Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_513/2024
Arrêt du 4 février 2025
IIIe Cour de droit public
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Moser-Szeless, Présidente, Parrino et Beusch.
Greffier : M. Feller.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Service de la taxe d'exemption de l'obligation de servir, rue du Stand 26, 1204 Genève,
intimé.
Objet
Taxe d'exemption de l'obligation de servir,
période fiscale 2019,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 23 juillet 2024 (A/3697/2023-TAXE ATA/871/2024).
Faits :
A.
A.________ (ci-après: l'assujetti), né en octobre 1986, a été naturalisé suisse en août 2016. Par décision du 27 novembre 2020, confirmée sur réclamation le 9 octobre 2023, le Service genevois de la taxe d'exemption de servir a assujetti A.________ à la taxe d'exemption de l'obligation de servir (ci-après: TEO ou la taxe militaire) pour l'année 2019.
B.
Statuant par arrêt du 23 juillet 2024, la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative (ci-après: la Cour de justice), a rejeté le recours de A.________ contre la décision sur réclamation.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Il conclut à "l'annulation de la taxation 2018" et de "la décision de taxation contestée".
Considérant en droit :
1.
1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF; cf. art. 22 al. 3 et 31 al. 3 de la loi fédérale du 12 juin 1959 sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir [LTEO; RS 661]; voir aussi art. 2 de la loi genevoise du 14 janvier 1961 d'application des dispositions fédérales sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir [LaTE; RS/GE G 1 05]), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF, étant précisé que l'art. 83 let. i LTF ne s'applique pas aux décisions en matière de taxe d'exemption de l'obligation de servir (arrêt 9C_648/2022 du 9 janvier 2024 consid. 1.1 et les références, non publié in ATF 150 I 144). La voie du recours en matière de droit public est ainsi ouverte.
1.2. Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile (100 al. 1 LTF), et dans les formes requises (art. 42 LTF) par le destinataire de l'arrêt attaqué, qui a qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Son recours est donc recevable sous réserve de ce qui suit.
1.3. En principe, les conclusions relatives à la décision de taxation sont irrecevables en raison de l'effet dévolutif complet du recours auprès de la Cour de justice (cf. ATF 146 II 335 consid. 1.1.2). Il en va de même des conclusions purement cassatoires (en annulation), dès lors que le recours en matière de droit public se caractérise comme un recours en réforme (art. 107 al. 2 LTF; cf. arrêt 9C_519/2024 du 7 janvier 2025 consid. 1.3). Toutefois, lorsque le recourant conclut à "l'annulation de la taxation 2018" [recte 2019] et "de la décision de taxation contestée", on comprend à la lecture de son mémoire de recours (cf. ATF 137 II 313 consid. 1.3; 133 II 409 consid. 1.4.1) qu'il demande à ce que l'arrêt attaqué soit réformé en ce sens que la décision sur réclamation du 9 octobre 2023 soit annulée en tant qu'elle porte sur son assujettissement à la taxe d'exemption de servir pour l'année 2019.
2.
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF ), alors qu'il n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant, conformément au principe d'allégation (art. 106 al. 2 LTF). Dans ce cas, l'acte de recours doit contenir un exposé succinct des droits fondamentaux violés et préciser en quoi consiste la violation (cf. ATF 145 I 121 consid. 2.1).
3.
Le présent litige porte sur la question de l'assujettissement du recourant à la TEO pour l'année 2019. La Cour de justice a rappelé de manière complète les règles légales et la jurisprudence applicables à la taxe militaire (cf. art. 59 Cst.; art. 1, 2 al. 1 let. a et 3 al. 1 LTEO [version en vigueur depuis le 1
er janvier 2019]; art. 9 al. 3 de la loi fédérale du 3 février 1995 sur l'armée et l'administration militaire [LAAM; RS 510.10] en lien avec l'art. 12 al. 2 de l'ordonnance du 22 novembre 2017 sur les obligations militaires [OMi; RS 512.21]; ATF 150 I 144 consid. 3.1; arrêt 9C_707/2022 du 25 janvier 2024 consid. 3), ainsi qu'aux principes de l'égalité de traitement (cf. art. 8 et 14 CEDH ; art. 8 Cst.; ATF 150 I 144 consid. 8) et de l'interdiction de la rétroactivité des lois (cf. ATF 150 I 144 consid. 6.1). Il suffit de renvoyer à l'arrêt attaqué sur ces points (art. 109 al. 3 LTF).
Celui-ci met en évidence que l'art. 3 LTEO, tel que modifié à partir du 1er janvier 2019, prévoit que l'assujettissement à la TEO se termine au plus tard à la fin de l'année au cours de laquelle l'homme astreint atteint l'âge de 37 ans. Dans sa version antérieure, cette disposition prévoyait une durée d'assujettissement jusqu'à la fin de l'année au cours de laquelle la personne astreinte atteignait l'âge de 30 ans.
4.
Le recourant se plaint d'une inégalité de traitement et d'une discrimination au sens des art. 8 et 14 CEDH ainsi que de l'art. 8 Cst. Il soutient, en substance, que la nouvelle législation n'affecterait pas de la même manière les personnes soumises à des obligations de servir sous forme de service (militaire ou civil) ou des obligations sous forme de paiement de la TEO. Les personnes ayant atteint la limite d'âge sous l'ancienne loi sans avoir accompli tous les jours du service obligatoire ne seraient plus rappelées pour effectuer les jours de service restants, alors que les autres personnes n'ayant pas effectué un tel service se trouveraient à nouveau ou nouvellement assujetties à la TEO. Cette nouvelle législation toucherait également davantage les personnes de plus de 30 ans (discrimination selon l'âge) et naturalisées (discrimination selon l'origine), dès lors que la majorité de ces personnes aurait atteint l'âge à partir duquel les obligations au sens des art. 9 al. 2 et 49 al. 1 LAAM (recrutement et école de recrue) ne seraient plus usuellement effectuées.
En se fondant sur les arrêts
Glor contre Suisse du 30 avril 2009 (Requête n° 13444/04) et
Ryser contre Suisse du 12 janvier 2021 (Requête n° 23040/13) ainsi que sur un arrêt de la Cour de justice (ATA/502/2024 du 23 avril 2024), le recourant soutient encore que l'exigence de l'accomplissement d'un service militaire ou civil, compte tenu aussi de leur durée, serait disproportionnée, voire impossible au vu de sa situation personnelle et professionnelle - notamment son âge et son indisponibilité pour effectuer un service de plusieurs mois -, ainsi qu'au regard de la complexité des démarches à entreprendre alors qu'aucune information n'avait été communiquée à cet égard par les autorités compétentes aux personnes concernées. Le recourant fait enfin valoir que le principe de non-rétroactivité aurait été violé puisque de nombreuses personnes libérées des obligations de servir y étaient à nouveau astreintes, notamment à travers le paiement de la TEO.
5.
5.1. Comme l'a retenu à juste titre la juridiction cantonale, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de traiter des affaires similaires à celles du recourant (p. ex. ATF 150 I 144 et arrêt 9C_707/2022 du 25 janvier 2024). En ce qui concerne le grief tiré de l'inégalité de traitement - également invoqué par le recourant en l'occurrence -, le Tribunal fédéral a retenu qu'un assujetti à la TEO ne peut pas se prévaloir avec succès d'une discrimination fondée sur les art. 8 Cst., ainsi que sur les art. 8 et 14 CEDH et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH), en l'absence de démarches concrètes et individuelles visant à effectuer un "recrutement ultérieur" au sens de l'art. 9 al. 3 LAAM (concrétisé par l'art. 12 al. 2 OMI; ATF 150 I 144 consid. 8.1 s. et les références). Or selon les constatations de la Cour de justice, le recourant n'a pas demandé, pour l'année d'assujettissement 2019, à pouvoir effectuer un "recrutement ultérieur" au sens de l'art. 9 al. 3 LAAM, ce qui lui aurait permis, le cas échéant, d'accomplir un service (militaire ou civil). En outre, il lui appartenait d'entreprendre, d'un point de vue individuel, toutes les démarches visant à bénéficier de la possibilité d'effectuer un tel recrutement ultérieur, sans que les autorités compétentes soient tenues de l'informer d'office de la procédure prévue à cet effet. Une telle obligation ne résulte du reste pas de la jurisprudence de la CourEDH, quoi qu'en dise le recourant. En définitive, le recourant affirme en vain qu'il aurait été disproportionné d'exiger de lui qu'il sollicitât l'accomplissement d'un service, compte tenu de sa situation personnelle et professionnelle. Quant à l'arrêt cantonal (ATA/502/2024 du 23 avril 2024) auquel il se réfère, il concernait le cas d'une personne déclarée inapte aux services militaire et civil, de sorte que cette situation se distingue fondamentalement de la sienne.
Enfin, le recourant se contente d'alléguer, de manière purement appellatoire, et partant non admissible (cf. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2), que des personnes astreintes au service militaire ou civil n'ayant pas effectué le nombre total de jours de service sous l'ancienne loi, se trouveraient exemptées d'effectuer les jours de service restants. Quoi qu'il en soit, il suffit de rappeler que conformément à l'art. 2 al. 1
bis LTEO (entré en vigueur au 1er janvier 2019), les hommes astreints au service militaire ou au service civil qui sont libérés de l'obligation de servir sans avoir accompli la totalité des jours de service obligatoires sont assujettis à la taxe militaire. De plus, on ne voit pas en quoi la législation en cause créerait une discrimination en fonction de l'origine ou de l'âge. En effet, la TEO concerne les citoyens suisses, naturalisés ou non, sans distinction aucune. En outre, dès lors que la limite d'âge pour le paiement de la taxe militaire se situe à 37 ans, le recourant âgé en 2019 de 33 ans, ne doit pas s'acquitter de cette taxe pour une durée plus longue que celle applicable à une personne qui aurait commencé à s'en acquitter entre 20 et 30 ans.
5.2. En ce qui concerne ensuite le grief tiré d'une rétroactivité inadmissible de la loi, comme l'a également relevé à juste titre la Cour de justice, le Tribunal fédéral a retenu qu'en matière de prélèvement de la TEO, le fait de soumettre un citoyen naturalisé suisse en 2017 à l'obligation de payer la taxe militaire en 2019, en vertu de la nouvelle loi, ne constituait pas une application rétroactive de celle-ci. En effet, dans l'affaire alors examinée, la personne concernée avait été assujettie à la TEO pour l'année 2019, sur la base des éléments de fait survenus cette année-là et en application de la législation entrée en vigueur au 1
er janvier 2019 (ATF 150 I 144 consid. 6. et 7.2). Il en va en l'occurrence de même pour le recourant (naturalisé en 2016), dès lors que les éléments de base déterminants pour l'assujettissement à la taxe militaire pour l'année 2019 se sont produits sous l'empire de la nouvelle loi: l'assujetti, alors âgé de 33 ans, n'était ni incorporé dans une formation de l'armée, ni soumis à l'obligation de servir dans le civil, ni en train d'accomplir un service militaire ou civil (cf. art. 2 al. 1 let. a et 3 LTEO ). Le seul souhait du recourant que le Tribunal fédéral "revoie" sa jurisprudence n'est pas pertinent (sur les conditions d'un changement de jurisprudence, cf. ATF 149 III 28 consid. 6.2.3.1 et la référence).
6.
Compte tenu de ce qui précède, le recours, qui est manifestement infondé, doit être rejeté selon la procédure simplifiée de l'art. 109 al. 2 let. a LTF. Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1re section, et à l'Administration fédérale des contributions.
Lucerne, le 4 février 2025
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Moser-Szeless
Le Greffier : Feller