits ou allégués. Les parties se sont conformées au calendrier procédural en soumettant au Tribunal arbitral leurs réquisitions de pièces le 31 mai 2022. Elles ont pu formuler leurs objections sur les demandes adverses le 14 juin 2022 et se prononcer sur les objections de leurs adversaires le 29 juin 2022. Dans son ordonnance procédurale no 4 du 12 juillet 2022, le Tribunal arbitral a statué sur les nombreuses réquisitions de pièces présentées par les parties. Il a notamment souligné ce qui suit sous chiffre 18 de ladite ordonnance:
"The Tribunal has considered the parties' submissions in relation to the document requests. Where a request has been denied, it is denied for non-compliance with the requirements of Section F of Procedural Order 1 and/or in the exercise of our discretion. We do not consider it appropriate to elaborate further in our rulings on our reasoning, nor to comment on the parties' competing arguments".
À l'Annexe 2 de l'ordonnance procédurale no 4, le Tribunal arbitral a statué sur chaque réquisition de pièces présentée par les recourantes, en ajoutant à chaque fois une brève remarque à l'appui de ses décisions. Or, à réception de ladite ordonnance, les recourantes n'ont pas formulé la moindre critique au sujet du sort réservé par les arbitres à leurs réquisitions de pièces. Elles n'ont en particulier pas soutenu que la motivation fournie par le Tribunal arbitral pour justifier le rejet de leurs demandes tendant à la production des documents 8, 10, 15, 19 et 27 était insuffisante, respectivement incompréhensible. Elles ne se sont pas davantage plaintes d'une quelconque violation de leur droit d'être entendues. Pourtant, si les recourantes estimaient que l'ordonnance de procédure n° 4 était affectée d'un quelconque vice, elles auraient pu et dû formuler immédiatement une objection en ce sens auprès des arbitres. Or, elles ne l'ont pas fait. Les explications avancées par les intéressées pour justifier cette omission n'apparaissent pas convaincantes et sont réfutées par les intimées. Les recourantes ne peuvent pas davantage être suivies lorsqu'elles prétendent qu'elles ne seraient pas forcloses à dénoncer pareil vice, sous prétexte qu'elles ont émis, en date du 13 juillet 2023, des critiques à l'encontre de l'ordonnance procédurale n° 4. Une telle réaction apparaît à l'évidence tardive, étant précisé que l'art. 182 al. 4 LDIP exige que le vice en question soit dénoncé
immédiatement. Aussi les recourantes ne sont-elles plus recevables à faire valoir, devant le Tribunal fédéral, que les arbitres auraient enfreint leur droit d'être entendues en rejetant leurs réquisitions tendant à la production des pièces 8, 10, 15, 19 et 27.
5.3.
5.3.1. Dans la deuxième branche du moyen considéré, les recourantes font grief au Tribunal arbitral d'avoir rejeté, dans le cadre de l'ordonnance procédurale no 5 du 22 août 2022, leur réquisition tendant à la production de l'accord conclu entre les intimées et la société F.________. A cet égard, elles rappellent avoir allégué, durant la procédure arbitrale, que les intimées leur avaient surfacturé leurs prestations et n'avaient pas renégocié des tarifs compétitifs avec F.________. En les privant de la possibilité de prouver leurs allégations au moyen de la pièce requise en question, le Tribunal arbitral aurait ainsi enfreint leur droit d'être entendues. Les intéressées font également valoir qu'elles s'étaient formellement plaintes auprès du Tribunal arbitral, le 9 septembre 2022, du rejet de leur réquisition de pièce.
5.3.2. Semblable argumentation ne résiste pas à l'examen.
Force est tout d'abord de relever que les recourantes ont adopté, s'agissant de la question litigieuse, un comportement contradictoire et, partant, incompatible avec les règles de la bonne foi. Dans leur courrier du 9 septembre 2022, les intéressées ont certes formulé une objection à propos du refus des arbitres de faire droit à leur réquisition de preuve et réservé leur droit de présenter des observations à cet égard lors de la conférence procédurale ("case management conference") prévue le 3 octobre 2022. Par lettre du 28 septembre 2022, les mandataires des recourantes ont toutefois indiqué ce qui suit au Tribunal arbitral:
"We confirm that our clients do not intend to make submissions at the 3 October 2022 case management hearing in relation to the refusal of document productions requests. (...) ".
Il apparaît ainsi que les recourantes ont finalement renoncé à faire valoir, au cours de la procédure arbitrale, leurs arguments visant à démontrer le caractère infondé du rejet de leur réquisition de pièce. Aussi sont-elles particulièrement malvenues, au regard des règles de la bonne foi, de venir se plaindre, uniquement au stade du recours au Tribunal fédéral, du rejet de ladite réquisition de preuve alors qu'elles ont eu tout loisir de le faire durant la procédure d'arbitrage et qu'elles ont expressément manifesté leur intention de ne pas formuler des critiques à cet égard lors de la conférence procédurale prévue le 3 octobre 2022.
Indépendamment de ce qui précède, le grief, tel qu'il est présenté, ne saurait prospérer. Dans son ordonnance de procédure no 5 du 22 août 2022, le Tribunal arbitral a relevé que les intimées avaient fourni aux recourantes des extraits de la convention conclue avec F.________, qui laissaient apparaître les taux de commission et les modalités de paiement. Il a également souligné qu'il s'agissait d'un document très sensible du point de vue commercial, tout en observant que les recourantes avaient refusé le protocole de consultation dudit document proposé par les intimées en vue de garantir sa confidentialité. Le Tribunal arbitral a estimé que la production de l'intégralité du contrat concerné n'était ni pertinente ni décisive ("In the Tribunal's judgement, disclosure of the entire F.________ agreement is arguably not relevant, but almost certainly not material, to whether the Manager had an obligation to negociate a competitive rate, nor to whether there was an obligation to provide visibility"). Il appert ainsi que le rejet de la réquisition tendant à la production de l'intégralité du contrat conclu par les intimées avec F.________ résulte d'une appréciation anticipée de la force probante de ce moyen de preuve. Or, le Tribunal fédéral ne peut pas revoir une appréciation anticipée des preuves sous l'angle de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP (arrêt 4A_220/2007 du 21 septembre 2007 consid. 8.1). C'est dès lors en vain que, dans de longues explications, les recourantes tentent de démontrer en quoi, selon elles, le refus d'administrer ce moyen de preuve était contraire à l'art. 190 al. 2 let. d LDIP.
A titre superfétatoire, on relèvera encore que, dans sa sentence, le Tribunal arbitral a constaté que les recourantes avaient renoncé, en cours de procédure, à faire valoir leur prétention en lien avec la problématique afférente à F.________ (sentence, n. 1657). Pareille constatation de fait lie la Cour de céans, étant précisé ici que les recourantes ne formulent aucun grief dûment motivé à l'encontre de l'état de fait, mais se bornent, de manière inadmissible, à soutenir qu'il était "manifestement arbitraire de considérer que la prétention des recourantes avait été abandonnée". Au vu des constatations souveraines des arbitres, il appert ainsi que le vice dénoncé par les recourantes n'a eu aucune incidence sur le sort du litige, puisqu'elles avaient abandonné leur prétention sur ce point.
5.4.
5.4.1. Dans la troisième branche du moyen considéré, les recourantes dénoncent une atteinte à leur droit d'être entendues, en raison du traitement réservé par le Tribunal arbitral à leur demande d'expertise visant à démontrer l'existence de défauts d'entretien de l'Hôtel imputables à leurs adversaires.
5.4.2. Les critiques formulées au soutien de ce moyen ne permettent pas d'établir la moindre violation de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP.
Dans son ordonnance procédurale no 1 du 4 mars 2022, le Tribunal arbitral a fixé des règles concernant la preuve par expertise. Il a notamment prévu que sa mise en oeuvre nécessitait une autorisation préalable de la part du Tribunal arbitral. Les parties n'ont pas remis en cause pareille exigence à réception de ladite ordonnance. Selon le calendrier de procédure, la date pour solliciter une telle autorisation était fixée au 31 mai 2022, les éventuels rapports d'expertise devant être remis le 16 décembre 2022. Le 31 mai 2022, les recourantes ont requis l'autorisation de confier une expertise à un géomètre en bâtiment. Dans son ordonnance de procédure no 3 du 8 juin 2022, le Tribunal arbitral a estimé, sur le vu des explications avancées par les recourantes, que la mise en oeuvre d'une telle expertise ne se justifiait pas à ce stade. Il a toutefois relevé que les intéressées avaient manifesté leur intention de produire un tableau détaillant les défauts ("
Scott Schedule ") affectant l'Hôtel. Il a souligné que si des points soulevaient certaines questions qui semblaient nécessiter la désignation d'un expert géomètre, les recourantes conservaient la possibilité de renouveler leur demande tendant à la mise en oeuvre d'une expertise en expliquant pourquoi une telle preuve était pertinente. Les recourantes, qui n'ont pas formulé immédiatement d'objection à l'encontre de cette décision, mais ont attendu près d'une année - soit le 13 juillet 2023 - pour s'en plaindre, sont forcloses à dénoncer une atteinte à leur droit d'être entendues découlant de la décision prise par le Tribunal arbitral dans son ordonnance procédurale no 4.
Après avoir reçu un exemplaire du
Scott Schedule, le Tribunal arbitral, dans son ordonnance procédurale no 6 du 7 octobre 2022, a invité les recourantes à lui remettre une version plus détaillée de leur liste des défauts jusqu'au 28 novembre 2022, afin qu'il puisse apprécier la nécessité d'ordonner une telle mesure. Les recourantes, qui ont produit un exemplaire plus détaillé de leur
Scott Schedule, ont requis une nouvelle fois la mise en oeuvre d'une expertise le 28 novembre 2022. Dans son ordonnance procédurale no 8 du 11 décembre 2022, le Tribunal arbitral a exprimé des doutes quant à la nécessité de mettre en oeuvre une expertise aussi étendue que celle suggérée par les recourantes. Il a invité ces dernières à identifier plus précisément les points qui nécessitaient véritablement une preuve par expertise et à les faire figurer dans un document distinct en les mettant en relation avec les défauts listés dans leur
Scott Schedule. Par ordonnance procédurale no 11 du 3 février 2023, le Tribunal arbitral a autorisé les recourantes à produire un rapport d'expertise dans un délai échéant le 31 mars 2023. Le 30 mars 2023, ces dernières ont sollicité et obtenu une prolongation dudit délai, lequel a été reporté au 18 avril 2023. Elles ont finalement déposé la version originale dudit rapport (rédigé en polonais) le 18 avril 2023, la traduction de celui-ci ayant été remise le 26 avril 2023. C'est en vain que les intéressées se plaignent de ne pas avoir bénéficié de suffisamment de temps pour produire leur rapport d'expertise, dès lors qu'elles ont disposé d'un laps de temps supérieur à deux mois pour ce faire.
Les recourantes font encore grief au Tribunal arbitral de les avoir privées, sans raison valable, de la possibilité de produire un rapport d'expertise supplémentaire à propos du montant du dommage prétendument subi par elles en raison des défauts affectant l'Hôtel, nonobstant la requête qu'elles avaient formulée en ce sens le 6 juin 2023. Semblable reproche tombe à faux. Dans son ordonnance procédurale no 13 du 14 juin 2023, le Tribunal arbitral a exposé les raisons - légitimes - pour lesquelles il avait refusé d'accéder à cette demande. Il a relevé que, lors de la conférence procédurale tenue le 3 février 2023, les recourantes avaient confirmé qu'un seul et même expert traiterait de l'ensemble des points objet de l'expertise envisagée et n'avaient jamais laissé entendre qu'une expertise supplémentaire serait nécessaire pour quantifier le montant de leur dommage. Lorsque les intéressées ont sollicité le 30 mars 2023 une prolongation du délai imparti pour remettre leur rapport d'expertise, celles-ci n'ont à aucun moment évoqué la possibilité de produire un rapport séparé sur ce dernier aspect. Comme l'ont souligné les arbitres dans leur ordonnance procédurale no 13, quand les recourantes ont remis leur rapport d'expertise le 18 avril 2023, celles-ci n'ont pas requis l'autorisation du Tribunal arbitral ni sollicité l'octroi d'un délai supplémentaire en vue de produire un rapport traitant spécifiquement de la question de leur dommage. Les intéressées se sont bornées à préciser que des informations complémentaires à propos du coût lié aux travaux de réfection de l'Hôtel seraient fournies ultérieurement. Elles ont également prétendu qu'il leur était impossible de produire un rapport d'expert sur ce point précis dans le délai imparti. Dans son ordonnance procédurale no 13, le Tribunal arbitral a jugé que cette allégation, nullement étayée, n'était pas plausible. Au regard de l'ensemble des circonstances procédurales ainsi résumées et des motifs avancés par le Tribunal arbitral pour rejeter la demande tendant à la mise en oeuvre d'une expertise supplémentaire, la Cour de céans ne discerne nulle trace d'une quelconque violation du droit d'être entendu des recourantes.
5.5. Dans la quatrième et dernière branche du moyen considéré, les recourantes se lancent dans de longues explications, souvent redondantes, visant à démontrer que le Tribunal arbitral aurait violé le principe de l'égalité des parties à leur détriment. Elles se plaignent de ce que le Tribunal arbitral aurait octroyé injustement une prolongation de délai aux intimées, tout en rejetant une demande similaire présentée par elles. Elles font aussi grief aux arbitres d'avoir admis, à tort, certaines déterminations déposées tardivement par les intimées et d'avoir accepté la nouvelle prétention formée par ces dernières quelques semaines avant l'audience finale. Les intéressées critiquent en outre le rejet par le Tribunal arbitral de leur requête tendant à ce qu'elles puissent introduire une nouvelle demande et produire certaines pièces nouvelles. Elle déplorent enfin le fait que le Tribunal arbitral a écarté leur requête visant à ce que les intimées réécrivent leur mémoire de plaidoiries finales.
Force est de constater que les recourantes formulent ici des critiques de nature essentiellement appellatoire, comme si elles plaidaient devant une juridiction pouvant revoir la cause avec une pleine cognition. Argumenter ainsi, c'est méconnaître la nature du recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale et le pouvoir d'examen fort limité dont le Tribunal fédéral jouit en ce domaine. La recevabilité du grief apparaît dès lors des plus douteuses.
Quoi qu'il en soit, les recourantes méconnaissent l'art. 182 al. 4 LDIP et font fi du principe de la bonne foi, en vertu duquel il n'est pas admissible de garder en réserve des griefs concernant des vices de procédure qui auraient pu et dû être invoqués immédiatement. Elles auraient en effet dû formuler immédiatement des objections en ce sens auprès des arbitres à l'encontre des diverses décisions procédurales qu'elles critiquent dans leur mémoire de recours.
En tout état de cause, on voit mal comment les circonstances alléguées par les recourantes puissent être de nature à justifier à elles seules l'annulation de la sentence attaquée dès lors que les intéressées ne démontrent pas véritablement en quoi l'issue du procès aurait pu être différente si les prétendues violations du principe d'égalité des parties n'avaient pas été commises.
Indépendamment de ce qui précède, la Cour de céans considère que les éléments avancés par les intéressées dans leur mémoire de recours ne permettent pas de retenir que le Tribunal arbitral aurait effectivement traité les parties de manière inégale. Alléguer des inégalités de traitement est une chose, établir leur existence en est une autre. Or, sur le vu du dossier de l'arbitrage et des explications fournies par les intimées dans leur réponse - qui ne sont pas véritablement contredites par leurs adversaires dans leur réplique -, les reproches adressés aux arbitres n'apparaissent pas fondés.
A le supposer recevable, le moyen considéré ne peut dès lors qu'être rejeté.
6.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Les recourantes, qui succombent, seront condamnées solidairement à payer les frais de la procédure fédérale ( art. 66 al. 1 et 5 LTF ). Elles verseront en outre, solidairement entre elles, une indemnité à titre de dépens aux intimées, créancières solidaires ( art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 55'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourantes.
3.
Les recourantes sont condamnées solidairement à verser aux intimées, créancières solidaires, une indemnité de 65'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal arbitral avec siège à Zurich.
Lausanne, le 3 octobre 2024
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant : Kiss
Le Greffier : O. Carruzzo