Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_111/2023
Arrêt du 4 octobre 2024
I
Composition
Mmes les Juges fédérales
Jametti, Présidente, Kiss et May Canellas.
Greffière : Mme Godat Zimmermann.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Cécile Berger Meyer et Me Flavio Samson,
recourante,
contre
1. B.________,
2. C.________,
représentés par Me Romolo Molo, avocat,
intimés.
Objet
bail à loyer; calcul du rendement net; donation mixte; réévaluation des fonds propres,
recours contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2023 par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève (C/11906/2020, ACJC/48/2023).
Faits :
A.
A.a. En 2008, D.________, architecte à la tête du bureau éponyme organisé en SA, a acquis l'immeuble sis (...), afin d'y réaliser une promotion à titre personnel. Soumis au régime de la propriété par étages (PPE), l'immeuble contient - outre une surface commerciale et 18 parkings intérieurs - 12 appartements, dont un duplex composé, au rez-de-chaussée, d'un appartement de 82 m
2 et d'une terrasse de 27 m
2 et, au premier étage, d'un appartement de 133 m
2.
Par promesse de vente et d'achat du 6 août 2008, D.________, d'une part, et E.________ et F.________ (les époux E.________), d'autre part, ont pris l'engagement de conclure un acte de vente portant sur deux parts de copropriété de l'immeuble pour un montant total de 1'290'000 fr., à savoir 1'238'000 fr. pour le duplex et 52'000 fr. pour un box.
Entre juillet 2009 et juin 2010, la régie immobilière G.________ SA a adressé aux époux E.________ pour approbation divers devis relatifs à des travaux à plus-value validés par leur architecte D.________ pour un montant total de 140'091 fr. 20 TTC.
A.b. L'immeuble est situé en 5ème zone de développement 3 selon la loi générale sur les zones de développement du canton de Genève (LGZD; rsGE L 1 35). Conformément à l'art. 5 al. 3 LGZD, les prix de vente et les loyers des appartements de l'immeuble étaient soumis au contrôle de l'État pendant dix ans, selon les modalités prescrites par la loi générale sur le logement et la protection des locataires (LGL; rsGE I 4 05).
Par courrier du 16 mars 2010, l'office cantonal du logement a approuvé à titre provisoire le projet de D.________ concernant la vente des logements, du local commercial et des emplacements de stationnement selon le régime de la PPE; le plan financier prévoyait alors un prix de revient de 14'641'400 fr. tandis que le plan de vente en PPE et location était arrêté à 17'265'400 fr. pour la vente et à 670'524 fr. pour la location des appartements. Les prix de vente détaillés ne pouvaient en aucun cas être dépassés sans l'accord de l'office du logement.
Quelques jours plus tard, G.________ SA a indiqué aux époux E.________ que les prix de vente acceptés par l'office du logement s'élevaient à 1'307'000 fr. pour le duplex et à 56'300 fr. pour le parking; le loyer annuel maximal de l'appartement durant dix ans se montait à 55'248 fr. (4'604 fr. par mois).
En juillet 2010, D.________ et les époux E.________ ont annulé la promesse de vente, le premier s'engageant notamment à rembourser aux seconds l'acompte versé (322'500 fr.), les frais de notaire (8'853 fr. 40) et le prix des travaux à plus-value (140'091 fr. 20), sous déduction d'un montant forfaitaire de 30'000 fr.
Le 28 octobre 2010, E.________ a accusé réception d'un montant de 438'891 fr. 29, considérant l'affaire comme close.
A la même époque, G.________ SA, qui ne disposait que des devis signés par les époux E.________, a demandé à l'architecte D.________ de lui retourner un bulletin annexé afin de pouvoir informer l'office du logement des travaux à plus-value exécutés dans le duplex pour un montant de 140'091 fr.
A.c. Par contrat du 29 novembre 2010, D.________ a vendu à sa fille A.________ les deux parts de copropriété susmentionnées pour le prix de 1'117'906 fr., soit 1'071'740 fr. pour le duplex et 46'166 fr. pour le garage. L'acquéreuse s'engageait à verser de suite 900'000 fr. à l'étude du notaire; le solde de 217'906 fr. devait être payé "en mains du cédant ou au plus tard de ses héritiers au moment de l'ouverture de sa succession, sans intérêts jusqu'alors". L'acte précise que le prix de vente a été admis par l'office du logement et que l'attention de l'acquéreuse a été attirée sur le courrier dudit office du 16 mars 2010, cité plus haut. Les parties y certifient que "l'acte indique l'intégralité du prix, que celui-ci n'est pas modifié par un autre arrangement quelconque, et qu'elles ont été informées par le notaire soussigné des conséquences encourues en cas d'inexactitude de cette affirmation". Les droits, émoluments, frais et honoraires de l'acte étaient à la charge du vendeur. Les frais de notaire se sont élevés à 44'082 fr. 60.
Par contrats du 30 novembre 2010, A.________ - qui disposait en 2009 d'une fortune mobilière de 15'135 fr. - a emprunté à la banque H.________ SA, d'une part, 450'000 fr, garantis par un droit de gage immobilier, avec un taux d'intérêt de 1,75 % fixe durant la durée du contrat du 8 décembre 2010 au 31 mars 2014 et, d'autre part, 450'000 fr., garantis par un droit de gage immobilier, avec un taux d'intérêt de 1,07 % réajusté trimestriellement, et à amortir à raison de 2'250 fr. par trimestre à partir du 31 mars 2011.
A.d. Le 7 décembre 2011, I.________ a versé 444'028 fr. 10 à sa fille A.________. Le lendemain, cette dernière a remboursé à la banque H.________ SA un montant de 444'023 fr. 10 (sic).
Par contrat du 23 décembre 2011, les époux D.________ ont fait donation, avec dispense expresse de rapport à leurs successions respectives, de 1'500'000 fr. à chacun de leurs trois enfants. Les sommes étaient versées d'entente entre les parties.
Le 10 février 2012, D.________ a informé l'administration fiscale cantonale que le versement de 444'028 fr. 10 effectué par son épouse en faveur de leur fille A.________ le 7 décembre 2011 était une donation, de même qu'un versement de 5'976 fr. 90 daté du 23 décembre 2011, des versements de 755'897 fr. et 76'192 fr. "remis en mains de notaire en donation" le 30 décembre 2011 et une cession de créance selon donation du 31 décembre 2011 de 217'906 fr., soit un total de 1'500'000 fr.
A.e. En septembre 2013, l'office du logement a approuvé à titre définitif le dernier plan financier faisant état d'un prix de revient de 14'619'835 fr., ainsi que le plan de vente et l'état locatif détaillés, dont les montants totaux s'élevaient à 17'251'400 fr. pour les prix de vente et 670'246 fr. pour les loyers. Le surplus versé par les acquéreurs entre les actes de vente et les prix de vente définitifs découlant de l'économie de 11'565 fr. sur le prix de revient devait être remboursé à chaque copropriétaire.
L'office du logement a rappelé à cette occasion que les prix de vente et loyers étaient soumis au contrôle de l'État pendant une durée de dix ans, soit jusqu'au 30 septembre 2020.
A.f. Le 31 mars 2014, A.________ a remboursé à la banque H.________ SA un montant de 450'000 fr.
A.g. Le réaménagement de la terrasse et du jardin afférents au duplex donnera lieu le 10 octobre 2017 à une facture d'un montant de 14'000 fr.
A.h. Le 25 novembre 2016, B.________ et C.________ (les locataires) ont conclu avec A.________ (la bailleresse) un bail à loyer portant sur le duplex précité de 7 pièces pour un loyer annuel, hors charges, de 48'684 fr. (4'057 fr. par mois). Le contrat devait débuter le 1er février 2017 pour une durée initiale de trois ans.
A.i. A l'approche de la sortie de l'immeuble du contrôle de l'État, les locataires ont sollicité, en mai 2020, une baisse du loyer de 40 % dès le 1er novembre 2020 en invoquant l'art. 269 CO (rendement). En vain.
B.
B.a. Après l'échec de la conciliation, les locataires ont saisi, le 8 décembre 2020, le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève d'une demande de baisse du loyer, concluant à la fixation d'un loyer annuel net de 26'508 fr. (2'209 fr. par mois) et à la condamnation de la bailleresse à leur restituer le trop perçu. A titre préalable, les locataires sollicitaient un calcul de rendement et la production par la bailleresse ou les tiers désignés par celle-ci de toutes pièces nécessaires à ce calcul.
La bailleresse a produit un calcul de rendement dont il résultait un loyer annuel admissible jusqu'à 60'359 fr. 39 (5'030 fr. par mois).
Les locataires ont contesté ce calcul et conclu, en dernier lieu, à ce que le loyer hors charges soit baissé à 3'480 fr. 75 par mois, soit 41'769 fr. par an, dès le 1
er novembre 2020 et à ce que la bailleresse soit condamnée à leur restituer la part de loyer versée en trop depuis le 1
er novembre 2020, soit 575 fr. 75 par mois.
B.b. Par jugement du 31 mars 2022, le Tribunal des baux et loyers a débouté les locataires de toutes leurs conclusions. Il a considéré que l'appartement pris à bail avait fait l'objet d'une donation mixte de D.________ à sa fille A.________, puis a retenu une valeur de l'appartement de 1'307'000 fr., correspondant au prix autorisé par l'office du logement quelques mois avant l'acquisition du bien; compte tenu des plus-values et des frais de notaire, le total des fonds propres réévalués s'élevait à 1'491'173 fr., auxquels un taux de rendement de 3,25 % s'appliquait. Le rendement admissible était ainsi de 48'463 fr. 15 (4'038 fr. par mois), soit un montant qui, sans même ajouter les charges immobilières, équivalait déjà, à quelques francs près, au loyer payé par les locataires.
B.c. Statuant le 16 janvier 2023 sur appel des locataires, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève a annulé le jugement de première instance, adjugé entièrement les conclusions des locataires en fixant à 41'769 fr. (3'480 fr. 75 par mois), charges non comprises, le loyer annuel de l'appartement litigieux à partir du 1
er novembre 2020 et enfin condamné la bailleresse à verser aux locataires le trop perçu de loyer qui en découlait, avec intérêts à 5 % dès l'entrée en force de l'arrêt cantonal.
Contrairement aux premiers juges, la cour cantonale n'a pas retenu une donation mixte du père à la fille. Dans le calcul de rendement, elle est partie du prix de 1'071'740 fr. ressortant de l'acte de vente du 29 novembre 2010 et n'a pas non plus pris en compte les travaux à plus-value invoqués dès lors que leur financement était intervenu avant l'acquisition par la bailleresse de l'immeuble litigieux; enfin, elle a indexé les fonds propres investis à l'indice suisse des prix à la consommation (ISPC), qui n'avait pas augmenté mais baissé entre les dates déterminantes.
C.
La bailleresse interjette un recours en matière civile. Elle demande au Tribunal fédéral de rejeter la demande en réduction de loyer et de débouter les locataires de toutes leurs conclusions.
Les locataires concluent au rejet du recours.
Leur réponse a donné lieu à une réplique de la bailleresse, suivie d'une duplique des locataires.
Pour sa part, la cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.
Considérant en droit :
1.
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment en ce qui a trait au respect du délai (art. 100 al. 1 LTF) et à la valeur litigieuse minimale en matière de droit du bail à loyer (art. 74 al. 1 let. a LTF).
2.
2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1; 136 II 304 consid. 2.4).
Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traitera toutefois que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2). Dès lors qu'une question est discutée, il n'est lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 137 II 313 consid. 1.4; 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité).
Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, le Tribunal fédéral n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 144 II 313 consid. 5.1; 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4; 139 I 229 consid. 2.2).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). " Manifestement inexactes " signifie ici " arbitraires " (ATF 143 I 310 consid. 2.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 129 I 8 consid. 2.1).
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes en conformité avec les règles de procédure les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
3.
3.1. La demande de baisse de loyer des intimés est intervenue au sortir de l'immeuble du contrôle étatique cantonal. Conformément à la jurisprudence (ATF 146 III 346 consid. 3.2.3), il s'agit là d'un cas où le locataire peut exceptionnellement se prévaloir de la méthode absolue (calcul du rendement net) pour faire examiner le caractère abusif ou non du loyer convenu. Ce point n'est pas contesté.
3.2. En vertu de l'art. 269 CO, le loyer est abusif lorsqu'il permet au bailleur d'obtenir un rendement excessif de la chose louée. Est visé le rendement net des fonds propres investis. Le loyer doit offrir un rendement raisonnable par rapport à ces fonds-ci et couvrir les charges immobilières (ATF 142 III 568 consid. 2.1). Le calcul du rendement net s'effectue sur la base de la situation financière de la chose louée à un moment donné.
Les différentes étapes de ce calcul sont décrites à l'ATF 147 III 14 (consid. 7.1). Pour déterminer le rendement net d'un appartement en PPE mis en location, il y a lieu de procéder dans l'ordre suivant :
1° Tous les coûts d'investissement effectifs (ou prix de revient) - sans égard à la date des investissements (ATF 141 III 245 consid. 6.6 p. 255) - doivent être établis. Il convient de prendre en compte le prix d'acquisition ainsi que les travaux à plus-value. Un prix d'achat manifestement exagéré doit être réduit au prix normal (art. 269 CO
in fine). La jurisprudence admet également un correctif au prix d'acquisition lorsque le bailleur a acquis le bien à un prix préférentiel dans certaines circonstances, par exemple dans le cadre d'une donation mixte. En effet, l'avantage consenti alors à l'acquéreur tend exclusivement à favoriser ce dernier, et non pas ses éventuels locataires (ATF 147 III 14 consid. 7.2.1 et les arrêts cités). En pareil cas, le calcul de rendement peut se fonder sur le prix du marché au moment de l'acquisition (arrêts 4A_198/2014 du 17 juillet 2014 consid. 4.4; 4A_645/2011 du 27 janvier 2012 consid. 3.4.4; 4A_276/2011 du 11 octobre 2011 consid. 5.2.4; 4A_129/2011 du 28 avril 2011 consid. 3.2; 4C.285/2005 du 18 janvier 2006 consid. 2.5). Le fardeau de la preuve du prix préférentiel incombe au bailleur (arrêt 4A_129/2011 précité consid. 3.2).
2° Il faut déduire des coûts d'investissement effectifs les fonds empruntés (fonds étrangers), ce qui permet d'obtenir le montant des fonds propres investis.
3° La totalité des fonds propres doit être réévaluée pour tenir compte du renchérissement (cf. art. 269a let. e CO) entre le moment où ils ont été investis et celui, le cas échéant, de la demande de diminution de loyer (ATF 147 III 14 consid. 8.3). L'adaptation suit l'évolution de l'indice suisse des prix à la consommation (ISPC).
4° Il y a lieu d'appliquer aux fonds propres réévalués le taux de rendement admissible, fixé à 2 % en sus du taux hypothécaire de référence lorsque ce dernier est égal ou inférieur à 2 % (ATF 147 III 14 consid. 8.4).
5° Au rendement admissible des fonds propres, il faut ajouter les charges immobilières.
6° Le loyer admissible de l'appartement ainsi calculé est comparé au loyer actuel, ce qui permettra de déterminer si, le cas échéant, une diminution du loyer est justifiée.
3.3. Dans son calcul de rendement (phases 1 à 3), la cour cantonale se fonde sur le prix d'achat de l'appartement loué et du box figurant dans l'acte authentique du 29 novembre 2010 (1'117'906 fr.), sans correctif lié à la libéralité alléguée par la bailleresse, et arrête les fonds propres investis à 1'074'810 fr., obtenus de la manière suivante :
1) 450'000 fr. remboursement de la première tranche de l'emprunt hypothécaire le 7 décembre 2011 217'906 fr. abandon de la créance en solde du prix de vente par le père de la bailleresse le 31 décembre 2011
soit au total 667'906 fr., réévalués à 660'559 fr. en raison de la variation négative de 1,1 % de l'ISPC entre décembre 2011 et novembre 2020, moment de la demande de baisse de loyer
633'277 fr. 90 correspondent à l'appartement loué (95,87 % de 660'559 fr.)
2) 450'000 fr. remboursement de la seconde tranche de l'emprunt hypothécaire le 31 mars 2014
réévalués à 445'950 fr. selon la variation négative de l'ISPC de 0,9 % entre mars 2014 et novembre 2020
427'532 fr. 15 correspondent à l'appartement loué (95,87 % de 445'950 fr.)
3) 14'000 fr. réaménagement de la terrasse et du jardin
A ces fonds propres, la cour cantonale n'ajoute pas le montant de 140'091 fr. allégué à titre de travaux à plus-value, dès lors que cet investissement s'est produit, le cas échéant, avant la vente de l'appartement à la bailleresse; elle ne se prononce dès lors pas sur le grief des locataires en appel, qui considéraient ce montant comme non prouvé. La Cour de justice ne prend pas non plus en compte les frais de notaire, qui n'ont pas été acquittés par la bailleresse.
Lors des phases 4 à 6 du calcul de rendement, la cour cantonale applique un taux de 3,25 % aux fonds propres réévalués de 1'074'810 fr. et ajoute des charges immobilières par 5'320 fr. 65, aboutissant à un loyer annuel admissible de 40'251 fr. 95, inférieur au loyer actuel de 48'684 fr. Le nouveau loyer annuel est fixé à 41'769 fr., conformément aux conclusions d'appel des locataires.
3.4. La recourante concentre ses critiques sur les éléments pris en compte dans les phases 1 à 3 du calcul de rendement.
D'une part, le prix d'achat de l'appartement aurait dû être corrigé à la hausse dès lors que l'acquisition résulterait d'une donation mixte du père de la bailleresse à sa fille. Les griefs y relatifs feront l'objet du consid. 4.
D'autre part, les fonds propres investis n'auraient pas dû être réévalués à la baisse en fonction de l'évolution négative de l'ISPC entre les dates clés, car seule une adaptation pour tenir compte du renchérissement entrerait en ligne de compte. Ce grief sera examiné au consid. 5.
4.
La donation mixte est un contrat comportant une attribution gratuite (la donation) et un acte onéreux (la vente); les parties doivent vouloir faire une libéralité en ce sens qu'elles fixent sciemment le prix en dessous de la valeur du marché afin que l'acheteur bénéfice gratuitement de la différence (ATF 145 III 1 consid. 3.1; 126 III 171 consid. 3a; 98 II 352 consid. 3b). Sur le plan objectif, il doit y avoir une disproportion entre prestation et contre-prestation de sorte que l'acheteur s'en trouve enrichi; un "prix d'ami" restant dans la fourchette des prix du marché ne constitue pas un acte de disposition à titre gratuit (ATF 98 II 352 consid. 3b; arrêt 5A_377/2018 du 20 novembre 2018 consid. 3.5.1; MARGARETA BADDELEY, in Commentaire romand, Code des obligations I, 3
e éd. 2021, n° 52 ad art. 239 CO). Sur le plan subjectif, le vendeur doit avoir la volonté de faire une libéralité (
animus donandi), que l'acheteur doit avoir la volonté d'accepter, ce qui présuppose que les parties aient effectivement conscience de la différence de valeur des prestations au moment de la conclusion du contrat (ATF 145 III 1 consid. 3.2; 98 II 352 consid. 3b).
4.1. Par acte d'achat/vente du 29 novembre 2010, la bailleresse a acquis de son père l'appartement litigieux ainsi qu'un garage pour le prix de 1'117'906 fr. (dont 1'071'740 fr. pour l'appartement), inférieur au prix convenu avec les promettants-acheteurs qui s'étaient désistés peu avant (1'290'000 fr. dont 1'238'000 fr. pour l'appartement) et au prix de vente maximum autorisé par l'office cantonal du logement (1'363'300 dont 1'307'000 fr. pour l'appartement).
Pour la cour cantonale, qui constate ces différences de prix, aucun élément du dossier ne permet de retenir que la fixation du prix de vente à 1'117'906 fr. résulterait d'une donation mixte.
Dans son appréciation, la Chambre des baux et loyers est partie du contrat du 23 décembre 2011 par lequel les parents de la bailleresse consentaient à chacun de leurs trois enfants une donation de 1'500'000 fr., dont l'une des modalités d'exécution en faveur de la recourante consistait en la cession de la créance en paiement du solde du prix de vente par 217'906 fr. Pour la cour cantonale, si le donateur peut effectivement avoir déjà envisagé cet abandon de créance au moment de la conclusion du contrat de vente, rien n'indique en revanche que le prix de vente lui-même, incluant cette créance, aurait été fixé plus bas que le prix que le vendeur estimait pouvoir obtenir pour l'appartement litigieux, ce qui aurait impliqué un avantage de la bailleresse par rapport à ses frère et soeur, contraire à la volonté paternelle de traiter ses enfants sur un pied d'égalité.
L'autorité précédente n'est pas convaincue non plus par le témoignage du père de la bailleresse, selon lequel il avait "introduit la vente dans le cadre de la donation" pour des raisons fiscales. En effet, la donation ne ressort pas expressément de l'acte de vente, de sorte qu'il n'est pas possible de s'en prévaloir auprès de l'administration fiscale, d'autant plus que les cocontractants certifient dans l'acte que celui-ci indique l'intégralité du prix, non modifié par un autre arrangement quelconque.
L'acquittement des frais de l'acte de vente par le père ne permet pas non plus de retenir une intention de consentir une libéralité envers sa fille puisque l'acte stipulait que lesdits frais étaient à la charge du vendeur.
Enfin, même à retenir cette allégation comme établie, la fixation du prix de vente en dessous du prix du marché ne suffit pas à elle seule à démontrer l'existence d'une libéralité en faveur de la bailleresse.
4.2. Invoquant les art. 9 Cst., 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, la recourante se plaint d'un établissement incomplet et manifestement inexact des faits, qui aurait conduit la cour cantonale, en violation des art. 269, 269a et 270a CO , à ne pas examiner la condition de la disproportion entre la valeur réelle de l'appartement et le prix payé, d'une part, et à analyser de manière erronée la condition de l'
animus donandi du vendeur, d'autre part.
En premier lieu, la recourante reproche à la cour cantonale de ne pas avoir repris quatre faits pertinents ressortant du témoignage du père de la bailleresse, à savoir (1) la prise en charge des frais de notaire dans le but d'en faire donation à sa fille, (2) la manière dont le prix de vente a été fixé en partant du prix maximum accordé par l'office du logement (1'363'300 fr.) sous déduction de la part de bénéfice sur l'appartement (207'000 fr.) et sur les honoraires d'architecte (37'000 fr.), (3) le bénéfice du promoteur accepté par l'office du logement de l'ordre de 18 % et (4) l'intention constante du père de faire donation de l'appartement à sa fille. Par ailleurs, la Chambre des baux et loyers aurait apprécié arbitrairement les preuves en ne lisant pas l'acte de vente et le contrat de donation à la lumière du témoignage précité, pourtant essentiel puisqu'il s'agissait d'établir l'intention du vendeur/donateur. Au surplus, l'autorité précédente aurait omis de tenir compte du courrier du promoteur à l'administration fiscale du 10 février 2012, ainsi que d'un tableau indiquant que tous les appartements de la promotion ont été vendus aux prix autorisés par l'office du logement sauf ceux vendus aux deux filles du promoteur.
Pour la recourante, la cour cantonale aurait dû, sur la base d'une appréciation non arbitraire des preuves, retenir que le vendeur était conscient qu'il aurait pu obtenir sur le marché un prix plus élevé pour l'appartement litigieux, qu'il a renoncé à inclure dans le prix de vente ses bénéfices de promoteur et d'architecte ainsi que le montant des travaux à plus-value et qu'il a pris en charge les frais de notaire. C'est ainsi de manière insoutenable que la Chambre des baux et loyers n'aurait pas tenu pour établi l'
animus donandi du père de la bailleresse à l'occasion de la vente de l'appartement loué.
4.3.
4.3.1. La réelle intention d'une partie, soit ce qu'elle savait et voulait, relève du fait intime, à rechercher le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices (cf. ATF 145 III 1 consid. 3.3). Constituent des indices non seulement la teneur de la déclaration de volonté de la partie, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir sa volonté réelle, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier son comportement ultérieur établissant quelle était à l'époque sa conception (cf. ATF 144 III 93 consid. 5.2.2).
Selon l'arrêt attaqué, la bailleresse n'a pas prouvé une intention de donner de son père au moment de la vente de l'appartement litigieux, car rien n'indique que le prix a été fixé plus bas que le prix que le vendeur/promoteur estimait pouvoir en obtenir à ce moment-là. La cour cantonale n'a donc acquis aucune certitude sur la manière dont le promoteur et père de la bailleresse a fixé le prix de vente de l'appartement et du garage à 1'117'906 fr. Pour rechercher quelle était l'intention réelle du vendeur, elle a apprécié le témoignage de celui-ci ainsi que l'acte de vente lui-même et les faits postérieurs, à savoir le contrat de donation du 23 décembre 2011 et ses modalités d'exécution.
Les éléments apportés par la recourante ne font pas apparaître comme arbitraire l'appréciation des preuves à laquelle les juges genevois se sont livrés.
Tout d'abord, la valeur effective sur le marché de l'appartement litigieux à la date d'acquisition n'est pas établie. Présenté comme pertinent par la recourante, le fait que les autres appartements de l'immeuble (hormis un lot cédé à la soeur de la bailleresse) aient été vendus au prix accepté par l'office du logement ne signifie pas nécessairement que le promoteur, qui venait de faire face au désistement des promettants-acheteurs, aurait pu obtenir ce prix-là, qui est un maximum, pour l'appartement litigieux sur le marché en novembre 2010. Au surplus, la vente d'un autre appartement de l'immeuble à la soeur de la recourante et ses modalités ne figurent nulle part dans les faits constatés par la cour cantonale. Au demeurant, la différence entre le prix de vente convenu et le prix autorisé par l'office du logement ou le prix de la promesse de vente même augmenté des travaux à plus-value contestés est de l'ordre de 20 %, ce qui ne marque pas d'emblée une disproportion telle qu'elle ne pourrait s'expliquer que par l'
animus donandi du vendeur (cf. arrêt 5A_377/2018 précité consid. 3.6.1).
Par ailleurs, les juges genevois ont bel et bien tenu compte du témoignage du père de la bailleresse en lien avec la vente du 29 novembre 2010 et la donation du 23 décembre 2011, sans avoir à le retranscrire intégralement dans l'arrêt. A cet égard, il n'était en tout cas pas insoutenable de ne pas prendre pour argent comptant les explications du promoteur sur sa volonté réelle, en particulier lors de la fixation du prix de vente de l'appartement. En effet, le témoin, qui est le père d'une partie, s'est montré confus lors de son audition. Ainsi, lorsqu'il a affirmé avoir, sur conseil du notaire, "introduit la vente dans le cadre de la donation" afin de permettre à sa fille d'être taxée comme personne privée en cas de revente après donation, alors qu'aucune libéralité ne ressort de l'acte de vente, ce qui exclut de pouvoir se prévaloir de la donation auprès des autorités fiscales. Le témoin n'est pas plus clair lorsque, à la vue de l'acte de vente, il déclare que le montant total de la donation a bien été précisé pour lever tout doute, alors que ledit contrat n'indique manifestement que le prix de vente convenu.
La seule intention de donner clairement exprimée par le père de la bailleresse est celle ressortant du contrat du 23 décembre 2011 - plus d'une année après la donation mixte alléguée par la bailleresse - lequel stipule la donation de 1'500'000 fr. à chacun des trois enfants. Comme le donateur l'indique lui-même au fisc dans la lettre invoquée par la recourante elle-même, cette donation a été exécutée concomitamment envers la bailleresse par le versement de différentes sommes pour un total de 1'282'094 fr., ainsi que par la cession de la créance correspondant au solde du prix de vente par 217'906 fr. Par rapport à la vente de l'appartement litigieux, la donation de décembre 2011 a ainsi permis à l'acquéreuse de rembourser les deux prêts hypothécaires (900'000 fr.) et de ne pas verser le solde du prix de vente qu'elle devait encore à son père. Cet acte ne dit en revanche rien sur une intention du vendeur d'effectuer une libéralité une année plus tôt, lors de la fixation même du prix de vente, si ce n'est que le père envisageait peut-être déjà à l'époque de faire don à sa fille du montant de 217'906 fr. Et comme la recourante a reçu en décembre 2011 1'282'094 fr. en espèces en sus de l'abandon de créance, la donation de 1'500'000 fr. ne saurait en tout cas comporter une éventuelle libéralité consentie à l'occasion de la vente de l'appartement.
4.3.2. Il s'ensuit que, faute d'
animus donandi du vendeur, la Chambre des baux et loyer pouvait, dans son calcul de rendement, partir du prix d'achat figurant dans l'acte du 29 novembre 2010 sans y apporter de correctif.
Cela étant, dans le prix de revient à déterminer lors de la première étape du calcul de rendement, il y a non seulement le prix d'achat de la chose louée, mais également les coûts annexes d'acquisition comme les frais de notaire comprenant droits, émoluments, honoraires (HIGI/WILDISEN, Zürcher Kommentar, 5e éd. 2022, n° 178 ad art. 269 CO).
En l'espèce, c'est le vendeur, père de l'acquéreuse, qui a pris en charge ces frais et a permis à sa fille d'acquérir l'appartement litigieux. On peut donc y voir une donation et, partant, des fonds propres investis par la bailleresse. Rapportés à la proportion de l'appartement dans le prix de vente, les frais de notaire s'élèvent à 42'262 fr. (44'082 fr.60 x 95,87 %). Au taux de 3,25 %, le rendement annuel de ce montant est de 1'373 fr. 50. Sans tenir compte d'une éventuelle évaluation à la baisse en raison de la variation négative de l'ISPC entre les dates déterminantes, ce montant, ajouté au loyer annuel admissible calculé par la cour cantonale (40'251 fr. 95), aboutit à un loyer de 41'625 fr. 45, encore inférieur aux conclusions allouées aux locataires (41'769 fr.) par la cour cantonale.
Sous réserve de l'admission du grief de la recourante lié à la réévaluation des fonds propres, la non-prise en compte des frais de notaire dans les coûts d'investissement effectifs se révèle ainsi sans incidence sur le sort du recours.
5.
A lire le recours, la cour cantonale a violé le droit fédéral en réévaluant à la baisse les fonds propres investis en raison de la variation négative de l'ISPC entre décembre 2011, respectivement mars 2014, et novembre 2020, lorsque les locataires ont formulé la demande de réduction de loyer. La recourante fait valoir que l'art. 269a let. e CO ne mentionne que la compensation du renchérissement pour le capital exposé aux risques et que, dans la description des étapes du calcul de rendement selon la méthode absolue, la jurisprudence ne fait état que d'une réévaluation des fonds propres en fonction de la hausse de l'ISPC, afin de tenir compte du renchérissement.
5.1. L'art. 269a let. e CO dispose qu'un loyer qui compense le renchérissement pour le capital exposé aux risques n'est en règle générale pas abusif. Il s'agit là d'un critère relatif de fixation du loyer, qui entre en ligne de compte en cas d'augmentation de loyer (cf. art. 16 OBLF). La compensation du renchérissement intervient indirectement dans la fixation du loyer selon la méthode absolue, puisqu'il est admis que les fonds propres doivent être réévalués pour tenir compte du renchérissement entre le moment où ils ont été investis et celui de la notification de la hausse de loyer, respectivement de la résiliation pour motif économique, ou de la demande de diminution de loyer (arrêt 4A_239/2018 du 19 février 2019 consid. 5.2.2). L'idée est de compenser la perte du pouvoir d'achat du bailleur, d'où l'adaptation des fonds propres à l'augmentation du coût de la vie selon l'ISPC (cf. ATF 147 III 14 consid. 8.3). En cas de déflation durable, il y a toutefois un gain du pouvoir d'achat, de sorte qu'il apparaît conforme au droit fédéral de réévaluer les fonds propres investis également en fonction de l'évolution à la baisse de l'ISPC (HIGI/WILDISEN, op. cit., n° 191 ad art. 269 CO; LACHAT/STASTNY, Le bail à loyer, 2019, note de pied 92 p. 542; SPIRIG/WETTSTEIN, Nettorendite als Massstab der Missbräulichkeit, in mp 2017 p. 176). Le grief soulevé par la recourante se révèle mal fondé.
5.2. Aux dates déterminantes en l'espèce, l'ISPC (base décembre 2010 = 100) était de 98,2 points en novembre 2020 et de 99,3 points en décembre 2011, respectivement de 99,1 points en mars 2014. Vu les durées en jeu, c'est à bon droit que la cour cantonale a adapté les fonds propres investis par la bailleresse en fonction de l'évolution à la baisse de l'ISPC.
6.
Sur le vu de ce qui précède, l'admission de la demande de réduction de loyer et la fixation du loyer annuel à 41'769 fr. ne peuvent être que confirmées, ce qui conduit au rejet du recours de la bailleresse.
Par conséquent, la recourante prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens aux intimés ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 4 octobre 2024
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jametti
La Greffière : Godat Zimmermann