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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_131/2024  
 
 
Arrêt du 3 octobre 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Cretton. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par M e Jean-Michel Duc, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Fonds interprofessionnel de prévoyance, route du Lac 2, 1094 Paudex, 
représenté par M es Anne Troillet et Céline Moullet, avocates, 
intimé. 
 
Objet 
Prévoyance professionnelle (déclaration de santé; violation de l'obligation d'annoncer), 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 23 janvier 2024 (PP 26/22 - 2/2024). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, né en 1962, était affilié au Fonds d'assurance-retraite de B.________ (repris selon contrat de fusion du 21 juin 2022 par le Fonds interprofessionnel de prévoyance) pour la prévoyance professionnelle depuis le 19 juin 2006. À l'époque de son affiliation, il avait rempli une déclaration de santé (figurant dans le formulaire "demande d'affiliation" au-dessous de la partie complétée par son employeur) dans laquelle il affirmait jouir d'une pleine capacité de travail et ne souffrir d'aucune infirmité, maladie ou suite d'accidents. Totalement incapable de travailler depuis le 30 août 2019, en raison notamment d'un trouble bipolaire II à prédominance dépressive, présent depuis l'adolescence (cf. rapports du docteur C.________ du 29 mai 2020 ou des docteurs D.________ du 30 décembre 2019 et E.________ du 27 mai 2021, tous trois spécialistes en psychiatrie et psychothérapie), il a été mis au bénéfice d'une rente entière de l'assurance-invalidité à compter du 1er septembre 2020 (décision du 26 octobre 2021). Compte tenu des éléments médicaux figurant au dossier de l'assurance-invalidité (traitement antidépresseur et suivi par le docteur C.________ à raison d'une à deux consultations par mois depuis le 7 janvier 2006; dépression présente depuis l'adolescence), l'institution de prévoyance a considéré que l'assuré avait commis une réticence dans sa déclaration de santé de 2006. Elle a dès lors annulé la partie surobligatoire du contrat de prévoyance et reconnu le droit de A.________ à une rente d'invalidité calculée selon les minima LPP dès le 29 août 2021 (lettres des 1er mars et 19 mai 2022). L'assuré a contesté avoir commis une réticence (lettre du 17 août 2022). Le fonds de prévoyance a maintenu sa position (lettre du 29 août 2022). 
 
B.  
Saisie d'une demande de A.________, qui concluait à la condamnation de l'institution de prévoyance à lui accorder une rente réglementaire d'invalidité de la prévoyance professionnelle avec intérêts à 5 % l'an dès le dépôt de la demande, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a rejetée (jugement du 23 janvier 2024). 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ requiert l'annulation du jugement cantonal et conclut, principalement, à la condamnation du fonds de prévoyance à lui octroyer une rente réglementaire d'invalidité de la prévoyance professionnelle à partir du 29 août 2021 et, subsidiairement, au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouveau jugement au sens des considérants. 
L'institution de prévoyance a conclu au rejet du recours et l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par cette dernière (art. 105 al. 1 LTF). Cependant, il peut rectifier les faits ou les compléter d'office s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant ne peut critiquer les faits que s'ils ont été constatés de façon manifestement inexacte ou contraire au droit et si la correction d'un tel vice peut influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
 
2.  
Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle surobligatoire depuis le 29 août 2021. Compte tenu des motifs et conclusions du recours, il s'agit de déterminer si le tribunal cantonal était en droit de considérer que l'assuré avait commis une réticence entraînant la résiliation du contrat de prévoyance en ce qui concerne les prestations de la prévoyance surobligatoire. 
 
3.  
Le jugement entrepris expose notamment la jurisprudence portant sur l'étendue des droits et des devoirs des institutions de prévoyance dites "enveloppantes" (ATF 136 V 313 consid. 4), ainsi que sur l'interprétation des contrats de prévoyance (ATF 144 V 376 consid. 2.2; 140 V 145 consid. 3.3). Il cite en outre la disposition réglementaire relative à la réticence et à ses effets (art. 2 al. 5 let. b du Règlement de B.________, en vigueur dès le 1er janvier 2006; art. 3 al. 5 du Règlement de B.________, en vigueur dès le 1er janvier 2022), ainsi que les conditions permettant l'application des principes relatifs à la réticence dégagés dans le cadre de la loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (LCA; RS 221.229.1) à la prévoyance professionnelle plus étendue (art. 4 et 6 LCA; ATF 130 V 9; arrêts 9C_532/2014 du 23 octobre 2014 consid. 3.1, 4.1 et 5.2, in SVR 2015 BVG n° 34 p. 124; 9C_333/2020 du 23 février 2021 consid. 4.2.1; 9C_606/2017 du 14 mars 2018 consid. 3.2). Il suffit d'y renvoyer. 
 
4.  
La juridiction cantonale a examiné si le recourant avait commis une réticence en omettant d'indiquer lors de son affiliation au fonds de prévoyance intimé qu'il était atteint de troubles psychiatriques depuis l'adolescence et en traitement depuis plusieurs années. Elle a constaté que l'assuré avait alors répondu par la négative à la question de savoir s'il souffrait d'une infirmité, d'une maladie ou des suites d'un accident et qu'il ne contestait pas que ses troubles n'étaient ni résolus ni sporadiques à l'époque. En réponse au recourant, elle a considéré qu'il n'était pas déterminant que les documents attestant l'atteinte à la santé fussent postérieurs au dépôt de la demande d'affiliation le 26 juin 2006 ou qu'aucun diagnostic répondant aux critères d'une classification reconnue n'eût été posé à cette date dès lors que les rapports médicaux montraient que ladite atteinte remontait à l'adolescence, que son traitement était en cours depuis le mois de janvier 2006 et que le questionnaire de santé ne s'enquérait pas de l'existence d'un diagnostic précis. Elle a déduit de ces éléments que l'assuré savait ou devait savoir qu'il souffrait d'une affection psychique dès le début de l'année 2006. Elle a précisé que le recourant ne pouvait exciper du fait qu'il jouissait d'une pleine capacité de travail lors de son affiliation pour taire le traitement et le suivi médical dont il était l'objet dans la mesure où le questionnaire de santé excluait expressément cette éventualité. Elle a ajouté que la formulation dudit questionnaire (absence d'espace pour préciser l'atteinte à la santé) n'était ni vague ni abstraite (même si elle n'appelait qu'une réponse par oui ou par non) dès lors que seule l'existence d'une maladie - et non sa nature - était déterminante à ce stade de la procédure d'affiliation. Elle a conclu que l'assuré avait commis une réticence en donnant une réponse qu'il savait ou devait savoir ne pas correspondre à la réalité médicale. 
Le tribunal cantonal a également examiné si le recourant pouvait se prévaloir d'un motif légitime pour justifier sa réticence. L'assuré faisait valoir un intérêt à protéger sa sphère privée et à éviter que son employeur n'apprenne des éléments susceptibles de nuire à son processus d'engagement. Les premiers juges ont constaté que la demande d'affiliation comportait, sur la même page, un questionnaire à remplir par l'employeur (complété le 19 juin 2006) et un questionnaire de santé à remplir par l'employé (complété le 26 juin 2006). Ils ont considéré que la succession des dates de signature aurait permis de renvoyer la demande d'affiliation directement au fonds de prévoyance intimé et d'éviter ainsi que l'employeur ne prenne connaissance de données sensibles sur l'état de santé de son employé qui auraient pu influencer la décision d'engagement. Ils ont précisé à cet égard qu'aucune méthodologie n'était imposée par le fonds de prévoyance intimé pour la transmission de la demande d'affiliation. Ils ont ajouté que, pour le cas où le recourant aurait reçu comme instruction de retourner le questionnaire de santé à son employeur, il aurait pu s'adresser directement au fonds de prévoyance intimé et l'informer de manière spontanée - avant que son affiliation ne soit concrétisée - d'éventuelles réponses incorrectes et des motifs l'ayant poussé à cette incorrection. Ils ont dès lors considéré qu'il existait un moyen simple de rectifier des déclarations initiales éventuellement erronées dans le respect des intérêts tant de l'assuré que du fonds de prévoyance intimé et constaté que le recourant n'avait rien fait pour rectifier ses déclarations durant plus de quinze ans. Ils ont par conséquent exclu l'existence d'un motif valable pouvait justifier la réticence reprochée au recourant. 
 
5.  
L'assuré fait grief à la juridiction cantonale d'avoir constaté et apprécié les faits de manière arbitraire. Il soutient que la réponse à la question de savoir s'il souffrait d'une maladie supposait une connaissance de son propre état de santé et de la notion de maladie. Il considère d'une part que les éléments médicaux retenus par le tribunal cantonal ne démontraient pas la conscience d'être atteint d'une maladie à l'époque de l'affiliation dès lors qu'ils avaient été établis postérieurement à la demande d'affiliation et qu'ils ne mentionnaient aucun diagnostic sur le plan psychique. Il en déduit que les premiers juges ne pouvaient pas légitimement conclure qu'il avait donné une réponse qu'il savait ne pas correspondre à la réalité médicale. Il fait valoir d'autre part qu'étant donné la notion de maladie au sens de l'art. 3 LPGA, il ne pouvait pas savoir, quelques mois après l'instauration d'un traitement anti-dépresseur, s'il souffrait de façon définitive d'une maladie ou s'il s'agissait juste d'une atteinte à son bien-être. Il en a inféré qu'il n'était pas tenu de signaler le suivi médical dont il était l'objet. 
Le recourant reproche également à la juridiction cantonale d'avoir nié l'existence d'un motif légitime pour justifier sa réticence. Il estime que la procédure d'affiliation proposée par son employeur - qui s'était vu confier la tâche de récolter le questionnaire de santé par le fonds de prévoyance intimé - viole sa sphère privée. Il soutient que les deux solutions préconisées par le tribunal cantonal sont arbitraires et déconnectées de la réalité. Il prétend que refuser de retourner le formulaire à son employeur et l'adresser directement au fonds de prévoyance intimé ou faire corriger subséquemment des réponses erronées aurait suscité des interrogations et une défiance de la part de son employeur susceptibles de briser sa confiance. En effet, dans la première éventualité, il aurait désobéi à une injonction de son employeur et, dans la seconde éventualité, ce dernier aurait été averti de l'existence d'une réserve et d'une prime différente inexplicables au regard du questionnaire de santé. 
L'assuré fait enfin grief aux premiers juges d'avoir violé les art. 328b CO (selon lequel l'employeur ne peut traiter des données concernant le travailleur que dans la mesure où ces données portent sur les aptitudes du travailleur à remplir son emploi ou sont nécessaires à l'exécution du contrat de travail) et 13 al. 1 de l'ancienne loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD; RO 1993 1945; selon lequel une atteinte à la personnalité est illicite à moins d'être justifiée par le consentement de la victime). Il soutient avoir reçu de son employeur pour instruction de remplir et signer le questionnaire de santé puis de le lui transmettre en original et n'avoir pas eu le choix de s'exécuter pour éviter le risque de rompre le lien de confiance. Il considère en substance que cette méthode de transmission est contraire au droit, dès lors qu'elle permet à l'employeur d'accéder de manière indue à des données sensibles au sens de l'art. 3 let. c ch. 2 aLPD, et que les solutions préconisées par la juridiction cantonale ne permettent pas d'éviter une rupture du lien de confiance avec l'employeur comme exposé ci-dessus. 
 
6.  
 
6.1.  
L'argumentation du recourant n'est pas fondée en tant qu'elle porte sur la connaissance qu'il avait de sa maladie et l'obligation qu'il avait d'en informer le fonds de prévoyance intimé au moment de son affiliation. L'assuré se limite effectivement à reprendre des arguments qu'il avait déjà développés en première instance et auxquels le tribunal cantonal a déjà répondu de manière circonstanciée. Ce faisant, il procède à sa propre appréciation des faits et n'expose pas ni ne démontre en quoi les premiers juges auraient fait preuve d'arbitraire dans la leur. Son grief doit dès lors être rejeté. On relèvera néanmoins qu'on ne saurait valablement reprocher à la juridiction cantonale d'avoir mal interprété les faits dès lors que la question litigieuse prévoyait que, même s'il disposait d'une pleine capacité de travail, le recourant devait annoncer toute atteinte à la santé (infirmité, maladie ou suite d'accidents et pas nécessairement un diagnostic précis). Or, quoi qu'en dise l'assuré, un trouble de nature psychique présent depuis l'adolescence, nécessitant la prise d'anti-dépresseurs ainsi que d'un suivi psychothérapeutique à raison de deux consultations par semaine depuis six mois à l'époque de l'affiliation en question et attesté (quoiqu'après la date d'affiliation) tant par le psychiatre traitant que par des experts spécialisés en psychiatrie dans le cadre de procédures indépendantes de la prévoyance professionnelle constitue manifestement plus qu'une atteinte temporaire au bien-être pouvant être passée sous silence. Dans ces circonstances, le tribunal cantonal pouvait légitimement conclure à l'existence d'une réticence sans commettre d'arbitraire dans sa constatation et son appréciation des faits. 
 
6.2. L'argumentation du recourant n'est pas plus fondée en ce qui concerne l'existence d'un motif légitime pouvant justifier sa réticence. Il ressort effectivement des constatations cantonales, qui lient le Tribunal fédéral (cf. consid. 1 supra), qu'aucune méthodologie n'avait été imposée par le fonds de prévoyance intimé pour la transmission du formulaire qui contenait la demande d'affiliation et le questionnaire de santé. Les allégations de l'assuré, selon lesquelles il devait retourner le questionnaire de santé à son employeur qui s'était vu confier la tâche de le faire suivre au fonds de prévoyance intimé, ne reposent sur aucun élément concret et ne démontrent ainsi pas que les solutions préconisées par les premiers juges étaient arbitraires et déconnectées de la réalité. Ce grief doit dès lors être rejeté. On ajoutera cependant que, s'il est vrai que l'état de santé du recourant est une donnée personnelle sensible (art. 3 let. c ch. 2 aLPD) dont son employeur n'a en principe pas à être informé (art. 328b CO) sans son consentement (art. 13 al. 1 aLPD), il n'en demeure pas moins que l'assuré aurait aisément pu contourner le risque de divulgation de données sensibles le concernant en renvoyant directement la demande au fonds de prévoyance intimé. Contrairement à ce que soutient le recourant, les réserves de santé sont communiquées à l'assuré (art. 2 al. 3 du règlement en vigueur dès le 1er janvier 2006 et 3 al. 2 du règlement en vigueur dès le 1er janvier 2022) et non à l'employeur qui n'en aurait jamais rien su. De plus, l'existence d'une réserve en raison d'une atteinte à la santé n'influence pas le montant des cotisations de prévoyance qui s'élève à 2,6 % du salaire cotisant selon l'art. 8 al. 2 deuxième phrase du règlement en vigueur au moment de l'affiliation. Or, selon les constatations cantonales, le recourant n'a rien fait pour rectifier ses déclarations durant plus de quinze ans. Dans ces circonstances, on ne saurait valablement faire grief à la juridiction cantonale d'avoir arbitrairement apprécié les faits ni d'avoir violé le droit fédéral.  
Entièrement mal fondé, le recours doit être rejeté. 
 
7.  
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires sont mis à la charge de l'assuré (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 3 octobre 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Cretton